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Chronique : Pachinko

Un roman-fleuve qui nous conte l’histoire de coréens forcés de quitter leur patrie pour le Japon dans les années années 20. Un pan fascinant et totalement méconnu de l’histoire.

Premier roman de l’autrice coréano-américaine Min Jen Lee à paraître en France, Pachinko est publié par Charleston en début d’année 2021.
L’ouvrage a connu un très beau succès et a même été finaliste du National Book Award en 2017. Pachinko est traduit dans 25 langues et est en cours d’adaptation pour le cinéma.

Bienvenue dans un petit village de Corée…

La vie est difficile pour beaucoup de gens en Corée dans les années 20. La jeune Sunja et sa famille ne font pas exception, et tous les membres de sa famille redoublent d’ardeur pour s’en sortir au mieux.
Tout est à l’économie, à l’examen de la moindre dépense qui pourrait faire basculer dans le cercle de l’endettement le ménage modeste. Mais tout va basculer pour Sunja le jour où elle va s’éprendre d’un riche japonais faisant des escales régulières en Corée. Elle découvre quelque temps plus tard qu’elle est enceinte… Et comme dans toute culture à cette époque, être enceinte et sans mari est plus que mal vu, c’est jeter l’oprobe tout entière sur sa famille.

C’est ainsi que la vie de Sunja et de toute sa descendance jusqu’à la fin des années 80 va nous être contée.

Un pavé passionnant

Ouvrir Pachinko, c’est découvrir tant de choses que je ne pourrais pas toutes vous les mentionner. Mais une chose est certaine, ça se dévore. Le cheminement personnel et familial de Sunja et de tous ses descendants est passionnant. Et en filigrane, l’histoire de la Corée et du Japon, deux pays aux relations très complexes.

L’ouvrage fait six-cent pages, et pourtant on ne les voit pas défiler. Ainsi, ce sont plus de soixante ans d’histoire qui nous sont offert au travers de tranches de vies.

Certains membres de la famille de Sunja sont plus charismatiques que d’autres, je pense notamment aux enfants de cette dernière : Noa et Mozasu. Leur parcours de vie va être incroyable et vous captivera comme rarement. Entre Noa qui adore les livres et qui ne pourrait vivre que de lecture et d’eau fraîche et son frère Mozasu qui ne sait pas pour quoi il est fait mais use parfois trop de ses muscles, ce n’est pas évident.
Tous deux sont extrêmement attachants à leur façon… je les ai vraiment aimé. J’ai été heureuse et triste avec eux dans toutes les phases importantes de leur vie, et plus encore !

Découvrir cette vie d’une famille coréenne installée au Japon, c’est également ouvrir les yeux sur l’énorme tension qui réside au Japon entre les deux peuples. Les coréens installés au pays du soleil levant doivent montrer patte blanche de quantité de façons différentes.
Et même si un enfant est né au Japon de parents coréens, il n’est pas reconnu par l’État et reste apatride.
Ni coréen car n’ayant jamais vu ni connu son pays d’origine, ni japonais alors qu’il parle la langue comme n’importe autre enfant, le cas de Noa et Mozasu concerne des milliers d’enfants. Perdus entre deux cultures, se considérant comme japonais mais non reconnus comme tels par le pays qui les a vu naître. Cette fracture va créer de nombreuses blessures visibles encore des décennies plus tard…

Et ce sujet des enfants ballotés entre deux cultures n’est pas le seul objet de ce roman, il y a quantité d’autres bouts d’Histoire et phénomènes de sociétés qui sont recensés dans Pachinko. D’ailleurs, pourquoi un tel titre pour ce livre ? Le pachinko est un type de machine à sous très prisé au Japon. Travailler dans un pachinko est mal vu au Japon (en tout cas à l’époque où se déroule le roman entre les années 60/80) et ce sont au final souvent des coréens qui travaillent dans ce milieu.
Et là encore il y a beaucoup à dire sur l’image qu’à le Japon de ses enfants nés d’expatriés sur son propre sol…

Vous l’aurez compris, ce roman fut pour moi une belle et poignante découverte. Ses personnages sont empreints d’un réalisme tel qu’ils existent au travers des pages…

Empli d’émotion et terriblement passionnant, Pachinko est un bout d’Histoire à découvrir avec curiosité et exaltation !

