Un témoignage aussi terrible qu’indispensable par une journaliste japonaise victime de viol
Paru aux éditions Picquier en 2019, La boîte noire est un témoignage écrit par la journaliste Ito Shiori. Elle y raconte de façon factuelle ce qu’elle a vécu : un terrible viol.
Mais la voix des victimes est encore et toujours difficile à faire entendre, et cela encore plus au pays du soleil levant, où les freins semblent décuplés. C’était sans compter sur le courage et la pugnacité de cette femme admirable qui livre ici son parcours et son combat pour elle et pour toutes les femmes. Le mouvement #metoo au Japon prend son essor, notamment par son biais… Cet ouvrage a reçu le Best Journalism Award en 2018.
Un ouvrage nécessaire
Parfois difficile à lire tant les scènes décrites par Ito Shiori sont terribles (je parle plus des phases de déni des autorités que de l’acte de viol en lui-même), La boîte noire est un ouvrage indispensable.
A lui seul, ce roman a réussi à faire bouger certaines lignes de l’administration japonaise très rigide et machiste. Mais ce n’est qu’un premier pas vers ce que doit devenir le Japon. Pays exemplaire dans quantité de domaines, celui du respect des femmes et de leur écoute n’en fait pas partie…
Quand Ito Shiori a trouvé le courage d’aller voir la police, une semaine après les faits, elle a raconté son histoire à une agente… de la circulation. Qui l’a redirigée ensuite vers un autre collègue à qui elle a dû tout réexpliquer. Ce dernier ne cessant de lui répéter que ça n’allait pas être facile de porter plainte, qu’il fallait être vraiment sûre avant de le faire, que ça pouvait jouer sur sa carrière… Bref tout été fait pour qu’elle abandonne. Aucune oreille attentive, même du côté des associations qui n’offrent pas d’assistance téléphonique et demande à la victime encore sonnée de se rendre surplace et refusent de délivrer la moindre aide par téléphone. Tout cela n’est pas normal, et ce n’est qu’une toute petite partie de ce que nous conte Ito Shiori sans sentimentalisme, juste avec les faits bruts.
Ce récit m’a bouleversée, mise en colère, j’ai eu l’impression d’être beaucoup plus prise par l’émotion que l’autrice elle-même, qui arrive à maintenir une certaine distance avec les faits. Certainement pour ne pas sombrer ou réagir avec un excès d’émotions. C’est tout à son honneur, mais elle a fait face à tant d’injustices et de détours dans son combat que l’on ne peux que l’admirer.
Je vous conseille vivement de découvrir La boîte noire, cet ouvrage éclaire une fois de plus tout le chemin à parcourir pour les femmes et cela quel que soit le pays. Les choses avancent, mais il ne faut rien lâcher et continuer le combat. Ito Shiori est devenue l’une de ces figures : courageuse et superbe dans sa lutte.
Un court recueil assemblant deux nouvelles nous venant tout droit du Japon
et de son monde du travail si particulier !
Petit ouvrage paru aux éditions Picquier, Le jour de la gratitude au
travail est sorti en 2004. Il est singulier mais fort plaisant de bien
des manières.
Le Japon à travers le prisme du travail
Deux nouvelles pour découvrir le Japon autrement avec Le jour de la
gratitude au travail et J’attendrai au larges. Deux histoires aux personnages
totalement différents mais à la plume touchante…
Le jour de la gratitude
au travail :
On y fait la rencontre d’une jeune femme dont la voisine a jugé bon de lui
organiser un rendez-vous galant. Mais rien ne va se passer comme prévu car la
jeune narratrice est au chômage et son « prétendant » est absolument
fan de son entreprise et de son travail… Peu à peu le mépris s’installe entre
les deux.
Il faut dire que ça commençait très mal : la première question de
l’homme concernant les mensurations de la jeune femme. Qui commence un
rendez-vous arrangé avec une question pareille ?
A la fois drôle et triste, cette nouvelle nous montre à quel point la
société nippone élève le travail au-dessus de tout. Et cette jeune femme est
totalement dissidente par rapport aux mœurs habituelles. Elle ne projette pas
en effet de s’accomplir dans un quelconque travail. Ce qu’elle veut avant tout,
c’est profiter de la vie, de ses petits plaisirs…
Elle passe pour une dangereuse rebelle comparé à cet homme fou amoureux de
son travail… mais qui est le plus fou des deux ?
