Archives de l’auteur : Laura

Chronique roman graphique : Hungry Ghost

Victoria Ying est une illustratrice et bédéiste américaine, elle travaille notamment pour les studios Disney et Sony. En France, elle a déjà sorti plusieurs ouvrages : La cité des secrets et La cité des illusions chez Bande d’ados. Avec Hungry Ghost elle nous propose une oeuvre beaucoup plus personnelle et au graphisme très différent de ses précédents ouvrages.

Pour la petite anecdote, c’est aussi elle qui illustre une partie des petits livres marionnette qui sortent régulièrement chez Casterman : Bébé-T-rex, Bébé Dragon ou encore Bébé Yéti, c’est Victoria Ying !

Mince à tout prix

Valérie est une lycéenne gentille, discrète, qui fait tout ce que l’on attend d’elle, quitte à s’effacer peu à peu. Sa mère fait en particulier une fixation sur son poids. Tout ce qu’elle mange est ainsi scruté, surveillé, quantifié par la mère de Valérie. L’adolescente supporte de moins en moins cette pression et mène une double vie : celle où elle s’intègre socialement et mange avec ses amis, et celle plus sombre où elle s’éclipse pour purger le trop plein de nourriture qu’elle a ingéré. Mais jusqu’à quand Valérie va-t-elle tenir les deux facettes de sa personnalité avant de craquer ?

Image de soi et image des autres

Ce roman graphique est extrêmement percutant, que ce soit dans le fond, la forme ou encore les dialogues. Victoria Ying réussit la prouesse de nous offrir un one-shot cohérent, qui ne va pas trop vite dans le déroulement de l’introspection de Valérie. Le cheminement de la pensée de la jeune femme ne se fait pas en quelques pages, et tout n’est pas parfait à la fin, même si les choses s’améliorent sensiblement au niveau de sa santé mentale et physique.

Je trouve que ce genre d’ouvrage n’est pas seulemement utile mais nécessaire, car il remet à sa place le culte injuste du corps mince. Peu à peu, Valérie va s’accepter et surtout accepter que certains de ses proches, bien qu’en surpoids ne sont pas moins bien qu’elle. Mais à force de grandir dans l’idée que ce qui est gros est laid ou mauvais, il est dur d’oter ces mauvaises pensées…

L’autrice explique à la fin de l’ouvrage que Hungry Ghost est une oeuvre tout particulièrement personnelle : « Si Val n’est pas moi, j’ai été Val ». Plus qu’un roman graphique fort, c’est aussi un cheminement personnel et un partage d’expérience précieux que nous offre Victoria Ying. Rien que pour cela, cet ouvrage mérite d’être lu.

Je n’ai pas parlé du dessin, mais sachez que je le trouve parfait. Peu coloré, dans des nuances pastels de bleu et de rose, ça fonctionne à merveille. Et que dire de l’illustration de couverture si ce n’est qu’elle est SUBLIME ?

Hungry Ghost, c’est un ouvrage magnifique et touchant sur la famille et ses relations parfois toxiques, l’amitié qui dérive et se délite, l’acceptation de soi, le deuil, la souffrance, et… le renouveau, l’espoir et le courage de mettre des mots sur des choses parfois dures à expliciter. Dès 14 ans.

Chronique fantastique : Piranèse

Un roman aussi étrange que labyrinthique… trop labyrinthique peut-être ? 

Susanna Clarke est une autrice d’origine brittanique qui a peu d’ouvrages à son actif, mais qui a su se faire remarquer dès la parution du premier : Jonathan Strange et Mr Norrell en 2007. 

Piranèse signe son grand retour et était très attendu aussi bien en France que dans son pays d’origine. Il a paru aux éditions Robert Laffont en fin d’année 2021 et est traduit par Isabelle D. Philippe. 

Où et quand ? 

Bienvenue dans un monde à nul autre pareil, une enfilade infinie de portes, de voutes, de caches et de pièces en pleine mer sans rien d’autre à l’horizon… C’est le lieu étrange et inexplicable où vit Piranèse. Il catalogue tout ce qu’il croise et découvre dans des dizaines de journaux qu’il tient très précisément à jour. 

