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Chronique : La danse du temps

Un roman sur l’écoulement de la vie qui peut être un long fleuve tranquille… jusqu’à ce que l’on se fasse rattraper par les imprévus à l’âge de soixante ans ! Et si c’était pour enfin vivre vraiment, justement ?

Anne Tyler est une autrice américaine a l’œuvre unique, La danse du temps, paru chez Phébus en 2019 est son dernier roman en date.

Elle a écrit notamment Vinegar Girl (coup de cœur ici !), Leçons de conduite (Prix Pulitzer), Une bobine de fil bleu ou encore Une autre femme. La majorité de ses romans sont publiés en poche chez 10/18.

La vie d’une femme américaine qui traverse les décennies

Quand La danse du temps débute, Willa a une dizaine d’années. Elle sait déjà ce qu’elle veut : une famille stable, ne pas ressembler à sa mère qui quittait le domicile pour un oui ou pour un nom laissant son père seul avec deux petites filles.

Et Willa va parvenir à cet idéal, car la première moitié du roman nous laisse découvrir en de cours épisodes les décennies qui s’écoulent… Willa semble avoir une vie parfaitement bien rangée. Il y a bien eu des difficultés pour elle, mais c’est surtout quand Willa atteint l’âge de soixante ans que le récit commence réellement. Le déclencheur ? Un coup de téléphone lui demandant de venir à Baltimore garder sa petite fille… sauf qu’elle n’a aucun petit enfant. Mais elle décide malgré tout de jouer le jeu…

Un roman lent et plaisant, comme la vie de Willa

C’est un peu triste de dire cela, mais la vie de Willa semble réellement commencer à soixante ans. Avant, dans chaque période de sa vie, elle n’a été que spectatrice. Subissant plutôt qu’initiant, ne se plaignant jamais, remplissant parfaitement son rôle de femme… Du moins celui qu’elle s’est imaginé. Willa se rend compte que vivre, ce n’est pas que pour rendre les autres heureux, c’est ainsi que sur un coup de tête, elle va à Baltimore s’occuper de sa soi-disant petite fille.

Et c’est là que commencent à apparaître les couleurs de la vie.

Ayant lu Vinegar Girl juste avant de passer à La danse du temps, j’ai été un peu déçue. Je n’ai pas retrouvé un plaisir de lecture aussi intense. Il est vrai que La danse du temps ne raconte pas grand chose en soi… Et pourtant, ce roman est malgré tout extrêmement touchant. Je pense qu’il est parfait à lire pour ceux et celles qui s’interrogent sur leur vie, leur but, sur ce qu’ils veulent vraiment.

Je crois que la force des romans d’Anne Tyler réside dans la réflexion qu’elle nous offre sur que l’on veut faire pour changer les choses à notre échelle. Comment s’accomplir, ne pas vivre avec des regrets… En tout cas, c’est comme cela que j’ai pris ce roman.

Bien que cela soit paradoxal, j’ai donc passé un bon moment avec Willa, l’héroïne de La danse du temps, même si il ne s’y passe guère de choses. Je n’ai pas vibré à cette lecture, mais il m’a apporté une sorte de paix intérieure bienvenue…

L’une des rares choses qui fasse vibrer Willa, ce sont les cactus saguaro. Elle ne se l’explique pas mais elle les aime de façon viscérale, d’où la photo ci-dessous.

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Chronique : Le riz

Le rizQuand toute la vie d’une famille ne dépend que d’une chose : une bonne ou une mauvaise récolte

Paru en Malaisie en 1966, ça n’est qu’en 1987 que Le riz, écrit par Shahnon Ahmad et traduit par Nicole Biros paraît en France aux éditions Actes Sud. Il s’agit du seul roman de l’auteur paru en France bien que sa production soit très importante. Selon la traductrice, Shahnon Ahmad est un auteur qui affectionne tout particulièrement les microcosmes sociaux et apporte une attention particulière à la psychologie de ses personnages. Il est l’auteur de plus d’une dizaine de romans sans compter ses essais et est professeur de littérature à l’université.