J’ai aimé cette histoire entre deux teintes, pleine de poésie malgré le ton
cru de l’homme que l’on juge rapidement détestable. Cette jeune femme était
intéressante, tout comme sa façon de voir la vie… la nouvelle en était presque
trop courte !
« J’ai repris un yuwari. Je me suis dit : « Ah, il fait
nuit. » Au loin, il y a un chien qui a oublié de dormir et qui baîlle, des
lampes qui s’éteignent, un livre qu’on ferme, un chauffe-eau qui ronfle
sourdement. Je viens dans ce bar acheter de la nuit. Un long verre de nuit,
noire et silencieuse. »
PS : C’est aussi dans cette nouvelle que l’on découvre ce qu’est une
Antarctica 2, au terme d’une répartie mentale cinglante.
J’attendrai au large :
Cette autre nouvelle nous conte l’histoire d’amitié atypique de deux
collègues. Ils se sont fait une étrange promesse : le premier des deux qui
meurt doit détruire le contenu du disque dur de l’autre à son domicile. Pour se
faire, ils s’échangent leurs clés… Et l’un des deux va décéder fort
brutalement, c’est ainsi que l’autre doit jouer les monte-en-l’air pour entre
discrètement et détruire le disque dur… Mais pourquoi cela ?
Comme souvent avec les auteurs japonais, il y a cette touche de folie ou
d’étrangeté qui nous assaille là où l’on s’y attend le moins. Cette nouvelle à
l’histoire étrange en est le parfait exemple. Je l’ai tout autant aimé que la
première, bien que ce soit pour des raisons différentes…
A l’image de la précédente histoire, c’est tout en poésie et subtilité.
Ainsi ce court ouvrage est aussi intéressant que plaisant ! S’il vous
prend l’envie de découvrir quelque peu la littérature japonaise au travers de
ses nouvelles, c’est le livre idéal.
Un livre qui nous transporte dans une bulle de douceur et de beauté ou
l’amour et le partage sont essentiels. Mémorable et touchant comme savent
l’être de façon unique les romans de Ito Ogawa.
La république du bonheur fait partie d’ores et déjà des futurs succès de la
rentrée littéraire 2020. L’ouvrage est la suite directe de La papeterie Tsubaki,
paru il y a deux ans en France.
Pour ceux qui ne connaissent pas encore Ito Ogawa, elle est l’autrice du Restaurant de l’amour retrouvé(son plus grand succès, adapté au cinéma au Japon), Le Jardin arc-en-ciel ou encore Le ruban. Tous sont édités chez Picquier.
Retour à la simplicité merveilleuse de Kamakura
L’histoire reprend presque où nous l’avions laissée, et nous retrouvons
avec un plaisir sans bornes Hatoko et sa petite papeterie. Mais surtout, on
découvre de nouvelles tranches de vie grâce à son passionnant et délicat métier
d’écrivain public…
Et d’un point de vue personnel, Hatoko vient tout juste de convoler en
noces avec Mitsurô, elle est désormais la belle-mère de la jeune PQ.
En somme, le quotidien est doux, et Hatoko va tout faire pour que
développer ce bonheur naissant par de nombreux actes d’amour envers ceux qui
lui sont chers.
De l’amour et beaucoup de nourriture
C’est un peu comme cela que l’on peu résumer La république du bonheur.
Dès qu’il y a quelque chose qui ne va pas, ou qu’il y a un événement à fêter,
la nourriture fait office de réconfort. Et rien qu’à le lire, ça fonctionne.
Thé vert, bento, pain-qui-sourit, prunes sèches, curry, gâteaux Kurumikko
aux noix, sablés-pigeons, crabe tsugani,
anguille, pulpe de soja sautée, haricots écarlates mijotés au miel, confit
d’algue kombu… C’est sans fin ! Mais
c’est un régal pour l’imagination que de lire tous ces plats mangés ou rêvés
par notre narratrice Hatoko.
Je dois avouer avoir encore plus aimé ce second tome que le premier. Plus
beau, plus doux, placé résolument sous le signe de la félicité, ce roman est un
véritable cadeau. Autant La Papeterie Tsubaki était assez
nouveau dans son genre, autant ici il n’y a pas de surprise… Mais justement,
cet univers si calme et doux m’avait énormément manqué. Et le retrouver avec
encore plus de puissance évocatrice m’a fait très plaisir.
Quand on lit l’un de deux romans de ce cycle, c’est une véritable
parenthèse de bonheur qui s’ouvre à nous.