Chronique Jeunesse : De l’autre côté du pont

Un roman jeunesse qui nous vient d’Inde pour découvrir le quotidien difficile de certains enfants et leur combativité pour s’en sortir. Un ouvrage issu de la collecte de nombreux témoignages d’enfants par l’autrice.

Padma Venkatraman est une écrivaine indienne, De l’autre côté du pont est son premier roman paru en France. L’ouvrage est paru en 2020 à l’école des Loisirs, et la magnifique couverture est réalisée par Jennifer Bricking. Quant à la traduction française, elle est assurée par Amandine Chambaron-Maillard.

Une fuite en avant pour éviter les coups

Viji et sa petite sœur Rukku vivent en Inde, dans un petit appartement avec leurs deux parents. Problème, leur père est une personne très violente, tout particulièrement sur leur mère. Cette dernière le laisse revenir à chaque fois et se laisse avoir par son charme… et les coups pleuvent à nouveau quelque temps plus tard.

C’est ainsi que Viji vit dans la peur que la violence de leur père ne s’abatte bientôt sur elles et décide donc de prendre les devants. Elle fait une valise pour elle et sa petite sœur Rukku et fuient le domicile familial. Et leur village de toujours.

Voici donc les deux jeunes filles à la merci du destin et de ses dangers… Viji devra être prudente et s’adresser aux bonnes personnes pour survivre. En effet, beaucoup de personnes malintentionnées sont attirées par la solitude des deux fillettes…

Un récit prenant et original qui nous ancre dans une réalité méconnue

Rares sont les romans jeunesse à nous faire plonger dans une histoire contemporaine réaliste sans fard. En effet, De l’autre côté du pont conte et raconte, mais il dénonce également.

Il dénonce le travail des enfants qui font office de chiffonniers pour à peine pouvoir se payer à manger. Il parle des nombreux enfants enlevés pour être réduits en esclavage moderne dans des usines. Il parle d’adultes prêts à tout pour capturer des enfants pour des buts certainement encore moins avouables… L’histoire ne le dit pas explicitement, mais avec un œil adulte on comprend malheureusement de quoi il retourne.

J’ai beaucoup aimé cette histoire, notamment pour deux choses importantes à mes yeux : la belle amitié entre les quatre enfants de ce roman. Une amitié si forte qu’elle les transforme en frères et sœurs de sang quand l’adversité voudra les séparer.

Le second socle du roman, c’est le personnage emblématique de Rukku, la petite sœur que Viji veut protéger quel qu’en soit le prix. Car ce n’est jamais dit explicitement, mais Rukku a un handicap. On ne sait pas lequel, mais ce n’est pas le plus important. Ce qui l’est en revanche, c’est la transformation de la petite fille face à ses nouvelles amitiés. Le gommage de son handicap face un tout nouveau quotidien fait d’aventures, de dangers et de colliers de perles à vendre.

Et chose vraiment intéressante, l’autrice s’est servi de très nombreux témoignages et récits d’enfants pour son roman. Rien n’a été déformé, tout lui a été inspiré directement de leurs vies, c’est à la fois bluffant et terrible.

Je ne sais pas si ce livre fera date dans le monde de l’édition jeunesse, mais il a éveillé quelque chose en moi. J’ai eu envie de découvrir plus amplement la littérature jeunesse indienne (peu fournie chez nous, mais à creuser). Et si elle est ancrée dans l’actualité, même difficile, c’est encore mieux.

Ainsi, De l’autre côté du pont est un beau (parfois terrible) roman à découvrir dès l’âge de 12 ans environ.

Chronique : Les meurtres de Molly Southbourne

Une novella glaçante et géniale dans le plus pur style du roman d’horreur fantastique

Paru aux éditions Le Bélial’, Les meurtres de Molly Southbourne est une novella (ou court roman) de Tade Thompson. Ce court texte est parfait pour découvrir le style incisif et mémorable de son auteur…

Qui est Tade Thompson ? C’est avant tout l’auteur de la trilogie de SF Rosewater parue chez J’ai Lu dans la collection Nouveaux Millénaires. Outre son travail d’écrivain, il exerce en tant que psychiatre, dans le sud de l’Angleterre.

