Archives de l’auteur : Laura

Chronique ado : L’estrange malaventure de Mirella

Sombre, sublime et magnifique, cette réécriture du conte du Joueur de flûte de Hamelin vous restera en mémoire…

Flore Vesco est une autrice française que j’ai découverte il y a quelque temps avec De cape et de mots (Didier Jeunesse). Depuis, je veux découvrir TOUT ce qu’elle a fait. Elle écrit diablement bien, se joue des mots et de leurs sonorités et propose toujours des histoires aussi belles qu’originales.
Son tout dernier roman en date est De délicieux enfants, à L’école des Loisirs. On peux également citer dans ses précédents titres le roman D’or et d’oreillers, il est paru en 2021 à L’école des Loisirs. Quant à L’estrange malaventure de Mirella, également paru à L’école des Loisirs, l’ouvrage a raflé quantité de prix littéraires prestigieux. Notamment le fameux Prix Vendredi.

Une héroïne emplie de bonté à qui la vie ne sourit pas…

La jeune Mirella est une porteuse d’eau travailleuse, contrairement à quantité de ses camarades, elle court, s’essouffle et fait au mieux pour que chaque habitant de la ville d’Hamelin soit bien pourvu en eau. Même les mendiants. D’ailleurs, à bien y réfléchir, les mendiants sont encore mieux traités que les porteurs d’eau dans cette ville… Mais s’il n’y avait que cela…
Mirella est aussi gentille que très belle, ce qui n’a pas manqué de retenir l’attention de certains porteurs d’eau. Mais s’il n’y avait que la pauvreté et les difficultés inhérentes à sa condition, cela irait encore, mais le sort s’acharne sur Mirella… et la peste sur la ville d’Hamelin.

Une réécriture féministe du joueur de flute de Hamelin

Que ce soit au niveau de l’écriture, de l’intrigue ou des personnages et de leurs répliques, tout est bon à lire dans L’estrange malaventure de Mirella. Ce livre est incroyable en premier lieu car la plume de Flore Vesco est d’une fluidité et d’un style inouï. Rares sont les auteurs à lier avec efficacité qualité d’écriture et style limpide, Flore Vesco fait partie de ceux-là. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle pourrait écrire des pavés entiers, ils se liraient tout aussi biens !

Outre cette écriture si qualitative, l’intrigue en elle-même est parfaitement construite. Jusqu’au bout, vous ne savez pas jusqu’où osera aller l’autrice. Comment va-t-elle faire entrer la jeune Mirella dans la légende ? Car l’histoire de la jeune femme est la VERITABLE histoire du joueur de flûte de Hamelin, et pas la version édulcorée que les contes nous ont laissée depuis presque deux-cent ans…
Et surtout, Flore Vesco réussit le coup de maître d’insérer un humour mordant à des moments les plus inattendus, un régal !

« Soyez sages et pieux, et jamais vous ne poserez les pieds sur les pavés brûlants qui mènent aux portes du Diable. L’Enfer est réservé aux meurtriers, aux voleurs, aux assassins et aux femmes caractérielles.« 

Et sans avoir l’air d’y toucher, ce récit est résolument féministe. Mirella est un héroïne totalement hors des cadres, elle est libre dans sa façon d’aider les plus faibles, de puiser une énergie insoupçonnée pour combattre l’adversité et… se jouer de la mort.

Si l’on doit retenir un mot de cet ouvrage pour le définir, ce serait charmé : par l’atmosphère étrange et unique, l’écriture envoûtante… l’univers à la fois historique et surréaliste. Ce roman est un coup de maître que je relirais sûrement avec un immense plaisir dans quelques années. A découvrir dès l’âge de 14 ans, et à savourer sans limites.

Chronique YA : Three Dark Crowns – Tome 1 – Three Dark Crowns

Le premier tome d’une fantasy sombre et envoûtante aussi dense que très surprenante. Si vous aimez les lectures qui vous transportent et vous font vivre une chute vertigineuse en fin de tome, c’est la saga qu’il vous faut !

Troisième roman de l’autrice américaine Kendare Blake à paraître en France, Three Dark Crowns (ou TDC pour les intimes) fait partie des ouvrages très remarqués de la fin d’année 2021.
Les éditions Leha frappent fort et comptent bien continuer sur leur lancée en écrasant tout sur leur passages avec quantité d’autres grosses séries de SFFF. Et avec TDC, les fans de fantasy sombre trouverons de quoi se repaître… La traduction est assurée par Hermine Hémon (elle traduit régulièrement et qualitativement pour les éditions Lucca ou encore ActuSF).

