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Chronique YA : Sombres citrouilles

Un roman noir et très sombre qui dénonce les secrets de famille qui pourrissent durant des décennies…

Dans le monde de la littérature jeunesse, Malika Ferdjoukh est une figure incontournable. Elle écrit aussi bien pour les primaires que pour les adolescents (ses romans ados se lisent aussi avec plaisir quand on est grand !).
C’est une autrice que j’ai découvert sur le tard, mais dont je dévore gentiment l’oeuvre petit à petit. Ici, avec Sombres citrouilles, je ne savais pas à quoi m’attendre, ce roman a de quoi surprendre à tous points de vue.

Si vous ne connaissez pas encore ou très peu les romans de Malika Ferdjoukh, laissez vous tenter par Le club de la pluie ou encore Les quatre soeurs pour commencer doucettement. Une fois que vous êtes ferré, Sombres citrouilles sera tout indiqué.

Un anniversaire à ne pas louper

Aujourd’hui, c’est la l’anniversaire du grand-père, figure emblématique et patriarcale de la famille Coudrier. Impossible et interdit de manquer l’événnement sous peine de représailles, notamment de la part de Mamigrand. C’est ainsi que peu à peu, tous les membres de la famille Coudrier arrivent sur le domaine, les enfants, les petits-enfants… tous forment une famille éclectique et étrange, déjà fortement marquée par le deuil. Plus encore qu’il n’y paraît.
Alors quand un corps est retrouvé parmi les cirtrouilles du jardin par les marmots, c’est le début d’un mystère qui va aller en s’épaississant…

Sombre à souhait, noir comme rarement

J’ai adoré ce roman polyphonique et happant mettant en scène des enfants issus d’une famille bourgeoise rurale. On y découvre l’ambiance si particulière et délétère des secrets de famille, des choses inavouables, des petits arrangements… et quantité d’autre choses.
Au travers du rages d’Hermès, Madeleine, d’Annette, Colin-Six ans, et quantité d’autres personnages qui gravitent, vous allez découvrir la véritable histoire. Celle que la famille Coudrier ne voudrait pas que vous connaissiez. Celle que les petits-enfants eux-mêmes ignorent, mais que vous lecteurs vous allez découvrir.

C’est extrêmement sombre, j’insiste sur ce point car au travers de ce polar intimiste et famillial, Malika Ferdjoukh dénonce. Elle dénonce la bien-pensance, l’amour sacrifié sur l’autel du qu’en diras-t-on, le racisme de ces bonnes familles rurales blanches et qui entendent bien le rester. C’est terrible de cruauté tout en étant pour moi extrêmement réaliste.

L’autrice a su dépeindre avec talent les portraits de ces deux grand-parents taiseux aux nombreux secrets. Et l’image de la grand-mère affectueuse va vite se fissurer, de même que celle du grand-père gentil et discret…

Lire Sombres citrouilles, c’est être à l’image de ces enfants et voir nos certitudes voler en éclats.

Ainsi, pour ceux et celles qui aiment les romans noirs, les mystère insolubles en apparence et les personnages incroyables de réalisme, vous êtes à la bonne porte. Entrez donc dans le cercle restreint des Coudrier, en tentez de vous y faire accepter, pour le meilleur et pour le pire… Dès 14/15 ans.

Chronique ado : Et dans nos cœurs un incendie

Vibrant, sublime, incontournable quand on est adolescent et que tout brûle autour de nous…

Premier roman d’Élodie Chan, contorsionniste de métier, Et dans nos cœurs, un incendie a déjà tout des grands. Écriture incisive, dialogues comme un uppercut… Retenez le nom d’Élodie Chan, elle va continuer à faire des étincelles !

Une histoire peut-elle commencer dans les toilettes ?

AU premier abord on serait tenté de dire que non. Mais c’est bien ce qu’Elodie Chan nous offre ici : deux ados déjà bien abimés par la vie qui se rencontrent aux toilettes. Elle tente d’allumer des petits feux avec son briquet à défaut d’avoir une passion qui l’embrase. Lui tente de son côté de se suicider… avec il faut le dire bien peu de succès pour le moment.
Voici donc Isadora et Tristan, ils n’ont rien en commun si ce n’est un certain dégoût du monde qui les entoure… Mais peut-être que cet unique point commun va les unir durablement ?