Le riz est un roman qui fut adapté au cinéma sous le titre Rice People en 1994, traduit en français sous le titre Les gens de la rizière. Bien que le livre soit d’origine Malaisienne, le film lui est issu d’une production Cambodgienne.

Bienvenue dans l’enfer quotidien des belles et dangereuses rizières

Notre histoire se déroule dans un petit village de Malaisie où tout le monde se connait et s’entraide. Nous y suivons la famille de Lahuma et de sa femme Jeha, composée de six filles. C’est donc une grande fratrie qu’il faut nourrir au quotidien, sans compter qu’il doit rester du riz pour en revendre une partie… Ainsi sommes-nous initiés aux problématiques qui taraude jour et nuit Lahuma, le chef de famille.

Mais la récolte de la précieuse denrée n’est pas aussi simple qu’il y paraît au premier abord pour nous, simples lecteurs. Tout peut être un facteur de mauvaise récolte : les oiseaux voraces qui dévorent le riz, les crabes qui deviennent amok (fou en Malaisien) et coupent les tiges, les inondations qui menacent les jeunes pousses…

C’est tout un quotidien uniquement axé nuit et jour sur la récolte qui nous est ici décrit dans toute sa lenteur. Lahuma et sa famille ne vivant que pour et grâce au fameux riz. Le moindre imprévu pouvant tout détruire… Ils sont tous si effrayés par le futur qu’ils en oublient la beauté de la nature qui les entoure, et pour cause.

Une vie faite de simplicité qui nous force à la mise en perspective

Ce riz si précieux et son coût, voilà ce que veut nous montrer Shahnon Ahmad. Sans misérabilisme, mais avec la constatation des dures lois de la nature qui s’accumulent contre les agriculteurs. La peur de faire une mauvaise récolte nous atteint nous aussi tant elle est ancrée dans les personnages de Lahuma et de Jeha. Si la récolte n’est pas bonne, leurs filles seront également moins bonnes à marier, ils ne pourront pas non plus améliorer leur quotidien déjà bien pénible…

Mais le drame qui déclenche réellement l’histoire arrive par une banale mais dangereuse épine qui perfore l’un des pieds de Lahuma. Le fonctionnement interne de sa famille va en être bouleversé et faire mûrir plus vite que prévu ses plus grandes filles.

Une narration lente mais pas fastidieuse

La narration de Shahnon Ahmad est rythmée aussi lentement que le riz qui pousse tout au long du roman. Mais loin d’être ennuyeux, on prend plaisir à chaque nouveau détail du quotidien difficile mais aussi parfois heureux de cette famille Malaisienne. Les romans asiatiques ont souvent cette particularité de rester passionnants tout en étant dans le contemplatif, l’attente. Et c’est ainsi que nous suivons l’évolution du personnage à part entière qu’est le riz, dans toute sa simplicité et les attentes que les habitants mettent en lui.

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Pour conclure, ce récit est une belle et terrible description du quotidien on ne peut plus terre à terre de nombreux paysans. Intemporel, le roman pourrait aussi bien se dérouler de nos jours qu’il y a cinquante ans, tant la pauvreté n’a guère changé les habitudes de récolte des moins dotés. Mais le pire dans tout cela, c’est que la traductrice du roman nous dit dans la postface de quelques pages que la famille de Lahuma est loin d’être la plus pauvre comparée à d’autres… cela nous donne de quoi réfléchir !

Le riz est un beau roman, à la fois tendre, dur et surtout très humain dans sa façon de décrire avec efficacité les traits de chaque personnage, qui sont très peu nombreux. Il ne plaira pas à tout le monde à cause de son rythme lancinant, mais de mon avis, il vaut que l’on s’y intéresse, ne serait-ce que pour découvrir une autre culture, un autre mode de vie…

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Chronique Jeunesse : La folle semaine de Clémentine

la folle semaine de clémentineUn roman jeunesse hilarant, frais et drôle comme il en faudrait bien plus !

La série des livres Clémentine est d’origine américaine. Les ouvrages rencontrent un fort succès dans leur pays d’origine, de même qu’en France, où le premier tome, La folle semaine de Clémentine est paru en mars 2012 chez Rageot. Ce premier tome a d’ailleurs remporté le prix Tam-Tam « j’aime lire » en 2013.

