Un roman jeunesse qui nous vient d’Inde pour découvrir le quotidien
difficile de certains enfants et leur combativité pour s’en sortir. Un ouvrage
issu de la collecte de nombreux témoignages d’enfants par l’autrice.
Padma Venkatraman est une écrivaine indienne, De l’autre côté du pont est
son premier roman paru en France. L’ouvrage est paru en 2020 à l’école des
Loisirs, et la magnifique couverture est réalisée par Jennifer Bricking. Quant
à la traduction française, elle est assurée par Amandine Chambaron-Maillard.
Une fuite en avant pour éviter les coups
Viji et sa petite sœur Rukku vivent en Inde, dans un petit appartement avec
leurs deux parents. Problème, leur père est une personne très violente, tout
particulièrement sur leur mère. Cette dernière le laisse revenir à chaque fois
et se laisse avoir par son charme… et les coups pleuvent à nouveau quelque
temps plus tard.
C’est ainsi que Viji vit dans la peur que la violence de leur père ne s’abatte
bientôt sur elles et décide donc de prendre les devants. Elle fait une valise
pour elle et sa petite sœur Rukku et fuient le domicile familial. Et leur
village de toujours.
Voici donc les deux jeunes filles à la merci du destin et de ses dangers… Viji
devra être prudente et s’adresser aux bonnes personnes pour survivre. En effet,
beaucoup de personnes malintentionnées sont attirées par la solitude des deux
fillettes…
Un récit prenant et original qui nous ancre dans une réalité méconnue
Rares sont les romans jeunesse à nous faire plonger dans une histoire
contemporaine réaliste sans fard. En effet, De l’autre côté du pont conte et
raconte, mais il dénonce également.
Il dénonce le travail des enfants qui font office de chiffonniers pour à
peine pouvoir se payer à manger. Il parle des nombreux enfants enlevés pour
être réduits en esclavage moderne dans des usines. Il parle d’adultes prêts à
tout pour capturer des enfants pour des buts certainement encore moins
avouables… L’histoire ne le dit pas explicitement, mais avec un œil adulte on
comprend malheureusement de quoi il retourne.
J’ai beaucoup aimé cette histoire, notamment pour deux choses importantes à
mes yeux : la belle amitié entre les quatre enfants de ce roman. Une
amitié si forte qu’elle les transforme en frères et sœurs de sang quand
l’adversité voudra les séparer.
Le second socle du roman, c’est le personnage emblématique de Rukku, la
petite sœur que Viji veut protéger quel qu’en soit le prix. Car ce n’est jamais
dit explicitement, mais Rukku a un handicap. On ne sait pas lequel, mais ce
n’est pas le plus important. Ce qui l’est en revanche, c’est la transformation
de la petite fille face à ses nouvelles amitiés. Le gommage de son handicap
face un tout nouveau quotidien fait d’aventures, de dangers et de colliers de
perles à vendre.
Et chose vraiment intéressante, l’autrice s’est servi de très nombreux
témoignages et récits d’enfants pour son roman. Rien n’a été déformé, tout lui
a été inspiré directement de leurs vies, c’est à la fois bluffant et terrible.
Je ne sais pas si ce livre fera date dans le monde de l’édition jeunesse,
mais il a éveillé quelque chose en moi. J’ai eu envie de découvrir plus
amplement la littérature jeunesse indienne (peu fournie chez nous, mais à
creuser). Et si elle est ancrée dans l’actualité, même difficile, c’est encore
mieux.
Ainsi, De l’autre côté du pont est un beau (parfois terrible) roman à
découvrir dès l’âge de 12 ans environ.