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Chronique : Méduse par Jessie Burton

Une réécriture féministe et passionnante du mythe de Persée et Méduse… bien différent du conte d’origine et qui fait réfléchir à nos souvenirs collectifs !

Jessie Burton est une autrice anglaise que j’affectionne depuis presque une dizaine d’années maintenant. La lecture de Miniaturiste a été pour moi une véritable révélation littéraire. Avec Méduse, elle s’essaye à un autre type de roman : la réécriture mythologique à destination des jeunes adultes.

Une fille isolée sur une île austère…

Méduse est une jeune fille dont la vie et celle de ses sœurs a basculé à cause des dieux et de leurs caprices. De leurs désirs et de leurs chantages pour obtenir d’elle ce qu’ils souhaitaient. Loin de la légende que l’on connait tous partiellement, Méduse n’est pas une abomination dont il faut trancher la tête. Non, c’est une fille qui a eu le malheur de se faire remarquer par sa beauté et qui en a payé le prix fort… de nombreuses fois.

Mais ici, Jessie Burton décide de donner la parole à cette presque femme qui fut onnie, oprimée et violentée. Que décidera de faire Méduse quand le beau Persée arrivera sur son île ?

Oser repenser les mythes

A l’image de l’essai De grandes dents de Lucile Novat qui se proposait de comprendre autrement le conte du Petit Chaperon Rouge, ici Jessie Burton essaie de déconstruire notre imaginaire. Dans notre culture collective, Méduse est une femme à la chevelure en têtes de serpents, elle est bestiale et dangereuse… La tuer serait un bienfait pour tous. Mais… et si Méduse n’était que la victime de la violence des hommes ? (encore une, oui). Et si elle n’était que le produit du pouvoir des hommes exercé sur les femmes ? C’est une injustice que tente de réparer Jessie Burton en remettant en lumière certains faits mythologiques et en réécrivant d’autres, pour enfin donner une voix à Méduse.

« Eh bien, je pense qu’il est moins difficile de s’entendre répéter qu’on est beau quand on est un garçon que quand on est une fille. Lorsque la beauté t’est atrribuée en tant que fille, elle devient d’une certaine façon l’essence de ton être. Elle évince tout ce que tu peux être d’autre. Alors que chez les garçons, elle ne prend jamais le pas sur ce que tu pourrais être par ailleurs« .

Cette mise en évidence de nombreuses injustices fait froid dans le dos et donne envie de relire attentivement nos contes et mythes, et pas la version expurgée s’il vous plaît. Non, il va nous falloir aller à la source des mythes fondateurs pour comprendre que ce que l’on sait est parfois erroné ou déformé.

Bien plus qu’une simple réécriture, ce texte de Jessie Burton est résolument féministe et incitera les plus curieux.ses à se plonger à la source de ces écrits qui font au quotidien notre culture. Pour moi ce roman est à mettre pile entre De grande dents et Résister à la culpabilisation de Mona Chollet. Le travail est immense, mais à force de curiosité et de partages, nous arriverons tracer une route différente…

« Ecoute Persée, crois-en quelqu’un qui sait de quoi il parle : parfois il ne suffit pas de se recroqueviller pour devenir la forme la plus petite, la plus minuscule qui soit. Alors, autant garder la taille que l’on est censé avoir.« 

Ainsi oui, c’est un coup de cœur, mais pas au sens littéraire de la chose. La lecture était très plaisante, mais c’est surtout son fond de soft power féministe qui m’a convaincue. A lire et faire lire dès l’âge de 14 ans environ.

Chronique ado : Une pour toutes

A la découverte de Julie Maupin, une femme au courage sans bornes et à la volonté de fer !

Jean-Laurent Del Socorro est un auteur français à la plume incroyable. En quelques lignes, vous découvrirez un véritable style, une poésie latente… Et c’est le cas dans toute son œuvre. Il a déjà été chroniqué sur le blog avec l’ouvrage Boudicca qui reprenait l’histoire de la vie de la reine du peuple Icène. Boudicca avait réussi à bouter César et sa soif de conquête, rien que cela.
Car oui, Jean-Laurent Del Socorro aime les destins et les histoires hors du commun. Et il aime l’imaginaire également. Ce qui donne très souvent de magnifiques biographies historiques très documentées, écrites avec panache et un soupçon de fantastique…

C’est le cas ici avec Une pour toutes, qui nous fait découvrir le personnage incroyable et magnifique de Julie Maupin. Une femme qui a été grâciée deux fois par le roi, qui manie la rapière avec excellence et qui a assumé sa bisexualité sans que la question même soit soulevée. Elle aimait la vie, et elle en a profité comme peu l’ont fait, surtout à cette époque !

