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Mes idées de livres à offrir pour Noël 2016 – Romans Jeunesse

noel-2Si il y a bien une catégorie qui arrive toujours à se renouveler et à être créative, c’est bien celle des romans pour la jeunesse ! Ceux que je vous propose ici sont de véritables coup de cœur. Vous aurez droit à : De la magie (sombre ou lumineuse selon le roman que vous choisissez), de l’aventure, et du suspense !

J’ai fait une petite entorse sur cette sélection en choisissant une série qui a été débutée en 2014 (et qui vient de se terminer début 2016), mais elle est d’une telle qualité qu’il ne faut vraiment pas que vous passiez à côté.

le-monde-des-ferals-1Le monde des Ferals – Jacob Grey – Pocket Jeunesse :

Saga jeunesse sombre et teintée de fantastique, Le monde des Ferals est assez original pour que l’on prenne le temps de parler de lui. En effet, rarement l’atmosphère d’un roman jeunesse est aussi bien travaillée, oscillant entre ténèbres et décadence dans une ville de style gothique.

Nous y suivons Crow, qui a l’étrange don de parler avec les corbeaux. Il vit seul, ses parents l’ayant abandonné il y a de cela de nombreuses années… Crow vivote en fouillant les poubelles et ne voit aucun avenir pour lui sinon celui de continuer ce qu’il a toujours fait : survivre. Mais le destin va en décider autrement, et c’est tout un pan de son passé qu’il découvrira en même temps qu’un univers où il est loin d’être le seul à parler aux animaux.

Premier tome d’une série qui en comportera trois, Le monde des Ferals est un très bon roman. Dense, riche, avec des personnages bien campés (y compris ceux qui ont le mauvais rôle), où les mondes se chevauchent. Les enfants dès l’âge de 11 ans passeront un excellent moment de lecture. Le second tome paraîtra en février 2017.

gardiens-des-cites-perdues-04Gardiens des Cités Perdues – Shannon Messenger – Lumen éditions :

Cette année 2016 a vu paraître le quatrième tome de la saga fantastique Gardiens des Cités Perdues. Pourquoi en parler alors que la série a été débutée il y a plus de 2 ans ?

Tout simplement parce que la qualité est toujours au rendez-vous, voir meilleure au fil des tomes. Pour tous ceux qui ont aimés les sagas fantastiques bourrées de magie comme A la croisée des mondes ou encore Harry Potter, cette saga en est le digne héritier !

Pour le moment, ce sont déjà quatre tomes de parus en France, et le cinquième arrive en février 2017. Dire que je l’attends avec impatience est un bel euphémisme… A découvrir dès l’âge de 11 ans.

Esther Mandragore 1Esther et Mandragore – Sophie Dieuaide et Marie-Pierre Oddoux – Talents Hauts :

Un nouveau duo aussi sympathique que drôle a vu le jour en 2016, il s’agit d’Esther et Mandragore, une série adaptée pour les 8/10 ans. Deux tomes sont parus cette année.

L’histoire est simple, mais menée efficacement : la jeune Esther a remporté à son école de magie le Prix de curiosité, et sa récompense est d’aller dans le monde des humains, notre monde ! De gaffes magiques en erreurs, la jeune Esther découvre notre univers avec ses coutumes étranges… de même que son chat Mandragore ! Son félin est pour moi le plus drôle du duo : toujours ronchon, capricieux, de mauvais poil, il y a toujours quelque chose qui ne va pas avec lui ! (la scène du coussin rose vaut le détour).

En bref, si vous recherchez une série jeunesse drôle, 100% française, maline et amusante, c’est ici que ça se passe !

La drôle d'expéditionLa drôle d’expédition – Séverine Vidal et Marion Puech – Sarbacane :

Après La drôle d’évasion avec les évadés d’Alcatraz, le jeune Zach revient cette fois-ci avec l’histoire du premier alunissage ! Pour découvrir cette aventure, pas de besoin absolu de lire la précédente, c’est à la convenance du lecteur.

A découvrir dès l’âge de 8 ou 9 ans, c’est frais, vivant, bourré d’humour et on apprend tout un tas de chose sur l’histoire de la conquête spatiale ! (Vous saurez par exemple d’où vient le nom de Buzz l’éclair dans Toy Story). On valide donc, pour les garçons OU pour les filles, peu importe, c’est super et puis c’est tout.

le-sultan-toufouLe sultan Toufou – Louis Thomas – Didier Jeunesse :

Bienvenue dans une histoire totalement barrée, un peu dans l’esprit des Contes des Milles et unes nuits, mais il s’agit d’une création contemporaine.