Sara Pennypacker en est l’auteur, et Maria Frazee l’illustratrice, et le duo fonctionne à merveille. On découvre ici le quotidien d’une jeune fille d’environ huit ans qui fait bêtises sur bêtises… plus ou moins malgré elle !

Bien qu’il s’agisse d’une série, il n’y a pas de réel ordre pour les lire. Pour le moment, quatre tomes sont parus en France, un cinquième arrive en mai 2014 sous le titre : Une surprise pour Clémentine.

la folle semaine de clémentine inside 02Lundi : Convoquée chez la directrice

Dès le début de la semaine, notre chère Clémentine commence fort en étant convoquée par la directrice. Mais après tout, ce n’est pas vraiment de sa faute, elle essayait d’aider sa meilleure amie Margaret… résultat, elle lui a malencontreusement coupé les cheveux… Ce premier (mé)fait annonce le début d’une longue série de plus ou moins grosses bêtises réalisées en toute innocence par Clémentine qui pense bien faire.

Les catastrophes s’enchaînent, les idées folles de Clémentine aussi. On rigole de sa façon de penser enfantine très bien retranscrite (elle voit des serpents dans le plafond du bureau de la directrice), de son innocence (elle se coupe les cheveux elle-même pour ne pas que sa meilleure amie se sente seule) ainsi que de son caractère.

Volontaire, un peu têtue, parfois avec des idées bizarres, Clémentine est un personnage inoubliable pour les enfants qui se reconnaîtront certainement un peu en elle par certains côtés.

La relation frère-sœur y est également abordée, et on peut dire que Clémentine ne lui fait pas de cadeaux en terme de prénoms… en effet, elle ne l’affuble que de noms de légumes… après tout, elle a bien un prénom de fruit elle !

la folle semaine de clémentine inside 03Les illustrations en noir et blanc, simples et jolies complètent à merveille le récit tout en étant dans le ton humoristique général du livre. On y relève toute la malice de la petite héroïne qui n’en fait parfois qu’à sa tête.

Dans ce premier tome, on découvre ainsi une héroïne aussi courageuse que coquine mais également intelligente et désireuse de bien faire. Elle n’est pas la perfection même, et c’est tant mieux. A l’image des enfants tels qu’ils sont avec leurs idées qui peuvent nous sembler étranges à nous adultes, Clémentine charme par sa façon d’être.

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Le quotidien d’une famille y est ainsi décrit avec simplicité, qu’elle soit américaine ou de n’importe qu’elle culture occidentale, l’histoire reste universelle. A conseiller dès l’âge de huit ans environ, il y a vraiment des scènes inoubliables dans ce roman !

la folle semaine de clémentine inside

Chronique bd : La page blanche

PAGE BLANCHE - C1C4.inddUne bande-dessinée qui donne à réfléchir sur notre “belle” et grande société de consommation…

La page blanche est dessiné par Pénélope Bagieu, une artiste en vogue depuis quelques années grâce à ses livres humoristiques sur son quotidien ainsi que son blog du même nom : Ma vie est tout à fait fascinante. Au scénario, nous retrouvons Boulet, un auteur et illustrateur également bien connu, notamment pour ses Notes parues aux éditions Delcourt (le huitième tome est sorti en octobre 2013).

Avec La page blanche, c’est une collaboration inédite et originale qui nous est offerte avec son lot de rires et de réflexions…

Le néant sur un banc…

Notre histoire commence avec une jeune femme assise sur un banc. Quand elle sort de ses « pensées » et bien… il n’y a rien, c’est le néant. Elle est là, à côté du métro Montgallet sans rien savoir de son nom, de son travail ou même de son adresse. La quête d’identité commence, et elle va être bien différente de celles que l’on a déjà pu croiser dans la littérature…

Pour notre personnage amnésique, la moindre petite chose du quotidien devient compliquée : retrouver son appartement, savoir où elle travaille, qui sont ses amis, etc. Mais quand elle découvre qu’elle n’est qu’une jeune célibataire qui vit avec son chat et qu’elle n’a à priori aucun signe distinctif (que ce soit au niveau de ses goûts ou autres), c’est là que la difficile enquête autour d’elle-même débute.