Une rencontre avec le Diable…

Tout commence quand Julie Maupin fait la rencontre fortuite du Diable. Se dernier est séduit immédiatement par l’allure et la verve incroyable de la jeune fille. Elle sait très bien ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas, et non, le diable ne la tente pas plus que cela. Elle préfère jouter à l’épée avec lui que de partager sa couche…
Et voilà le début d’une amitié aussi improbable que magnifique. C’est la seule partie fantastique de l’ouvrage et Julie Maupin n’a absolument pas besoin du diable pour céder à ses envies, elle le fait très bien toute seule !

Mais le génie de cette narration réside dans l’idée d’insérer un personnage fantastique dans une histoire totalement vraie. Alors si vous avez envie de découvrir l’histoire de cette femme incroyable qui même mariée a réussit à s’émanciper d’une égide patriarcale, ce livre est pour vous !

Une plume qui se dévore avec une aisance confondante

Pour moi, ce roman n’a que des qualités, peut-être que je manque d’objectivité, mais c’est mon ressenti suite à cette lecture. Une pour toutes est à la fois atypique et très classique. Atypique pour la partie fantastique insérée dans l’Histoire, la vraie. Très classique, car c’est une biographie romancée qui se déroule avec naturel. Il faut dire que la vie de Julie Maupin est parfaite pour faire un roman incroyable ! Elle n’est que suite de péripéties, aventures, coups de tête et de foudre…

Jean-Laurent Del Soccorro a le don de toujours trouver un personnage de l’histoire qui va nous intéresser. Souvent oublié par les manuels ou la culture populaire, il trouve toujours une porte par laquelle entrer afin de nous faire partager une époque, un personnage, un événement. Tout cela au travers du prisme (léger) du fantastique. Une pour toutes est ainsi un mélange de tout cela, et c’est diablement réussi.

Vous le verrez à la lecture, l’auteur a pris le parti de faire une partie de ses dialogues en vers, et ça rend extrêmement bien :

Libre à vous, joli cœur, de rêver de ma bouche
Moi je joue, je me bat et remporte la touche.

Je ne peux pas vous en dire plus sur la vie de cette femme incroyable qui a su très tôt ce qu’elle voulait et surtout ce qu’elle ne voulait pas pour elle. Je ne peux que vous enjoindre à découvrir son histoire, ses réussites, ses échecs et ses coups de folie. Julie Maupin a eu une vie extraordinaire, et Jean-Laurent Del Socorro signe ici un magnifique hommage à cette femme oubliée de l’Histoire…

Comme il l’avait fait auparavant avec Boudicca. C’est une réussite à découvrir dès l’âge de 14 ans environ, mais cet ouvrage peut tout à fait être lu par des adultes ! Personnellement je verrais bien une double publication en adulte et en ado à sa sortie en poche…

Chronique Jeunesse : La malédiction de la famille Numéro 4

Un roman de sf jeunesse intelligent, génial et hyper efficace, une parfaite porte d’entrée dans l’imaginaire sur une planète-colonie qui a du mal à s’adapter à la faune locale…

Premier roman d’Emilie Le Garben, La malédiction de la famille numéro 4 a toutes les qualités d’un excellent roman de science-fiction pour initier la jeunesse au genre. Ce beau roman ambitieux et malin est illustré par Sophie Leullier.

L’ouvrage a paru chez Poulpe Fiction, la maison d’édition qui depuis quelques années se développe à une vitesse fulgurante avec des choix éditoriaux intéressants qui savent parfois sortir des sentiers battus.

Nous sommes en 2494, bienvenue sur Euphoria 2 !

Petite planète nichée aux confins de la galaxie, Euphoria 2 abrite depuis plusieurs décennies la vie humaine. En effet, l’homme a décidé de s’installer ici pour des raisons stratégique d’approvisionnement. Masi d’ici à ce que la planète soit habitable de façon décente pour les hommes, la vie y est très difficile.
Mais pour certains, comme la jeune Clara, la vie est encore plus dure. A cause d’un accident de vaisseau causé par son grand-père, sa famille doit rembourser tous les mois les immenses dettes du drame. En effet, un vaisseau spatial coûte extrêmement cher, et ce sont plusieurs générations de la famille numéro 4 qui doivent ainsi se priver pour rembourser peu à peu les dégâts. Et peu importe que le grand-père de Clara ait lui-même péri dans l’incident…

Mais Clara en a assez de payer injustement les dettes d’un accident qui les fait passer pour des parias dans toute la colonie. Assez des brimades, assez qu’on l’évite car elle porte soi-disant malheur… Elle ne le sait pas encore, mais elle va rebattre les cartes de façon assez significative pour elle, et toute sa famille.