Le sultan Toufou porte très bien son nom, sa raison est en train de se faire la malle à force de frustration… En effet, à chaque fois que les dattes de son dattier son mûres, elles sont volées ! Il n’a jamais pu en goûter une seule… Il décide alors de faire garder son dattier par son fils ainé, mais ça ne marche pas, puis c’est son autre fils qui s’en charge, mais ça ne réussit pas non plus, puis son autre fils… etc.

A découvrir dès l’âge de 8 ans, ce court roman jeunesse est aussi drôle que réussit. Les chapitres sont courts, il y a encore pas mal d’illustrations pour rassurer le jeune lecteur, et chose rare, elles sont en couleur. Gros coup de cœur pour ce livre pour son originalité et son style d’écriture.

les-fausses-bonnes-questions-1Les fausses bonnes questions de Lemony Snicket – Lemony Snicket – Nathan :

Il est des romans ou des séries de livres qui sont parfois géniaux, mais que l’on a « raté » lors de leur parution. Et puis, quand on les découvre sur le tard, c’est LA REVELATION. C’est exactement le sentiment que j’ai eu quand j’ai découvert cette année la série Les fausses bonnes questions de Lemony Snicket.

Initialement parue en 2014, la saga vient de se clore en avril 2016. J’avais donc un peu de retard sur l’actualité, et mon seul regret sera de ne pas avoir lu ces livres plus tôt pour les conseiller aux jeunes lecteurs.

les-fausses-bonnes-questions-2Dans cette série en 4 tomes, tout ce qui fait un excellent roman pour la jeunesse est là : de l’action, un suspense maîtrisé jusqu’au dernier tome, des personnages originaux et mémorables, chacun à sa manière, un scénario bien ficelé… Et une ambiance absolument maîtrisée et unique.

Bienvenue à Salencre-sur-mer, autrefois célèbre et florissante pour son industrie de l’encre. Maintenant, la commune est presque désertée de ses habitants et de tout ce qui fait la vie d’une ville…

Nous y découvrons le jeune Lemony Snicket, fraichement recruté comme apprenti dans une mystérieuse organisation. Supervisé par la notoirement incompétente S. Théodora Markson, le jeune homme les-fausses-bonnes-questions-3va mener de front plusieurs enquêtes fort ardues. Statuettes dérobées, machinations, enlèvements, incendies criminels… Salencres-sur-mer recèle de très nombreux secrets. Il faudra quatre (excellents) tomes à Lemony Snicket pour en venir à bout !

Si vous ne devez retenir qu’un seul titre parmi cette sélection de coups de cœurs de l’année, prenez Les fausses bonnes questions de Lemony Snicket. Cette série est absolument géniale.

les-fausses-bonnes-questions-4Son atmosphère entre le roman noir et le récit d’aventure est menée de main de maître… L’écriture est extrêmement originale et distrayante à la fois, tout en sachant garder un part d’étrange, un dosage difficile mais extrêmement réussit ici.

On se plonge immédiatement dans l’ambiance délétère de la ville de Salencre-sur-mer et de ses très nombreux mystères. A faire découvrir dès l’âge de 11 ans.

Chronique : Le contrat Salinger

Le contrat SalingerUn roman noir délectable à découvrir absolument !

Bienvenue dans le monde d’Adam Langer, un auteur américain à l’écriture fascinante. Il s’agit de son second roman paru en France, et le premier aux éditions Super 8. Son ouvrage précédent s’intitulait Les voleurs de Manhattan et a été publié chez Gallmeister.

Adam Langer a déjà six romans à son actif, il est également dramaturge, et a été journaliste. Il vit à Chicago. Ne cherchez pas de scènes ensanglantées, car c’est avant tout une belle intrigue dans le monde noir et tortueux de l’édition à laquelle vous aurez droit.

Des auteurs en mal de lecteurs et de mystérieuses clauses à respecter…

Tout débute par l’histoire d’un écrivain au succès passé, Conner Joyce. Ses tournées promotionnelles ne font plus venir grand monde, ses ventes fléchissent d’années en années… Lui qui était l’un des auteurs les plus incontournables dans le domaine policier et devenu passé de mode…

Mais le jour où il va revoir Adam Langer (oui, c’est également le nom de l’auteur) va être l’occasion pour lui de conter l’histoire la plus incroyable de sa vie. Mieux qu’un polar, ce jeu de dupes grandeur nature va fasciner Langer, et l’impliquer bien plus qu’il ne l’aurait voulu dans cette histoire de fous…

Conner Joyce a signé un mystérieux contrat dont la première règle stipule qu’il ne doit en parler à personne : raté. L’une des autres conditions étant d’écrire un manuscrit destiné à une seule et unique personne. Les plus grands du monde littéraire ont accepté cet étrange contrat. Et quand des noms comme J.D. Salinger ou encore Harper Lee sont impliqués, impossible de ne pas vouloir connaître le mot de la fin.