Et comme toujours, on en apprend plus sur la symbolique de chaque type de
papier, stylo (bic ou plume), encre en fonction de l’événement… etc. Le détail
va jusqu’au choix du timbre qui peut également apporter sa part de
signification entre les lignes…
Ce second roman est aussi l’occasion de découvrir une Hatoko plus intime.
Maintenant qu’elle a une famille, sa vie en est toute chamboulée. Mais tous ces
changements sont pour le mieux, et on la voit devenir peu à peu une véritable
mère pour PQ, sa belle-fille adorable et vive. Cet amour filial qui se
développe au fil des pages est beau à voir. De même que les nombreuses
interrogations qu’elle se pose sur sa légitimité en tant que mère pour PQ.
Enfin, c’est un réel plaisir que de retrouver les lettres écrites par
Hatoko pour ses clients en langue originale. Les calligraphies sont superbes,
même si comme moi on ne comprend pas un mot de japonais. Elles sont réalisées
avec talent par Mitsui Tadahiro et ajoutent un charme magique indéniable au
roman.
C’est donc une nouvelle pépite littéraire que nous offre Ito Ogawa. Merci à
elle pour ces quelques heures de plénitude qui rend cette lecture inoubliable. Magique,
tendre, unique… c’est le retour du livre-doudou !
Il y a la PAL (ou pile à lire), il y a la wish-list (qui regroupe tous les livres que vous voudriez lire un jour…) et puis il y a la PAC. Et bien oui, la pile à chroniquer ! Et parfois, il arrive que l’inspiration ne vienne pas, qu’elle tarde… ce qui fait que les livres s’accumulent jusqu’à former un monceau de livres à chroniquer. Pour certains, la flamme n’est jamais venue, et les années se sont écoulées… Pour d’autres, ils sont récents et ont même été des coups de cœur… mais je ne me voyais pas faire une chronique entière. Et comme se sont tout de même des ouvrages que j’ai lu dans leur intégralité et apprécié, il est impossible pour moi de ne pas en parler !
Les 10 amours de Nishino – Kawakami Hiromi – Picquier Poche
Voici un
roman nippon à la construction intéressante : dix femmes très différentes vont
parler, chapitre après chapitre. Leur point commun ? Nishino. Cet homme semble
avoir autant de facettes – si ce n’est plus – que d’amantes dans sa vie… Mais
qui est donc au final cet intriguant Nishino ?
Impossible
pour moi d’expliquer clairement pourquoi, mais j’ai passé un bon moment de
lecture, sans pour autant me rappeler le contenu du roman. Je vais donc devoir
rester floue, j’en ai peur. En fait, c’est le genre de roman qui nous fait dire
qu’on a lu un bon livre, mais si on nous demande pourquoi, on est perdu. Je
pense donc que sur le moment c’était sympathique, car chaque femme nous montre
un côté méconnu du fameux Nishino. Mais là où je pensais qu’il y aurait
peut-être une surprise, on en retire uniquement dix témoignages beaux, parfois
touchants, mais guère mémorables… Sympathique, mais sans plus donc…
L’œil de plus bleu – Toni Morrison – 10/18
Ce livre…
cela fait plus de 7 ans que je l’ai lu, mais je n’ai jamais réussi à trouver
les mots pour en parler avec justesse. Pour ceux qui ne connaissent pas ou peu
Toni Morrison, il s’agit d’une autrice emblématique dans la littérature
américaine, (plus particulièrement noire-américaine, car toute son œuvre traite
de la condition des Noirs aux Etats-Unis), elle a d’ailleurs remporté un Prix
Pulitzer pour Beloved en 1988, et surtout elle a eu le Prix Nobel de
littérature.
L’œil le
plus bleu (The bluest eye en VO) est
considéré comme un grand classique dans son pays d’origine, il est même très
régulièrement prescrit dans les établissements américains.
La scène
d’ouverture y est terrible, une fois qu’on l’a comprise… elle donne
immédiatement le ton général du roman. C’est à la fois beau, triste, et atroce,
une chose est certaine, on oublie pas cette lecture…
Si vous
aimez la littérature américaine, ne passez pas à côté de ce roman, qui m’a
beaucoup fait pensé à Push de Sapphire dans le même
esprit, même si l’époque diffère (et que j’avais adoré).