La série compte cinq tomes au total, plus un recueil de nouvelles.

Trois soeurs pour un seul trône

Bienvenue dans un monde autarcique où chaque reine donne naissance à des triplées, uniquement des filles, et chacune avec un pouvoir différent. Quand ces dernières sont assez grandes, la reine s’exile et laisse ses trois filles s’entretuer pour la couronne. C’est juste avant la cérémonie qui lancera la sanglante compétition que nous découvrons ce monde étrange et cruel…
Imaginez les Hunger Games avec de la magie et un trône à la clé ! Le tout sans oublier toute la complexité géopolitique de l’intrigue… Bien malin qui saura démêler le vrai du faux.

Une intrigue de haute volée

Il faut l’avouer, il n’est pas évident d’entrer d’emblée dans l’univers de TDC. L’autrice nous lance énormément d’explications (nécessaires) sur l’univers qu’elle a créé, ses intrigues, ses enjeux… C’est parfois un peu indigeste, surtout en début d’ouvrage. Mais une fois passé ce cap d’explications où le décor se pose doucement, on est lancé.

L’intrigue est maline, dense et très surprenante. TDC est une littérature YA exigeante, ce qui n’est pas un gros mot, mais un compliment. C’est bien écrit, avec un vrai style (que la traduction a su rendre au mieux) et on est loin de certains romans ados ultra simplistes. En fait, cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un bon roman ado avec un peu de matière. Les trois quarts de la production sont si prévisibles et conditionnés pour un public type qu’il est impossible d’avoir un quelconque effet de surprise. De même pour le plaisir de lecture, c’est tout aussi rare.


Avec TDC, on demande au lecteur de faire en effet un effort, mais quelle récompense ensuite ! Une fois passées les cent premières pages, on comprend à peu près l’environnement dans lequel évoluent les trois sœurs. Et là, on se régale à découvrir les trahisons, complots et machinations qui se trament… Sans parler de malheureux hasards du destin !

C’est malin, très réussit et Kendare Blake a su garder un réel effet de surprise jusqu’à l’ultime page de ce premier tome. Mais quelle fin ! J’avoue que j’ai beaucoup regretté que le second tome n’ait pas encore été traduit quand j’ai terminé ce premier opus. Le final est tellement fou, c’est impossible de ne pas vouloir relire certaines scènes qui apparaissent sous un jour nouveau…

Bref, vous l’aurez compris, j’ai été conquise malgré quelques débuts un peu lents pour moi. C’est sûr qu’à force de lire des romans aux phrases courtes et au vocabulaire simpliste, on oublie que parfois il faut faire un effort pour découvrir de nouveaux univers. Efforts très largement récompensés ! Alors, je lirais la suite avec beaucoup de plaisir, d’autant qu’en plus d’être bons à l’intérieur, les livres sont superbes à l’extérieurs.
Les couvertures sont les mêmes que la VO, et elles sont un régal pour les yeux…

Chronique jeunesse : Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte

Un roman jeunesse touchant et malin qui décortique avec malice les mécanismes de l’écriture…

Annet Huizing est une autrice néerlandaise, Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte fut un succès dans son pays d’origine. L’ouvrage est paru chez Syros en 2016.

Avoir une célèbre romancière pour voisine… et amie

Nous voici dans le quotidien d’une jeune fille prénomée Katinka. Elle vient d’avoir 13 ans, et depuis quelque temps, une idée la taraude… elle aimerait écrire un roman. Mais elle ne sait pas comment s’y prendre n’y même si elle a quelque chose d’assez intéressant à raconter. C’est ainsi que grâce à son amitié avec Lidwine, une célèbre autrice qui vit près de chez elle, la jeune fille va découvrir les ficelles du métier. Car oui, pour être écrivain, il faut certes du talent, mais également beaucoup de travail…

Une ode au partage et à l’entraide

Ce roman est un super moment de lecture à découvrir, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la narratrice, Katinka, va découvrir comme nous lecteur, les ficelles de ce qui fait un roman. Par exemple, avez-vous déjà entendu parler de la phrase « Show, don’t tell » ? Elle résume à elle seule une caractéristique très importante dans un roman : ne pas dire qu’un personnage est triste ou déprimé, mais le montrer par un air abattu ou une voix éteinte par exemple. Laisser une liberté d’interprétation et de ressenti au lecteur sera beaucoup plus fort que si on lui écrit directement : ce personnage est triste.

