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Chronique YA : Vortex – Tome 1 – Le jour où le monde s’est déchiré

Il est paru lors de la rentrée littéraire ado, en août 2022, et gageons qu’il reste longtemps dans les rayonnages des librairies. Voici le premier roman d’Anna Benning à paraître en France. Lors de sa sortie allemande, l’ouvrage s’est vendu à plus 100 000 exemplaires en quelques semaines. Certes, les ventes ne sont pas gage de qualité, mais c’est tout de même révélateur d’un intérêt certain de la part des lecteurs.ices ! Et ce succès est-il mérité ? La suite dans cet article !

De multiples déchirures dans le monde

Le monde tel qu’on le connaît n’existe plus depuis des décennies, plus précisément depuis le Grand Amalgame et la survenue des Vortex. Ces portails apparus mystérieusement permettent de voyager à travers le monde instantanément. Mais se placer à travers les vortex n’est pas donné à tout le monde et ceux qui s’y risquent ont eu une formation très spéciale. Et même parmi les plus entrainés, il y a des disparitions, des blessés et des morts. Les voyages en vortex sont donc très risqués et nécessitent une maîtrise de tous les instants.
C’est dans ce monde que vit Elaine, 14 ans et bientôt participante à la grande Course de Vortex. Son classement déterminera son avenir dans cette société très hiérarchisée et qui fait la chasse aux Amalgamés (aussi nommés Splits). Qui sont-ils ? Des êtres humains dangereux qui lors du Grand Amalgame ont fusionné avec la nature : la Terre, l’Eau ou encore le Feu. Les Vortex sont la seule façon de les poursuivre efficacement. Il faut donc qu’Elaine soit dans les premiers si elle veut devenir une coureuse de vortex et venger la mort de sa mère, tuée par des Splits.

Addictif en peu de pages

En quelques courts chapitres, on plonge dans l’intrigue originale et maline de l’autrice. Au premier abord, on peut la trouver assez classique (ce qui est le cas), mais très vite il n’est plus seulement question de vortex qui déplacent d’un point A à un point B, et ça devient autrement plus captivant, pour ne pas dire renversant par moments.

Dès lors que l’on voyage en quatre dimensions, c’est une lecture assez exaltante qui sait surprendre son lectoat même si certains éceuils ne sont pas évités. Ce n’est pas gênant en soi car l’autrice a su créer son propre style et univers. Parmi ses nombreuses bonnes idées, je retiens surtout celle de la ville de Sanctum. Magnifique de beauté et sylvestre dans chaque aspect de son existence. C’est beau, et les images qu’on se fait à cette lecture sont tout simplement magiques.

Il y a quelques bonnes révélations bien efficaces qui sont savament disséminées et bien dosée, ce qui rend l’intrigue de plus en plus dingue au fil des chapitres. Mais à aucun moment on a un sentiment de précipitation comme dans certains romans dits haletants où tout est balancé en fin d’ouvrages. Ici, Anna Benning pose quelques petites « bombes » qui rendent l’intrigue à la fois surprenante et surtout durable. On ne sait pas toujours quand ça va nous tomber dessus, et rien que pour cela c’est agréable.

La notion de bien est de mal semble par ailleurs très claire dans Vortex, qui est écrit entièrement du point de vue d’Elaine. Mais peu à peu, les questionnements vont affluer, aussi bien pour elle que pour nous lecteurs, qui avons une vision très partiale de son univers. Quoi qu’il en soit, ça fonctionne à merveille !

A découvrir dès l’âge de 14 ans, pour ceux qui aiment les dystopies à la façon de Divergente et La Faucheuse ! On y retrouve le côté addictif de ces deux séries emblématiques du genre. A confirmer avec le second tome, mais le premier est pour le moins très prometteur.

Chronique Fantasy : La Guerre du pavot – Tome 1

Rebecca F. Kuang est une autrice américaine d’origine chinoise. Elle a fait ses études à Cambridge, et elle a par ailleurs fait sa thèse sur la littérature de propagande en Chine durant la seconde guerre sino-japonaise. Et justement, on a beau être dans un univers de fantasy, l’autrice s’inspire énormément de l’histoire de la Chine et du Japon au travers d’un prisme guerrier. Accrochez-vous, c’est le genre de roman qui marque et qui réussit à surprendre ses lecteurs.ices.

