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Chronique : Sexy Summer

Paru en 2020 aux éditions Flammarion, Sexy Summer est le troisième ouvrage de l’autrice belge Mathilde Alet. Ses deux précédents textes sont publiés chez Luce Wilquin, un petit éditeur 100% belge.

Adieu Bruxelles, bonjour le village paumé de Varqueville

Rarement on aura vu une famille chercher à tout prix à s’éloigner de la civilisation et de sa densité. Leur but en quittant Bruxelles ? Vivre dans le lieu le plus « perdu » possible, et surtout là où il y a le moins d’ondes qui circulent.
Juliette, adolescente de quatorze ans a été diagnostiquée EHS (acronyme pour Électro Hyper Sensibilité) elle est allergique à toute forme de technologie. Les ondes des téléphones portables, la radio, la télévision, et même l’électricité quand elle est trop forte peut lui causer des vertiges, des trous noirs.

Ainsi, c’est toute la famille qui déménage pour que leur fille puisse vivre aussi normalement que possible. Et si cela signifie vivre à Varqueville, où rien ne se passe, à eux de trouver un sens et un but à cette nouvelle vie. Pour les parents de l’adolescente, leur objectif est déjà tout trouvé.
Juliette quant à elle va découvrir un autre mode de vie et des habitants de tous âges avec qui elle se liera d’amitié pour certains, et d’autres dont elle devra se méfier…

Un roman d’ambiance dans la ruralité belge

Quand j’ai débuté Sexy Summer, j’avoue que je ne m’attendais pas à ce genre lecture. J’avais l’image d’un feel-good book de l’été, la couverture correspondant parfaitement à la charte graphique de ce genre d’ouvrage. Je dois avouer que c’est la couverture et le titre qui m’ont tout de suite attirée, et je n’ai pas regardé immédiatement lu le résumé, préférant me fier à mon instinct (comme souvent).

C’est ainsi que j’ai découvert qu’on était assez loin du feel-good que j’imaginais, mais plutôt dans un roman sociétal en forme d’ode à la campagne belge. Est-ce un mal ? Pas du tout.

J’ai aimé cette découvrir la petite ville de Varqueville, où tout le monde se connaît. Où la moindre rumeur sortie de nulle part devient un fait avéré. Ce dont Juliette va faire l’amère découverte.
De son allergie aux ondes, elle ne parlera pas, même à Tom, surnommé La tonne à cause de son excès de poids par les gamins du coin.
Aussi improbable que cela puisse paraître, la virginale et fragile Juliette va se lier d’amitié avec Tom. Sexy Summer, c’est l’histoire d’un début d’amitié improbable. L’histoire également de ce que peuvent avoir de plus cruel entre eux les adolescents…

Sexy Summer est un roman social qui parle d’un réel problème qui touche (pour le moment) très peu de personnes mais dont la vie est totalement gâchée. Le sujet aurait même pu être traité plus amplement par l’autrice, mais elle choisi une autre direction narrative. Plus terre à terre, avec des personnages vrais, qui ont du corps avec leur lots d’épreuves et de silences.

L’histoire de Sexy Summer n’est pas marquante ni même extraordinaire, mais son ambiance a suffit à me contenter. J’ai passé un agréable moment dans cette campagne belge où je n’ai jamais mis les pieds mais que j’ai imaginée avec facilité. C’est une parenthèse agréable qui se suffit à elle-même et sans prétention aucune.

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Chronique : L’été circulaire

Un roman violent sur la misère absolue dans la France d’aujourd’hui… terrible et marquant.

Marion Brunet est une autrice française, elle écrit principalement pour la jeunesse et les adolescents. Elle s’est fait connaître notamment pour son roman Dans le désordre (Sarbacane, collection Exprim’).

Pour la jeunesse, elle a écrit la chouette série de l’ogre : L’ogre au pull vert moutarde, L’ogre au pull rose griotte et L’ogre à poil(s).

L’été circulaire est son premier roman à destination des adultes, il est paru initialement aux éditions Albin Michel avant de sortir il y a peu chez Le livre de poche.

Une famille sans le sous et avec guère de culture…

Nous sommes dans le sud de la France. Pour Jo et Céline, la première éducation, c’est l’école de la vie. Avec des parents qui laissent peu de place aux sentiments (du moins les positifs), les deux sœurs sont livrées à elles-mêmes. La mère est dure, et assez effacée. Le père boit pas mal, et peut vite devenir violent si il n’obtient pas rapidement ce qu’il veut.