Ne jamais saigner sous peine de tout perdre

Très jeune déjà, Molly comprend qu’elle ne doit jamais saigner. Jamais.

Si elle saigne quand même, que ce soit d’une coupure, ou une éraflure même superficielle, elle doit mettre une compresse puis la brûler. Et vérifier que tout part en cendres. Sinon… le pire peut survenir pour elle et sa famille…

 Aussi étrange que génial

Cela faisait très longtemps que je n’avais pas eu le plaisir de lire un roman de pure veine fantastique/horreur/science-fiction qui soit aussi génial.

Simple, immédiatement compréhensible bien que très mystérieux, on suit la vie millimétrée de la jeune Molly. Impossible pour elle de déroger à ces étranges règles, même dans un esprit de rébellion… les conséquences sont si terribles que c’en devient impossible.

La narration est nette, tranchée, chirurgicale. Elle m’a fait pensé à du Richard Matheson, que j’adore. Tade Thompson ne s’embarrasse pas de style, ce qui rend le texte encore plus nerveux. Et c’est ainsi qu’en très peu de pages, on se lance dans l’histoire un peu folle mais géniale de Molly Southbourne.

Je ne vous développerais pas plus l’intrigue pour des raisons évidentes. Mais c’est incroyable tout ce que l’auteur a réussit à développer en aussi peu de pages (à peine 100). Un univers d’anticipation alternatif où l’indice de fécondité est tombé au-dessous de 0.5 enfant par femme. En cent pages, il réussit également à nous conter toute l’enfance et une partie de la vie d’adulte de Molly.

Et en plus de tout cela, il réussit à y ajouter une intrigue plus vaste qui dépasse l’existence seule de Molly… c’est une réussite totale.

Si vous êtes à la recherche d’une pépite de l’imaginaire, la voici. Un roman coup de poing qui se lit d’une traite. Une histoire menée à la perfection… et un personnage fascinant. La recette fonctionne.

A tel point que cette histoire va être adaptée au cinéma, et qu’un deuxième tome sort très bientôt (annoncé pour mai, si le Covid-19 le permet) en librairie : La survie de Molly Southbourne. Une chose est certaine, ça va être explosif.

PS : Petit bonus sympathique, à la fin de l’ouvrage vous trouverez une interview très intéressante de Tade Thompson. Elle permet d’en apprendre plus sur la démarche de l’auteur et son œuvre au sens large.

La magnifique couverture de ce second opus des aventures de Molly. Signée comme toujours Aurélien Police.

Chronique : Scott est mort

Une glaciologue et son équipe sont en Antarctique, planchant sur le travail de toute une vie, mais une tempête approche et les empêche de forer… l’occasion de repenser au passé, de se souvenirs de ce que l’on a mal fait, même si il est trop tard pour réparer car… Scott est mort. 

D’origine allemande, Anne von Canal est une autrice peu connue en France. Avec Scott est mort, il s’agit de son second ouvrage. Auparavant, elle avait sorti le roman Ni terre ni mer, également aux éditions Slatkine & Cie.

Une tempête se prépare…

Hanna, glaciologue de son état, est avec une équipe très réduite pour réaliser la consécration d’un travail de toute une vie pour elle et ses collègues. La tension est palpable, et chacun a tout intérêt à ne pas faire de vagues… car 24h/24 avec des collègues est un exercice difficile. Surtout quand les conditions climatiques sont extrêmes…

C’est dans ce climat glacial et ce lieu hostile à l’homme qu’Hanna apprend une terrible nouvelle : Scott est mort. Qui était Scott ? Un amour perdu ? Non. Une amie très chère à Hanna… Sa mort va faire ressurgir en elle de nombreux souvenirs d’enfance et d’adolescence avec en fil rouge leur but commun : explorer ensemble l’Antarctique comme Roald Amundsen et Robert Falcon Scott en leur temps…