D’une drôlerie pure !

Quand on voit tous les films que se fait dans sa petite tête Eloïse Pinson (et oui, c’est son nom), il y a beaucoup d’occasions de se marrer. Elle s’imagine espionne déchue, femme au cœur brisé pour « nom américain » (vous comprendrez après lecture !), et une foule de choses plus folles encore pour justifier sa perte de mémoire.

Le scénario de boulet est avant tout à saluer pour son humour très efficace et l’intrigue prenante qu’il a su instiller au lecteur dès la première page. Les dessins de Pénélope Bagieu finissent un beau travail qui sait donner vie et humanité à ses personnages tout en collant parfaitement au ton voulu par le duo : traiter d’un sujet de société qui touche beaucoup de monde sans le faire dans le misérabilisme.

Seul bémol, malgré cette belle recherche de soi et cette quête d’identité, la bd La page blanche a selon moi un défaut : une conclusion trop simple et un peu bâclée. On comprend le message qu’on voulu faire passer les auteurs : burn-out, pression de la société, perte d’épanouissement dans nos vies citadines… mais il reste tout de même un goût d’inachevé dans cet ouvrage qui au lieu d’être bien, aurait pu être excellent.

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Chronique Jeunesse : Journal d’un chat assassin

Journal d'un chat assassin 01gLes confessions d’un chat aux intentions louables, mais incomprises par ses maitres…

Écrit par Anne Fine il y a de cela presque vingt ans, le journal d’un chat assassin est un véritable best-seller, que soit en France où dans son pays d’origine, la Grande-Bretagne.

Anne Fine est une auteur jeunesse à l’imagination débordante, outre les nombreuses aventures qu’elle a fait vivre à son chat tueur (Le chat assassin, le retour, La vengeance du chat assassin, le noël du chat assassin…), elle a également écrit Comment écrire comme un cochon ou encore Le jeu des sept familles.

En 2011, l’école des Loisirs a d’ailleurs fait une intégrale des aventures du chat assassin regroupées sous le titre Le grand livre du chat assassin. Les illustrations sont quant à elles signées par Véronique Deiss.

Mais ce n’est pas ma faute, je suis un chat !

Le chat de la famille est un véritable carnassier : tous les animaux qui passent près de lui meurent, plus ou moins mystérieusement… mais ce qu’ignorent ses maître, c’est que le plus souvent, ça n’est pas lui le tueur de toutes ces créatures !

« Allez-y, donnez-moi une fessée ! J’ai rapporté une souris morte dans leur merveilleuse maison. Je ne l’ai même pas tuée. Quand je suis tombé dessus, elle était déjà morte. Personne n’est en sécurité par ici. »

Le journal de ce fameux chat se découpe en chapitres, ces derniers correspondant à chaque jour de la semaine. Et plus le temps passe, plus les animaux qui meurent sont gros, jusqu’à aller à un lapin ! Mais est-ce vraiment notre antihéros de chat qui a tué Thumper, le chat du voisin ? Ça paraît gros, mais tout accable le pauvre matou !

Diary of a killer cat 01Désopilant de bout en bout

La force du récit d’Anne Fine réside dans sa prose courte et efficace. On s’amuse de ses tournures de phrases, de sa malchance, mais aussi de la famille qui s’occupe de lui et qui ne le croit nullement quand il fait tout pour prouver son innocence.

Drôle du début à la fin, le texte n’est pas le seul coupable de cette réussite. En effet, les illustrations très parlantes et imagées de Véronique Dreiss y sont également pour beaucoup.

Le journal d’un chat assassin est un grand classique de la littérature jeunesse et on comprend très vite pourquoi dès que l’on débute sa lecture. L’histoire est simple mais pas simpliste, l’humour y est aussi percutant qu’un chat tombant sur un moineau et les illustrations complètent ce sentiment d’humour absurde si plaisant.

Un classique à découvrir ou à relire, dès l’âge de 6-7 ans environ. Les enfants pourront le lire seuls dès la fin du CP.