Un roman écorché et magnifique

Oui, vous avez déjà lu ce type d’histoire, oui, vous savez comment l’intrigue va se dérouler, s’emmêler et peut-être se résoudre. MAIS… vous n’avez jamais lu cela avec une telle plume, une telle vivacité dans l’écriture qu’elle en devient brutale, incisive, drôle et sombre à la fois.
Elodie Chan réussit à souffler un vent de nouveauté sur une histoire vieille comme le monde. Comment fait-elle ? Tout simplement grâce à la magie des mots. Je vous promets que vous serez transportés par cette histoire brûlante qui est le roman parfait quand on est ado. Et dans nos cœurs, un incendie est le roman que j’aurais voulu lire quand j’étais une adolescente. Il est un tel concentré d’émotions à vif qu’il se dévore sans même y penser. Et surtout, on se met avec aisance dans la peau des personnages, on comprend leur mal-être et leur défiance.

L’autrice a le pouvoir rare de rendre ses personnages réalistes, leur donnant une belle présence, une densité… et rien que pour ça, c’est réussit. Tout le reste, l’écriture, l’histoire… c’est du bonus. 90% du travail – réussit – de ce roman est basé sur la qualité exceptionnelle de ses personnages et de leurs dialogues.

En somme, Et dans nos coeurs, un incendie est un roman vibrant d’intensité. Brûlant (forcément) d’une beauté destructrice, il sera parfait à lire quand on est un.e adolescent.e, c’est LE genre d’ouvrage que l’on ne peut qu’aimer. Et surtout, l’autrice ne tombe pas dans l’erreur de faire ce que j’appelle du « faux jeune », avec des adolescents complètement à côté de la réalité et des dialogues faisant faussement ado. Non, ici Elodie Chan a fait du beau avec de vrai, et ça se voit. Dès 14/15 ans.

MON PETIT BEST OF DES CITATIONS DANS CE ROMAN

« Mademoiselle Ponthier souffle dans son sifflet avec une détermination qui aurait permis de sauver Jack dans Titanic ».

—***—

« – Hey Fatou, tes aisselles, c’est la serre du Jardin des Plantes ou quoi ? Faut une tronçonneuse pour débrousailler tout ça !

L’interpellée se fige, s’imagine riposter : « Laisse mes aisselles tranquilles, occupes-toi des tiennes ; je suis libre de faire ce que je veux de mon corps ; j’ai pas à suivre le diktat esthétique ; j’ai pas besoin de correspondre aux normes de beauté qu’une société patriarcale et des médias misogynes imposent aux femmes pour que, pendant qu’elles sont occupées à se raser à se maquiller et à faire le régime, elles oublient qu’elles sont moins payées ou qu’il n’y a encore jamais eu une Présidente de la République.
Elle voudrait le dire, vraiment, mais l’overdose de pubs, de clips, de magazines et de télévision qu’elle ingurgite depuis gamine a placardé quelque part en elle : « les poils, c’est moche, c’est dégueu ».
Alors, malgré elle, elle sent négligée, honteuse et se tait.
« 

Chronique : Appuyez sur étoile

Un magnifique roman sur la perte de nos aînés que l’on ne veut pas laisser partir… Une version de Les étoiles s’éteignent à l’aube version ado : sublime et triste tout à la fois.

Paru en 2017 aux éditions Sarbacane, Appuyez sur étoile est un roman ado signé par Sabrina Bensalah. Elle écrit peu, mais à chaque fois ses romans se font remarquer : Billie Fossette (collection Pépix chez Sarbacane), Vers le bleu (son premier et magnifique roman chez Exprim’ lui aussi) et plus récemment Diabolo Fraise en 2019, toujours chez Sarbacane.
J’avais déjà lu Billie Fossette, que j’avais apprécié, mais c’est la première fois que je découvre son œuvre pour ados avec Appuyez sur étoile. Et grand bien m’en a pris !

Comment dire au revoir quand ce n’est pas prévu au programme ?