Une intrigue qui ne se contente pas d’efficace mais qui développe tout un univers

Le grand atout de ce roman, c’est avant tout son histoire, certes, mais surtout la façon dont elle est construite. On se doute qu’il y a des secrets, des surprises narratives et autres plaisirs de lecture. Mais, c’est fait de telle façon qu’on est pris dedans en quelques chapitres, tout fonctionne à merveille.

Mais le grand plus ici, c’est qu’on rétabli ce que peut être la science-fiction : ici, point de batailles de vaisseaux spatiaux épiques mais une terraformation qui prend des décennies. Rien que cela, c’est malin. On change totalement la vision que peuvent avoir les enfants de la science-fiction (et aussi les adultes). Car non, la sf ne se résume pas à des scènes grandioses et fortes en émotions, et ce roman est la preuve qu’on peut faire de la très bonne sf auprès d’un jeune lectorat (entre 10 et 13 ans ici).

Pour ce qui est de la partie personnages, tout fonctionne également à merveille. Ils ont tous leur importance, même les plus détestables, et surtout ont l’air plus vrais que nature. Ils sont tout à fait crédibles dans leur façon d’être et d’agir, c’est pour cela que toute cette histoire sur Euphoria-2 fonctionne si bien.

Ainsi, sur tous les aspects du roman, on peut attester que c’est une réussite. J’ai adoré voyager avec Clara, la suivre dans sa dangereuse quête de justice et découvrir la dangereuse faune locale. Seul petit bémol car je l’ai vécu plusieurs fois en tant que libraire, le titra fait penser aux clients que le roman est le tome quatre d’une série, alors qu’il s’agit d’un one-shot. Pour l’instant en tout cas… alors à quand la suite ?

Chronique jeunesse : Le trésor de Sunthy

Un magnifique roman sur la quête des origines et les secrets cachés qu’elle implique parfois… Si vous ne connaissez pas bien le Cambodge, c’est aussi une très bonne porte d’entrée sur son histoire proche.

Arnaud Friedman est un auteur français qui touche aussi bien à la littérature qu’à la jeunesse, comme c’est le cas avec Le trésor de Sunthy. L’ouvrage est paru dans la petite maison d’édition indépendante Lucca en 2019 et a déjà remporté de nombreux prix littéraires.

Spécialisé en histoire contemporaine après avoir fait une prépa littéraire, son sujet de mémoire a porté sur l’histoire de l’immigration cambodgienne dans le Doubs. Son roman Le trésor de Sunthy est une façon pour lui de rendre hommage au métier d’historien.

Une famille et ses secrets

Garance est une jeune fille dont les origines cambodgiennes ont toujours été tabou dans la famille. Dès qu’elle essaie de creuser un peu sur l’histoire de ses origines, ses parents bottent en touche. Mais grâce à son grand-père, elle va peu à peu mieux comprendre la complexité de son passé… Et surtout le lourd passif du Cambodge dans son Histoire proche. Des milliers de familles cambodgiennes sont concernées par cette période traumatisante de l’histoire du pays et nombre d’entre elles ont trouvé un refuge en France. Ce roman est leur histoire.

Un roman qui touche en plein coeur

En à peine quelques pages, on se prend d’empathie pour Garance et ses nombreux questionnements. Elle qui en sait si peu sur ses origines, elle va devoir combattre les silences de sa famille et les lourds secrets de son histoire. Mais plus qu’une quete des origines, ce roman est aussi un magnifique texte sur le métier d’historien, totalement méconnu. Entre l’enquête policière et la rigueur scientifique, le métier d’historien est extrêmement exigeant.

« C’est une spécificité française de ne pas sanctuariser les lieux de mémoire de l’immigration, contrairement aux Etats-Unis qui ont transformé Ellis Island en musée« .

Bien que la cible de ce roman soient les 12 ans et plus, nous les adultes pourront tout à fait trouver notre content d’intrigue. De plus, en tant qu’occidentaux, cette histoire a beau être proche de la notre d’un point de vue temporel, elle n’est pas mentionnée dans nos manuels d’histoire. Et c’est bien dommage… il y a tant à apprendre sur l’Histoire des pays d’Asie, qui est tout aussi passionnante que la notre. Le trésor de Sunthy se propose de commencer à combler ces lacunes au travers d’une histoire passionnante, et très touchante.
Khmers rouges, manipulation de l’Histoire par les vainqueurs, renversement du pouvoir orchestré par d’autres pays, légendes sur l’origine de Phnom Penh…

Le trésor de Sunthy nous fait découvrir l’enquête que mène Garance pour mieux comprendre ses origines, mais aussi accepter sa double appartenance. C’est un texte délicat et atypique à découvrir pour se cultiver, et mieux connaître l’histoire de l’Asie. Une petite pépite à découvrir dès l’âge de 12 ans environ !