Ce roman est en fait son journal le plus récent et nous conte les dernières découvertes en date de Piranèse. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il en fait beaucoup, et que certaines sont extrêmement dérangeantes… 

Mais quel est le but de Piranèse ? Où se trouve-t-il exactement ? Et quand ? Et qui est son mystérieux comparse que l’on ne voit que très peu et qui lui pose quantité de questions aussi précises qu’étranges sur les immenses salles que fouille au quotidien Piranèse ?

Une expérience de lecture plus qu’un roman 

Lire Piranèse c’est accepter de ne pas tout comprendre de ce qu’on va lire, du moins au début. C’est assez expérimental et j’avais d’énormes attentes sur cette lectures car il y a eu énormément d’avis positifs sur les réseaux sociaux à propos de l’ouvrage… Cela d’autant plus que cela faisait plus d’une décennie que Susanna Clarke n’avait rien écrit. Et comme pour Mexican Gothix, je me suis fait avoir… beaucoup de teasing, d’attente et… tout est retombé comme un soufflet pour moi. 

Malgré le côté étrange et hypnotique du roman, cela n’a pas suffit, j’ai eu beaucoup de difficultés à apprécier Piranèse. L’ouvrage m’a d’ailleurs laissé un goût d’inachevé très persistant. Je me suis dit : « tout ça pour ça ? ». Ce fut une grande déception pour moi que de comprendre la finalité du roman… qui ne réserve que peu de surprises pour qui lit régulièrement du fantastique. 

Piranèse est ainsi plus un texte d’ambiance et de style qu’un roman d’intrigue. Si vous partez de ce principe, il y a moins de chances que vous soyez déçu.e je pense. J’ai apprécié l’atmosphère de ce palais gigantesque offrant une successions de salles à l’infini, mais quand peu à peu les révélations se font connaître, c’est un peu léger à se mettre sous la dent… 

A découvrir pour les plus curieux.ses qui veulent s’initier à une expérience littéraire originale mais dont l’intrigue ne se hisse pas au niveau. Dommage.

Photo prise dans le cadre d’une sélection spéciale lectures étranges et/ou effrayantes. Piranèse entrant clairement dans la catégorie bizarre/inclassable/inquiétant à la limite du Lovecraftien.
GENRE : Fantastique
EDITEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : La trilogie La maison des Jeux de Claire North

Claire North est une autrice anglaise à l’œuvre encore assez rare, mais remarquée. L’un des plus connus est Les quinze premières vies d’Harry August, qu’elle a écrit en 2014. De son véritable nom Catherine Webb, elle a écrit plusieurs ouvrages, mais c’est sous le nom de Claire North qu’elle réserve la partie imaginaire de son œuvre… Pour notre plus grand plaisir

Une étrange maison de jeux qui apparaît au fil du temps et des lieux

Le premier tome de cette trilogie de novellas (très courts romans) se déroule à Venise, au 17ème siècle. Mais ne vous y trompez pas. La Maison des Jeux est bien plus ancienne que cela et survit à toutes les époques et à tous les virages simportants de l’humanité. Dans ce tome-ci donc, nous suivons une jeune femme – Thene – mariée à un joueur invétéré qui peu à peu va tout perdre. Mais Thene, sous ses apparences de femme soumise à son mari est bien plus que cela.
Peu à peu, elle va prendre goût au jeu également, mais ce qu’elle va miser et gagner vaudra bien plus que ce que son diable de mari n’a jamais rêvé avoir…

Autre temps, autre lieu, dans le second tome nous sommes dans le Bangkok du vingtième siècle. Une sorte de jeu du chat et de la souris (en plus étendu et élaboré) va avoir lieu. Cette fois-ci, nous ne verrons pas Thene, mais un tout autre personnage : Remy Burke. Il a parié beaucoup sur cette partie qui semble déséquilibrée… Chose normalement impossible car la Maison des Jeux veille.

Dans l’opus final, le tableau prend enfin forme. Nous sommes à notre époque, en tous lieux, et certains personnages vus précédemment refont surfance… de manière inattendue.