Ils sont rares les romans pour la jeunesse ou les ados qui traitent de la vieillesse et de la mort, et pourtant c’est un sujet auquel nous sommes tous confronté à un moment. Pourquoi si peu d’ouvrages sur ce thème ? Ce n’est pas vendeur ? Il ne faut pas en parler car la mort est un sujet encore trop tabou ? J’imagine que c’est en partie pour cela, mais quand des livres comme Appuyez sur étoile tombent entre nos mains, impossible de ne pas être touché. Le sujet est traité avec tant d’humour et de justesse qu’il n’est plus question de pudeur ou de tabou : la mort fait partie du quotidien, et il vaut mieux l’affronter et aider l’autre à partir du mieux possible.

Un dernier rêve à accomplir

Pour la mémé d’Avril, son objectif est « simple » : finir ses jours dans la montagne et voir les étoiles en fermant une dernière fois les yeux… C’est ainsi que le but de sa grand-mère va devenir SON but. L’aider à franchir les dernières marches qui la mèneront ailleurs, loin de sa douce et folle petite-fille.
Mais avant tout cela, il y a de nombreuses étapes à franchir telles que le déni, la négation de l’état de sa grand-mère, ne pas voir le problème pour le faire disparaître… Mais ça ne marche qu’un temps.

Plus que l’histoire d’une perte, Appuyez sur étoile est avant tout une ode aux amitiés qui durent. Au fait que vieillir n’est pas le début de la fin mais le commencement d’une autre façon de vivre. Toutes les mémés dont s’occupe la douce Avril en les coiffant ont leurs particularité. On semble parfois oublier qu’elles ont été jeunes et qu’elles aussi ont fait des folies… Sabrina Bensalah est là pour nous le rappeler !
Et quand vous saurez quel était le métier de la grand-mère de la jeune femme, vous n’en reviendrez pas ! Ce métier si particulier lui a offert des amitiés incroyables et des sœurs indéfectibles.

Tout est touchant dans ce roman, mais jamais niais. Avril est un personnage d’une vivacité incroyable avec un grain de folie qu’on ne peux qu’aimer. De même, son sens de la répartie est aussi savoureux… Elle est d’ailleurs si lumineuse qu’elle n’attire que des personnes comme elle. Outre une belle image de la vieillesse, ce roman nous montre ce que de belles amitiés peuvent créer. De même que la solidarité entre les générations.

Appuyez sur étoile est un roman ado magnifique au message fort. Les passages les plus étranges y sont aussi les plus émouvants : ceux où la grand-mère d’Avril parle à quelqu’un au téléphone. Mais tout se passe dans sa tête, alors qui est-ce ? Si vous avez envie d’une belle histoire de vie et d’émotion tout à la fois, ce roman est parfait. Il est idéal à découvrir dès l’âge de 13 ans environ, mais pourrait tout à fait se savourer dans une édition de poche adulte !

Chronique : Les garçons de l’été

Un roman happant qui ne vous lâche pas une seule seconde, tel un requin vorace. Plongez corps et âme dans une histoire sombre à souhait…

Paru initialement en grand format aux éditions P.O.L, Les garçons de l’été est un roman génial et assez inclassable. Il aurait très bien pu entrer dans la catégorie « romans noirs », mais c’est finalement en folio, dans la collection blanche qu’il paraît en poche au mois d’avril 2018.

Il s’agit officiellement du premier roman de l’auteure française Rebecca Lighieri… Mais en réalité, elle a écrit une dizaine d’ouvrages sous le nom d’Emmanuelle Bayamack-Tam (parmi lesquels Si tout n’a pas péri avec mon innocence, Je viens ou encore Une fille du feu).