C’est ainsi que par quantité de petites et grandes astuces, Katinka va se découvrir l’âme d’une écrivaine. Et au final, on va se rendre compte qu’elle a énormément de choses à raconter et à dire… Car au premier abord, malgré la perte de sa maman très jeune, on pourrait croire qu’elle est un personnage assez lisse. Mais elle nous surprend peu à peu par ses réflexions et sa profondeur. Comment accepter une autre femme dans le foyer même si on l’aime ? Pourquoi est-ce si difficile de dire ce que l’on ressent ? Comment ne pas blesser les autres tout en restant honnête avec soi-même ?

Je trouve que ce roman est parfait pour celles et ceux qui ont entre 12 et 15 ans et qui aimeraient écrire. Ce roman regorge de très nombreuses astuces d’écrivain, tout cela mis au service d’une histoire belle, simple et touchante. On comprend aisément pourquoi ce roman a séduit les lecteurs.ices hollandais, il contient tous les ingrédients d’une bonne histoire !

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Chronique Jeunesse : Ours – Tome 1 – Retour sur terre

Une revisite ursuline de la Planète des Singes pour les plus jeunes

Johan Heliot est un auteur français d’imaginaire qui a déjà beaucoup de romans à son actif : La trilogie de la lune, Ados sous contrôle, L’imparfé, Forban ! pour ne citer qu’eux. Il écrit aussi bien pour la jeunesse que pour les adultes et s’essaye à des styles d’imaginaires très différents.
Ours a paru en février 2022 en librairie aux éditions Auzou dans leur collection de romans pour les 10/12 ans : Eclair+.

Retour à la case départ

Un immense vaisseau censé sauver l’humanité a entrepris il y a plus de 10 000 un voyage sans retour vers une planète lointaine et viable pour l’humanité. Mais pendant le long voyage, elle a été détruite, ce qui a obligé le vaisseau à retourner sur Terre… Mais la planète pollue et inhabitable a laissé place à une Terre florissante où la vie est à nouveau possible. Trois humains aterrissent en catastrophe pour voir s’il est possible pour l’humanité de se réinstaller en toute sécurité.
Mais ce qu’ils vont découvrir n’est pas positif pour l’avenir de l’homme sur cette nouvelle version de la Terre.

Une porte d’entrée vers la science-fiction pour les jeunes lecteurs et lectrices

Pour celleux qui n’ont pas encore découvert la sf, ce roman peut en être une bonne introduction (couplé à d’autres ouvrages). Il fait découvrir le genre post-apocalyptique ainsi que toutes les problématiques classiques de ce genre. Le déroulement de l’ouvrage est très classique, ainsi je pense qu’il faut l’appréhender comme un roman-passerelle pour découvrir le genre sf.

L’intrigue en elle-même est assez classique même si elle comporte quelques petites surprises appréciables (notamment en presque fin d’ouvrage). Cependant, il y a une chose qui m’a fortement déplu, c’est la psychologie des trois personnages humains. En effet, je les ai trouvé très stéréotypés dans leur façon d’être et leurs réflexions intérieures, c’est dommage et peu intéressant à lire de ce point de vue…

Ainsi l’idée de proposer aux jeunes lecteurs un hommage à l’emblématique roman de Pierre Boulle est plutôt bonne, mais si la mise en œuvre est parfois maladroite. C’est parfois un peu cousu de fil blanc, mais l’univers côté ours créé par Johan Héliot est très intéressant, plus que la partie « humaine » selon moi… Un premier tome sympathique donc, bien qu’assez vite oublié.

Chronique Jeunesse : Quand le ciel gronde

Un roman touchant où un garçon en colère contre le monde entier va se lier d’amitié avec un gorille…

Paru le 8 avril dernier aux éditions Auzou, Quand le ciel gronde est un roman jeunesse historique qui s’adresse aux 11/13 ans environ. Son auteur, Phil Earle, s’est inspiré d’une histoire vraie qu’il a remaniée à sa façon. A la base, dans la vraie Histoire, il était question d’un Lion et d’un adulte.
Ici, les héros de cette histoire peu commune sont un gorille et et jeune garçon qui ont tous les deux perdus ce qu’il ont de plus cher…
Je ne pensais pas être touchée par ce genre de roman historique sur fond de Seconde Guerre mondiale, mais le talent de Phil Earle m’a séduite en très peu de pages…