Enquêtes au muséum – En piste Punch ! – Laurence Talairach – Plume de carotte
En général,
je suis partisane de tout ce qui concerne les sciences, et si c’est pour
communiquer cette passion à de jeunes lecteurs, c’est encore mieux ! C’est
ainsi que la série Enquêtes au muséum avait tout pour me plaire, mais cela n’a pas
suffit.
L’intrigue
est à peine construite car elle sert de prétexte pour développer de nombreux
faits historiques et scientifiques mettant en scène un muséum d’histoire
naturelle. L’idée est bonne, le reste est un peu plus maladroit… Les héros
sortent des phrases sentencieuses et un peu trop éducatives, ce qui les rend
peu naturels. Et donc, on retient moins bien l’information… C’est dommage…
j’adore en général ce que font les éditions Plume de carotte, mais ça ne
fonctionne pas ici.
Le potentiel érotique de ma femme – David Foenkinos – Folio
Si vous
cherchez un roman amusant, rafraîchissant et qui sort des sentiers battus, je
ne saurais que trop vous conseiller Le potentiel érotique de ma femme. On
y suit l’histoire atypique d’un couple normal.
C’est une
lecture tendre et inattendue qui vous fera peut-être sourire… Ce roman se
veut drôle et anticonformiste à la fois, et grâce à lui j’ai passé un bon
moment de lecture. Certes, il n’est pas inoubliable, mais ce n’est pas ce que
l’on demande systématiquement à un livre. Ce que l’on veut avant tout, c’est
être distrait, s’évader du quotidien. Et Foenkinos nous y invite parfaitement
au travers de la vie en apparence normale de ce couple attachant…
Roman phénomène aux Etats-Unis, Âpre Cœur de Jenny Zhang a débarqué en France aux éditions Picquier. Plébiscité par la critique – française et étrangère – il est également optionné pour une adaptation cinématographique. A la découverte d’un roman atypique qui mêle humour noir, vécu romancé et vérité sociale sur les immigrés chinois installés au Etats-Unis.
Jenny Zhang est une essayiste, poétesse et autrice américaine d’origine chinoise. Elle est née à Shanghai et vit désormais à Brooklyn. Fille d’immigrés chinois, elle base l’essentiel de son oeuvre sur cette double appartenance à deux cultures très différentes. Âpre Cœur en est l’illustration parfaite.
Entre le roman et le recueil de nouvelles qui se recoupent pour former un ensemble cohérent, Âpre Coeur est un ouvrage qui nous fait découvrir une facette méconnue des Etats-Unis au travers d’une population qui ne s’exprime que rarement.
L’ouvrage va être adapté prochainement au cinéma.
Un recueil de nouvelles aux points communs diffus mais bien présents
Pas évident d’appréhender au début la lecture d’Âpre Coeur, à la fois roman et recueil de nouvelles assez longues. Mais ces dernières elles sont toutes liées entre elles, même si le lien qui les unit est extrêmement ténu parfois.
Personnellement, j’ai trouvé plus facile d’approcher l’ouvrage en me disant que je lisait un recueil d’histoires plutôt que comme un roman linéaire. Je ne me suis ainsi pas sentie obligée de toujours faire le point pour retrouver le contexte dans lequel on se trouve (quelle famille, que lien les unis, etc.).
Quoi qu’il en soit, chacune de ces histoire nous conte la difficulté et le bonheur croisés d’être enfant d’immigré chinois aux Etats-Unis. La misère que ça implique pour voir peut-être ses enfants réussir…
Jenny Zhang, la jeune autrice du percutant roman Âpre coeur.
Des tranches de vies prises sur le vif
Comme une photographie de l’instant, les nouvelles sont très vivantes, on y croit immédiatement. Et pour cause, Jenny Zhang s’est nécessairement inspirée de son vécu et de son histoire familiale pour créer Âpre Coeur.
Voici la liste des nouvelles contenues dans l’ouvrage : Crispina, on t’aime, La vide le vide le vide, Nos mères avant eux, Mes jours et mes nuits de terreur, Pourquoi jetaient-t-ils des briques ?, Tu es tombée de la rivière et je t’ai sauvée !.