Sous son pseudonyme, elle a également écrit un autre roman, toujours aux éditions P.O.L : Husbands. Il a l’air également assez sombre…

L’histoire de deux frères qui ne vivent que pour et par le surf

Voici l’histoire de Zachée et de Thadée. Deux frères très différents mais dont la passion commune les transcende, les lie de façon unique : le surf. Ils sont constamment emplis de ce besoin viscéral de se mesurer au plus belles vagues, aux plus beaux et plus difficiles spots…

Mais un jour, le drame va frapper sous la forme d’un requin. De la jambe de Thadée, il ne reste que quelques lambeaux de peau… Personne ne le sait encore mais ce terrible événement signera la fin du bonheur pour une famille entière. Et révèlera le pire chez certains membres de cette famille aisée à qui tout souriait jusque là…

Glaçant, captivant et absolument mémorable

Je dois l’avouer, j’ai d’abord pris ce roman à cause de son bandeau très accrocheur : « Du Stephen King à la française ! ». Même si j’y allais avec curiosité et envie, j’avais peur d’être déçue, mais c’est tout le contraire qui s’est produit. Les garçons de l’été est une merveille de noirceur… Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi poussif en termes de détails et de faits glauques, mais ça ne m’a pas dérangée tant c’est bien amené.

L’atout majeur de ce roman, c’est sans aucun doute ses nombreux personnages. Ils sont tous distinguables facilement, l’auteure réussissant à nous les faire aimer (ou détester) en quelques pages seulement.

Par exemple, la mère de Thadée et Zachée – Mylène – m’a horripilée au plus haut point (ce qui veux dire que l’auteure a réussi son coup !). Elle est tellement coincée, rigide et hautaine qu’on a qu’une envie, la gifler. Constamment en adoration devant ses fils, tout particulièrement son ainé Thadée qu’elle couve de façon étouffante, elle est un cliché ambulant. Mais on sent que c’est une volonté de l’auteure et qu’il ne s’agit pas là d’un écueil dans lequel elle serait tombée.

Mais tous les autres protagonistes du drame sont également magistraux. Nous avons le point de vue de chacun à tour de rôle, et au fil des chapitres le portrait d’ensemble devient de plus en plus sombre…

Ainsi découvrons-nous ce qu’il se passe dans la tête du frère de Thadée, de leur père Jérôme (plus complexe qu’il n’y paraît), de Cindy la petite amie de Thadée, ou encore de Ysée, la petite sœur étrange des frères surfeurs.

D’ailleurs, la partie narrative d’Ysée, qui arrive en toute fin de roman est très intéressante. Elle m’a beaucoup fait penser à des écrits tels que Le bizarre incident du chien pendant la nuit ou Les Autodafeurs avec le personnage de Césarine. Leur point commun ? Une narration extrêmement originale car leur héros est atteint d’autisme. Et même si ce n’est officiellement pas le cas d’Ysée, elle a certaines caractéristiques autistiques flagrantes qui la rendent singulière et attachante.

Outre la grande qualité du roman apportée par ses personnages, les nombreux changements de genres sont pour beaucoup dans le caractère unique de l’ouvrage. On passe d’un roman de littérature dite « blanche » au policier voir au thriller psychologique avant de basculer dans un flottement où le fantastique est également possible. Bref, le lecteur n’a aucun répit, et cela à aucun moment.

Petit détail sur le thème principal du roman, le surf. Il y a quantité de termes issus de ce sport, et que l’on soit passionné ou non, ce n’est pas un frein à la lecture. Je ne connais aucunement le surf, ni ses figures, ni ses lieux-phares ou son vocabulaire, mais ça n’a jamais bloqué ma compréhension du roman. On voyage avec Thadée, Zachée et Cindy sur l’océan comme si nous y étions, l’auteure a dû énormément se documenter pour arriver à ce niveau de précision.

Enfin, il y a une grande dimension symbolique dans ce roman, notamment au niveau biblique, entre autres choses… Et ces nombreux parallèles et références aux mythes sont très intéressants et ajoutent encore à la qualité de ce texte déjà prégnant. Sans parler de tout ce que vous trouverez en sachant lire entre les lignes.

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Ainsi, vous l’aurez compris au travers de cette longue chronique, Les garçons de l’été m’a porté un coup au cœur comme rarement j’en ai eu pour un livre. Ce roman-chorale d’une famille en plein éclatement est marquant, grandiose et saura surprendre ceux qui oseront le lire…

J’ai donc hâte de retomber dans l’univers de Rebecca Lighieri !

Chronique : Qui a peur de la mort ?

