
Un roman historique superbement documenté qui raconte l’histoire vraie d’une femme accusée de sorcellerie dans les Pays-Bas du dix-septième siècle. Passionnant et toujours d’actualité !
Susan Smit est une autrice et journaliste néerlandaise. Elle est passionnée par l’histoire de la sorcellerie, sur laquelle elle a fait de très nombreuses recherches. Sa vision des choses est simple : la sorcellerie est pour elle une pratique spirituelle et une religion de la nature. Mais à l’époque, les choses n’étaient pas vu de cet oeil…
La sorcière de Limbricht est son premier roman traduit en français, et c’est un best-seller aux Pays-Bas. Elle est publiée en France par Charleston, dans leur label dédié aux littératures étrangères or anglo-saxons (vous pouvez les différencier grêce à la bordure qui entoure les couvertures).
Une femme libre est une femme dangereuse…
Voilà en une phrase le maître-mot de l’époque. Une femme, même veuve, ne doit pas le rester bien longtemps. Ce n’est pas normal qu’une femme puisse subvenir seule à ses besoins, de même qu’il est anormal qu’elle s’épanouisse dans sa solitude. Alors, si les hommes ne peuvent la soumettre par le mariage ou la menace, il reste la traditionnelle accusation de sorcellerie.
C’est ce que va subir Entgen Luijten : accusée d’acointances avec le malin par ses voisins et autres jaloux. Ses bêtes ne tombent pas malades alors que celles du voisinages sont toutes mortes. Son potager donne merveilleusement bien quand celui des autres fait grise mine. Elle aide les futures maman à soulager leurs douleurs et autres soucis d’ordre féminin…
Pire, quand quelque chose ne lui plaît pas ou qu’elle a la sensastion qu’on essaie de l’avoir, elle le clame haut et fort. Clairement, Entgen est une femme libre, donc dangereuse. C’est ainsi que le couperet tombe et qu’elle se voit accusée de sorcellerie.
De cette accusation, elle va tenter de se dépêtrer, mais ses alliés sont rares face à l’Eglise toute puissante…
Un roman magnifique et révoltant
Ce texte a été pour moi une révélation inattendue et un énorme coup de coeur. J’ai été fascinée de découvrir le parcours de cette femme indépendante et courageuse qui a osé se dresser contre le naturel possessif et inquisiteur des hommes. Pour moi, elle incarne l’image même de la liberté sauvage. A la fois libre, sage, réfléchie et au tempérament vif quand les circonstances l’exigent.
Ce roman, c’est l’histoire de sa vie, en particulier toute la période concernant son emprisonnement en attendant que soit statué son sort. Mais, nous découvrons peu à peu des brives de sa vie, des moments importants, qui peu à peu ont ammené certains à penser qu’elle était sorcière… Le mécanisme est aussi insidieux qu’implacable, et s’en dépêtrer semble impossible.
Outre le fait que cette biographie romancée soit passionnante, c’est également tout un pan de l’histoire de la sorcellerie qui est ici donné à voir. Les croyances, les détails insignifiants qui corroborent un lien avec le Diable et autres éléments de « preuve » qui jouent contre toutes les femmes libres et pas seulement Entgen Luijten.
« Nous devons brûler vos poils pubiens afin de vérifier qu’il ne s’y trouve pas de marques cachées. La pratique a démontré que Lucifer aime y laisser sa présence et la trace de sa propriétée ».
C’est d’ailleurs grâce à ce roman qui j’ai appris que la chasse aux sorcière n’était en fait pas un élément typique du Moyen-Âge, mais bien un élément postérieur à cette période. En effet, la grande période des chasses aux sorcières étaient surtout au XVIème et XVIIème siècle, soit en pleine Renaissance.
Même chose incroyable, connaissez-vous le béguinage ? Cela consistait à ce que des femmes vivent ensemble, dans une même communauté, sans aucun homme, et pas forcément par un biais religieux. Des femmes libres en somme. Le béguinage a bien sûr été ensuite interdit… par l’Eglise.
De même, ce roman est une parfaite occasion de découvrir les vieilles croyances liées à la sorcellerie et à sa pratique. Ainsi, ne mangez pas de pomme verte à la Toussaint sous peine de passer pour une sorcière… ou faite le très discrètement…
Ce roman est pour moi bien plus qu’une histoire vraie féministe, c’est un véritable document qui nous donne à voir l’Histoire et ses mœurs. Susan Smit a fait un magnifique travail de recherche sur ce qu’était l’époque, ses croyances et ses dangers. C’est l’ouvrage parfait pour creuser ensuite plus loin et découvrir l’Histoire, que ce soit celle des petites gens ou de l’Inquisition. D’ailleurs, cette lecture donne envie de se plonger dans une autre, pour mieux comprendre l’époque : Le marteau des Sorcière, le livre de référence de tout bon inquisiteur. Il sert de références aux nombreux hommes de foi qui soumettent Entgen Luijten à la question… passionnant !