Nuit blanche garantie

A peine commencé, aussitôt fasciné, c’est l’effet que nous ont fait les premières pages du Contrat Salinger. Et le pire, c’est qu’il est impossible de décrocher avec la fin. Tout s’enchaine et s’imbrique à la perfection. On est dans un pur et bon roman noir à l’ancienne avec ses secrets, ses rendez-vous louches avec des gardes du corps qui le sont tout autant…

Les travers du monde de l’édition vous y seront dévoilés dans leur plus simple appareil. Le bon… comme le beaucoup moins bon, avec ses effets de mode, sa cruauté, ses mises en concurrence, ses faux-semblants…

Pour les férus de littérature policière, les nombreuses références à des noms du genre vous plairons certainement : James Patterson, John Le Carré (La Maison Russie y est régulièrement cité), J.D Salinger, Truman Capote… Leur nom est teinté à chaque fois d’anecdotes que personne avant Langer ne pouvait connaître, et elles sont toutes captivantes.

Ici point de meurtre sanglant, mais des personnages à la psychologie efficace et redoutable (et attachante pour certains). Une histoire sur le fil qui nous pousse constamment à aller plus loin dans l’intrigue… jusqu’à ce que l’on se rende compte que c’est déjà la fin.  ….

….

Pour nous, il ne faut vraiment pas passer à côté de cette lecture. C’est une petite pépite avec un suspense fort et une intrigue captivante jusqu’à l’ultime page. Ce récit policier atypique nous entraine dans le monde des écrivains de romans noirs et leurs éditeurs… Mais surtout, il nous fait découvrir une effarante machination. Des romans aussi forts, on n’en crois pas tous les jours… alors voilà, nous sommes conquis.

Cette chronique a été rédigée pour le site ActuSF.

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Interview de Daph Nobody – Partie 2/3

Blood Bar 01Dans L’enfant nucléaire, Jiminy est un véritable prodige de la nature mais va très vite devenir instrumentalisé… n’est-ce pas le processus inverse que vous avez voulu créer dans Blood Bar ?

C’est vrai qu’AALIANA est littéralement « fabriquée »… pour servir les intérêts de l’État et du commerce de sang, tandis que JIMINY est « né prodige » et devient des années plus tard instrument du gouvernement et d’autres individus aux desseins exécrables.

En même temps, il y a un point commun entre les deux personnages, et qui rejoint une idée-maîtresse des deux romans ainsi que le regard que je porte sur le monde. AALIANA, tout comme JIMINY, sont des personnages innocents, au cœur pur, qui ne causent du mal que parce qu’ils y sont contraints par des gens ignobles, ou parce qu’ils agissent en réponse à des pulsions qui habitent toute espèce animale (l’instinct de survie, l’instinct de prédation…) et qui, même chez l’être humain, peuvent resurgir dans des situations extrêmes. On a bien vu ce que des soldats parviennent à perpétrer comme horreurs dans une guerre, alors que dans la vie de tous les jours ce sont des gens comme tout le monde.

Dans un contexte où peur et violence deviennent paroxystiques, l’humain peut se mettre à torturer, à violer des femmes ou même des hommes, à massacrer des enfants, sans aucun scrupule ou cas de conscience. Et lorsqu’il rentre au pays, si tant est qu’il n’est pas traumatisé par toute cette horreur qu’il a vécue, il retrouve sa femme et ses enfants et redevient un homme normal, un mari aimant et un père modèle. Ce fut flagrant lors de la Deuxième Guerre Mondiale, avec ces généraux allemands qui ont fui en Amérique du Sud et se sont reconstruit une vie normale avec un autre nom, comme si de rien n’était. Alors que certains avaient balancé des enfants parfois vivants dans les fours, en Amérique du Sud ils étaient connus pour être très gentils avec les enfants, par exemple. C’est fou, non ?…