 Leurs filles sortent à tout heure, font à peu près ce qui leur chante… Johanna (ou Jo) a quinze ans et même si elle semble totalement déphasée, elle a malgré tout la tête sur les épaules. Tout le monde la trouve cependant bizarre, effrontée, et elle se fait souvent harceler pour être encore sortie des sentiers battus.

Malgré tout, c’est par Céline que le drame va arriver, quand sa mère découvre qu’elle est enceinte… s’ensuit alors les coups du père pour savoir de qui est l’enfant, face à une Céline obstinée et muette…

Comment en est-on arrivé là ? Et que va devenir cette famille déjà fortement dysfonctionnelle ?

Un roman noir plus qu’un polar

Avant de continuer, je tiens à préciser que malgré la collection dans laquelle est catalogué le roman- à savoir « policier » – il ne s’agit pas du tout d’un polar ou d’un thriller. Nous sommes dans le plus pur style du roman noir. Ici, pas de suspense à couper au couteau, mais une intrigue qui suit la vie de cette famille en détresse à tous points de vue.

Manque d’argent, de culture, on sent qu’il est impossible pour eux de s’élever un tant soit peu de leur condition. Dès qu’il arrive quelque chose de bien à un voisin, on le hait, on le jalouse, et on ne se remet surtout pas en question…

Je ne sais pas comment Marion Brunet a fait pour coller comme cela à ce qui m’a semblé être la réalité, mais elle a réussi un coup de maître. Ecriture efficace, à l’acide, d’une cruauté à la hauteur de ce que la société fait subir à Céline et Jo…  C’est beau et violent à la fois. Si vous aimez les romans ancrés dans la société et ce qu’elle a de plus sombre, L’été circulaire pourrait vous intéresser et vous plaire.

Alors, certes ce n’est pas un polar, mais ça se lit comme tel. On meurt d’envie de savoir ce que vont devenir ces deux gamines larguées par la vie et qui sont constamment livrées à elle-même. Céline en particulier, dans sa naïveté absolue et son manque d’envie pour tout en devient touchante… Mais ma préférée restera Jo, une véritable héroïne que le monde ignore… Mais vous, vous saurez que c’en est une rien qu’en la découvrant… Superbe de noirceur.

Chronique : Les filles ne mentent jamais

Les filles ne mentent jamais

Des histoires de vies poignantes qui offrent un autre regard sur les cités françaises… et leurs habitants.

 Publié dans la collection pour ados Exprim’, Les filles ne mentent jamais est le premier roman de Flo Jallier. Avant d’être auteur, Flo Jallier exerce le métier d’animatrice dans une école élémentaire ; elle a également été batteuse et chanteuse.

Et comme dans chaque roman Exprim’, le lecteur a le droit à la bande-son du livre, à faire tourner pour se mettre parfaitement dans l’ambiance…

Quatre histoires de vie à différents moments clés

Tout commence avec l’arrivée de Katérina à l’école primaire du coin. Blonde, rayonnante, cette dernière fascine tous les enfants de sa classe par son accent et son apparence, en particulier Marie-Jo. C’est ainsi que dans les récréations et les sorties d’écoles, les enfants se sont liés d’amitié : Marie-Jo (la première plume de ce récit à quatre voix), Fatou, Katérina et Nadia, mais aussi d’autres, qui se sont ajoutés à la troupe. Des moineaux de téci, comme elle les appelle Nadia.

La construction de ce roman est simple, Marie-Joe, qui vient de Guadeloupe, nous conte leur enfance et la façon dont ils ont évolués jusqu’au collège, il s’agit d’un des récits les plus longs.

Ensuite vient le tour de Nadia, d’origine arabe, un peu intello, très littéraire. Elle vit avec le rythme de ses poèmes dans la peau, trouvant toujours des expressions courtes et percutantes sur son environnement.

Puis Fatou entre en scène, dans leur enfance, elle a toujours été celle dont ont se moque un peu. Grosse, bégayante, mal dans sa peau… son avenir s’annonçait encore moins reluisant que celui des autres…

Enfin, le récit ce termine avec le très court récit concernant Katérina. Clôturant un roman pour le moins bouleversant dont certaines scènes resteront ancrées dans l’esprit de nombreux lecteurs.