Chronique Jeunesse : L’ignoble libraire

Un véritable hommage aux Livres Dont Vous Êtes le Héros et à l’aventure ! Un pur régal de lecture entre distraction et divertissement.

L’ignoble libraire est le nouveau roman d’Anne-Gaëlle Balpe et Ronan Badel, ils avaient déjà sévit avec deux autres romans, se déroulant eux aussi dans l’univers du livre : L’écrivain abominable et L’épouvantable bibliothécaire.
L’ignoble Libraire est paru en début d’année 2023 donc, et il fait la part belle aux livres dont vous êtes le héros. Si vous aviez une dizaine d’années ou un peu plus dans les années 80/90 et que vous avez des enfants, vous allez adorer partager cette lecture !

L’aventure comme maître mot

Sohan est un jeune garçon tout ce qu’il y a de plus normal. Il a cependant une particularité : il adore les Livres dont vous êtes le héros. Non, c’est même plus que cela, il les adule et dès qu’une nouvelle aventure de La Quête d’Aliantys sort en librairie, il se précipite et ne pense plus qu’à ça ! Et justement, l’ultime va sortir, et il compte bien l’acheter dès l’ouverture de la librairie… sauf que, sa libraire n’est plus là. C’est un étrange remplaçant peu commode et franchement flippant qu’il va trouver à la place. L’étrange libraire lui vend le fameux livre tant convoité… mais il va se passer des choses étranges, notamment avec le marque-page qui glisse du nouvel ouvrage…

Sohan l’ignore encore, mais c’est le début des ennuis pour lui. Et surtout, sa perception du monde va être changée à jamais !

Génial, distrayant et efficace !

En grande fan des Livres dont vous êtes le héros, j’ai été heureuse de voir l’hommage qui en est fait tout au long du livre. Mais il y a un second hommage à voir dans ce roman, celui fait aux libraires (merci Anne-Gaëlle Balpe !). Il y a même une explication de ce qu’est le métier et on parle même prix unique du livre lors d’un aparté (très bonne initiative, la Loi Lang étant encore et toujours aussi méconnue malgré ses décennies d’existence).

Ainsi, L’ignoble libraire poursuit la série de la chaîne du livre un peu tordue qui est la leur : en effet, on a eu affaire à L’écrivain abominable (mon préféré de tous) puis à L’épouvantable bibliothécaire (qui m’avais beaucoup déçue) et maintenant le libraire ! Peut-être y aura-t-il un autre opus avec un Atroce Editeur ? Ou un Monstrueux Traducteur ? ou un Terrible Représentant ? Là, la chaîne du livre serait vraiment complète !
Quoi qu’il en soit, les ouvrages se lisent totalement indépendamment donc pas besoin de les lire tous ou dans l’ordre. Il y a bien une légère et subtile référence à L’épouvantable bibliothécaire en fin d’ouvrage, mais cette lecture est tout à fait dispensable.

Ici, il est question de magie, de mondes cachés dans des livres et de vie éternelle. Et Sohan va se retrouver embarqué bien malgré lui dans des aventures qui le dépassent totalement. Heureusement, il est bien entouré, même si rien n’a été planifié et encore moins réfléchi. Et là il va, les jets de dés, bons ou mauvais ne lui seront d’aucune aide…

Avec cette lecture, j’ai retrouvé l’âme de ce qui fait un Pépix : l’amusement, la créativité, l’intrigue originale qui fait que ça fonctionne, et l’irrévérence ! Je dois avouer que depuis quelque temps, j’avais un peu perdu cela dans les derniers ouvrages de la collection, j’ai donc eu un plaisir encore plus grand à lire L’ignoble libraire. C’était un peu comme retrouver un doudou perdu, une sorte de réconfort. On sait pourquoi on est là, et on sait que l’on va se régaler.

Ainsi pour moi, L’ignoble Libraire est un très bon roman Pépix. On y retrouve tous les ingrédients qui font que c’est à la fois rempli d’aventure et d’humour, et plus encore ! Les illustrations de Ronan Badel font comme toujours leur office et complètent à merveille le roman. C’est donc un petit coup de cœur que vous avez là ! Foncez pour découvrir les aventures de Sohan et de sa petite sœur, c’est un régal ! Dès 9 ans.