L’histoire d’un jeune orphelin, comme des milliers d’autres

Joseph n’a rien d’exceptionnel. Il a perdu ses deux parents, sa grand-mère s’occupe de lui… jusqu’à ce qu’elle décide de l’envoyer chez une amie à Londres. Au plus près des conflits de la seconde guerre, certes, mais également sous la protection d’une amie de confiance. La grand-mère de Joseph n’arrive plus à tirer quoi que ce soit du garçon en constante rébellion. Mais Mrs F et son caractère sévère réussiront peut-être là où elle a échoué…

Inspiré d’une histoire vraie

Je n’aime pas les romans de guerre. Je n’ai jamais aimé ni été passionnée par tout ce qui touche à la guerre, que ce soit d’un point de vue littéraire ou cinématographique. Je n’arrive jamais à m’attacher ou à me prendre d’intérêt pour l’intrigue ou les personnages. Et pourtant… Quand le ciel gronde a réussit à me réconcilier avec ce sous-genre historique très exploité auquel je ne touche jamais.

Comment l’auteur a-t-il réussit ? Tout simplement grâce au fait qu’il avait des personnages réalistes et convaincants. Joseph en premier lieu bien sûr, mais également celui de Mrs F et du gorille Adonis bien sûr. Mais ce ne sont pas seulement les personnages principaux qui donnent corps à cette belle histoire, ce sont tous les autres qui gravitent autour d’eux. Et je pense que c’est en cela que Phil Earle a réussit.

L’intrigue est aussi simple qu’ultra efficace et on se prend rapidement de compassion pour Joseph, dont la moindre contrariété le fait devenir volcan. Il ne voit qu’une seule échappatoire à sa tristesse : la colère. Son vécu est évidement difficle, mais les explication de l’auteur nous font entre immédiatement en empathie avec lui.
Mais comment un jeune homme peut-il s’approcher d’un gorille durant la seconde guerre ? Comment même une amitié peut-elle naître ? Je ne vous en dirait pas plus à ce sujet, mais la vraie histoire qui se cache derrière le roman est passionnante. A la base, il s’agissait d’un homme adulte censé surveiller un lion du zoo de Londres. Si la caga était détruite par les bombardements, il avait pour ordre de tuer l’animal, trop dangereux pour les londoniens.

Je ne saurais vous dire pourquoi cette histoire m’a touchée, mais elle fut pour moi un coup au coeur. La façon dont peu à peu Joseph apprivoise cet immense gorille (ou est-ce le gorille qui apprivoise le jeune homme en colère contre le monde ?), l’Histoire en toile de fond, la danse des personnages tous interdépendants… C’est une réussite à tous points de vue.

Ce roman pourra plaire à quantité de personnes pour plein de raisons différentes : pour la partie Historique, pour ceux qui se passionnent pour les animaux, pour ceux qui aiment les belles histoires… C’est un superbe texte à découvrir dès l’âge de 11 ans puis sans limite d’âge. Quand un roman est bon il n’y a pas d’âge à recommander !

Chronique Jeunesse : Le corbeau de nuit – Tome 1 – Les mystères de Mika

Une enquête policière sombre dans le Stockholm de la fin du XIXème…

Paru chez Thierry Magnier en fin d’année 2023, Le corbeau de nuit est un roman à destination de la jeunesse écrit par Johan Rundberg. Il s’agit du premier tome d’une série de cinq. On y découvre le Stockholm de la fin du XIXème et le mode de vie des orphelins qui tentent de survivre dans une ville et une époque bien cruelles…

Mika, orpheline parmi tant d’autres

Notre héroïne se prénomme Mika, du moins c’est le nom qu’on lui a donné quand elle a été recueillie à l’orphelinat. Elle ne sait rien de ses origines, comme tant d’autres enfants et nourrissons abandonnés… Son quotidien est difficile, tout comme celui de ses camarades d’infortune. En effet, l’hiver est extrêmement rigoureux à Stockholm, et cette année encore plus. L’établissement n’a même pas les moyens de nourrir et de chauffer correctement tous ses jeunes réfugiés.

C’est dans ce contexte difficile qu’arrive un nouveau bébé abandonné. Mais chose étrange, il est accompagné d’un bracelet. En parallèle de cette nouvelle bouche à nourrir, il se passe des choses étranges à la capitale. Les deux événnements sont-ils liés ? Rien n’est sûr, mais Mika a toujours eu l’oeil acéré et les oreilles qui trainent pour assurer sa survie. Fine observatrice, maligne et pleine de ressources, la jeune fille va être repérée par un enquêteur de la police de Stockholm. Ce dernier va utiliser ses talents pour avancer sur une dangereuse enquête qui piétine… Au mépris du danger pour elle, et pour lui.

Un cadre passionnant et original… mais si peu exploité !