Une héroïne d’une force mentale rare

Rin est une jeune femme qui en a bavé depuis sa plus tendre enfance. Elle vit avec son oncle et sa tante depuis presque toujours, maltraitée, parfois affamée par ces derniers. Son rêve : intégrer la prestigieuse école de guerre du pays, Sinegard. Mais pour cela il faut beaucoup d’argent ou alors des compétences et un savoir exceptionnel. Savoir qui justement ne peux s’obtenir qu’en ayant les plus coûteux précepteurs… et donc il faut de l’argent.
Comment Rin va-t-elle pouvoir amasser autant de connaissance en travaillant jour et nuit pour son oncle qui l’exploite ? Tout cela sans parler du fait qu’elle est sans le sou…

C’est ainsi que l’on découvre une héroïne qui part de rien et qui va tout dévaster sur son passage… pour notre plus grand plaisir.

Un roman flamboyant et incroyable

Dès les premières pages, on sent que l’on trempe dans un roman à la fois sombre et cru. L’écriture de R.F. Kuang (et l’excellente traduction de Yannis Urano) ne nous épargne aucun détail sale de la guerre ni tous les sacrifices que va consentir Rin (bienvenue dans la grimdark fantasy). Rien que la scène d’ouverture vous donnera un bon aperçu de la teneur du roman : brutal, magnifique et incroyable.

Si vous avez envie d’épique, de batailles et de magie (latente, étrange et incontrôlable) c’est le roman parfait. Bien que l’ouvrage s’intitule La guerre du Pavot, cette dernière n’a lieu qu’à partir de la seconde moitié de l’ouvrage. Les trois cent premières pages étant dédiées à la formation de Rin ainsi qu’à celle de ses camarades.

L’autrice a fait preuve d’une incroyable créativité dans son histoire, ce qui réussit à la rendre vraiment unique. Dans la première partie de l’ouvrage, vous avez toute la cession « formation » des élèves. Les entrainements, l’intégration (ou non) de Rin parmi les autres, l’apprentissage difficile et injuste qui mène à l’art de la guerre… Et seulement ensuite, vient la fameuse guerre du pavot.

J’ai adoré les deux parties du roman, même si j’ai toujours eu une préférence pour les phases d’apprentissage et de transmission (que ce soit dans les romans ou dans les films). Mais ici, même la partie martiale du roman m’a plu. On y parle stratégie, manipulation, coups de génie, horreurs de la guerre…
L’autrice s’étant directement inspiré de l’histoire de la Chine et du Japon pour son roman. Nous sommes cependant bien dans un monde créé de toute pièce, le royaume de Rin étant le Nikara et le pays de l’ennemi se nommant Mugen (il s’agit d’une petite île face aux grandes terres du Nikara).

L’ouvrage fait presque six cent pages, mais il se dévore à une vitesse ahurissante. D’ailleurs, c’était une si bonne lecture que j’ai vraiment tout fait pour en ralentir le rythme… je ne voulais pas quitter Rin et ses coups de folie bravaches, ni même sa verve et son panache. J’ai vraiment tout aimé dans ce premier tome très complet et magnifique…

Je ne puis que vous conseiller de lire ce premier tome de la trilogie de la Guerre du Pavot. L’ouvrage a paru en 2020 en grand format, et est depuis disponible en poche chez Babel, la collection de poches d’Actes Sud. Cependant, une ombre plane sur ce magnifique roman… l’éditeur n’a toujours pas annoncé la publication de la suite. Alors, Actes Sud Exofictions a-t-il toujours les droits pour sortir la suite de la saga ? Rien n’est moins sûr… (MAJ les livres ne sont plus dispos chez Actes Sud, qui a perdu les droits d’exploitation. Réédition du premier tome en mai 2025 chez De Saxus)
Une chose est certaine cependant, c’est que l’ouvrage n’a pas nécessairement rencontré un public aussi large qu’il aurait dû. Cette couverture n’est pas inesthétique, mais elle ne donne pas non plus envie de se précipiter sur le roman. Je la trouve trop sombre, pas assez épique comparé au contenu de l’ouvrage. Actes Sud n’est clairement pas un éditeur pour ce type d’ouvrage, ou alors ils auraient dû « casser » cette image élitiste qu’on associe immédiatement à la maison d’édition…

Ainsi donc, la suite possible en France de La guerre du pavot reste pour le moment en suspend… Peut-être pourrait on espérer qu’une autre maison d’édition se penche sur le sujet ? Après tout, R.F. Kuang va bientôt être publiée chez De Saxus pour son roman Babel. On peux toujours rêver d’une reprise et d’un redémarrage de sa trilogie chez eux (MAJ bis, cette chronique écrite en mai 2024 était prémonitoire). Clairement, cette saga mérite d’avoir une seconde chance en France, elle est trop exceptionnelle pour être abandonnée !