Une ode à l’enfance et l’innocence perdue

Bien que déstabilisant par moments, Scott est mort est un texte qui a su me plaire, sinon me toucher. En effet, Hanna est une femme de caractère, qui s’est battue des décennies entières pour en arriver à cette mission de forage… mais elle n’a pas réussit à atteindre son rêve avec sa meilleure amie Fido, surnommée Scott. Ce nom de Scott lui a été donné suite à leurs jeux où elles se refaisaient encore et encore les plus grands moment de la conquête de l’Antarctique par l’homme. Hanna faisait Amundsen, et Fido, Scott. Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire de ces grands explorateurs du début du XXème siècle, je vous propose de vous reporter sur wikipédia (nombreux liens en fin d’article). Mais pour faire bref, dans la course au Pôle Sud, Amundsen a gagné… mais Scott est mort sur le chemin du retour avec toute son équipe. Ainsi, apprendre pour Hanna cette mort prématurée d’une amie a quelque chose de particulier quand on connaît son surnom et tout le sens qu’il y a derrière…

C’est ainsi que l’on vogue entre les différents forages de la calotte glaciaire et les très nombreux souvenirs d’enfance d’Hanna. Parfois, c’est un peu brouillon et on mélange les différentes époques des souvenirs, mais rien d’insurmontable.

Le seul point un peu noir de ce roman, c’est qu’il laisse un vrai goût d’inachevé, à l’image de la relation étrange qu’on eue Hanna et Fido. Cela est très certainement voulu de la part de l’autrice, nous n’avons pas toutes les réponses sur Fido et pourquoi elle a coupé les ponts aussi abruptement avec Hanna. Mais j’aurais aimé en savoir un peu plus, avoir au moins un début d’explication.

Plus que pour son intrigue, c’est avant tout pour son ambiance qu’il faut lire Scott est mort. J’aurais d’ailleurs apprécié qu’il y ait plus de développement sur le travail d’Hanna et de son équipe. On voit très bien que le décor est posé, on s’imagine tout de suite là-bas, mais on apprend très peu sur leur travail et les enjeux qui vont avec.

Voici donc un roman agréable à lire bien que parfois nébuleux. Vous aurez une histoire simple (un peu trop ?), fluide, qui a le mérite de se dérouler dans un cadre original. Sympathique même si peu mémorable…

Pour aller plus loin :

EDITEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Salina

Le grand retour de Laurent Gaudé dans le roman initiatique. Dans une Afrique fantasmée qui ressemble à l’univers de La mort du Roi Tsongor

Laurent Gaudé est un auteur français à l’œuvre très prolifique. Il écrit aussi bien des romans, que de la poésie ou du théâtre. D’ailleurs, Salina était une pièce de théâtre écrite en 2003 avant de devenir un roman en 2018. Et il est magistral.

Par ailleurs, vous connaissez certainement un des ouvrages de Laurent Gaudé : Le soleil des Scorta, Eldorado, ou encore Ouragan et mon préféré par-dessus tout : La mort du roi Tsongor (qui pour moi se déroule dans le même univers que Saline, ou un très ressemblant).

Un fils en quête d’un lieu de sépulture pour sa défunte mère…

Salina est morte. Elle était exilée, oubliée de tous ou haïe, sauf d’une personne : son seul et unique fils. Elle lui a tout appris, à survivre dans le désert, à s’y repérer… Maintenant qu’elle n’est plus là, il est de son devoir de trouver un lieu de repos digne de celle qu’a été sa mère. Une femme rebelle et indépendante qui aura bravé les conventions par amour, et qui n’a rien eu en retour… ou presque.

Un texte court et mémorable

Salina a beau ne faire que cent-cinquante pages à peine, cela est bien suffisant pour s’imprégner de l’ambiance particulière de ce texte. A la fois mythe, roman d’amour, légende, quête initiatique, récit… Salina est extraordinaire. Dans beaucoup de moments, j’ai retrouvé la beauté de la tragédie chère à Laurent Gaudé, tout comme dans La mort du Roi Tsongor (un texte qui fut une révélation pour moi).

Le désert, comme je l’imagine dans le roman…

On est dans une sorte d’Afrique imaginaire, sans nom, sans époque, juste pleine de ses légendes qui traversent oralement les générations et les villages.

Le fils de Salina va-t-il trouver un lieu de sépulture à la hauteur de ce qu’à été cette femme pour lui ? Va-t-il avoir le courage de la transporter par-delà les territoires qu’il connaît ? Vous aurez toutes les réponses à ces questions… et la conclusion en est magnifique.