Chronique ado : Ils sont venus du froid

Caryl Férey est un auteur français qui écrit principalement pour les adultes. Ses univers sont souvent très sombres et mélangent tensions géopolitiques et suspense : Zulu ou encore Mapuche sont les ouvrages qui l’ont fait connaître.
Il a écrit également quelques rares romans pour les jeunes lecteurs avec Krotokus et Mapuce. Ils sont venus du froid est son premier roman à destination d’un public adolescent. L’ouvrage est paru en 2022 chez PKJ.

Un univers post-apo glacial

De ce qu’il se passait avant, on ignore tout. La seule chose que l’on sait, c’est qu’il y a eu une Catastrophe. Personne ne sait quelle forme elle a prise, mais elle a tout détruit sur son passage… Et maintenant, le peu d’hommes et de femmes qui ont survécus tentent de rester en vie, mais tout est contre eux : les éléments et l’hiver glacial qui persiste, les animaux qui semblent tous avoir disparus… Et ce n’est que le début.

C’est dans cet univers glacial et extrêmement hostile que nous allons découvrir trois adolescents qui vont tout faire pour se battre et rester en vie. Quel qu’en soit le prix, peu importe l’adversité terrible qu’il y a en face d’eux, ils vont lutter. Mais le pire dans cette histoire, ce ne sont même pas les éléments qui se déchaînent et la famine qui guette, non. Le pire, c’est la horde d’hommes qui enlève toute personne qui croise son chemin. Dans quel dessein ?

Une histoire qui m’a laissée de marbre

En à peine quelques pages, le décor est posé avec efficacité, les personnages sont aisément distinguables et l’intrigue se déroule bien. Mais pourtant, je n’ai pa été séduite. Ni par la plume de Caryl Férey, ni par l’intrigue qu’il nous offre ici. Ce qui m’a le plus interrogé dans ce roman, c’est la psychologie des personnages que j’ai trouvé parfois peu logique, de même que les relations qu’ils ont entre eux. Ils prennent parfois des décisions assez incohérentes alors que la situation nécéssite une toute autre réaction.
On sent que ces réactions sont nécessaires pour les ressorts narratifs de l’histoire, mais cela dessert sa crédibilité, ce qui est dommageable au roman dans son ensemble.

Pour ce qui est donc de l’intrigue, je n’ai pas été captivée bien que j’ai lu le roman très rapidement. Il faut bien avouer que Caryl Férey a une écriture très fluide qui rend la lecture aisée. Mais une écriture efficace ne fait pas tout et si l’histoire manque de fond, je n’arrive pas à apprécier un ouvrage. Ce fut le cas ici : impossible de m’attacher aux personnages. Ceux qui auraient pu être intéressants restent malheureusement très en surface, impossible de s’y attacher, de les comprendre.

Et puis… je pense tout simplement que l’univers littéraire de Caryl Férey n’est pas pour moi. Je trouve que ses romans contiennent beaucoup trop de violence gratuite et j’ai vraiment du mal avec ça. Cela ne m’aurait nullement dérangée si cela était pour des adultes, mais là, je bloque. Je n’avais d’ailleurs pas aimé non plus Krotokus, l’histoire de ce lion et de son harem… destiné aux 9 ans et plus.

Mais surtout, ce one-shot présenté comme un roman jeunesse par l’éditeur me dérange un peu. Pour moi il y a une réelle distinction de lectorat entre jeunesse (12 ans max), préado (de 12 à 14 ans environ) et ado (14+).
La quatrième de couverture présente l’ouvrage comme étant « le premier grand roman jeunesse de Caryl Férey ». Or, quand il y a le meurtre par strangulation d’un nourrisson et des menaces de viol à peine voilées, je ne pense pas que la cible soit jeunesse. Je trouve donc qu’il y a une erreur de ciblage d’un point de vue marketing sur cet ouvrage.

En somme, je pense que les romans dits jeunesse de Caryl Férey ne sont pas pour moi, tout simplement. Si toutefois vous aimez les univers où la violence imprègne chaque page et que la littérature ado vous plaît, cette lecture se tente. Pour le reste, je pense qu’il y a plus prenant et mieux construit dans le même genre. Ellia la passeuse d’âme chez le même éditeur par exemple m’avait beaucoup plu.