La magnifique couverture de la réédition du premier tome de La Guerre du Pavot prévue pour mai 2025 chez De Saxus. Cette publication va être épique : en plus de la quantité limitée, le papier sera de qualité supérieure et la couverture a été choisie par l’autrice elle-même comme étant sa favorite parmi toutes les publications qu’a connu ce titre.
AUTEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique ado : Ma part de l’ours

Un roman survivaliste aux allures de retour à l’état sauvage…

Second roman de Marine Veith, Ma part de l’ours est paru chez Sarbacane en novembre 2022. Son précédent ouvrage était également paru chez Sarbacane, dans la collection Exprim’. Il s’agissait d’un ouvrage sur la migration : Ceux qui traversent la mer reviennent toujours à pied, paru en 2020.

Réunion familiale au sommet

Nous sommes sur une route escarpée, dans les Pyrénées. Nous découvrons Tim, 13 ans et Aurore, 20 ans. Ils sont sur la route pour rejoindre leur mère. Elle ne vit pas avec eux car elle est internée depuis la disparition de leur père. Ainsi, c’est Aurore qui gère tous les aspects de leur vie au quotidien, la charge mentale, les difficultés financières, la crise d’adolescence de son petit frère… Aurore gère tout et plus encore.
Mais lorsque leur voiture se retrouve prise au piège en pleine montagne sans aucune possibilité de faire demi-tour, la vie d’Aurore et Tim va basculer. Ils vont faire une première rencontre stimulante, puis une autre, encore plus incroyable qui va leur donner confiance en l’avenir… Mais qu’elle est cette rencontre ?

Un roman aux allures de récit initiatique

L’idée d’un roman formateur qui va forger deux antihéros un peu perdus me plaisait beaucoup. Alors, quand en plus il est question de nature et de liberté, j’ai été encore plus emballée par l’histoire. Malheureusement, j’ai attendu tout au long de l’histoire un événement qui n’est jamais vraiment arrivé. Je ne sais pourquoi, mais j’attendais un point de bascule. Pas nécessairement une révélation fracassante, mais quelque chose qui bouleverse à jamais nos héros. En un sens, c’est effectivement le cas, mais cela à manqué d’envergure pour moi.

Cependant, la révolution pour les personnages est bien là, bien que trop lattente à mon goût. Je ne puis bien évidemment pas vous en dire plus, mais il est clairement ici question de révolution silencieuse. D’ailleurs, il y a toute une partie anti-système et hors des conventions qui m’a séduite, même si je trouvais que l’on allait au final pas assez loin.
Ce qui m’a déplu en réalité c’est que l’on se retrouve dans un entre deux jamais clairement défini. Certes il y a du changement dans la psychologie des personnages, ainsi que dans leur façon de voir le monde, mais ce ne fut pas suffisant à mon goût.

En somme, Ma part de l’ours fut pour moi une lecture décevante. Ce n’est pas à cause du texte selon moi, mais plus à cause des attentes que j’avais. J’avais une image plus « thriller » de ce roman, ce qui n’est absolument pas le cas. Si vous êtes cependant à la recherche d’un roman proche de la nature et qui questionne sur notre place dans la société, vous êtes au bon endroit. Dès 14 ans.

Chronique roman graphique : La vie rêvée de Willow

Un roman graphique au début engageant mais qui ne réussit pas à transformer l’essai

Paru début 2023 dans la nouvelle collection Hachette Romans Graphiques, La vie renversée de Willow est un one-shot. On y suit le destin de Willow qui va se retrouvé chamboulé par la découverte d’un étrange livre…
Les dessins et le texte sont réalisés par Tara O’connor

Une vie normale chamboulée

Willow Sparks est une adolescente qui n’est pas très à l’aise dans sa peau. Elle ne se sent pas à sa place, a très peu d’amis, et subit des moqueries de la part de certains. Mais un jour, elle découvre à la suite d’un énième harcèlement une pièce secrète dans la bibliothèque où elle travaille… et dedans, un livre qui va bouleverser sa vie.

Une histoire totalement oubliable et dispensable

J’ai lu ce roman graphique il y a moins d’un mois et pourtant, je n’en ai gardé quasiment aucun souvenir. La jeune Willow est un personnage intéressant bien que peu attachant, de même que les autres personnages qui font cette intrigue. Tout est traité en surface, et comme c’est un one-shot, on a peu de temps pour apprendre à les aimer suffisamment avec leurs failles et leur détresse. Pour moi, ce fut en tout cas une lecture sans affect malgré le sujet délicat du harcèlement.