Dans Blood Bar et L’Enfant Nucléaire, les deux protagonistes sont L'enfant nucléaire exprimeux aussi confrontés à des situations extrêmes, inhumaines, et leur animalité refait alors surface. Mais autant dans la relation entre Jiminy et Leia, que dans l’épilogue d’Aaliana, on trouve beaucoup de tendresse et de simplicité, et on découvre ces personnages dans leur état normal, qui est naturellement doux, amène, paisible. Pour en revenir à ce dont je parlais il y a un instant, ce point qui m’importait dans le regard que je porte sur le monde…

Quand on y pense, dans les deux romans, ce sont les personnages les plus innocents qui survivent et s’en sortent. Tous les autres meurent, ou sont anéantis. D’où l’importance des épilogues dans les deux romans, épilogues pour lesquels je me suis battu car au départ l’éditeur n’était pas convaincu, mais pour moi ils donnent tout leur sens aux romans. Si les romans s’étaient arrêtés avant l’épilogue, ils seraient toujours cohérents, mais leur sens profond serait très différent. Aaliana et Jiminy parviennent à se sauver tous les deux. Quand ce sont au final les deux plus belles personnes qui réchappent à la mort, on peut dire qu’il s’agit d’un happy ending.

Pourquoi autant de noirceur dans ce roman ? Qu’est-ce qui vous a poussé à créer une ambiance aussi glauque (et il faut l’avouer, fascinante) ?

En fait, j’ai écrit ce roman avec le plus de logique possible. Nous savons parfaitement que dans notre monde, lorsque     quelqu’un possède un talent, que ce soit une aptitude sportive, artistique, scientifique… on finit par l’exploiter à mauvais escient, à violer toute éthique pour faire de ce quelqu’un un « monstre ». Imaginez que quelqu’un ait le pouvoir de Jiminy… FORCÉMENT les gouvernements vont tenter de mettre la main dessus pour se débarrasser de déchets qu’ils ne parvenaient pas à éliminer depuis des plombes, FORCÉMENT des assassins vont s’en servir pour faire disparaître les corps de leurs victimes, FORCÉMENT quelqu’un va l’exploiter financièrement pour en faire un show hollywoodien. J’ai écrit ce roman en pensant « sois logique et imagine un personnage qui aurait un tel don dans un monde comme le nôtre au 21ème siècle ». Les scènes et les rebondissements sont venus tous seuls… En tout cas, dans un deuxième temps. En effet, pendant des années ce livre est resté dans un tiroir, parce que j’étais parti sur l’idée d’une success story, où Jiminy devenait une superstar à Hollywood, point barre. Mais après 150 pages, je me suis dit : et puis quoi ? Il devient une star, et qui en a quelque chose à foutre ??? Alors ce roman a été oublié dans un tiroir de mon bureau et de mon crâne… jusqu’à ce qu’un jour, après la publication de BLOOD BAR, je me dise : et si Jiminy ne devenait pas une star, mais tombait dans les mains de personnes mal-intentionnées comme on en rencontre tant en une vie sur Terre… Le reste s’est élaboré de manière très fluide, par simple logique. Sombre logique peut-être, mais simple logique quand même.

IW Enfant nucléaire 03Je crois aussi que ce qui assombrit terriblement le roman sont les parties qui traitent de politique. Là encore, je dirais qu’à mes yeux il est important qu’un roman reflète son époque.

Dans cette optique, il me paraissait difficile d’évoquer les États-Unis des années 2000 sans faire indirectement allusion à l’administration Bush et à toutes les horreurs, magouilles et escroqueries qui ont symbolisé ces deux mandats présidentiels occupés par un des pires êtres humains que la planète ait jamais connu. Je ne sais même pas comment ce type peut encore se regarder dans une glace.

Si aujourd’hui le monde vit dans la peur, la paranoïa, l’horreur, si on se fait tous fouiller dans les aéroports et les gares comme si on était tous des terroristes – moi ça me coupe l’envie de voyager –, si on est tous sur écoute, surveillés sur internet et fichés, c’est à cause de lui. Avec George W. Bush, un nouveau monde est né. Et ce monde-là est absolument immonde. Pour certains religieux, le monde d’aujourd’hui représente l’avènement de Satan sur Terre. Après, on en pense ce qu’on veut… Moi je me contenterai de dire que le monde d’aujourd’hui est en train d’exploser, de vivre ses derniers jours, et qu’à l’issue d’une troisième guerre mondiale plus redoutable et ravageuse que toutes les guerres que la Terre ait jamais connues, un nouveau monde se reconstruira, avec très peu de survivants mais beaucoup de paix et de raison. Le monde que nous connaissons aujourd’hui est infernal, et à ce titre George Bush est aussi « respectable » qu’Adolf Hitler. Il y a trop de fous et de salauds qui nous ont gouvernés en quelques milliers d’années…

IW Enfant nucléaireOn comprend rapidement que le nucléaire est pour vous un enjeu de taille à travers votre roman. Pouvez-vous nous expliquer votre position sur ce sujet ?