J’imagine parfaitement cette ville dont parle Laurent Gaudé. Avec ses barques qui suivent la légende orale de Salina contée par son fils, et qui au fil de l’histoire grossissent les rangs. Avec son étrange et mystérieuse île-cimetière, qui ne s’ouvre uniquement si on a conté l’histoire du défunt avec éloquence et sincérité…

……..

Si vous êtes à la recherche de beauté, de poésie et de magnificence tout en simplicité, Salina sera pour vous. On ressort grandit d’un conte onirique comme celui-là. Et on y repense souvent… Merci Laurent Gaudé pour ce texte, cela faisait des années que j’en attendais à nouveau un comme cela.

Chronique : La contre-nature des choses

Un roman post-apocalyptique fortement déstabilisant qui m’a laissée sur ma faim…

Paru dans la collection Exofictions (la collection dédiée à l’imaginaire d’Actes Sud), La contre-nature des choses est un roman écrit par Tony Burgess, un auteur canadien. Il s’agit du troisième roman de l’auteur à paraître en France, précédemment il y a eu Idaho Winter et Cashtown, tous deux chez Les Allusifs.

Le monde est mort, vive le monde !

Mourir à l’ancienne, sans bouger, sans rien faire d’autre qu’être un cadavre semble être devenu impossible dans ce futur. En effet, les morts sont morts, mais ils sont tous atteints de soubresauts incontrôlables qui les font bouger, et les déplacent même sur le long terme. On a bien essayé de les noyer, de les bruler, de les enterrer, mais les corps sont restés un problème longtemps insoluble… Jusqu’à ce qu’une société privée, Déchets & Co, propose une idée : les mettre en orbite autour de la Terre. Et si vous payez assez cher, vous pouvez même connaître la position exacte de vos proche dans l’Orbite des cadavres qui tourne à l’infini…

C’est dans ce monde que vit un homme à la mission simple mais difficile : traquer un certain Dixon. Un gourou qui passe de ville et ville et qui tue tout le monde et mutile les corps ensuite pour son bon plaisir…

Un roman difficilement compréhensible et même difficile à apprécier

Passée la première moitié du roman, je n’ai quasiment rien compris de ce que j’ai lu. C’est fort regrettable, j’en conviens… et j’ai pourtant fait l’effort de lire intégralement l’ouvrage. J’ai pourtant été fortement tentée d’abandonner.

Il avait cependant tout pour plaire : la quête mystérieuse d’un homme qui en chasse un autre dans un monde devenu sale et aux mains d’une énorme entreprise se faisant un pactole avec des cadavre de morts-vivants orbitant autour de la terre, c’était le résumé parfait pour m’attirer.

Sauf que non. La première partie est étrange mais se tient. On découvre peu à peu l’univers post-apocalyptique, les corps qui tressautent, l’apparition du Syndrome qui déforme et dénature les gens encore en vie pour toutes sortes de raisons. Il y a du sang, des œdèmes, des tumeurs et autres grosseurs qui parsèment les pages et les personnages.

La première moitié de l’ouvrage aurait d’ailleurs pu s’arrêter là et laisser le roman au stade de novella. L’auteur aurait tenu un superbe twist de fin…

Mais non, l’histoire continue et elle est à partir de ce stade très laborieuse… On assiste à des scènes de sexe totalement gratuites et inutiles, de la violence, de l’infantilisation dégueulasse à propos de la tête (uniquement) de notre narrateur, des suicides/meurtres collectifs. C’est aussi sale qu’inutile. Et plus on s’approche de la fin, plus j’ai eu le sentiment que le texte était précipité, bâclé.

C’est fort dommage, mais cette lecture fut pour moi une intense déception. Je n’avais pas placé des attentes folles dessus, mais découvrir que le texte a aussi peu d’intérêt m’a contrariée car le résumé était attrayant. La couverture choisie par Actes Sud, de même que le titre sont une réussite (titre en VO The n-body problem, mais le texte n’en valait pas la peine selon moi…

Très belle couverture également pour la version originale… dommage que le texte ne soit pas à la hauteur !

Chronique : Marche ou crève

Carrie, Christine, Salem, Misery, La peau sur les os, La ligne verte… autant de romans emblématiques de l’œuvre du maître de l’horreur, Stephen King ! Mais je suis loin d’avoir tout lu et j’ai fait la découvert récemment d’un de ses romans les plus populaires : Marche ou crève. Sorte de dystopie où des ados courent jusqu’à la mort pour remporter un potentiel magot, Marche ou crève est un roman violent et glaçant.