Que dire de plus ? En ce qui concerne la partie fantastique de l’ouvrage, elle est assez commune. Nombreuses sont les intrigues où un personnage se voit offrir la possibilité de changer son existence pour quelque chose de meilleur (en apparence). Mais ici, rien de bien marquant ni de captivant. De plus, les dessins de Tara O’connor ne sont pas non plus à mon goût, ce qui n’aide pas à apprécier cet ouvrage.

La vie renversée de Willow est donc un roman graphique qui m’a beaucoup déçue. Je lis très peu de bd et autres formats illustrés, et j’avoue être très difficile. Alors les ouvrages passables, très peu pour moi. Ne perdez pas non plus votre temps avec cet ouvrage !
Âge du lectorat : dès 14 ans.

Chronique : Les archives des collines chantantes – Tome 1 – L’impératrice du sel et de la fortune

Une superbe novella de fantasy asiatique qui nous conte l’Histoire et le destin d’un royaume au travers de ses objets. Epuré, stratège et surprenant, ce premier opus séduit en quelques pages à peine…

L’ouvrage avait remporté le Prix Hugo du meilleur roman court en 2021, le voici enfin en France sous le beau et mystérieux titre L’impératrice du Sel et de la Fortune. Son autrice, Nghi Vo, est américaine, il s’agit de son premier ouvrage publié en France.
A l’occasion de la parution de cette nouveauté, L’Atalante a mis les petits plats dans les grands en proposant deux versions différentes de l’ouvrage : une normale, et une autre collector avec couverture reliée, texture peau de pêche et signet en tissu inséré dans la reliure. Un écrin tout à fait à la hauteur du contenu.

Le destin d’une impératrice venue d’ailleurs

Au travers d’un dialogue entre deux personnages que rien ne lie, nous découvrons peu à peu la vie et le destin de l’impératrice du Sel et de la Fortune. Chaque chapitre s’ouvre à nous lors de la présentation d’un objet particulier qui apporte son lot d’histoire et de révélations sur qui était l’impératrice et les sacrifices qu’elle a fait pour son peuple. Mais au fil des chapitres, on sent se profiler autre chose que l’histoire officielle…

Tout en subtilité et en beauté

Voilà longtemps que je n’avais pas lu un texte aussi atypique et beau tout à la fois. C’est le genre d’ouvrage que l’on commence sans réellement savoir où il va nous mener, mais qu’une fois fini, on veut relire encore et encore. Sa mythologie semble simple en apparence, mais il n’en est rien, de même pour les très nombreux enjeux et symboles sous-jacents. Chaque mot est pesé, chaque objet choisi avec soin. Tout n’est pas dit, il vous faudra vous approprier cette lecture et mener de vous-même votre propre investigation… Et encore, il ne s’agit que du premier tome. Je gage que les titres suivants seront au moins aussi captivants et oniriques que ce premier opus !

Et que dire des nombreuses scènes marquantes et touchantes de cet ouvrage ? Elles sont nombreuses, et c’est en cela que je trouve cet ouvrage remarquable. Le texte fait à peine plus de cent pages, et pourtant il a réussit à m’entraîner dans des légendes créées de toutes pièces que j’avais envie d’écouter, de découvrir et même de m’y abreuver. Je voulais percer les mystères de cette impératrice maline et secrète qui n’est pas ce qu’elle semble être.

Impossible d’en dire plus car c’est le genre d’ouvrage qui se découvre réellement par la lecture, avec un univers qui s’infuse lentement. Ce premier tome est ainsi une vraie belle découverte et j’ose espérer que les suites arriverons relativement rapidement ! Au total, ce sont cinq tomes qui sont prévus, avec des couvertures tout aussi magnifiques que ce premier opus, toutes signées Alyssa Winans.

AUTEUR :
GENRE : Fantasy, LGBTQIA+
EDITEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Méduse par Jessie Burton

Une réécriture féministe et passionnante du mythe de Persée et Méduse… bien différent du conte d’origine et qui fait réfléchir à nos souvenirs collectifs !

Jessie Burton est une autrice anglaise que j’affectionne depuis presque une dizaine d’années maintenant. La lecture de Miniaturiste a été pour moi une véritable révélation littéraire. Avec Méduse, elle s’essaye à un autre type de roman : la réécriture mythologique à destination des jeunes adultes.