Un roman d’anticipation mémorable qui mélange magie, post-apo et tant d’autres choses qu’il est impossible de tout énumérer… Découvrez le continent Africain comme vous ne l’avez jamais lu !

Premier roman de l’américaine Nnedi Okorafor d’origine nigériane à paraître en France, Qui a peur de la mort ? est paru en octobre 2017 aux éditions ActuSF. Mais une chose est certaine ce ne sera pas le seul… Aux Etats-Unis, elle a déjà écrit plus d’une douzaine de romans, dont une partie ont été primés : Binti a reçu le prix Hugo et le prix du Nebula du premier roman court. Elle a également eu le prix World Fantasy pour Qui a peur de la mort ?

Pour la petite histoire, Qui a peur de la mort ? est tout d’abord paru aux feues éditions Panini, dans la collection Eclipse en 2013. Ces dernières ont mis la clé sous la porte, et le texte de Nnedi Okorafor s’est perdu avec. Mais grâce aux éditions ActuSF, ce texte majeur de l’imaginaire connaît maintenant une seconde vie !

Autre bonne nouvelle, HBO a acquis les droits en vue d’une adaptation en série télé.

Quel destin pour Onyesonwu, enfant du viol et de la guerre ?

Elle n’était pas destinée à exister ou à naître, mais la fatalité en a décidé autrement. Notre histoire commence avec un énième conflit entre les Nurus et les Okekes. Les Nurus sont persuadés d’être supérieurs aux Okekes et cherchent à les dominer par tous les moyens…

C’est ainsi que violée par des guerriers Nurus ennemis, ayant traversé le désert enceinte, Najiba, une Okeke, accoucha sans aucune aide… Elle a traversé des villes hostiles avec son bébé avant de trouver un endroit qui les accueillerait toutes les deux : Jwahir. Voici pour l’histoire de la naissance d’Onyesonwu qui porte sur elle la marque du viol de par sa couleur de peau métissée. Maintenant, place à l’Histoire elle-même.

Au commencement de cet étrange roman, il y a la mort du père adoptif et bien aimé d’Onyesonwu… et son enterrement qui va tourner au cataclysme dans la ville de Jwahir.

Un roman initiatique fort aux symboliques mémorables

Pour ceux qui aiment les récits qui forgent et abiment leurs héros, c’est LE roman parfait. Si les histoires lisses et peu mouvementées vous lassent, vous êtes au bon endroit. C’est simple, Qui a peur de la mort ? est un roman qui frappe, qui salit, et qui laisse une empreinte mémorable chez son lecteur.

De nombreuses scènes y sont mythiques. Certaines sont d’une dureté difficilement supportable (viols, morts, excision…), d’autres d’une beauté unique (amour, sacrifice, force). Une chose est sûre, vous ne resterez pas indifférent face à une telle œuvre.

Nnedi Okorafor se fiche totalement des genres qu’elle utilise et use de tout sans réserve pour servir son propre style et cheminement. Il y a de la magie, des croyances, des guerres, une déesse qui trace les destins : Ani. Et surtout, il y a un apprentissage de longue haleine, un voyage initiatique, une guerre qui se profile… L’histoire peut sembler assez classique dans les grandes lignes, mais détrompez-vous, son traitement, son écriture, tout y est unique.

J’ai particulièrement apprécié la personnalité d’Onyesonwu, sa pugnacité, ses capacités à se jouer de l’adversité sont impressionnantes. Elle n’est jamais aussi belle que dans la difficulté… c’est une véritable belle héroïne de roman. J’ai surtout aimé ses phases d’apprentissage et son enfance/adolescence.

De plus, le vocabulaire très spécifique à l’univers de Nnedi Okorafor et à sa culture nigériane nous aide immédiatement à nous plonger dans cette Afrique post-apocalyptique. On apprend énormément de choses, on est touchés en plein cœur par certaines scènes, c’est aussi beau que terrible.

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C’est donc un roman incontournable à lire absolument si vous voulez un dépaysement garanti et une intrigue bien loin d’être cousue de fil blanc. Entre violence et onirisme, magie et rites de passage, c’est une véritable plongée dans l’inconnu.