Quand je me suis procuré cette ouvrage, j’étais très heureuse de voir qu’il ne s’agissait pas d’une ennième traduction issue de l’anglais. Un roman à succès suédois, voilà de quoi changer un peu des lectures habituelles ! L’autre plus qui m’avais attirée, c’est qu’il s’agissait d’un roman historique en plus d’être policier. Cependant, je fut quelque peu déçue sur ce point… En effet, le cadre historique estrêmement réduit. Point d’utilisation des lieux emblématiques de l’histoire de la ville ou du pays, pas ou très peu d’explications sur le mode de vie à cette époque… On aurait aussi bien pu se trouver en Angleterre, cela ne faisait pas grande différence, et c’est bien dommage !

Pour moi, quand on propose de faire lire un roman historique, le décor et l’époque se doivent d’être au moins un peu développés. Ici, il n’en est rien ou presque, il est donc assez difficile de se projeter dans l’ambiance et l’atmosphère de la ville de Stockholm au XIXème siècle…

En ce qui concerne l’intrigue en elle-même, elle fonctionne tout à fait, avec une narration efficace, un duo d’enquêteurs original et fonctionnel. C’est tout à fait réussi. Les personnages sont le point fort de ce roman, car ils sont à la fois crédibles et attachants, pour ceux que l’on apprécie et inquiétants pour d’autres… Quoi qu’il en soit, ça marche parfaitement.

J’ai donc apprécié cette lecture, mais je trouve extrêmement dommage que l’auteur n’ai pas fait un travail de documentation, même léger, pour camper au mieux son histoire. S’il l’a fait, il n’en a pas fait bénéficier ses lecteurs malheureusement.
C’est donc un roman efficace, qui fonctionne bien et qui fera passer un bon moment aux lecteurs entre 11 et 13 ans.

Je trouve qu’il ne faut pas lire Le corbeau de nuit avant 11 ans car certaines scènes et réalités de la vie de l’époque sont assez explicites : la faim, la cruauté des adultes envers les pauvres et les orphelins, la méchanceté gratuite…

Chronique Jeunesse : Le temps des mitaines – Tome 1 – La chambre morne

Un mélange extraordinairement savoureux de sciences et d’humour dans une ambiance à la Breakfast Club !

Peut-être connaissez-vous déjà la série de bd du même nom Le temps des mitaines ? Si c’est le cas, c’est chouette, mais si vous ne connaissez pas, aucun soucis. Je découvre moi-même Le temps des mitaines avec ce roman, qui se déroule une vingtaine d’années avant les bd originale. Les auteurs sont les mêmes que pour les bande-dessinées, la vraie différence réside dans le fait qu’ici le texte prime et qu’il y a assez peu d’illustrations.

Un huis-clos imposé et inattendu

Ils sont cinq, n’ont rien en commun si ce n’est d’avoir une heure de colle ensemble… ils vont donc devoir cohabiter et se tolérer pendant un temps très court… Sauf qu’il se passe une chose étrange. Ils deviennent prisonniers de la bibliothèque où ils passent leur punition… Impossible pour eux d’en sortir, comme s’ils étaient dans une bulle infranchissable !
C’est ainsi que la cohabitation va se transformer en quelque chose d’autre… mais avant cela, ils vont devoir apprendre à se connaître et à dépasser les à prioris qu’ils ont les uns sur les autres…

Une ode fine à la tolérance et au respect des autres

Comment est-il possible de présenter un roman jeunesse avec un telle phrase d’accroche ? (cf intitulé d’article). Après y avoir réfléchis, c’est pourtant celle-ci qui prime pour moi car le mélange est assez original pour être souligné. Oui, c’est une grosse référence à Breakfast Club, et oui on parle de physique quantique, où est le problème ?

Ce roman jeunesse est magnifique par bien des aspects et fait d’ores et déjà partie de mes romans préférés lus en 2023 pour la tranche d’âge de 9/11 ans. On y traite à la fois de la différence, du mal-être, de problèmes familliaux, de traumas mais également de bonté et d’empathie. Mais plus encore que les thèmes abordés, c’est la façon douce et positive dont ils sont présentés qui fait mouche.

Ainsi, on a Caïus, le chat brutal et antipathique qui cache des blessures aussi bien physiques que psychologiques. La petite oursonne mignonne qui ne pense jamais à mal prénommée Céleste Anternoz (que l’on retrouve apparement 20 ans plus tard dans les bd en tant que maman du héros Arthur (il y a même une petite image en fin d’ouvrage).