Une fille isolée sur une île austère…

Méduse est une jeune fille dont la vie et celle de ses sœurs a basculé à cause des dieux et de leurs caprices. De leurs désirs et de leurs chantages pour obtenir d’elle ce qu’ils souhaitaient. Loin de la légende que l’on connait tous partiellement, Méduse n’est pas une abomination dont il faut trancher la tête. Non, c’est une fille qui a eu le malheur de se faire remarquer par sa beauté et qui en a payé le prix fort… de nombreuses fois.

Mais ici, Jessie Burton décide de donner la parole à cette presque femme qui fut onnie, oprimée et violentée. Que décidera de faire Méduse quand le beau Persée arrivera sur son île ?

Oser repenser les mythes

A l’image de l’essai De grandes dents de Lucile Novat qui se proposait de comprendre autrement le conte du Petit Chaperon Rouge, ici Jessie Burton essaie de déconstruire notre imaginaire. Dans notre culture collective, Méduse est une femme à la chevelure en têtes de serpents, elle est bestiale et dangereuse… La tuer serait un bienfait pour tous. Mais… et si Méduse n’était que la victime de la violence des hommes ? (encore une, oui). Et si elle n’était que le produit du pouvoir des hommes exercé sur les femmes ? C’est une injustice que tente de réparer Jessie Burton en remettant en lumière certains faits mythologiques et en réécrivant d’autres, pour enfin donner une voix à Méduse.

« Eh bien, je pense qu’il est moins difficile de s’entendre répéter qu’on est beau quand on est un garçon que quand on est une fille. Lorsque la beauté t’est atrribuée en tant que fille, elle devient d’une certaine façon l’essence de ton être. Elle évince tout ce que tu peux être d’autre. Alors que chez les garçons, elle ne prend jamais le pas sur ce que tu pourrais être par ailleurs« .

Cette mise en évidence de nombreuses injustices fait froid dans le dos et donne envie de relire attentivement nos contes et mythes, et pas la version expurgée s’il vous plaît. Non, il va nous falloir aller à la source des mythes fondateurs pour comprendre que ce que l’on sait est parfois erroné ou déformé.

Bien plus qu’une simple réécriture, ce texte de Jessie Burton est résolument féministe et incitera les plus curieux.ses à se plonger à la source de ces écrits qui font au quotidien notre culture. Pour moi ce roman est à mettre pile entre De grande dents et Résister à la culpabilisation de Mona Chollet. Le travail est immense, mais à force de curiosité et de partages, nous arriverons tracer une route différente…

« Ecoute Persée, crois-en quelqu’un qui sait de quoi il parle : parfois il ne suffit pas de se recroqueviller pour devenir la forme la plus petite, la plus minuscule qui soit. Alors, autant garder la taille que l’on est censé avoir.« 

Ainsi oui, c’est un coup de cœur, mais pas au sens littéraire de la chose. La lecture était très plaisante, mais c’est surtout son fond de soft power féministe qui m’a convaincue. A lire et faire lire dès l’âge de 14 ans environ.

Chronique ado : Une pour toutes

A la découverte de Julie Maupin, une femme au courage sans bornes et à la volonté de fer !

Jean-Laurent Del Socorro est un auteur français à la plume incroyable. En quelques lignes, vous découvrirez un véritable style, une poésie latente… Et c’est le cas dans toute son œuvre. Il a déjà été chroniqué sur le blog avec l’ouvrage Boudicca qui reprenait l’histoire de la vie de la reine du peuple Icène. Boudicca avait réussi à bouter César et sa soif de conquête, rien que cela.
Car oui, Jean-Laurent Del Socorro aime les destins et les histoires hors du commun. Et il aime l’imaginaire également. Ce qui donne très souvent de magnifiques biographies historiques très documentées, écrites avec panache et un soupçon de fantastique…

C’est le cas ici avec Une pour toutes, qui nous fait découvrir le personnage incroyable et magnifique de Julie Maupin. Une femme qui a été grâciée deux fois par le roi, qui manie la rapière avec excellence et qui a assumé sa bisexualité sans que la question même soit soulevée. Elle aimait la vie, et elle en a profité comme peu l’ont fait, surtout à cette époque !