Sachez enfin que ce roman peut se lire comme un tome unique, mais qu’il y a un second tome de paru aux Etats-Unis : The book of Phoenix.

Chronique : La mère des eaux

Un thriller fantastique et fou qui tire ses origines dans ce que la magie vaudou a de plus sombre…

Après Les enfants de Peakwood, Rod Marty revient ! Auteur français découvert par les éditions Srcinéo, La mère des eaux est son second roman. On y sent plus d’assurance et de maturité que dans le premier. Plus de noirceur également. Je vous laisse aviser, mais pour moi, c’est un véritable coup de cœur.

Il était une fois… dans une petite ville isolée de Louisiane : Lamarre

Emily et Chris forment un couple idéal. Ou presque. Leur manque d’enfant commence à peser, en particulier pour Emily qui a perdu tout espoir à force fausses-couches à répétition… Pour Emily, qui est fille adoptive, c’est encore plus difficile à accepter que pour d’autres…

Alors, quand arrive une lettre en provenance de la ville de Lamarre et qu’on lui annonce qu’elle hérite de la propriété de sa mère, Emily veux y aller immédiatement. Surtout que sa mère biologique n’est pas décédée, mais bien vivante ! Une surprise de taille pour la jeune femme. Mais sa mère est totalement vidée, il n’y a plus d’âme en elle, uniquement une enveloppe qu’il faut nourrir et changer… Emily doit donc s’occuper d’elle maintenant, et peut-être rester à Lamarre ?

Les habitants y sont si accueillants, gentils, prévenants… pourquoi ne pas rester vivre dans cette douce petite ville à l’écart du stress de la grande ville ? Surtout que peu à peu, on commence à promettre à Emily l’idée qu’un enfant d’elle puisse naître dans cette ville aux caractéristiques uniques. Comment ? Pourquoi ? Beaucoup de questions s’amoncellent aux portes de Lamarre… oserez-vous les franchir ?

Un roman sombre comme il faut…

Lire ce roman, c’est se retrouver dans un autre endroit, et même un autre siècle. Lamarre est une ville si isolée de tout qu’on dirait que le temps s’y arrêté. Ce qu’on y découvre est bien loin de ce qu’on aurait pu imaginer au premier abord.

Je m’attendais toutefois à un récit sombre, et j’ai justement adoré La mère des eaux pour cela. Ça fait du bien de lire un roman dont l’atmosphère est proche du récit horrifique. Sous tension constante, parsemé de visions étranges, violentes, parfois érotiques… Emily se perd peu à peu dans les méandres de la petite ville de Lamarre.

L’ambiance est lente, lancinante, invasive… on sent réellement le mal-être qu’engendre peu à peu la ville sur le couple. Rod Marty a gagné en maturité au niveau du développement de son décor. Beaucoup plus fin, efficace que dans son précédent roman. C’est délectable !

Et surtout, on en apprend énormément sur la magie vaudou. Dans ce roman, il est question de Mami Wata, la Reine des eaux. Elle peut vous donner beaucoup si vous la servez comme il se doit… sinon elle reprend tout, et pire encore. Si vous commencez d’ailleurs à chercher un peu qui est Mami Wata sur le net, vous trouverez énormément de sites web dédiés au vaudou (haïtien, africain…). J’avoue avoir tellement aimé que j’aurais voulu en savoir plus cette culture magique si bénéfique et dangereuse à la fois.

J’ai adoré découvrir le mythe pensé par Rod Marty pour expliquer les origines de la ville de Lamarre. Dans le roman, on alterne entre notre époque et une autre, une centaine d’années avant. Tout est bien ficelé pour nous amener jusqu’à la conclusion parfaite concoctée par Rod Marty.

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En conclusion, La mère des eaux est un roman parfait si vous aimer vous faire peur, être captivé par une ambiance étrange, malsaine et fascinante à la fois.

Rod Marty se révèle enfin avec ce roman de qualité qui plaira aux fans d’horreur et de fantastique !

PS : Petite mention spéciale pour la couverture que je trouve absolument parfaite pour le roman. Je n’ai d’ailleurs pas pu m’empêcher de penser à un autre roman d’horreur qui utilise la couleur verte comme base, avec une petite chapelle en fond… ça vous parle ?