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Chronique : Velvet

VelvetUne nouvelle fois, Mary Hooper nous montre tout son talent pour le dramatique et le roman historique

 Paru en août 2012 chez Les Grandes Personnes, Velvet est le troisième roman de Mary Hooper à paraître chez l’éditeur. Elle y avait précédemment sorti Waterloo Necropolis et La messagère de l’au-delà. Aux éditions Gallimard Jeunesse, elle a sorti une trilogie intitulée La maison du magicien, toujours dans une ambiance et un univers historique.

Retrouver Mary Hooper fut un vrai plaisir, que je vais tenter de vous communiquer au mieux par cette chronique.

 Dans l’enfer des blanchisseries

A l’époque dans laquelle vit Velvet, au début des années 1900, la vie est toujours aussi dure et cruelle avec les gens pauvres. Il faut travailler dur (quand on a la chance de travailler), et il faut se battre tous les jours pour garder sa place et ses maigres revenus.

C’est ce que fait la jeune Velvet, qui travaille comme blanchisseuse à Londres : un travail ingrat, difficile, et qui rend propice les évanouissements à cause de l’intense chaleur qui y règne constamment.

Après de nombreux malaises, Velvet va devoir perdre sa place, c’est inéluctable. Mais un revirement de situation va bouleverser sa vie et son destin : l’une des clientes dont elle nettoie la toilette la fait mander par le directeur de la blanchisserie. Et loin d’être une mauvaise nouvelle, cette convocation est une véritable manne pour Velvet qui se voit recrutée par Madame Savoya, une des médiums les plus en vogue de Londres. Elle voit en elle une jeune fille débrouillarde à qui elle veut donner sa chance dans le monde.

Ainsi commence la lente progression de Velvet dans le monde nébuleux et étrange du spiritisme…

Velvet ukUn art en vogue à l’époque victorienne

Mary Hooper a décidé de planter son décor dans une thématique mystérieuse à laquelle notre héroïne (et nous par extension) commençons à croire au fil des pages. Discussion avec les morts, matérialisation d’êtres chers et disparus, tables tournantes… Toutes les ficelles du spiritismes sont ici tirées pour nous emmener dans un univers où l’on est aussi perdu que fasciné.

La jeune Velvet, émerveillée est en totale adulation face à sa maîtresse et fait tout ce qu’il faut pour être la mieux vue possible auprès d’elle. Elle a d’autant plus de raisons de s’attacher à elle qu’elle s’amourache assez vite de son assistant, George.

Impossible de décrocher de l’histoire de notre attachante Velvet, que l’on pressent glisser doucement dans un monde dont elle ne connaît rien. Mary Hooper aime à créer des héroïnes à la fois fortes et facilement flouées par un changement brutal d’univers, le plus souvent somptueux. Le passage d’un monde de pauvreté à l’opulence baisse la garde de ses héroïnes au point qu’elle deviennent des victimes faciles.

La lecture de Velvet est également l’occasion de découvrir d’autres éléments de l’Histoire, ainsi, saviez-vous que Sir Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes était un féru de spiritisme ? C’est aussi pour cette culture apportée au gré de ses phrases que les romans de Mary Hooper font mouche. Elle réussi à nous parler de côtés sombres et méconnus de l’Histoire qui sont le plus souvent fascinants.

Vous trouverez en fin d’ouvrage toute une explication du contexte historique du roman et de la réalité sociologique de l’époque, notamment concernant le travail des femmes et la naissance du spiritisme.

Encore une fois, Mary Hooper réussit l’exploit de nous brosser un magnifique portrait de l’époque victorienne et de ses usages. On se plonge dans ce roman pour n’en sortir qu’une fois terminé, tant l’écriture est parfaite, l’intrigue habillement tournée. Cette incursion dans le monde du spiritisme est intéressante et donne d’ailleurs envie de se pencher de plus près sur le thème, qui est déjà bien creusé par l’auteure. Velvet est un très bon roman historique que je ne saurais que trop vous recommander. A lire dès l’âge de 14 ans environ.

Chronique : La belle Adèle

La belle AdèleMarie Desplechin est une auteure française à la production littéraire absolument incroyable. Elle écrit pour la jeunesse, mais pas seulement : romans, scénarios, spectacles, c’est une véritable touche à tout.