Une rencontre avec le Diable…

Tout commence quand Julie Maupin fait la rencontre fortuite du Diable. Se dernier est séduit immédiatement par l’allure et la verve incroyable de la jeune fille. Elle sait très bien ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas, et non, le diable ne la tente pas plus que cela. Elle préfère jouter à l’épée avec lui que de partager sa couche…
Et voilà le début d’une amitié aussi improbable que magnifique. C’est la seule partie fantastique de l’ouvrage et Julie Maupin n’a absolument pas besoin du diable pour céder à ses envies, elle le fait très bien toute seule !

Mais le génie de cette narration réside dans l’idée d’insérer un personnage fantastique dans une histoire totalement vraie. Alors si vous avez envie de découvrir l’histoire de cette femme incroyable qui même mariée a réussit à s’émanciper d’une égide patriarcale, ce livre est pour vous !

Une plume qui se dévore avec une aisance confondante

Pour moi, ce roman n’a que des qualités, peut-être que je manque d’objectivité, mais c’est mon ressenti suite à cette lecture. Une pour toutes est à la fois atypique et très classique. Atypique pour la partie fantastique insérée dans l’Histoire, la vraie. Très classique, car c’est une biographie romancée qui se déroule avec naturel. Il faut dire que la vie de Julie Maupin est parfaite pour faire un roman incroyable ! Elle n’est que suite de péripéties, aventures, coups de tête et de foudre…

Jean-Laurent Del Soccorro a le don de toujours trouver un personnage de l’histoire qui va nous intéresser. Souvent oublié par les manuels ou la culture populaire, il trouve toujours une porte par laquelle entrer afin de nous faire partager une époque, un personnage, un événement. Tout cela au travers du prisme (léger) du fantastique. Une pour toutes est ainsi un mélange de tout cela, et c’est diablement réussi.

Vous le verrez à la lecture, l’auteur a pris le parti de faire une partie de ses dialogues en vers, et ça rend extrêmement bien :

Libre à vous, joli cœur, de rêver de ma bouche
Moi je joue, je me bat et remporte la touche.

Je ne peux pas vous en dire plus sur la vie de cette femme incroyable qui a su très tôt ce qu’elle voulait et surtout ce qu’elle ne voulait pas pour elle. Je ne peux que vous enjoindre à découvrir son histoire, ses réussites, ses échecs et ses coups de folie. Julie Maupin a eu une vie extraordinaire, et Jean-Laurent Del Socorro signe ici un magnifique hommage à cette femme oubliée de l’Histoire…

Comme il l’avait fait auparavant avec Boudicca. C’est une réussite à découvrir dès l’âge de 14 ans environ, mais cet ouvrage peut tout à fait être lu par des adultes ! Personnellement je verrais bien une double publication en adulte et en ado à sa sortie en poche…

Chronique Jeunesse : La malédiction de la famille Numéro 4

Un roman de sf jeunesse intelligent, génial et hyper efficace, une parfaite porte d’entrée dans l’imaginaire sur une planète-colonie qui a du mal à s’adapter à la faune locale…

Premier roman d’Emilie Le Garben, La malédiction de la famille numéro 4 a toutes les qualités d’un excellent roman de science-fiction pour initier la jeunesse au genre. Ce beau roman ambitieux et malin est illustré par Sophie Leullier.

L’ouvrage a paru chez Poulpe Fiction, la maison d’édition qui depuis quelques années se développe à une vitesse fulgurante avec des choix éditoriaux intéressants qui savent parfois sortir des sentiers battus.

Nous sommes en 2494, bienvenue sur Euphoria 2 !

Petite planète nichée aux confins de la galaxie, Euphoria 2 abrite depuis plusieurs décennies la vie humaine. En effet, l’homme a décidé de s’installer ici pour des raisons stratégique d’approvisionnement. Masi d’ici à ce que la planète soit habitable de façon décente pour les hommes, la vie y est très difficile.
Mais pour certains, comme la jeune Clara, la vie est encore plus dure. A cause d’un accident de vaisseau causé par son grand-père, sa famille doit rembourser tous les mois les immenses dettes du drame. En effet, un vaisseau spatial coûte extrêmement cher, et ce sont plusieurs générations de la famille numéro 4 qui doivent ainsi se priver pour rembourser peu à peu les dégâts. Et peu importe que le grand-père de Clara ait lui-même péri dans l’incident…

Mais Clara en a assez de payer injustement les dettes d’un accident qui les fait passer pour des parias dans toute la colonie. Assez des brimades, assez qu’on l’évite car elle porte soi-disant malheur… Elle ne le sait pas encore, mais elle va rebattre les cartes de façon assez significative pour elle, et toute sa famille.