AUTEUR :
GENRE : Non classé
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique ado : L’estrange malaventure de Mirella

Sombre, sublime et magnifique, cette réécriture du conte du Joueur de flûte de Hamelin vous restera en mémoire…

Flore Vesco est une autrice française que j’ai découverte il y a quelque temps avec De cape et de mots (Didier Jeunesse). Depuis, je veux découvrir TOUT ce qu’elle a fait. Elle écrit diablement bien, se joue des mots et de leurs sonorités et propose toujours des histoires aussi belles qu’originales.
Son tout dernier roman en date est De délicieux enfants, à L’école des Loisirs. On peux également citer dans ses précédents titres le roman D’or et d’oreillers, il est paru en 2021 à L’école des Loisirs. Quant à L’estrange malaventure de Mirella, également paru à L’école des Loisirs, l’ouvrage a raflé quantité de prix littéraires prestigieux. Notamment le fameux Prix Vendredi.

Une héroïne emplie de bonté à qui la vie ne sourit pas…

La jeune Mirella est une porteuse d’eau travailleuse, contrairement à quantité de ses camarades, elle court, s’essouffle et fait au mieux pour que chaque habitant de la ville d’Hamelin soit bien pourvu en eau. Même les mendiants. D’ailleurs, à bien y réfléchir, les mendiants sont encore mieux traités que les porteurs d’eau dans cette ville… Mais s’il n’y avait que cela…
Mirella est aussi gentille que très belle, ce qui n’a pas manqué de retenir l’attention de certains porteurs d’eau. Mais s’il n’y avait que la pauvreté et les difficultés inhérentes à sa condition, cela irait encore, mais le sort s’acharne sur Mirella… et la peste sur la ville d’Hamelin.

Une réécriture féministe du joueur de flute de Hamelin

Que ce soit au niveau de l’écriture, de l’intrigue ou des personnages et de leurs répliques, tout est bon à lire dans L’estrange malaventure de Mirella. Ce livre est incroyable en premier lieu car la plume de Flore Vesco est d’une fluidité et d’un style inouï. Rares sont les auteurs à lier avec efficacité qualité d’écriture et style limpide, Flore Vesco fait partie de ceux-là. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle pourrait écrire des pavés entiers, ils se liraient tout aussi biens !

Outre cette écriture si qualitative, l’intrigue en elle-même est parfaitement construite. Jusqu’au bout, vous ne savez pas jusqu’où osera aller l’autrice. Comment va-t-elle faire entrer la jeune Mirella dans la légende ? Car l’histoire de la jeune femme est la VERITABLE histoire du joueur de flûte de Hamelin, et pas la version édulcorée que les contes nous ont laissée depuis presque deux-cent ans…
Et surtout, Flore Vesco réussit le coup de maître d’insérer un humour mordant à des moments les plus inattendus, un régal !

« Soyez sages et pieux, et jamais vous ne poserez les pieds sur les pavés brûlants qui mènent aux portes du Diable. L’Enfer est réservé aux meurtriers, aux voleurs, aux assassins et aux femmes caractérielles.« 

Et sans avoir l’air d’y toucher, ce récit est résolument féministe. Mirella est un héroïne totalement hors des cadres, elle est libre dans sa façon d’aider les plus faibles, de puiser une énergie insoupçonnée pour combattre l’adversité et… se jouer de la mort.

Si l’on doit retenir un mot de cet ouvrage pour le définir, ce serait charmé : par l’atmosphère étrange et unique, l’écriture envoûtante… l’univers à la fois historique et surréaliste. Ce roman est un coup de maître que je relirais sûrement avec un immense plaisir dans quelques années. A découvrir dès l’âge de 14 ans, et à savourer sans limites.

Chronique YA : Three Dark Crowns – Tome 1 – Three Dark Crowns

Le premier tome d’une fantasy sombre et envoûtante aussi dense que très surprenante. Si vous aimez les lectures qui vous transportent et vous font vivre une chute vertigineuse en fin de tome, c’est la saga qu’il vous faut !

Troisième roman de l’autrice américaine Kendare Blake à paraître en France, Three Dark Crowns (ou TDC pour les intimes) fait partie des ouvrages très remarqués de la fin d’année 2021.
Les éditions Leha frappent fort et comptent bien continuer sur leur lancée en écrasant tout sur leur passages avec quantité d’autres grosses séries de SFFF. Et avec TDC, les fans de fantasy sombre trouverons de quoi se repaître… La traduction est assurée par Hermine Hémon (elle traduit régulièrement et qualitativement pour les éditions Lucca ou encore ActuSF).

La série compte cinq tomes au total, plus un recueil de nouvelles.