L’ouvrage est paru en 1979, mais c’est seulement en 2018 que l’on entend parler d’une future adaptation cinématographique !

Mieux que le marathon…. La longue marche

Ils sont cent sur la ligne de départ… il n’en restera plus qu’un à la fin. Interdiction de marcher à moins de 6,5 km/h sous peine d’avertissement. Au bout de trois, vous êtes mort. Pas de pause, pas de repos. Vous satisferez vos besoins – manger, pisser, etc – en marchant. Autant dire que les paramètres rendent La longue marche très brève, quelques jours à peine.

Voici les principes de base qui régissent La longue marche. Tous les ans, ils sont très exactement cent à y participer. Le gagnant remportera une énorme somme d’argent ainsi que tout ce qu’il souhaite. C’est pour cela qu’il y a toujours autant de participants d’années en années…

C’est ainsi que nous suivons Ray Garraty, originaire du Maine (comme Stepehen King), personnage principal de cette terrible histoire, il porte le numéro 47 dans la course.

Ancienne couverture de Marche ou crève aux éditions J’ai Lu.

Un roman cru à l’extrême

Bien avant la mode des dystopies, Marche ou crève avait déjà tous les ingrédients qui en font une excellente. Des règles rigides au point d’être mortelles, une société qui se délite mais dont ignorera tout ou presque en dehors de la terrible Longue marche…

Nous allons ainsi suivre la course de Ray Garraty du début jusqu’à… la fin de son parcours. Réussira-t-il ? Sera-t-il éliminé comme les 99 autres participants ?

La narration de Marche ou crève a beau être tapissée de dialogues, il y a énormément de passages à vides où Ray cogite. Il a beau avoir presque une centaine d’adversaires, son pire ennemi reste lui-même. Mettre un pas devant l’autre devient de plus en plus dur, surtout quand on commence malgré tout à se lier d’amitié aux autres marcheurs… Certains vont être tués par balle sous ses yeux, d’autres vont connaitre une fin plus terrible : hémorragies, crampes mortelles, évanouissement, délires…

C’est un roman très dur que celui-ci car on sait qu’il n’y aura pas de fin heureuse, que Ray gagne ou non, ce qu’il vit dans cette course est terrible, traumatisant. Il faut bien avouer que c’est le genre de livre qu’on ne lâche pas, on veut connaitre l’issue le plus vite possible pour Ray et ses concurrents ! La moindre phrase qu’ils partagent les humanise incroyablement. Certains sont d’ailleurs très jeunes (ce sont tous des ados) mais l’approche d’une mort imminente les rend lucides, admirables pour certains.

Marche ou crève est donc une très bonne dystopie, même si sa conclusion m’a quelque peu laissée sur ma faim. J’aurais aimé que Stephen King développe un peu plus sa fin, pour moi, il manque un dernier petit chapitre afin d’être parfait.

Ce roman reste toutefois excellent, mais c’est loin d’être mon préféré de l’auteur. Je préfère quand il s’essaye au fantastique et au surnaturel avec Simetierre ou Christine.  

Chronique : Encore faut-il rester vivants

Un roman aux allures post-apocalyptiques pour les adolescents… qui ne réussit pas à convaincre

Paru aux éditions Magnard en octobre 2016, Encore faut-il rester vivants est un roman écrit par l’auteure française Anne Ferrier. Elle a déjà écrit quantité d’ouvrages pour la jeunesse, en particulier des albums et des romans.

Une éruption solaire qui a bouleversé la planète entière…

On ne sait pas réellement ce qu’il s’est passé sur Terre il y a quelques mois de cela, mais l’humanité est en passe de disparaître…

Il y a peu de survivants, et ceux qui ont réussit à s’en sortir sont esquintés, affamés, luttant pour chaque parcelle de nourriture.