Une intrigue qui ne se contente pas d’efficace mais qui développe tout un univers

Le grand atout de ce roman, c’est avant tout son histoire, certes, mais surtout la façon dont elle est construite. On se doute qu’il y a des secrets, des surprises narratives et autres plaisirs de lecture. Mais, c’est fait de telle façon qu’on est pris dedans en quelques chapitres, tout fonctionne à merveille.

Mais le grand plus ici, c’est qu’on rétabli ce que peut être la science-fiction : ici, point de batailles de vaisseaux spatiaux épiques mais une terraformation qui prend des décennies. Rien que cela, c’est malin. On change totalement la vision que peuvent avoir les enfants de la science-fiction (et aussi les adultes). Car non, la sf ne se résume pas à des scènes grandioses et fortes en émotions, et ce roman est la preuve qu’on peut faire de la très bonne sf auprès d’un jeune lectorat (entre 10 et 13 ans ici).

Pour ce qui est de la partie personnages, tout fonctionne également à merveille. Ils ont tous leur importance, même les plus détestables, et surtout ont l’air plus vrais que nature. Ils sont tout à fait crédibles dans leur façon d’être et d’agir, c’est pour cela que toute cette histoire sur Euphoria-2 fonctionne si bien.

Ainsi, sur tous les aspects du roman, on peut attester que c’est une réussite. J’ai adoré voyager avec Clara, la suivre dans sa dangereuse quête de justice et découvrir la dangereuse faune locale. Seul petit bémol car je l’ai vécu plusieurs fois en tant que libraire, le titra fait penser aux clients que le roman est le tome quatre d’une série, alors qu’il s’agit d’un one-shot. Pour l’instant en tout cas… alors à quand la suite ?

Chronique jeunesse : Le trésor de Sunthy

Un magnifique roman sur la quête des origines et les secrets cachés qu’elle implique parfois… Si vous ne connaissez pas bien le Cambodge, c’est aussi une très bonne porte d’entrée sur son histoire proche.

Arnaud Friedman est un auteur français qui touche aussi bien à la littérature qu’à la jeunesse, comme c’est le cas avec Le trésor de Sunthy. L’ouvrage est paru dans la petite maison d’édition indépendante Lucca en 2019 et a déjà remporté de nombreux prix littéraires.

Spécialisé en histoire contemporaine après avoir fait une prépa littéraire, son sujet de mémoire a porté sur l’histoire de l’immigration cambodgienne dans le Doubs. Son roman Le trésor de Sunthy est une façon pour lui de rendre hommage au métier d’historien.

Une famille et ses secrets

Garance est une jeune fille dont les origines cambodgiennes ont toujours été tabou dans la famille. Dès qu’elle essaie de creuser un peu sur l’histoire de ses origines, ses parents bottent en touche. Mais grâce à son grand-père, elle va peu à peu mieux comprendre la complexité de son passé… Et surtout le lourd passif du Cambodge dans son Histoire proche. Des milliers de familles cambodgiennes sont concernées par cette période traumatisante de l’histoire du pays et nombre d’entre elles ont trouvé un refuge en France. Ce roman est leur histoire.

Un roman qui touche en plein coeur

En à peine quelques pages, on se prend d’empathie pour Garance et ses nombreux questionnements. Elle qui en sait si peu sur ses origines, elle va devoir combattre les silences de sa famille et les lourds secrets de son histoire. Mais plus qu’une quete des origines, ce roman est aussi un magnifique texte sur le métier d’historien, totalement méconnu. Entre l’enquête policière et la rigueur scientifique, le métier d’historien est extrêmement exigeant.

« C’est une spécificité française de ne pas sanctuariser les lieux de mémoire de l’immigration, contrairement aux Etats-Unis qui ont transformé Ellis Island en musée« .

Bien que la cible de ce roman soient les 12 ans et plus, nous les adultes pourront tout à fait trouver notre content d’intrigue. De plus, en tant qu’occidentaux, cette histoire a beau être proche de la notre d’un point de vue temporel, elle n’est pas mentionnée dans nos manuels d’histoire. Et c’est bien dommage… il y a tant à apprendre sur l’Histoire des pays d’Asie, qui est tout aussi passionnante que la notre. Le trésor de Sunthy se propose de commencer à combler ces lacunes au travers d’une histoire passionnante, et très touchante.
Khmers rouges, manipulation de l’Histoire par les vainqueurs, renversement du pouvoir orchestré par d’autres pays, légendes sur l’origine de Phnom Penh…

Le trésor de Sunthy nous fait découvrir l’enquête que mène Garance pour mieux comprendre ses origines, mais aussi accepter sa double appartenance. C’est un texte délicat et atypique à découvrir pour se cultiver, et mieux connaître l’histoire de l’Asie. Une petite pépite à découvrir dès l’âge de 12 ans environ !