Elle est compliquée. Je pense que dès le départ on aurait dû envisager d’autres sources d’énergie que celle-là. On a le sentiment que, même si ça a occasionné énormément de recherche scientifique, le nucléaire était malgré tout la solution de facilité. En outre, à l’époque où tout ce système s’est mis en place, on n’avait pas un regard « ecolo » sur les choses, on gaspillait, on testait, c’était l’apogée de l’industrialisation, et on ne pensait pas aux conséquences de quoi que ce soit. D’où l’effet de serre accru, l’amiante, le bisphenol A, le silicone cancérigène…

Aujourd’hui, c’est un peu difficile de dire : très bien, on boucle toutes les centrales nucléaires du monde demain matin au petit déjeuner ! Force est d’admettre que la demande en énergie au 21ème siècle est colossale, et que sans le nucléaire pour l’instant, on ne peut pas fournir en électricité tous les foyers des pays industrialisés. Rien qu’une ville comme Las Vegas consomme une énergie faramineuse, peut-être autant que la Belgique tout entière. Alors, dans l’absolu, contre le nucléaire, OUI. Mais ça ne peut pas se faire du jour au lendemain. Le mieux était de ne jamais se lancer dans le nucléaire… et surtout pour fabriquer des bombes ! Rien que les bombes que l’on a fait exploser à titre de test, que ce soit pour le compte de la France, des États-Unis ou de la Russie, ont causé des dégâts que la nature mettra des siècles à réparer. Et je ne parle même pas d’Hiroshima et de Nagasaki, qui ne sont que la partie visible de l’iceberg…

Il faut savoir aussi que le nucléaire a une place importante dans le milieu de la médecine. Que faire des déchets nucléaires émanant quotidiennement des hôpitaux ? Ce sont, quantitativement parlant, les déchets les plus lourds à porter. Supprimer du jour au lendemain les radios, les scanners, tout ce qui implique des substances radioactives ? Ces dernières années, on a supprimé les thermomètres à mercure pour les remplacer par des thermomètres électroniques, ce qui est une première mesure pour éviter des déchets radioactifs… mais minime et risible par rapport aux quantités de déchets radioactifs qui s’entassent un peu partout chaque jour qui passe. C’est mieux que rien, mais on est loin du compte.

IW Enfant nucléaire 02Vu la conjoncture technologique actuelle, il faudra plusieurs décennies pour remplacer le nucléaire par d’autres sources d’énergie. D’autant plus que le lobby du nucléaire fait pression pour qu’on conserve les centrales nucléaires, parce que c’est une affaire qui rapporte des milliards.

Même Fukushima n’y a rien fait. L’Allemagne a cependant entamé sa sortie du nucléaire, mais elle-même qui ouvre le bal ne prévoit cette sortie que pour 2022, et au coût de plusieurs centaines de milliards. C’est donc un investissement de poids. Et comme on le sait, on préfère investir dans l’armement, la guerre, que dans les choses positives ou humanitaires. Parce que le mal est plus rentable que le bien, et cela ce n’est pas de la négativité de ma part, mais une réalité incontestable. Sans doute parce que le mal est plus spectaculaire, et le bien plus discret. Quand on me dit que je suis sombre, je réponds que le monde est bien plus sombre que moi ; après tout, moi je n’ai jamais volé, violé, tué, massacré, empoisonné qui que ce soit. Décrire une réalité sombre et être une réalité sombre, ce n’est pas pareil. Comme je le répète souvent, il ne faut pas confondre le regardant et le regardé. Si je décris le plus terrible accident de voiture dans les moindres détails, ce n’est pas ma description qui est horrible et qui a tué des usagers de la route, c’est l’accident lui-même.

Mais je m’égare. C’est un défaut d’écrivain, je suppose.