Pourquoi ? A cause d’une éruption solaire étrange : plus d’appareils électroniques, plus de voitures (vue le niveau de technologie qu’il y a dedans de nos jours…), et plus étrange, plus aucun contact physique entre les êtres humains n’est possibles… Si vous avez le malheur de toucher une autre personne, le virus se répand en vous en quelques heures ou jours. Vous devenez alors une sorte de zombie à la recherche de personnes encore non contaminées…

C’est dans cette ambiance post-apocalyptique que nous suivons trois adolescents livrés à eux-mêmes : Mouette, la plus jeune ; CroMagnon (ou Shawn) et Julia. Tous trois vont traverser des épreuves difficiles et terribles. Cela va les déchirer et les souder à la fois… bienvenue dans un futur que l’on souhaite ne jamais connaitre.

Une intrigue qui s’essouffle vite quand on aime le genre post-apocalyptique

Difficile d’écrire et de créer un univers post-apo quand on sait la quantité d’œuvres (cinéma, séries télé, romans, série YA…) qui ont puisé dans ce genre si particulier. Pour sortir du lot, il faut être à la fois incisif et original… Et c’est là que le bat blesse : impossible de s’immerger dans l’intrigue de ce roman où l’action prime, certes, mais où l’intrigue est très fine voir inexistante.

Ici, point de zombies, mais quelque chose qui y ressemble fortement. Cependant, les raisons de ce changement au sein de l’humanité sont très peu expliquées… En quoi une éruption solaire rendrait les humains contagiex et mortels pour leurs semblables ? Il n’y a même pas de réelle tentative d’explication, ce qui est fort dommage. On dirait que l’élément perturbateur n’a pas été pensé jusqu’au bout et qu’il ne sert que de prétexte pour créer ces fameux zombies…

Pour ce qui est de l’intrigue elle-même, tout est très classique. On suit le trio de héros (dont le narrateur change à chaque chapitre) au fil de leurs pérégrinations : un camp de survivants, une quartier résidentiel dangereux où les pièges sont nombreux, des villages désertiques… Ils n’ont pas vraiment de but, et même si certaines scènes sont touchantes, aucune ne marque. On suit leurs aventures en territoires désolés sans être réellement dedans à aucun moment…

Il aura toujours manqué quelque chose dans ce roman. Il n’est pas mauvais, mais il est tellement dispensable qu’il est difficile d’en dire quelque chose de positif. Il pourrait peut-être permettre aux 12/14 ans de découvrir le genre, mais sans panache.

Autant découvrir les grands classiques du post-apo (avec ou sans zombies d’ailleurs) directement, non ? Par exemple avec Je suis une légende, World War Z, ou encore Celle qui a tous les dons.

Chronique : U4 – Stéphane

Voici l’aventure de Stéphane, une adolescente courageuse qui va tout faire pour survivre dans une France post-apocalyptique.

La série U4 a été un énorme succès de librairie à sa sortie en août 2015. Pour rappel, il s’agit d’une série pour ados écrite par quatre auteurs français différents. Chacun d’entre eux devait donc faire évoluer son héros ou son héroïne dans une France post-apo… Les quatre histoires sont toutes indépendantes mais se recoupent (voir dans cet article dédié pour les explications plus approfondies).

Vous n’avez pas d’ordre à respecter pour lire U4. Vous pouvez lire un seul livre, ou deux ou tous, peu importe vous aurez une histoire complète. Si vous voulez en savoir plus sur le fonctionnement de la saga, n’hésitez pas à consulter cet article spécialement rédigé pour l’occasion.

Comment survivre dans cette nouvelle version de notre monde ?

Stéphane est une adolescente qui vit à Lyon. Enfin… depuis le mystérieux et terrible virus qui a tué 90% de la population, on peut plutôt parler de survie. Fille d’un grand épidémiologiste, elle a un peu plus de connaissances sur le virus U4 que les autres, mais pas assez pour savoir ce qu’il s’est passé.

Ce qu’elle espère de tout cœur, c’est que son père va revenir la chercher. En attendant, la jeune femme est livrée à elle-même, se rationne, et sort le moins possible de leur appartement… Mais le danger rôde partout, même dans des visages amis. Que va bien pouvoir faire Stéphane si son père ne vient pas la chercher ? Et que cache cette mystérieuse réunion dont elle a eu vent, à Paris ? Et n’est-ce pas un voyage qui pourrait s’avérer mortel ?

Un roman post-apo terriblement efficace !