Il y a également Nocte (ma préférée !), une chauve-souris qui se tient à l’écart de tous de part sa religion et ses croyances inculquées depuis toujours. Elle fait partie de la communauté Shami, qui prône l’isolement et une vie à l’écart du monde. Vous noterez que Shami est la parfaite anagramme d’Amish au passage, avec qui elle partage certaines valeurs.

On peux aussi parler du très intelligent et docte Angus Goupil, bien que très supérieur en intellect, il ne se croit jamais supérieur à celleux qu’il côtoie. Et enfin, il y a le timide mais courageux souriceau Prosper, à la vie tumultueuse, lui qui fut baladé de famille d’accueil en famille d’accueil et dont la vie n’est pas rose…

Tous les cinq sont spéciaux et attachant à leur manière. Chacun a sa propre personnalité bien campée et la synergie inattendue qui va se développer entre eux est presque… magique ! Ce roman est un pur mélange entre sciences, surnaturel, huis-clos à suspense et humour et ça fonctionne à merveille.

« […] Apprêtez-vous spécifiquement à savourer votre pénitence en cette heure où vous dégustez habituellement votre petit-déjeuner chez vos parents et…
A ce moment précis, Prosper le souriceau leva le doigt pour intervenir sans même attendre la permission :
( M’sieur, m’sieur, je pense que qu’il y a erreur parce que moi, j’en ai plus…

– T’as plus de petit-déj ? persiffla Caïus […]

– Bé non, je veux dire que j’ai plus de parents puisqu’ils sont morts après avoir consommé dix-sept kilos de champignons venimeux pendant un pique-nique, en pensant déguster des pleurotes !


Sortant de son habituelle réserve, voire autant le dire de sa perpétuelle indifférence, Goupil ajouta son grain de sel avant que le directeur n’ait pu reprendre la main :

– Vénéneux, pas « venimeux » !

– De quoi parles-tu ? s’étonna Céleste.

-Sachez, incultes, que les eucaryotes pluricellulaires et unicellulaires ne sécrètent pas de venin par des glandes dérivées du système digestif. Leur toxicité est donc passive et non inoculée de façon active comme chez les scorpions ou les serpents ! Ainsi on peut dire qu’ils sont vénéneux, pas… […]. »

Je m’arrête ici pour l’extrait, qui est déjà long, mais cela vous donne un excellent aperçu du mélange d’humour, de drame et d’érudition mélangés.
J’ai par ailleurs oublié de préciser que l’ensemble du roman fait usage d’un langage assez soutenu, chose aussi rare qu’appréciable, surtout en littérature de jeunesse. Ainsi, il y aura certainement des mots qui poserons question aux jeunes lecteurs, et c’est tout de même bien mieux que quand cela tombe tout cuit dans le bec, n’est-ce pas ?

Ainsi, ce premier tome (il y a deux tomes disponibles chez Little Urban) est un régal de lecture. Un parfait texte bien maîtrisé et qui rend heureux et mélancolique tout à la fois. Un roman parfait en somme !

Chronique jeunesse : La maison Chapelier – Tome 1

De la magie, de la politique, de l’Histoire… et des vêtements au propriétés magiques !

Voici le premier roman de Tamzin Merchant, actrice et maintenant autrice… Vous pouvez la voir dans la série Carnival Row (qui met en scène des fées – et de magnifiques chapeaux – dans un monde ressemblant fort au nôtre il y a plus d’une centaine d’années).
Pour donner naissance à cette série haute en couleurs et en créativité, l’autrice s’est levée un matin, à 4h30, et l’inspiration venait de lui tomber dessus.
C’est ainsi qu’est née La maison Chapelier. Un roman historique et fantastique qui nous propose une version alternative de Londres et de ses enjeux politiques…

Comment un chapeau peut-il arrêter une guerre ?

Bienvenue à Londres, plus précisément dans la maison Chapelier… C’est ici que l’on confectionne des chapeaux pour tout type d’occasion. Pour se sentir en confiance, pour déclarer sa flamme et améliorer éloquence, pour monter sur scène… pour désamorcer une guerre.
En quoi les chapeaux sont-ils magiques ? La famille Chapelier est la SEULE de tout le pays à avoir le droit d’exercer cet art délicat grâce une autorisation émise par la royauté elle-même. Mais il n’y a pas que les Chapeliers qui ont se bénéfice, il en est de même pour les Bottiers ou encore les Gantiers qui eux-même exercent chacun dans leur spécialité.
Alors en quoi tous ces objets peuvent-il être magiques ? Tout cela tiens dans les ingrédients et dans le savoir-faire unique de celui ou celle qui les fabrique. Cet artisanat, la jeune Cordélia Chapelier l’apprend tout doucement… mais on ne llui fait pas encore assez confiance pour qu’elle réalise des commandes à elle toute seule. Rien que l’état d’esprit de celui ou celle qui fabrique le chapeau peut influer sur le résultat final. C’est donc un art extrêmement délicat…

Alors quand un chapeau de diplomatie est commandé par la famille royale pour éviter le pire, c’est toute la famille Chapelier qui s’y met… Mais il semblerait que quelqu’un souhaite leur mettre des battons dans les roues. Ce qui pourrait mener à un conflit ouvert avec le royaume de France.