Donc, pour revenir à la question… Le problème est qu’il est trop tard pour faire marche arrière en un claquement de doigts. On peut faire marche arrière, mais ça prendra du temps. À moins que nous acceptions tous de renoncer à notre confort technologique, à n’allumer nos lampes, ordinateurs, télévisions, qu’une heure par jour voire deux jours par semaine. Mais accepterions-nous ce régime-là ? Parce que dès qu’on a une panne de courant d’une heure, tout le monde râle déjà. Alors, il faut être cohérent… On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Nous sommes tous prisonniers de notre confort matériel et technologique, et beaucoup sont prêts à changer les choses à condition que ça n’affecte pas d’un poil leur mode de vie. Ce qui est pratiquement impossible, comme nous le savons. Sans quelques petits sacrifices, on ne résout rien.

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Interview de Daph Nobody – Partie 1/3

Daph NobodyPourriez-vous nous raconter votre parcours ? Comment en êtes-vous venu à devenir auteur ?

Je crois que je suis devenu auteur par solitude. J’ai été très coupé du monde dans mon enfance, et l’écriture a été un moyen de communication qui remplaçait les échanges oraux, physiques… bien qu’il ait fallu des années pour avoir des lecteurs et donc pour que cela devienne de la communication à proprement parler. Ma première lectrice fut ma mère. Elle doit d’ailleurs être la seule à saisir tout ce que je raconte en filigrane dans mes livres, parce qu’elle a avisé mes souffrances de près. Donc, je pourrais dire aussi que je suis devenu écrivain par souffrance. Ou parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire, vu que lorsqu’on grandit dans une famille sans le sou, il n’y a pas beaucoup d’activités accessibles. La Belgique a une grande tradition du livre d’occasion, et acheter des livres était plus ou moins le seul « artifice » que nous pouvions nous permettre. Quand j’étais gosse, un magazine pour enfants s’achetait l’équivalent de 10 cents, une bande dessinée 1 à 2 euros, un livre de poche 50 cents. À ce prix-là, on pouvait se permettre d’aller une fois par mois faire des achats. Mais c’était tout. Pas de télévision, pas de vacances, pas de cinéma (en dehors des sorties scolaires, je crois n’avoir pas été plus de cinq fois au cinéma entre mes 6 et 12 ans), rien de ce qui coûtait plus de 5-6 euros.

Danse macabreAlors, bien sûr, on ne devient pas écrivain juste parce qu’on est seul et qu’on souffre. Il y a des lectures qui vous marquent, et qui, dans un contexte favorable à ce type de discipline, permettent de définir la tendance stylistique et de genre d’un futur auteur. Je crois qu’on ne peut devenir écrivain que si on découvre au préalable des auteurs qui s’inscrivent comme une révélation – pour ne pas dire une révolution – dans votre vie et dans votre mode de pensée. J’écris depuis l’âge de sept ans, mais à cet âge-là, il n’y avait pas encore d’écrivain qui m’avait frappé, qui avait bouleversé ma vision des choses.

Ce n’est qu’à l’âge de douze ans que j’ai découvert la littérature d’épouvante, et que j’ai compris dans quel genre littéraire j’allais travailler. Si je n’avais pas découvert ces livres qui m’ont tant fasciné (Danse Macabre de Stephen King, Ghost Story de Peter Straub, Livres de Sang de Clive Barker, Les Enfants du Rasoir de Joe R. Lansdale, L’Heure des Chauves-Souris de Leigh Nichols…), je ne me serais peut-être pas mis à écrire en vue d’être publié. Ghost StoryÀ côté de ces auteurs dits de « genre », j’aime aussi Boris Vian, Marguerite Duras, Catherine Breillat, Hervé Bazin… mais même si je passe un agréablement moment avec un de leurs romans dans les mains, je ne peux pas dire que ce soient eux qui m’aient donné l’envie d’écrire. Ils ont été des plaisirs isolés, mais pas une stimulation. Ils me sont d’ailleurs très exotiques, tant par la forme que par le fond. Alors que lorsque je lis un roman d’épouvante anglo-saxon, ça me parle, je m’y retrouve complètement, il pense ce que je pense. Maintenant, à la question de savoir pourquoi je suis attiré par cette littérature très spécifique, je n’ai pas d’autre réponse que « parce que c’est comme ça ». Il faut de tout pour faire un monde. Certains naissent avec la vocation de juriste, d’autres avec celle de danseur, d’autres encore avec celle de vétérinaire. Eh bien, il faut croire qu’il y a des gens qui naissent avec la vocation d’écrire des romans fantastiques ou à suspense. Je crois qu’il y a des questions qu’il ne faut pas trop se poser, parce qu’elles font perdre plus de temps qu’autre chose.