Parmi les histoires qui m’ont le plus marquée, la toute première m’a particulièrement touchée. Tous les sacrifices innombrables qu’ont fait ces parents pour que leur fille ait un avenir meilleur. La misère, les déménagement de trous pourris et insalubres en appartements délabrés, les collocations avec d’autres immigrés chinois fraîchement débarqués… La décision difficile de leurs parents pour offrir le meilleur à Christina, une fille sensible, bizarre et attachante. Elle souffre de démangeaisons atroces qui la font se gratter jusqu’au sang la nuit. Ils sont si pauvres qu’ils volent la poudre aromatisée des nouilles dans les magasins pour accommoder leurs restes…
« Après ma pneumonie, j’avais beaucoup de mal à ne pas régurgiter mes aliments, et parfois, mon papa ramassait à la cuillère ce que j’avais vomi et le mettait dans sa bouche pour ne pas gaspiller la moindre parcelle de nourriture […]« .
Autre nouvelle touchante et triste à la fois : Mes jours et mes nuits de terreur. L’histoire d’une jeune fille, Mandee, dont les parents ont tout le temps peur pour elle. Systématiquement. Comme elle ne ferme plus les yeux très fort quand elle a un vaccin, ses parent sont persuadés qu’elle se drogue… C’est à la fois drôle et tragique… Et quand on découvre que le prénom de cette jeune fille a été inspiré aux parents par un magasin de vêtements quand ils venaient d’arriver aux U.S.A., on ne peux s’empêcher de sourire de tristesse… Leur histoire concentre pour moi toute l’abnégation et la force de caractère de ces familles qui ont tout fait pour rester aux Etats-Unis, mais également le cruel manque de connaissances qui les ont empêché de s’intégrer pleinement malgré leurs efforts maladroits…
» Tu devrais être dans la classe des surdoués. Tu devrais être avec les meilleurs. Ne pas échouer, ce n’est pas un exploit.
– Je suis désolée
– Ne sois pas désolée, sois meilleure «
Certaines nouvelles oscillent entre la Chine d’il y a 20 ans et celle d’aujourd’hui. On comprend un peu mieux les raisons pour lesquelles ils sont partis en Amérique (dénonciations, climat de suspicion), pourquoi d’autres repartent malgré tout…
La couverture en version originale d’Âpre coeur.
On comprend également ce besoin viscéral de réussite pour leur enfants (on surnomme ces femmes qui poussent leur enfants à tout faire dans l’excellence jusqu’à l’excès des mères tigre, elles souhaitent les élever à la dure pour qu’ils aient le meilleur avenir possible. On peut citer comme référence aux Etats-Unis l’ouvrage de Amy Chua, elle même enfant d’immigrés chinois aux États-Unis : L’hymne de bataille de la mère tigre, gros succès Outre-Atlantique à sa sortie).
Assez inclassable mais malgré tout poignant, Âpre Coeur est un roman que l’on oublie pas car il contient quelques scènes mémorables. Mais c’est surtout l’humanité de ses personnages ainsi que leur passé et leur vie difficile que l’on retient…
L’ouvrage est en cour d’adaptation au cinéma, je me demande bien ce que cela pourra donner sur grand écran, car c’est un ouvrage fort difficile à mettre en image, ne serait-ce que pour sa narration tranchée, vive et parfois décousue.
Je conclurais avec une belle punchline que l’on peut trouver dans la nouvelle Mes jours et mes nuits de terreur :
« En cours d’algèbre, j’avais entendu dire qu’elle « bouffait de la chatte comme si la fin du monde était pour demain » «
ou encore dans Pourquoi jetaient-ils des briques ?
« Je prie pour que des colibris me crèvent les yeux et laissent leurs excréments dans mes orbites vides plutôt que de revivre ce crève-cœur« .
L’histoire d’un grand-père insupportable qui malgré par ses plaintes répétées et ses simagrées va réussir à redonner le goût de la vie à son petit-fils !
Premier roman de Hada Keisuke à paraître en France, La vie du bon côté est sorti lors de la rentrée littéraire 2017 chez Picquier. Même si l’on n’est pas dans le genre feel good book, vous découvrirez un roman drôle et original qui nous donne un peu de positivisme… mais d’une étrange manière !
Un jeune homme qui s’est laissé vivre…
Kento a maintenant 28 ans, n’a pas de travail et vit toujours chez sa mère. Les journées sont longues à la maison, surtout que son grand-père habite avec eux et qu’il n’est pas des plus agréables à vivre…
Toujours à geindre, se plaindre, énoncer des banalités, pleurer sur sa force disparue et ses multiples bobos, il est insupportable.