Parmi ses ouvrages incontournables destinés à la jeunesse, on peut citer la trilogie du Journal d’Aurore, Verte, ou encore Une vague d’amour sur un lac d’amitié.

Souvent prescrite dans les écoles, Marie Desplechin, c’est tout de même 70 000 ouvrages jeunesse vendus chaque année, sans compter ses autres ouvrages.

Pour La belle Adèle, le processus d’écriture fut un peu différent des autres romans, car l’ouvrage était destiné à être lu sur iPhone grâce à la plate-forme SmartNovel, ce n’est qu’après qu’il est devenu un véritable livre papier. Il s’agit de son premier ouvrage publié aux éditions Gallimard.

Une jeune fille aux gouts différents

Adèle n’aime pas le maquillage, d’ailleurs elle n’a jamais essayé d’en mettre, même si presque toutes les filles de sa classe son pomponnées. Elle préfère rester naturelle, et de toute façon, ne se trouve ni moche, ni jolie ; elle fait surtout partie du clan des gens qui n’existent pas, qui sont en marge de la vie du collège.

Mais les choses vont être bousculées en la personne de sa tante Sopha qui a décidé de la transformer en « vraie » jeune fille, avec tout ce que ça inclus. Elles ne le savent pas encore, mais la première séance de maquillage d’Adèle sera le petit papillon qui amènera bientôt la tempête… à une échelle inattendue.

Du Despechin comme on aime et plus encore

Marie Desplechin, c’est avant tout une plume inimitable, une vivacité dans la réplique et l’écriture qui donnent quelque chose d’unique.

La prose est vive, nous offrant de nombreuses scènes et dialogues mémorables : « Il était temps pour moi de franchir le pas de la féminité, comme elle l’avait franchi elle-même, des siècles auparavant. J’imagine qu’elle voulait mon bien. Elle se disait sans doute que je n’y avais jamais réfléchi. Que mon allure n’était pas un choix. Plutôt un désordre, une incapacité, une sorte de handicap. ».

On appréciera l’humour et la personnalité de nos deux personnages que sont Adèle et Frédéric, tous deux des sortes « d’exclus » qui n’arrivent pas à se sociabiliser. L’une car elle préfère s’effacer plutôt que de se faire remarquer par quelque moyen que ce soit, l’autre car trop brillant, surtout en grammaire, ce qui le transforme en véritable O.V.N.I dans l’établissement.

Chaque chapitre se dévore en une minute top chrono, et pour cause, le livre ayant été prévu sur un support de type iPhone, ils ne sont composé au maximum que de quatre pages.

La belle Adèle est un roman touchant, aux personnages très humains faisant toujours écho à des problèmes actuels. Ici, il s’agit de la popularité, de l’image que l’on a de soi et que l’on pense donner aux autres. Que vaut-il mieux faire ? Etre vue, où être discrète ? La réponse n’est pas toute prête, mais ce livre peut aider les jeunes lectrices à se repérer dans la jungle des codes sociaux, et surtout à décomplexer. Dès l’âge de 11 ans.

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Chronique : Quelques minutes après minuit

Quelques minutes après minuit

Une œuvre bouleversante est sublime qui offre une autre vision de la maladie.

Patrick Ness est un auteur pour ados qui a déjà connu un franc succès avec sa trilogie Le chaos en marche (Gallimard Jeunesse/Pôle Fiction). Quelques minutes après minuit a une histoire particulière, les circonstances de sa création étant différentes de ce qu’elles auraient dû être.

En effet, l’idée de ce roman vient de l’auteure anglaise Siobhan Dowd. Cette dernière, emportée par le cancer n’a pas eu le temps de développer son œuvre. Ses personnages étaient déjà créés, elle avait déjà une ébauche d’histoire… Cet ouvrage aurait été son cinquième. C’est dans ces circonstances que Patrick Ness s’est vu proposé l’écriture du roman en faisant un hommage à cette auteure hors du commun dont les œuvres ont influencé les lecteurs anglais…

Ce roman est donc l’occasion de découvrir à la fois la magnifique plume de Patrick Ness, mais aussi une auteure à l’œuvre fascinante (tous ses ouvrages ont étés traduits en France). Les illustrations aussi sublimes qu’inquiétantes sont quand à elles signées Jim Kay. Son travail est grandement influencé par son expérience passée dans les Jardins botaniques royaux de Kew.