Livre de sang 01Tout psychanalyser est une erreLivre de sang ancienne éditionur. L’important, c’est de créer, quelle que soit notre nature, quels que soient nos goûts et nos aspirations. Tout ce que je peux dire, c’est que cette littérature me parle parce qu’elle présente une grande intensité psychologique, qu’elle creuse dans l’âme humaine pour en dénuder les strates les plus obscures et pour tenter d’expliquer les accès de brutalité difficilement compréhensibles d’un point de vue logique et rationnel, sauf si on part du postulat que l’homme est un animal féroce à l’instar de l’alligator ou du requin. J’ai toujours essayé de comprendre l’être humain dans son penchant pour faire le mal, dans son plaisir de faire la guerre, d’envahir, de conquérir, de détruire, et cette littérature-là est celle qui m’apporte le plus de réponses sur le problème des « pulsions » et de l’existence potentielle d’une entité maléfique que certains appellent « Satan » et d’autres la « folie » sous toutes ses déclinaisons psychiatriques. J’essaye de comprendre pourquoi on trouve autant de cruauté dans notre monde, mais plus je cherche, moins je trouve. L’espèce humaine est à mes yeux la plus grande énigme de l’Histoire universelle. Ça peut paraître bizarre, mais j’ai le sentiment de mieux saisir Dieu que je ne saisis l’être humain… J’ai récemment vécu une histoire assez terrible avec une secte jéhoviste-sataniste à Lyon, et cette mésaventure à la perversité insoutenable m’a profondément affecté. J’en arrive à me demander si parce que je m’intéresse aux côtés obscurs de l’être humain, cette Intelligence à la source de la vie ne me propulse pas sur des sentiers qui mènent aux gens les plus ténébreux qui soient en ce monde… Je ne crois pas au hasard. Il n’y a pas de hasard. Comme l’a si bien dit je-ne-sais-plus-quel auteur : « Le hasard est la seule manière que Dieu a trouvée pour agir en toute discrétion »…

Les enfants du rasoirLes enfants du rasoir ancienne éditionJ’espère ne pas m’être trop égaré de la question de départ… Pour résumer ce dernier point : est-ce parce que j’écris des choses assez sombres que ma vie est sombre ? Ou est-ce parce que ma vie est sombre depuis ma petite enfance que j’écris des choses relativement sombres ? Le fait est qu’il y a toujours eu beaucoup de ténèbres dans ma vie, et que je ne peux pas en faire abstraction. De la même manière, on ne peut pas ignorer le fait d’avoir un pied bot, même si ça n’empêche pas de marcher ou de construire une maison. C’est quelque chose qu’on traîne avec soi du jour où l’on naît à celui où on part pour le Grand Voyage Intersidéral. La vie, c’est apprendre à apprivoiser ses handicaps et les injustices du destin.

Mon parcours a été un peu désordonné. Parce que ma jeunesse avait été difficile, et que j’avais été fortement défavorisé par rapport aux autres autour de moi, j’avais perdu toute confiance en moi. J’avais donc fait une croix sur des études supérieures, me disant que de toute façon j’allais échouer. S’en sont suivies des années très difficiles psychologiquement, où je ne trouvais pas ma place et où je sombrais, même si j’écrivais énormément, beaucoup plus qu’aujourd’hui. Et puis, poussé par un employé de l’Office National de l’Emploi à Bruxelles, à 25 ans j’ai entamé des études à la Faculté de Lettres, que j’ai réussies haut-la-main, et ces années universitaires ont complètement changé ma vie. C’est là que toute ma vie actuelle s’est mise en place. Pendant mes études, j’ai commencé à publier des livres, à travailler pour des maisons de production de films, à faire du théâtre… C’est entre 2000 et 2004 que tout s’est joué pour moi. Depuis, je n’ai jamais arrêté de travailler dans les domaines de la littérature, du cinéma et du théâtre… trois déclinaisons qui se complètement bien, je trouve.

 

L'enfant nucléaireLe pica est une maladie fort méconnue, comment en êtes-vous venu à la découvrir ?