Une pincée de magie et de savoir-faire…

Ce premier tome est assez engageant et plaira à tous les enfants qui aiment les ambiances un peu loufoques et surtout merveilleuses. L’idée est assez originale bien que son développement reste assez classique, c’est une lecture très plaisante.

L’idée de ce Londres alternatif où la magie de l’artisanat fait des merveilles est très plaisante, d’autant qu’il y a des enjeux historiques et politiques. C’est bien réfléchi, et mené avec efficacité. J’ai tout particulièrement apprécié cette ambiance Victorienne mêlée à un soupçon de magie. En réalité, tout est dans le choix des objets qui décorent le chapeau. L’univers créé par Tamzin Merchant est d’ailleurs très détaillé en cela en toute fin d’ouvrage. Ce sont plus d’une cinquantaines d’ingrédients étranges et uniques qui sont catalogués et détaillés avec soin par l »autrice !

Ainsi, c’est donc le début d’une série sympathique qui pourra parfaitement satisfaire les enfants dès l’âge de 9/10 ans. Le tome 2 n’est pas encore annoncé pour le moment.

Ce document a été créé et certifié chez IGS-CP, Charente (16)

TRANCHE d´ÂGE :

Chronique bd : La revanche des bibliothécaires

Erudit, drôle et génial, du pur Tom Gauld !

Le nom de Tom Gauld ne vous dit peut-être rien, mais il y a toutefois de grandes chances pour que ses illustrations vous parlent. On les retrouve souvent partagées sur les réseaux sociaux, et tous les bibliophiles dotés d’humour ont déjà croisé ses sketches sur le monde du livre.

La revanche des bibliothécaires est paru aux éditions 2024 en… 2022.

Il a écrit de nombreuses bd regroupant ses sketches et a même sorti un album pour la jeunesse : Le robot de bois et la princesse bûche (L’école des Loisirs).

La quintessence de l’humour pince-sans-rire

Le génie simple et pourtant redoutable de Tom Gault réside dans un graphisme incroyablement minimaliste (mais détaillé) et un humour redoutable (toujours). Ainsi, même si l’on ne voit jamais les expressions de ses personnages, on ressent leur désarroi ou tout autre émotion. Plus que les dessins (que j’adore) c’est réellement l’humour de l’auteur/illustrateur qui mérite le détour.

Si vous aimez le monde du livre, les petites vacheries éditoriales et les scènes courante de la vie d’un auteur, c’est ici que vous trouverez cela ! L’humour décalé et l’œil réaliste en plus… sans oublier une petite partie un peu plus incisive… Il est notamment très fort sur le détournement d’œuvres classiques ou pour décortiquer les mécanismes de la création littéraire de façon succincte et drôle.

Ma chronique ne sera guère longue, car pour savourez Tom Gault, point besoin d’une chronique dithyrambique ou longue. Il faut le lire ! Je vous propose donc une petite sélection de mes sketches préférés issus de La revanche des bibliothécaires. Régalez-vous.

Et si vous avez aimé, sachez que l’auteur a sorti d’autres ouvrages dotés du même humour, tous aux éditions 2024 : Le département des théories fumeuses, En cuisine avec Kafka, Vous êtes tous jaloux du mon jetpack… et bien d’autres !

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Chronique jeunesse : A la découverte de la collection de romans Drôles d’aventures

Entre le roman et le documentaire, voici une collection concoctée par Folio Junior qui savait captiver ses lecteurs tout en les abreuvant d’informations passionnants ! Si vous en trouvez d’occasion, saisissez cette chance de les faire lire à vos enfants…

Dans les années 2000, Folio Junior a créé la collection Drôles d’aventures. Une série de très courts romans – à peine 100 pages – qui alliaient enquête et connaissances. De nombreux sujets ont été traités dans cette série : le monde de la cuisine, le métier de nez et de créateur de parfum ou encore celui de scientifique pour lancer des fusées Ariane et une foule d’autres encore !