Trois soeurs pour un seul trône

Bienvenue dans un monde autarcique où chaque reine donne naissance à des triplées, uniquement des filles, et chacune avec un pouvoir différent. Quand ces dernières sont assez grandes, la reine s’exile et laisse ses trois filles s’entretuer pour la couronne. C’est juste avant la cérémonie qui lancera la sanglante compétition que nous découvrons ce monde étrange et cruel…
Imaginez les Hunger Games avec de la magie et un trône à la clé ! Le tout sans oublier toute la complexité géopolitique de l’intrigue… Bien malin qui saura démêler le vrai du faux.

Une intrigue de haute volée

Il faut l’avouer, il n’est pas évident d’entrer d’emblée dans l’univers de TDC. L’autrice nous lance énormément d’explications (nécessaires) sur l’univers qu’elle a créé, ses intrigues, ses enjeux… C’est parfois un peu indigeste, surtout en début d’ouvrage. Mais une fois passé ce cap d’explications où le décor se pose doucement, on est lancé.

L’intrigue est maline, dense et très surprenante. TDC est une littérature YA exigeante, ce qui n’est pas un gros mot, mais un compliment. C’est bien écrit, avec un vrai style (que la traduction a su rendre au mieux) et on est loin de certains romans ados ultra simplistes. En fait, cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un bon roman ado avec un peu de matière. Les trois quarts de la production sont si prévisibles et conditionnés pour un public type qu’il est impossible d’avoir un quelconque effet de surprise. De même pour le plaisir de lecture, c’est tout aussi rare.


Avec TDC, on demande au lecteur de faire en effet un effort, mais quelle récompense ensuite ! Une fois passées les cent premières pages, on comprend à peu près l’environnement dans lequel évoluent les trois sœurs. Et là, on se régale à découvrir les trahisons, complots et machinations qui se trament… Sans parler de malheureux hasards du destin !

C’est malin, très réussit et Kendare Blake a su garder un réel effet de surprise jusqu’à l’ultime page de ce premier tome. Mais quelle fin ! J’avoue que j’ai beaucoup regretté que le second tome n’ait pas encore été traduit quand j’ai terminé ce premier opus. Le final est tellement fou, c’est impossible de ne pas vouloir relire certaines scènes qui apparaissent sous un jour nouveau…

Bref, vous l’aurez compris, j’ai été conquise malgré quelques débuts un peu lents pour moi. C’est sûr qu’à force de lire des romans aux phrases courtes et au vocabulaire simpliste, on oublie que parfois il faut faire un effort pour découvrir de nouveaux univers. Efforts très largement récompensés ! Alors, je lirais la suite avec beaucoup de plaisir, d’autant qu’en plus d’être bons à l’intérieur, les livres sont superbes à l’extérieurs.
Les couvertures sont les mêmes que la VO, et elles sont un régal pour les yeux…

Chronique Jeunesse : Ours – Tome 1 – Retour sur terre

Une revisite ursuline de la Planète des Singes pour les plus jeunes

Johan Heliot est un auteur français d’imaginaire qui a déjà beaucoup de romans à son actif : La trilogie de la lune, Ados sous contrôle, L’imparfé, Forban ! pour ne citer qu’eux. Il écrit aussi bien pour la jeunesse que pour les adultes et s’essaye à des styles d’imaginaires très différents.
Ours a paru en février 2022 en librairie aux éditions Auzou dans leur collection de romans pour les 10/12 ans : Eclair+.

Retour à la case départ

Un immense vaisseau censé sauver l’humanité a entrepris il y a plus de 10 000 un voyage sans retour vers une planète lointaine et viable pour l’humanité. Mais pendant le long voyage, elle a été détruite, ce qui a obligé le vaisseau à retourner sur Terre… Mais la planète pollue et inhabitable a laissé place à une Terre florissante où la vie est à nouveau possible. Trois humains aterrissent en catastrophe pour voir s’il est possible pour l’humanité de se réinstaller en toute sécurité.
Mais ce qu’ils vont découvrir n’est pas positif pour l’avenir de l’homme sur cette nouvelle version de la Terre.

Une porte d’entrée vers la science-fiction pour les jeunes lecteurs et lectrices

Pour celleux qui n’ont pas encore découvert la sf, ce roman peut en être une bonne introduction (couplé à d’autres ouvrages). Il fait découvrir le genre post-apocalyptique ainsi que toutes les problématiques classiques de ce genre. Le déroulement de l’ouvrage est très classique, ainsi je pense qu’il faut l’appréhender comme un roman-passerelle pour découvrir le genre sf.