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Chronique album jeunesse : La poupée de Ting-Ting

Tendre, touchant et mélancolique… voici un album pour les enfants qui restera inoubliable !

Voici un magnifique album jeunesse ayant pour thème la perte, le souvenir, l’amour… La poupée de Ting-Ting est paru en janvier 2015 aux éditions du Seuil Jeunesse.

Les illustrations sont assurées magnifiquement par Régis Lejonc (qui est illustrateur pour la publicité et l’édition jeunesse). Il a notamment illustré Le bestiaire fabuleux ou encore Quelles couleurs ! pour lequel il a reçu le grand prix de l’illustration de Moulins. Quant au texte, qui est une création, il a été écrit pat Ghislaine Roman.

Une petite poupée cause d’un grand souci

La jeune Ting-Ting tient énormément à sa poupée, confectionnée avec affection et amour par son papa avant sa disparition… Alors, quand un matin elle n’arrive plus à remettre la main dessus, Ting-Ting est soudain prise d’une peur-panique, mais aussi d’une grande tristesse….

Où est donc passée sa petite poupée ? Est-ce sa mère qui l’aurait emmenée par mégarde avec toutes les autres poupées qu’elle tente de vendre au marché ? Ting-Ting aurait-il perdue pour toujours sa magnifique poupée, celle qui lui ressemble tant comme disait son père ?

Un album subtil et tout en beauté

Pour les amoureux des belles histoires sublimées par un dessin extraordinaire, c’est donc avec cet album que ça se passe. La poupée de Ting-Ting est à la fois doux, poétique, vivant, vrai… tout simplement magnifique.

Pour tous les fans de belles histoires et d’Asie en général (et de Chine en particulier car le prénom Ting-Ting est d’origine chinoise), cet album devrait pouvoir vous contenter, vous et vos enfants. Bien que mélancolique, il ne faut pas hésiter à la lire à des enfants dès l’âge de 5 ans environ.

Découvrir cet album, c’est également l’occasion de faire la connaissance avec le travail d’un illustrateur remarquable : Régis Lejonc. Le soin apporté aux détails et expressions est tout simplement bluffant. Je pense en particulier aux yeux des personnages qui prennent vie au fil des pages. Il y a une telle profusion de petits détails pour les faire vivre que c’en en bluffant.

C’est si travaillé que l’on ne dirait pas des dessins parfois, mais de réelles photographies retouchées pour donner l’illusion qu’il s’agit d’un dessin…

……

Ainsi, vous l’aurez compris : La poupée de Ting-Ting est à découvrir d’urgence pour aborder divers thèmes auprès des petits : la perte, le rappel du souvenir, l’affection, l’attachement, l’espoir… Bref, que de beaux sentiments. A lire aussi simplement pour découvrir un bel album jeunesse au travail indéniable. A quand un autre album dans le même style d’univers ?

TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : [Kokoro]

kokoroUn livre différent à lire, à appréhender et à apprécier qui nous conte l’histoire d’une famille à travers des mots simples du quotidien… au Japon.

Delphine Roux est une auteur française dont l’univers est fortement lié au pays du Soleil Levant, comme le montrent ses ouvrages : Les petits sentiers d’Obaasan ou encore Bonne nuit, Tsuki san !. [Kokoro] est son tout premier roman.

[kemuri, fumée]

Voici l’histoire courte mais touchante d’un frère et d’une sœur : Koichi et Seki. Traumatisés par la disparition de leurs parents lors d’un incendie, chacun a depuis fait sa vie avec plus ou moins de réussite. Mais cela n’efface en rien la blessure qu’ils portent au fond d’eux… Cela peut-il changer ? Et si oui, comment s’émanciper de cette douleur continuelle qui donne l’impression de subir sa vie plutôt que de la vivre ?

[monogatari, histoire]

Triste, belle et étrange, [Kokoro] est une histoire qui prend son sens après l’avoir entièrement terminé, et en y repensant par la suite. Chaque chapitre (qui fait moins d’une page à chaque fois) est présenté par un mot japonais, accompagné de sa traduction. Ces mots sont ancrés dans le quotidien, nous montrent les choses simples de la vie et leur possible complexité pour les protagistes terrassés par la douleur.