« On a beau avoir toutes les potentialités pour s’en sortir, vivre en banlieue relève déjà de la tragédie grecque » – Nadia

Un roman marquant sur les « chances » données aux habitants de citées

Ce roman coup de poing est également très politique. Dénonçant le « mal des banlieues » et leur chances de réussite qui n’en sont pas. Souvent, ceux qui sont nés en banlieues y restent, car pas assez d’argent, pas d’évolution, pas de travail…

Alors, oui, ce roman montre une réalité peu plaisante, mais nécessaire à voir pour s’éveiller.

Bien qu’une scène en particulier ne semble pas très sensée (je pense à la scène entre Katérina et Marjo suite à leur partie de cache-cache), le reste est diaboliquement réaliste.

Comment ne pas se sentir oppressé quand on lit les lignes pleine de vies de Nadia et quand ont découvre ensuite jusqu’à quoi la « protection » de son honneur par son frère va la mener.

En réalité, vous le verrez, ce ne sont pas nécessairement ceux que l’on pensait les plus doués qui vont s’en sortir… une illustration dramatique de l’humour noir de la vie…  Les filles ne mentent jamais n’est pas une lecture que l’on peu qualifier de facile, elle n’offre pas du tout cuit à ses lecteurs et leur demande de se faire une opinion, de réfléchir par eux-mêmes.

8/10

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Chronique : Hate List

Hate List

Que faire quand on est le témoin et la victime d’une tuerie perpétrée par son petit ami ?

Premier ouvrage de l’américaine Jennifer Brown traduit en France, Hate List traite d’un sujet extrêmement sensible aux Etats-Unis : ses tueries de lycées. La presse internationale a été dithyrambique sur ce livre témoignage hors du commun. Il a été élu meilleur livre de l’année par le School Library Journal.

Loin du style racoleur, Hate List se propose de raconter l’après d’un tel traumatisme, la reconstruction d’ados complètement perdus pour aller jusqu’au pardon pour certains.

La liste de la haine

Valérie n’était pas très populaire, pas vraiment appréciée non plus. Elle était une des victimes favorite de certains lycéens, tout comme son copain Nick. C’est comme ça que Valérie a eu l’idée de la Liste : dans un carnet, elle a inscrit les noms de toutes les personnes qui lui « pourrissent la vie », et avec Nick, ils ont ajouté régulièrement de nouveaux noms. Connaissance, proches, et aussi stars de la télévision, beaucoup de monde est inscrit sur cette fameuse liste.

Et puis un jour, Nick passe à l’action. Il décide d’utiliser la liste pour éliminer toutes ces personnes qui leur gâche la vie. Il tue ainsi de nombreux élèves et même un professeur avant de se tuer lui-même, emportant avec lui les réponses à de nombreuses questions…

Qu’est-ce qui a déclenché l’envie de Nick d’en finir avec ses détracteurs ? L’a-t-t-il fait pour Valérie ? Pour eu-deux ? A-t-il été influencé ?

Une reconstruction physique et psychologique douloureuse

Le roman commence quand Valérie doit retourner au lycée pour sa dernière année ; après l’attentat. Elle va devoir faire face à l’incompréhension des « survivants » pour qui elle a été la commanditaire et non pas une victime de cet horrible fait divers. Jugements, mise à l’écart, l’après-fusillade va déclencher beaucoup de tensions au sein de l’établissement, tensions et pressions dont Valérie est l’objet central.

Le roman est entrecoupés de chapitre flash-back, contant de façon assez évasive comment on en est arrivé à ce bain de sang. Des petits signes, des remarques anodines de lycéens, quelques tours qui excluent un peu plus Valérie ou Nick. On comprend facilement comment Valérie a été tentée de faire cette fameuse liste aux vues des nombreuses rebuffades de ses camarades.

On voit le personnage de Valérie avoir du mal à réaliser que ce soit son copain qui ait commis un tel fait. Puis le choc fait place à l’incompréhension, Valérie se demande si elle n’aurait pas du voir des signes avant-coureurs, son amour pour Nick perdure malgré ce qu’il a fait, puis elle évolue, tout comme les élèves et les parents des disparus…

Hate List a beau être un roman émouvant et hyper-réaliste, je n’ai été convaincue qu’à moitié par le récit de Valérie et sa personnalité. Valérie est difficile à cerner et surtout à aimer : tantôt forte tantôt très fragile, sa psychologie chamboulée s’explique évidement par le traumatisme. Je la trouve parfois complètement immature et en dehors de la réalité, que ça soit avant ou après l’événement.