 La vie est un cauchemar…

Jeune sans histoires, Connor est un garçon qui voit la vie s’acharner sur lui sous toutes ses formes possibles : la séparation de ses parents, le harcèlement à l’école, la maladie à la maison… en effet, la mère de Connor est atteinte du cancer.

Ainsi, chaque journée est un combat aussi bien pour sa mère que pour lui. Surprotégé par ses professeurs, Connor en ressent une injustice maladive, lui qui voudrait être traité de la même manière que tout le monde.

Mais une nuit, sa vie se retrouver bouleversée par une rencontre aussi extraordinaire qu’inattendue. A minuit sept, le monstre arrive, sorte d’arbre humanoïde. Connor n’a pas eu peur, il était plutôt curieux. En effet ce monstre expose rapidement une requête très étrange au jeune homme : il lui racontera trois histoires, à l’issue desquelles Connor devra raconter la sienne : la vérité.

Connor ne voit pas du tout de quoi veux parler le monstre de branches, ou du moins fait semblant de ne pas comprendre. Mais inexorablement, au fil des nuits qui passent, le monstre lui conte ses trois histoires à la morale étrange… viendra bientôt le moment pour Connor de conter la sienne…

Un conte contemporain sublime et poignant

Loin de laisser indifférent, la descente aux enfers de Connor ne peux que toucher son lecteur avec un récit de vie aussi cruel que réaliste.

Les contes du monstre et leur sens caché sont singuliers par leur beauté et leur conclusion étrange pour qui ne lit pas entre les lignes. Car ces histoires étranges sont au final une façon de nous montrer que le bien et le mal ne sont que très rarement dissociables, tout comme va nous le montrer l’histoire de Connor.

Les personnages qui vivent sous la plume de Patrick Ness sont d’une humanité extrême, leurs faiblesses n’en étant que plus belles. De la mère de Connor, souriante mais « un peu fatiguée par ses traitements », à sa grand-mère, que l’on pourrait prendre une femme tyrannique et détestable mais qui est juste aussi perdue que Connor, voir plus.

Enfin, la façon qu’a le fantastique de s’immiscer dans le normal le plus sordide et le plus déprimant est absolument extraordinaire. Le tour de force étant certainement d’avoir créé un conte contemporain qui trouve sa solution dans la vie de tous les jours…

En conclusion, Quelques minutes après minuit est plus qu’un indispensable, c’est un futur classique qui a de quoi marquer des générations de lecteurs adolescents et adultes par sa force et sa simplicité. Un roman sur le courage et l’acceptation qui s’inscrira dans la durée. Sublime.

Quelques minutes après minuit inside 01

Chronique : La Société des S

PLAT1-<COUVHubbardLasocie te desSGF_Mise en page 1Un superbe roman de vampires qui sort des sentiers battus

La société des S est le premier roman d’une trilogie vampirique destinée aux ados, paru dans la collection Medium de l’Ecole des Loisirs. Son auteure, Susan Hubbard est d’origine américaine, c’est son premier roman pour adolescents traduit en France.

Une enfance surprotégée

Ari est une jeune fille de douze ans qui a une vie étrange comparées aux autres jeunes de son âge : elle suit des cours particuliers, lit couramment  plusieurs langues et peux soutenir sans problème une réflexion philosophique.

Elle n’a guère le droit de sortir, mais ça ne l’a jamais dérangée, son bonheur se trouve dans ses lectures et les moments silencieux qu’elle partage avec son père, un homme sombre, mystérieux très attaché à ses habitudes, elle n’a jamais connu sa mère qui a disparu mystérieusement.