Chronique Jeunesse : L’ignoble libraire

Un véritable hommage aux Livres Dont Vous Êtes le Héros et à l’aventure ! Un pur régal de lecture entre distraction et divertissement.

L’ignoble libraire est le nouveau roman d’Anne-Gaëlle Balpe et Ronan Badel, ils avaient déjà sévit avec deux autres romans, se déroulant eux aussi dans l’univers du livre : L’écrivain abominable et L’épouvantable bibliothécaire.
L’ignoble Libraire est paru en début d’année 2023 donc, et il fait la part belle aux livres dont vous êtes le héros. Si vous aviez une dizaine d’années ou un peu plus dans les années 80/90 et que vous avez des enfants, vous allez adorer partager cette lecture !

L’aventure comme maître mot

Sohan est un jeune garçon tout ce qu’il y a de plus normal. Il a cependant une particularité : il adore les Livres dont vous êtes le héros. Non, c’est même plus que cela, il les adule et dès qu’une nouvelle aventure de La Quête d’Aliantys sort en librairie, il se précipite et ne pense plus qu’à ça ! Et justement, l’ultime va sortir, et il compte bien l’acheter dès l’ouverture de la librairie… sauf que, sa libraire n’est plus là. C’est un étrange remplaçant peu commode et franchement flippant qu’il va trouver à la place. L’étrange libraire lui vend le fameux livre tant convoité… mais il va se passer des choses étranges, notamment avec le marque-page qui glisse du nouvel ouvrage…

Sohan l’ignore encore, mais c’est le début des ennuis pour lui. Et surtout, sa perception du monde va être changée à jamais !

Génial, distrayant et efficace !

En grande fan des Livres dont vous êtes le héros, j’ai été heureuse de voir l’hommage qui en est fait tout au long du livre. Mais il y a un second hommage à voir dans ce roman, celui fait aux libraires (merci Anne-Gaëlle Balpe !). Il y a même une explication de ce qu’est le métier et on parle même prix unique du livre lors d’un aparté (très bonne initiative, la Loi Lang étant encore et toujours aussi méconnue malgré ses décennies d’existence).

Ainsi, L’ignoble libraire poursuit la série de la chaîne du livre un peu tordue qui est la leur : en effet, on a eu affaire à L’écrivain abominable (mon préféré de tous) puis à L’épouvantable bibliothécaire (qui m’avais beaucoup déçue) et maintenant le libraire ! Peut-être y aura-t-il un autre opus avec un Atroce Editeur ? Ou un Monstrueux Traducteur ? ou un Terrible Représentant ? Là, la chaîne du livre serait vraiment complète !
Quoi qu’il en soit, les ouvrages se lisent totalement indépendamment donc pas besoin de les lire tous ou dans l’ordre. Il y a bien une légère et subtile référence à L’épouvantable bibliothécaire en fin d’ouvrage, mais cette lecture est tout à fait dispensable.

Ici, il est question de magie, de mondes cachés dans des livres et de vie éternelle. Et Sohan va se retrouver embarqué bien malgré lui dans des aventures qui le dépassent totalement. Heureusement, il est bien entouré, même si rien n’a été planifié et encore moins réfléchi. Et là il va, les jets de dés, bons ou mauvais ne lui seront d’aucune aide…

Avec cette lecture, j’ai retrouvé l’âme de ce qui fait un Pépix : l’amusement, la créativité, l’intrigue originale qui fait que ça fonctionne, et l’irrévérence ! Je dois avouer que depuis quelque temps, j’avais un peu perdu cela dans les derniers ouvrages de la collection, j’ai donc eu un plaisir encore plus grand à lire L’ignoble libraire. C’était un peu comme retrouver un doudou perdu, une sorte de réconfort. On sait pourquoi on est là, et on sait que l’on va se régaler.

Ainsi pour moi, L’ignoble Libraire est un très bon roman Pépix. On y retrouve tous les ingrédients qui font que c’est à la fois rempli d’aventure et d’humour, et plus encore ! Les illustrations de Ronan Badel font comme toujours leur office et complètent à merveille le roman. C’est donc un petit coup de cœur que vous avez là ! Foncez pour découvrir les aventures de Sohan et de sa petite sœur, c’est un régal ! Dès 9 ans.