Mais comme dit précédemment, Hate List n’est pas un roman fait pour rapporter de façon racoleuse des faits terribles et malheureusement déjà arrivés. C’est un ouvrage sur le pardon, sur le fait que l’homme peut absoudre les pires choses.

Pour tous ceux qui veulent une réponse au pourquoi, passez votre chemin. Hate List est ici pour nous proposer une sorte d’essai sur la reconstruction d’un point de vue original celui d’une petite amie qui passe du statut de suspecte et d’accusée à celui de victime tout en restant coupable pour elle-même.

Un ouvrage poignant mais qui s’oubliera tout de même assez facilement, il lui manque pour moi le « truc » qui en fait quelque chose de mémorable.

6.5/10

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Chronique Jeunesse : La cité de l’ombre – Tome 3 – L’oracle de Yonwood

la cité de l'ombre 03 - L'oracle de YonwoodRetour vers le passé

Après la Cité de l’ombre et Le peuple d’en haut, la série de Jeanne DuPrau continue avec l’oracle de Yonwood, troisième tome de la série. Mais cette fois ci, ce n’est pas Doon et Lisa (les héros précédents) que nous croiseront car l’auteur nous emmène des centaines d’années précédant les deux tomes et avant le « Grand Bouleversement ».

Dans la petite bourgade tranquille de Yonwood…

Yonwood est une petite ville des Etats-Unis sans prétention aucune. Elle possède son église, son école, son quartier pavillonnaire… et son oracle. En effet, depuis quelques mois déjà, une femme a des visions de fin du monde. Beaucoup des habitants de Yonwood croient que ce qu’elle voit est l’avenir et suivent à la lettre les « instructions » de l’oracle pour éviter que ses visions d’apocalypse ne deviennent réalité.

Et pour cause, le climat du monde actuel est tout sauf rassurant : on parle d’une possible guerre contre la Phallange, un mystérieux réseau de groupes faisant pression sur les gouvernements du monde entier…

De plus en plus d’avions de combats sillonnent le ciel en prévision d’un affrontement, le climat est à la méfiance ; même les connaissances les plus proches suscitent le doute.

C’est dans ce climat de tension que débarque la jeune Nickie dont la tante va vendre la maison familiale située à Yonwood suite au décès de sa grand-mère. Mais la jeune fille ne l’entend pas de cette oreille ; elle veut tout tenter pour faire changer d’avis sa mère et sa tante pour ne pas vendre la maison de famille, et pourquoi pas, y vivre.

Un huis clos à la dimension d’une ville

En arrivant à Yonwood, Nickie s’est fixé trois buts dans la vie :

  • –          Garder à tout prix la maison familiale.
  • –          Trouver le grand Amour.
  • –          Faire quelque chose de bien pour l’humanité.

Trois objectifs et peu d’occasions d’en réaliser ne serait-ce qu’un seul. Au fil des jours Yonwood est une ville qui se replie de plus en plus sur elle-même : les « étrangers » à la ville sont soupçonnés des moindres maux, et ceux qui en font déjà partie font tout pour rester « dans le rang », c’est-à-dire à écouter les étranges instructions de l’Oracle, interprétée par la très religieuse Mme Beeson qui participe activement à l’accomplissement des demandes de l’Oracle.

Une dimension psychologique à grande échelle encore très présente dans ce tome, et ce pour le plus grand plaisir des méninges du lecteur qui lui aussi se monte des hypothèses plein la tête.

Le fait d’avoir fait un roman se déroulant quelques centaines d’années avant l’époque de Doon et Lisa apporte de nouveaux éclaircissements à l’intrigue générale de la série. Certains débuts de réponses apparaissent… et beaucoup de nouvelles questions aussi.

Une chronologie originale faisant de ce roman un des meilleurs de la série, aussi bien pour ses révélations que pour son atmosphère magnifiquement retranscrite.

Le dernier tome, Le diamant des ténèbres, nous fera retrouver Doon et Lisa et bouclera la série.

9/10