Il y a des choses que j’ai découvertes par de curieux biais. A mes 20 ans, sentant que mes connaissances dans la langue française étaient assez pauvres, je me suis mis à lire le dictionnaire de A à Z. De cette manière, j’ai découvert des mots que je n’avais jamais entendus. Je les mémorisais, les classais dans un dictionnaire d’analogies que je me constituais au fil de cette lecture, afin de pouvoir retrouver des mots rares assez facilement. C’est ainsi que j’ai découvert les mots PICA et MORFAL. J’aimais la résonance de ces mots ; je suis très sensible aux sonorités. Et lorsque j’ai appris leur signification, je les ai associés, et ça a donné PICA MORFAL BOY. J’aimais ce titre, parce que ça donnait un aspect comic book américain, presque superhéros. D’une certaine manière, Jiminy est plus qu’un antihéros, c’est un antisuperhéros ou un superantihéros. Oui, c’est donc par le truchement d’un dictionnaire que j’ai découvert cette maladie. C’est amusant, non ? J’ai commencé à écrire ce roman il y a 17 ans sur base de ce titre, de cette association de mots. Les mots sont puissants. Un seul mot peut vous inspirer une saga tout entière. C’est le cas de Blood Bar, dont je suis en train d’écrire la suite.

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Chronique : Crimes et jeans slims

Crimes et jeans slimsUne tuerie littéraire mordante, drôle, captivante.

Luc Blanvillain est un auteur français et Crimes et jean slim est son premier roman jeunesse. Il  maintenant quatre ouvrages à son actif, le dernier étant Un amour de geek paru aux éditions Plon Jeunesse en octobre et dont nous reparlerons plus tard.

Crime est jean slim est édité aux éditions Quespire, un petit éditeur encore très méconnu du grand public mais qui se fait une place petit à petit avec des choix éditoriaux originaux que ce soit au niveau du contenu ou du format de ses livres – ils sont tous carrés et de treize centimètres sur treize.

Adélaïde, une intello en planque chez les fashion victims

Adélaïde a un sérieux problème : outre son prénom pas facile à porter, elle est aussi une jeune fille très intelligente. Sauf qu’il ne fait pas bon d’être une jeune fille douée à l’école si l’on veut avoir des amies et être un minimum fréquentable. Et pour parer à ce problème de poids, Adélaïde n’a pas trouvé mieux que de se déguiser à l’image de ses ennemies : en pouf. Et c’est même la reine de la petite communauté dans l’établissement.

Jean moulant, bottines assorties, un look au top, quoi. Mais la tenue vestimentaire ne suffit pas à faire illusion, il faut aussi avoir le comportement adéquat. Ainsi la jeune fille adopte-t-elle le comportement détestable qui sied et maintient son niveau scolaire dans la moyenne : ni trop bon, ni trop juste.

Les parents de la jeune fille ainsi que son petit frère ignorent tout de sa double personnalité, cette dernière se changeant en cachette chez sa grand-mère. Mais les événements vont mettre en danger « la couverture » d’Adé mais aussi sa vie… car un sérial-killer a décidé de s’en prendre à toutes ces filles superficielles et cruelles…

Parallèlement à l’enquête, Rodrigue le frère d’Adélaïde mène la sienne. Fasciné par les éléphants depuis la mort de son grand-père écrasé par l’un d’eux, il ingurgite une masse d’impressionnante d’ouvrages pour élucider un mystère de sa disparition. L’éléphant en question est entré dans une rage noire en voyant son grand-père, puis est retourné à ses occupations après l’avoir écrasé…un vrai mystère.

Un roman génial qui se dévore…

Outre l’intrigue fort bien pensée, c’est la plume de Luc Blanvillain qui fait mouche. Drôle, cynique, mordant, le style y est pour beaucoup dans la qualité indiscutable de l’ouvrage.On se retrouve plongés dans l’enquête avec la même angoisse et curiosité que les élèves, on devine, on soupçonne, on a peur pour Adélaïde…

La mise en scène du roman est telle que même les lecteurs adultes prendront plaisir à lire cet ouvrage destiné à la base à la jeunesse (dès 13 ans). Le récit est écris d’un point de vue extérieur, mais quelques chapitres font exception et sont écrits par l’énigmatique tueur lui-même, ouvrant la porte à de nombreuses théories, et mettant le doute sur son identité.

En conclusion, n’hésitez pas une seconde à vous procurer Crimes et jeans slim, c’est une petite perle en littérature jeunesse. Les jeunes comme les adultes sortirons ravis de cette lecture.

C’est drôle, angoissant, impliquant le lecteur dans toutes les étapes de l’intrigue. Cet ouvrage coûte neuf euros, et franchement ça n’est pas cher payé pour un ouvrage de cette qualité. D’autant plus que nous sommes dans une période où la littérature jeunesse connaît une surproduction générale et où l’on ne croise pas forcément que des ouvrages de qualité.