C’est ainsi que Kento décide de prendre les choses en main. Etant donné que son grand-père n’arrête pas de dire qu’il veut en finir avec la vie, le jeune homme décide de l’aider… à son insu ! Au lieu de l’aider à marcher ou à garder son indépendance, Kento va tout faire pour faciliter la vie de son grand-père et l’empêcher de faire le moindre exercice ou effort.
Ainsi, il sera de plus en plus dépendant et fatigué pour la moindre chose ! Un plan étrange et tordu qui pourrait bien fonctionner quand on voit l’état d’esprit de l’insupportable grand-père…
Mais et si cette idée « charitable » était un nouveau point de départ pour Kento ?
Un roman à la logique originale et à l’histoire sympathique
La vie du bon côté est un roman qui nous fait passer un bon moment de lecture même si il ne restera pas dans les mémoires. On peut avant tout souligner les réflexions originales (et non dénuées de sens malgré leur jusqu’auboutisme de son personnage principal) de Kento.
Au début de ce roman, on se sent triste, maussade, le moral dans les chaussettes… ce n’est qu’au fil des pages, que comme notre narrateur, on reprend goût à la vie. Car ce qui devait être une solution pour « aider » son grand-père va finalement devenir une bouffée d’air frais pour Kentaro.
Y aura-t-il au final une véritable solution quant aux plaintes ininterrompues du grand-père ? Oui… et non ! Disons simplement qu’il n’est pas aussi mal qu’il le croit. Ou qu’il veut le faire croire… et que Kento va trouver à travers lui un objectif de vie.
……
Alors, que penser de ce roman japonais ? Il est original (comme souvent avec les auteurs japonais), certes, mais un peu plat. La conclusion est vague, manquant d’une réelle fin pour moi. Cependant, on passe un très agréable moment de lecture, parfois drôle, parfois triste et sombre. L’histoire reste quoi qu’il en soit toujours fluide et aisée à lire, alors… pourquoi pas !
Un roman frais et original qui nous vient tout droit du Japon ! Au programme, une histoire d’amour au développement des plus hasardeux…
Quatrième roman de Wataya Risa à paraître en France, Pauvre chose vient tout juste de paraître en août 2017 au format poche chez Picquier.
Wataya Risa est une jeune auteure. Née en 1984, elle a déjà reçu certaines des plus prestigieuses récompenses nippones : le Prix Akutagawa – équivalant au Goncourt chez nous – pour Appel du pied, (Picquier) qu’elle a écrit à l’âge de 17 ans ! Elle a également reçu Prix Kenzaburô Oe pour Pauvre chose.
L’amour au beau fixe… en apparence
Tout semble aller pour Julie, une jeune japonaise en couple depuis de nombreux mois. Mais, depuis quelque temps des nuages s’amoncellent à l’horizon. A cause de nombreux problèmes personnels, don copain héberge son ex petite copine, Akiyo ! Pour Julie, c’est très difficile à supporter. Ils ne peuvent jamais se voir seuls à seuls chez lui, et lui-même refuse de dormir chez Julie car il a peur qu’Akiyo s’ennuie ferme ou déprime…
En somme, leur vie de couple est au point mort, et le déménagement n’est également pas une option… Bref, c’est la déprime pour Julie qui ne comprend pas un tel dévouement de la part de con copain, même si Akiyo est dans une mauvaise passe.
Julie tiendra-t-elle face à autant d’obstacles à une vie de couple simple, sereine, et normale ? Akiyo est-elle vraiment la pauvre chose qu’on semble lui décrire ?
Divertissant et original dans son traitement
Comme toujours avec les romans japonais, j’arrive à être surprise. Ils ont une façon de conter les histoires, de les développer qui est totalement différente de la notre. Et c’est génial, car on est très souvent surpris par les conclusions de leurs romans ! Et Pauvre chose ne fait absolument pas exception.
En suivant Julie et ses nombreux cheminements, on découvre une jeune femme qui aime son travail de vendeuse textile, mais qui a besoin de changement. Tout comme son couple, il lui convient, mais il pourrait se porter beaucoup mieux.
Peu à peu, Julie veut marquer son territoire de « petite copine légitime » vis-à-vis d’Akiyo… mais cette femme négligée et un peu simple est-elle une concurrente ? Ou tout simplement une pauvre petite chose dont il faut prendre soin ? Julie n’arrive pas à le savoir, et ce n’est pas son petite copain qui pourra l’aider à éclaircir la question…
Mais le meilleur, dans ce court roman qui fait la part belle aux sentiments et aux réflexions qui y sont liées, c’est la conclusion. Julie va avoir une réaction absolument géniale et inattendue.