Vincent Villeminot est un auteur à la plume dynamique, acérée, et avec cet opus de la saga U4 on sent qu’il est parfaitement à l’aise. Toujours sous tension, le danger rôdant en permanence, on évolue avec précaution dans cet univers dont on ne connaît pas les codes. Tout ce que l’on sait, c’est que Stéphane va être amenée à rencontrer Jules, Yannis et Koridwen et qu’à eux quatre, ils peuvent changer les choses.

Mais comment ? Quelle fin peut être possible pour Stéphane ? Car il y a une chose essentielle à retenir : chaque fin est différente dans U4, et c’est justement ce qui en fait toute la saveur. Les quatre personnages principaux sont liés, mais pas dépendants les uns des autres au point de vivre la même fin ! (Pour ceux qui auraient lu la fin de Koridwen, que je trouve la meilleure de toutes, ils comprendront).

Ainsi, entre road-trip et roman post-apo 100% survivaliste, on se plonge sans réserve dans l’univers âpre et cruel de U4. Stéphane y est un personnage intéressant car très indépendant mais fragile, sans jamais le montrer à quiconque.

Enfin, le fait qu’elle ai une vision différente des autres sur le virus nous fait découvrir des pistes de réflexions intéressantes !

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En somme, l’histoire de Stéphane est très intéressante. Pleine d’action, de moments parfois durs (j’ai vraiment eu peur pour elle à certains passages…) et cruels, on découvre une héroïne simple mais forte, crédible. Même si j’avoue avoir préféré l’histoire de Koridwen, j’ai beaucoup aimé la partie de Stéphane. Il est certain que je lirais les autres aventures de la saga U4, il me reste Jules et Yannis.

Chronique : Douze ans sept mois et onze jours

Un très bon roman à destination de la jeunesse qui mélange nature writing, et aventure mâtiné de suspense… 

Vous qui aimez la jeunesse et la littérature ado, vous devez déjà connaître le très prolifique auteur français Lorris Murail. On lui doit une quantité impressionnante de romans, tous particuliers et mémorables, chacun à sa façon. On peut ainsi citer : GOLEM (PKJ), Les cornes d’ivoire (PKJ), Shanoé (Scrinéo), L’horloge de l’apocalypse (PKJ), L’expérienceur (École des Loisirs).

Dans ce roman paru il y a maintenant 4 ans, Lorris Murail nous offre un mélange surprenant d’action, de suspense tout en nous proposant de (re)découvrir la nature d’un autre œil…

Abandonné au fin fond d’une forêt, dans le Maine…

Une cabane spartiate, une carabine, un livre de Thoreau, quelques conserves… C’est tout ce que possède maintenant Walden, dont le père l’a abandonné ici sans autre forme de procès. C’est un violent apprentissage de la vie auquel est confronté le jeune homme…

Que va-t-il faire pour s’en sortir ? Pourquoi son père lui fait-il traverser une épreuve aussi terrible ?

Entre le récit d’apprentissage et le thriller psychologique, Lorris Murail nous ballade de fausse-piste en traquenard…

Un roman qui détonne dans son style unique

Si vous souhaitez découvrir ou faire découvrir dès l’âge de 13 ans un livre qui sort vraiment des sentiers battus, celui-ci sera parfait !

Plusieurs genres littéraires sont mélangés avec talent par Lorris Murail : le fameux nature writing (faisant l’éloge de la beauté de la nature à chaque instant), le thriller avec le jeune Walden se démenant corps et âme pour survivre et peut-être un jour comprendre le geste cruel de son père… Tout cela étant mis au service d’un roman dit « pour ados » très efficace. Mais, personnellement je le conseille également aux adultes.

De plus, si vous êtes friands de twists et autres apparences trompeuses, vous en aurez tout votre content. Tout cela sans oublier les personnages : ils sont peu nombreux, mais très intéressants. Il y a le père de Walden, bien sûr, mais également cette mystérieuse femme… dont je ne dirais rien de plus, mais qui m’a fascinée.

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Le style incisif, sans artifices de Lorris Murail s’adresse ainsi à tous, sans exceptions. Pour ceux qui aiment les histoires qui ont du sens, de la profondeur, un message derrière la lecture-plaisir, c’est l’ouvrage parfait. Et ce retour aux sources bien que violent pour le héros de cette histoire n’est pas sans nous procurer un dépaysement plaisant…