Les ouvrages de la collection sont désormais épuisés, et cela depuis de très nombreuses années. Mais il est tout à fait possible de les trouver sans trop de difficulté d’occasion. Brocantes et vente en ligne peuvent vous aider à vous en procurer à faible coût, les ouvrages de cette collection n’étant pas rares ni prisés. Pourtant, ils ont beaucoup de qualité, à l’image des Romans-Doc de Bayard Jeunesse, qui sont l’équivalent contemporain actuel de la collection Drôles d’aventures. A ceci près que les romans Bayard s’attardent sur des destins exceptionnels alors que la série Drôles d’aventures n’est dotée que de héros et d’héroïnes de l’âge des lecteurs.ices.

Mais le point commun de ces deux collections, c’est leur but final : transmettre aux enfants par un biais ludique des faits historiques, scientifiques ou autres.

Il y a de nombreuses années, j’avais lu avec plaisir quelques ouvrages de la collection, mais je n’en avais plus guère de souvenir. C’est ainsi que je me suis replongée dedans pour voir si les romans valaient toujours le détour. La réponse est oui, mais je pense qu’il faut vraiment que le sujet de base intéresse l’enfant lecteur, car sinon il se peut qu’il ne s’immerge pas totalement dans l’intrigue. En effet, la collection a parfois un côté didactique un peu trop développé, ce qui se fait au détriment de l’intrigue… un léger petit déséquilibre entre narration et apprentissage.

C’est ainsi que j’ai lu Les pommes Chatouillard du chef de Lorris Murail et Michel Politzer, se déroulant dans l’univers sans pitié de la cuisine. C’est l’ouvrage de la collection qui m’a le plus déstabilisé car doté de peu de morale et dont la conclusion est un brin trop rapide… On y suit un jeune commis de cuisine qui veux tout faire pour aider son chef. Ce dernier vient de subir une fermeture administrative de son restaurant pour cause de nombreuses négligences (dates de péremption dépassées, hygiène de la cuisine douteuse…). Jamais le chef cuistot ne se remet en question, et pire, il accuse les autres de tous ses maux !

Certes, le héros réussit à s’émanciper de ce personnage toxique en fin d’ouvrage, mais à aucun moment son attitude n’est soulignée comme néfaste. Cela m’a quelque peu dérangée. Mais l’ouvrage était intéressant pour découvrir ce qu’est un Meilleur Ouvrier de France ou ce que sont des pommes de terre à la façon Chatouillard.

Ensuite, je me suis attaqué à mon titre préféré des trois lus dans la collection : Parfum volé de Nathalie Daladier, Philippe Caron et Iris Pallida. C’est pour moi le plus équilibré des trois, il mélange à la perfection la dose d’intrigue nécessaire tout en inculquant des faits passionnants sur le monde extrêmement pointu et feutré de la parfumerie. Il fonctionne à merveille, et même nous, adultes, en apprenons beaucoup sur comment fonctionne le métier de nez, si étrange et passionnant tout à la fois. Ce roman est une vraie réussite.

Le dernier que j’ai eu l’occasion de lire est Ariane, mission accomplie de J.C. Djian, Philippe Willekens et Philippe Biard. Nous sommes en Guyane Française, et nous allons découvrir comme se déroule un projet de lancement de satellite au travers de la base de lancement située à Kourou. Au travers de cette histoire scientifique se détache également une intrigue policière qui se termine en course-

poursuite. Le tout est assez efficace même si certaines ficelles sont parfois un peu grosses. Il n’est pas évident de tenir une intrigue parfait en moins de cent pages tout en y insérer quantité de détails scientifiques. L’exercice est délicat, et les auteurs s’en sortent au final très bien.

Notez que dans chaque ouvrage, on découvre des double-pages illustrées expliquant de détails importants d’un métier ou d’un fait historique. Et c’est là la plus grande qualité de la collection : semer quantité d’informations culturelles tout en offrant une bonne intrigue. Le tout passe beaucoup mieux par ce biais que si c’était un simple documentaire !

Ainsi, si vous avez envie de découvrir cette petite collection, n’hésitez pas. Les romans Drôles d’histoires sont nombreux et faciles à trouver d’occasion à petit prix. Ils sont adapté dès l’âge de 9 ans jusqu’à 12 ans environ, et brassent quantité de thématiques : le dessin, le monde de la pêche, l’équitation, le Tour de France… etc.

Comme le dit si bien la collection : « Le plaisir d’une histoire, le goût du savoir« .