Je l’ai trouvée forte, elle s’est totalement révélée dans les dernières pages du livre. Impossible bien sûr de vous en dire plus, mais la psychologie de chacun des personnages est finement travaillée. Mais, heureusement Julie a su se tenir à ce qu’elle voulait vraiment au fond d’elle, et c’est le plus important…
…….
Si vous cherchez un petit roman court et efficace, Pauvre chose sera donc parfait. Il traite des relations amoureuses japonaises, parfois complexes. Notre point de vue occidental peut parfois être déconcerté, mais cela n’en est que plus intéressant !
Une chose est sûre, je lirais d’autres romans de Wataya Risa car j’ai trouvé sa plume douce, légère et efficace.
Que faire lorsque le pays d’où nous venons nous semble invivable ? Si il ne nous offrait aucune perspective d’avenir ?
Fraichement paru lors de la fameuse rentrée littéraire 2017, voici le premier roman du coréen Chang Kang-myoung à paraître en France. Ce sont les éditions Philippe Picquier qui nous offrent l’opportunité de découvrir d’une autre façon la culture littéraire coréenne… et ça détonne !
Parce que je déteste la Corée est un roman vibrant, vrai et qui questionne sur la position que peut trouver la nouvelle génération coréenne au sein de son propre pays…
Kyena, 27 ans, et un certain malaise…
Elle est jeune, travaille dans une grande banque, a un petit ami… La vie semble sourire à Kyena. Ou du moins elle n’est pas censée être malheureuse. Et pourtant… le mode de vie Coréen lui pèse de plus en plus pour de nombreuses raisons.
Elle n’aime pas ce travail qu’elle a dans une banque, son petit copain veut s’engager auprès d’elle mais sa belle-famille est loin de l’accueillir à bras ouverts. Et surtout, Kyena ne se voit pas avoir un avenir en Corée. Trop d’exigences, de confrontation entre ses rêves et la réalité… C’est ainsi, qu’elle décide de quitter amoureux, travail et famille pour l’Australie ! C’est un peu fou, mais Kyena ne manque pas de volonté et va tout faire pour que sa vie devienne se dont elle a toujours rêvé, sans pressions d’aucune sorte.
Un roman qui déborde de vie !
Le premier adjectif que je retiens pour qualifier ce roman atypique, c’est vivant. Parce que je déteste la Corée est un roman, certes, mais j’ai réellement cru en cette héroïne ordinaire qui se sentait piégée par les normes de son pays.
Kyena m’a fait rêver grâce à ses rêves de liberté plus grands qu’elle. Elle a beau trimer, se planter lamentablement parfois, faire d’énormes bêtises… elle se relève. Toujours prête à travailler dur pour atteindre ses objectifs. Et à force, qui sait… peut-être y arrivera-t-elle ? (vous n’avez qu’à lire le livre pour le savoir !).
Je l’ai comprise quand elle s’est retrouvée enfermée par une norme à laquelle elle ne voulait pas appartenir. J’ai vécu avec elle se sentiment d’injustice profond qu’elle a ressenti lorsque le fossé des inégalités sociales s’est rappelé à elle…
Chang Kang-myoung a un talent fou : il nous fait vivre non pas à côté, mais avec ses personnages. Quand j’ai lu ce roman, j’ai cru à un vrai témoignage tant c’était vibrant, véritable et touchant (et parfois dramatique).
Je ne peux que vous conseiller de lire ce livre pour mille et une raisons :
Il vous fera découvrir le fonctionnement de la Corée avec un œil nouveau
Il déborde d’énergie, comme sa narratrice, Kyena
Il vous dépaysera car on voyage constamment entre la Corée et l’Australie
Il vous donnera de la volonté, de la force, de l’espoir
Il vous permettra peut-être de remettre en question votre vie et vos souhaits
…..
Si ces raisons ne vous suffisent pas, je ne sais plus quoi dire pour vous convaincre. Je peux insister en vous disant que c’est mon premier coup de cœur de la rentrée littéraire 2017. Qu’il ma fallut lire beaucoup de romans inintéressants avec de tomber sur cette pépite. Alors, maintenant que j’ai déblayé la surproduction qu’est la rentrée littéraire, qu’attendez-vous pour en savourer l’essence même ?