Et puis Ari n’est pas si seule que ça, il y a Dennis, l’assistant de son père qui lui donne aussi des cours, ainsi que Mme Roots et Mme McGarrit, la femme qui s’occupe de la maison. C’est d’ailleurs cette dernière qui va demander à son père l’autorisation de « sortir » un peu Ari et de l’amener chez elle. C’est ainsi qu’elle se retrouve un soir chez Mme McGarrit et qu’elle découvre les bruits, les odeurs de la vie et surtout : d’autres personnes de son âge. C’est ainsi qu’elle va comprendre qu’il y a quelque chose qui cloche dans Sa famille à elle…

A la recherche d’une identité

Ari se doute de plus en plus que son père a « quelque chose qui cloche », mais n’ose mettre un mot dessus. D’autant que ces investigations ne sont que les prémices d’autres, plus importantes.

Parallèlement à ses recherches, Ari s’épanouit, elle commence à sortir, se faire des amis : Kathleen, la fille de Mme McGarrit va devenir sa meilleure amie et elles feront les quatre-cent coups ensemble.

Cette recherche d’identité et de référents prend une très grande place dans le roman, car avant d’être un récit vampirique, La société des S est avant tout un livre qui cherche à explorer les chemins qui mènent à l’âge adulte. Les premières fois, la question de ses origines etc… d’une façon atypique et complètement captivante.

Une narration originale et bien construite.

Tout le récit est en fait le journal d’Ari, qu’elle destine à quelqu’un dont on ignore l’identité. Elle y conte ses doutes, ses nouvelles amitiés, émois, réflexions et les faits qui changent subrepticement sa vie.

Raconté comme un journal d’ado et ficelé comme un polar, la Société des S est un roman qui démarre d’une façon des plus atones pour monter crescendo dans la tension et les révélations.

Ce début de trilogie est un coup de cœur à ne pas manquer, aussi bien pour les ados que pour les adultes ce roman séduira les fans de vampires mais aussi et surtout les gourmands de bonnes lectures. La série continuera bientôt avec le second tome intitulé : Le temps des disparitions.

Cette chronique a été réalisée pour le site ActuSF

Chronique : Coup de Chance

coup de chanceVoici un recueil de nouvelles d’un des meilleurs auteurs jeunesse ET même adultes, j’ai nommé : Roald Dahl ! Dans coup de chance, vous trouverez 4 nouvelles : 2 totalement imaginaires, et 2 autres qui sont autobiographiques, dont l’une d’elle qui explique comment Roald Dahl est devenu écrivain et il est vrai que c’est un coup de chance, autant pour lui que pour nous les lecteurs. Je vous découpe le livre  par nouvelle :

Le Cygne (nouvelle fantastique) : Une histoire assez cruelle concernant deux adolescents qui en torturent un troisième… la nouvelle est très bien, mais le moment est assez érpouvant pour le lecteur, Roald Dahl sachant vraiment donner un sentiment d’attachement à des personnages et même des animaux. En résumé une belle mais dure nouvelle qu’il ne faudrait pas faire lire avant l’âge d’environ 13 ans. 7/10

La Merveilleuse histoire de Henry Sugar : Très longue et merveilleuse nouvelle qui mélange deux histoires : celle d’un homme riche, gras, oisif et avare et celle d’un pauvre indien qui a un don extraordinaire (que je ne vous direz pas !) et qui passe de ville en ville pour vivre de son art. Cette nouvelle est vraiment géniale, elle montre que n’importe qui peux avoir un don, et que l’on peux parfois changer radicalement pour le meilleur. Magnifique. 9/10

Coup de Chance (vécu de Roald Dahl) : Ou comment l’auteur a failli ne pas devenir écrivain, quand on voit le nombre de fois où il aurait pu ne pas le devenir, on comprend tout de suite le titre de la nouvelle. Parsemée d’écrits et d’idées de Roald Dahl qu’il notait toutes dans un carnet pour les retravailler après. Je ne la noterais pas, un récit de vie n’est pas quelque chose que l’on peut évaluer ou critiquer.

C’est du Gâteau (vécu de Roald Dahl) : Cette nouvelle est la vie de l’auteur de son enfance à ses débuts d’écrivain, on en sait un peu plus sur lui, qui fut si génial et si prolifique. On apprend ainsi qu’il a fait la guerre, et qu’il aurait très bien pu ne pas en revenir. Pour les mêmes raisons que précédemment, je ne noterais pas cet écrit.

8/10