L’intrigue en elle-même est assez classique même si elle comporte quelques petites surprises appréciables (notamment en presque fin d’ouvrage). Cependant, il y a une chose qui m’a fortement déplu, c’est la psychologie des trois personnages humains. En effet, je les ai trouvé très stéréotypés dans leur façon d’être et leurs réflexions intérieures, c’est dommage et peu intéressant à lire de ce point de vue…

Ainsi l’idée de proposer aux jeunes lecteurs un hommage à l’emblématique roman de Pierre Boulle est plutôt bonne, mais si la mise en œuvre est parfois maladroite. C’est parfois un peu cousu de fil blanc, mais l’univers côté ours créé par Johan Héliot est très intéressant, plus que la partie « humaine » selon moi… Un premier tome sympathique donc, bien qu’assez vite oublié.

Chronique Jeunesse : Quand le ciel gronde

Un roman touchant où un garçon en colère contre le monde entier va se lier d’amitié avec un gorille…

Paru le 8 avril dernier aux éditions Auzou, Quand le ciel gronde est un roman jeunesse historique qui s’adresse aux 11/13 ans environ. Son auteur, Phil Earle, s’est inspiré d’une histoire vraie qu’il a remaniée à sa façon. A la base, dans la vraie Histoire, il était question d’un Lion et d’un adulte.
Ici, les héros de cette histoire peu commune sont un gorille et et jeune garçon qui ont tous les deux perdus ce qu’il ont de plus cher…
Je ne pensais pas être touchée par ce genre de roman historique sur fond de Seconde Guerre mondiale, mais le talent de Phil Earle m’a séduite en très peu de pages…

L’histoire d’un jeune orphelin, comme des milliers d’autres

Joseph n’a rien d’exceptionnel. Il a perdu ses deux parents, sa grand-mère s’occupe de lui… jusqu’à ce qu’elle décide de l’envoyer chez une amie à Londres. Au plus près des conflits de la seconde guerre, certes, mais également sous la protection d’une amie de confiance. La grand-mère de Joseph n’arrive plus à tirer quoi que ce soit du garçon en constante rébellion. Mais Mrs F et son caractère sévère réussiront peut-être là où elle a échoué…

Inspiré d’une histoire vraie

Je n’aime pas les romans de guerre. Je n’ai jamais aimé ni été passionnée par tout ce qui touche à la guerre, que ce soit d’un point de vue littéraire ou cinématographique. Je n’arrive jamais à m’attacher ou à me prendre d’intérêt pour l’intrigue ou les personnages. Et pourtant… Quand le ciel gronde a réussit à me réconcilier avec ce sous-genre historique très exploité auquel je ne touche jamais.

Comment l’auteur a-t-il réussit ? Tout simplement grâce au fait qu’il avait des personnages réalistes et convaincants. Joseph en premier lieu bien sûr, mais également celui de Mrs F et du gorille Adonis bien sûr. Mais ce ne sont pas seulement les personnages principaux qui donnent corps à cette belle histoire, ce sont tous les autres qui gravitent autour d’eux. Et je pense que c’est en cela que Phil Earle a réussit.

L’intrigue est aussi simple qu’ultra efficace et on se prend rapidement de compassion pour Joseph, dont la moindre contrariété le fait devenir volcan. Il ne voit qu’une seule échappatoire à sa tristesse : la colère. Son vécu est évidement difficle, mais les explication de l’auteur nous font entre immédiatement en empathie avec lui.
Mais comment un jeune homme peut-il s’approcher d’un gorille durant la seconde guerre ? Comment même une amitié peut-elle naître ? Je ne vous en dirait pas plus à ce sujet, mais la vraie histoire qui se cache derrière le roman est passionnante. A la base, il s’agissait d’un homme adulte censé surveiller un lion du zoo de Londres. Si la caga était détruite par les bombardements, il avait pour ordre de tuer l’animal, trop dangereux pour les londoniens.

Je ne saurais vous dire pourquoi cette histoire m’a touchée, mais elle fut pour moi un coup au coeur. La façon dont peu à peu Joseph apprivoise cet immense gorille (ou est-ce le gorille qui apprivoise le jeune homme en colère contre le monde ?), l’Histoire en toile de fond, la danse des personnages tous interdépendants… C’est une réussite à tous points de vue.

Ce roman pourra plaire à quantité de personnes pour plein de raisons différentes : pour la partie Historique, pour ceux qui se passionnent pour les animaux, pour ceux qui aiment les belles histoires… C’est un superbe texte à découvrir dès l’âge de 11 ans puis sans limite d’âge. Quand un roman est bon il n’y a pas d’âge à recommander !