Koichi n’a jamais vraiment fait son deuil, tandis que Seki, elle, semble vivre vite sa vie pour oublier son passé…

L’extrême brièveté des chapitres aide à s’imprégner de chaque mot présenté. Comme si on se devait de penser à son importance quotidienne. Qu’il s’agisse du vent (kaze), d’une fenêtre (mado), de maquillage (kesyou), tout est pensé, réfléchi.

Au début de la lecture, on pense découvrir un ensemble décousu de définitions, mais peu à peu, le tout se relie pour former une mélancolique et belle histoire.

…..

A conseiller à ceux qui aiment déjà le Japon, ses effluves, et son esprit. Ce court roman étant loin d’être conventionnel, certains resterons sur leur faim, mais ceux qui sont habitué à cet « esprit japonais » sauront que la fin d’une histoire au Japon n’en est pas vraiment une…

Quoi qu’il en soit, si vous êtes à la recherche d’un beau et doux récit, [Kokoro] pourrait bien faire flancher votre cœur à sa lecture. Petit conseil : ne le lisez pas d’une traite. Savourez plutôt quelques pages par jour, pas plus, sous peine de ne pas saisir toute sa poésie, et sa douce magnificence…

Seule petite remarque, je trouve l’ouvrage un peu cher pour ses 115 pages : il est à 12,50€.

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Chronique album jeunesse : Où est mon étoile ?

Où est mon étoile (1)Un album sur la perte et le deuil qui émeut jusqu’aux larmes…

Satoe Tone est une illustratrice d’origine japonaise, son travail a été très fortement remarqué grâce au prix de l’Illustration de Bologne qu’elle a remporté. Publiée chez Passepartout, Balivernes et maintenant Nobi-Nobi !, Satoe Tone est une auteur/illustratrice qui a le vent en poupe, et c’est loin d’être un effet de mode… Le voyage de Pippo, La fanfare des grenouilles, Doux rêves de moutons

Ses illustrations et son ton sont tout simplement parfaits et poignants, notamment pour l’album Où est mon étoile ?, dont nous allons vous parler ci-dessous…

Une petite souris qui recherche son étoile

Petite souris est emplie de chagrin, elle vient de perdre un ami auquel elle tenait énormément. Mais on raconte que les être chers se retrouvent tout en haut, dans le ciel, sous forme d’étoile, et qu’ils sont là pour nous protéger.

C’est ainsi que Petite souris part à la recherche de son étoile, pour tutoyer le ciel et revoir son ami qui lui manque tant… Alors elle part, traverse les océans, les mares, les étangs, grimpe les hautes herbes et va même jusqu’à la cime des arbres… Alors, va-t-elle trouver son étoile ?

Où est mon étoile (2)Tout comme Petite souris, j’ai pleuré

Un tel concentré de beauté et de tendresse nous parviennent dès les premières pages qu’il est difficile de ne pas s’émouvoir à cette lecture. La scène où l’on voit cette fameuse petite souris laisser couler ses larmes est d’une telle intensité que… j’ai moi-même pleuré à sa lecture.

C’est aussi beau que douloureux, aussi sublime qu’infiniment triste… et indispensable.

« J’avais à mes côtés un être qui comptait beaucoup pour moi.

Mes amis me disent qu’il n’est pas vraiment parti.

Qu’il s’est simplement changé en une belle étoile dorée pour me protéger.

Mon étoile, ma jolie étoile…

Où que tu sois, je pars te retrouver ! »

Où est mon étoile (5)C’est un merveilleux album tant au niveau du texte que des dessins pour parler du deuil et de la perte aux enfants. Le seul autre album pour la jeunesse qui avait réussit à m’émouvoir comme cela par le passé, c’était Au revoir Blaireau de Susan Varley.

D’une infinie poésie, cet album est à découvrir absolument, que l’on soit un adulte ou un enfant, il sait trouver les mots qu’il faut dans ces moments difficiles… Magnifique. A lire aux petits dès l’âge de 4 ans.

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