Les éditions Picquier et la Bibliothèque de Glow vous proposent de tenter votre chance pour remporter le polar japonais L’hiver dernier, je me suis séparé de toi qui vient tout juste de paraître ! Ce sont ainsi 5 exemplaires qui sont mis en jeu durant une semaine entière.
Résultat du jeu : BRAVO à Sandrine Fernandez, Christy Firefly, sylvie BACONNIER, DJELISAWETA et magali
Enfin, pour découvrir ce dont il est question dans l’ouvrage, et savoir si il vous tente, voici la présentation de l’éditeur :
Un journaliste est chargé d’écrire un livre sur un photographe accusé d’avoir immolé deux femmes, mais pourquoi l’aurait-il fait ? Pour assouvir une effroyable passion, celle de photographier leur destruction par les flammes ? A mesure que son enquête progresse, le journaliste pénètre peu à peu un monde déstabilisant où l’amour s’abîme dans les vertiges de l’obsession et de la mort. Un domaine interdit où il est dangereux, et vain, de s’aventurer…
Dans ce roman noir qui flirte avec le roman gothique pour mieux nous faire frissonner, les apparences sont toujours pires que ce qu’elles semblent, les poupées sourient étrangement et le rouge est celui du sang. Seule est certaine l’attirance pour la perdition.
Un polar bien retors et sombre, comme les japonais ont le secret…
Peut-être le nom de Fuminori Nakamura vous évoquera-t-il quelque chose ? L’auteur avait attiré mon intérêt il ya quelques années pour son roman Pickpocket. Ce sont maintenant trois ouvrages de cet auteur qui sont disponibles en France avec Revolver et son tout dernier paru en février 2017 : L’hiver dernier, je me suis séparé de toi. Ils sont tous disponibles aux éditions Philippe Picquier.
Un photographe aux goûts artistiques étranges… et mortellement dangereux
Un journaliste est chargé d’écrire un livre sur l’un des meurtriers les plus étranges du moment au Japon. Ses crimes sont si étranges et hors-norme, si malsains et inexpliqués que son profil fascine. C’est ainsi qu’il se retrouve mandaté pour écrire son histoire, ses motivations, ses pensées les plus obscures…
Mais cette plongée intime dans l’âme d’un meurtrier en quête de l’Art absolu est-elle sans danger ? Bien sûr que non… Jusqu’où peut-on fouiller dans le passé sans être soi-même influé par autant de mal ?
Un roman intimiste, sombre et étrange
Comme une grande majorité de romans policiers nippons, vous aurez droit ici à une intrigue à nulle autre pareille. Si vous recherchez quelque chose de classique ou de familier, ce n’est pas avec ce genre de roman que vous le trouverez. Non, L’hiver dernier, je me suis séparé de toi est un roman noir japonais qui va assez loin dans le genre tortueux.
Il s’agit d’une histoire de vengeance, d’esprit tourné et retourné en tout sens, d’amour aux (res)sentiments complexes et d’art où la perfection doit être atteinte, rien de moins. Le meurtrier de cette histoire est un photographe, et pour parvenir au cliché qui marquera les esprits à jamais, ce dernier est prêt à aller très loin… Trop loin.
Mais ce n’est pas le seul élément de l’intrigue qui comporte un réel intérêt. En effet, l’homme qui mène l’enquête pour écrire la biographie du meurtrier est également très intéressant. Peu à peu, on sent que son point de vue, ses pensées évoluent vers… autre chose. Quoi donc ? Impossible de vous le dire, mais les surprises sont de taille et s’enchaînent très vite en fin d’ouvrage !
D’ailleurs, si vous n’êtes pas familier des noms et prénoms d’origine japonaise, n’hésitez pas à noter qui est qui, car la fin du roman se densifie de telle façon qu’il vaut mieux reconnaitre chacun des personnages.
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Quoi qu’il en soit, l’intrigue est passionnante, les révélations fascinantes et menées avec art. Même pour les plus férus de littérature policière, impossible de deviner le fin mot de l’histoire ! Mais tout se tient parfaitement du début à la fin… c’est un régal.
L’écriture de Fumonori Nakamura participe à ce sentiment d’accomplissement. Les chapitres sont très courts, le ton est factuel, efficace, presque clinique. Tout concoure à nous offrir un roman policier original et inclassable comme seuls les japonais en ont le secret.
Alors, si vous aimez les histoires sombres qui peuvent aller loin dans la créativité et la férocité, ce roman est fait pour vous. Attention, c’est aussi retors et malsain que délectable !