Une trilogie à la fois mystérieuse et géniale

J’ai adoré dès les premières pages cette trilogie de Claire North. En très peu de temps, on est dans une ambiance enveloppante qui allie mystère, étrangeté et Histoire. Mon tome préféré de la trilogie restera le premier opus car j’ai trouvé le personnage de Thene et l’époque dans laquelle elle évolue absolument parfaits. Claire North écrit à merveille, et nous avons la chance d’avoir une très bonne traduction assurée par Michel Pagel.

Il est difficile de développer sur l’univers de La Maison des Jeux, car une grande partie de l’intérêt de cette histoire réside dans son mystère latent. Je vais donc rester en surface dans cette chronique censée vous venter les mérites de la trilogie.

Premièrement, elle se dévore. Les trois tomes font chacun à peine cent-cinquante pages chacun. Cela se lit vite, bien, avec un plaisir de lecture évident.

Deuxièmement, je n’avais jamais lu un texte de SFF qui mélange à la fois fantastique, géopolitique et technologie et… autre chose. C’est un mélange étrange qui fonctionne à merveille, mais même si cela a l’air simple au premier abord, Claire North a réalisé un travail titanesque. Elle réusit à nous abreuver de détails, de nuances et d’une atmosphère particulière sans jamais nous perdre. Et pourtant, bien que courts, les ouvrages sont très denses en informations. Beaucoup de symboliques, de savoirs et de données sensibles actuelles se mélangent pour donner quelque chose de plus grand encore.

Troisièmement, les personnages sont incroyables. Même les plus calculateurs pourrons vous sembler géniaux tant ils anticipent les coups. C’est la partie la plus plaisante des romans pour moi : le calcul. La prise de risque. Les enjeux qui montent en puissance au fil des tomes. Vous découvrirez ainsi que La Maison des Jeux permet de parier à peu près tout sauf de l’argent, bien trop vulgaire.

Ainsi, j’ai vraiment adoré cette trilogie fantastique qui brasse différentes catégories de l’imaginaire. C’est original, délectable, malin, un véritable plaisir de lecture qui change vraiment de ce qu’on peux lire habituellement en SFFF.

Chronique bd : Guacamole Vaudou

Vous connaissez Fabcaro, cet auteur de BD à l’humour tellement noir qu’il faut une lampe torche ? Il a écrit Zaï Zaï Zaï Zaï, Et si l’amour c’était aimer ?, Moon River, et quantité d’autres. Avec Guacamole Vaudou, l’auteur-illustrateur se lance dans le mythique et démodé style du roman-photo avec un associé de génie : Eric Judor. Attention, combo fatal. 

Histoire d’un looser-né 

Stéphane n’a RIEN pour lui. Ni aisance, ni humour (enfin si, mais il tombe toujours à plat), ni charme. C’est le néant absolu. C’est bien simple, s’il n’était pas dans l’entreprise, cela ne ferait aucune différence dans son fonctionnement. Mais cette fois-ci, Stéphane en a  marre, c’est l’humiliation de trop, il décide de suivre un stage un peu spécial de découverte vaudou. Ce stage va changer le « destin » de Stéphane jusque dans ses fondements grâce à un simple mot magique de son choix. Guacamole. 

A partir de cet instant Stéphane va briller. Un moment. 

Guacamole.

Complètement barré et encore plus fou que les précédents ouvrages de Fabcaro que j’ai lu. Je n’ai certes pas énormément de recul, n’en ayant lu que trois, mais ce livre est une réussite. C’est totalement décalé, fou, osé et génial. Les extraits parlent d’eux même (cf images de l’article). 

Avoir choisi de faire du roman-photo, la chose la plus démodée du monde est aussi un coup de génie. Ca fonctionne à merveille, et en plus on y découvre quantité de « guests » prestigieux que j’apprécie beaucoup. Il y a outre Eric Judor, Alison Wheeler, Hervé Le Tellier avec une magnifique perruque (c’est l’auteur de l’Anomalie, Goncourt de 2020), et Fabcaro lui-même ! 

Pour ce qui est de l’histoire, elle est diablement efficace. Guacamole. C’est à réserver aux fans d’humour noir et d’intrigues complètement décalées, et ça fonctionne ! Il y a tellement de dialogues mythiques que c’est impossible de tous les citer, mais les lire (et les relire) est un pur régal. 

Guacamole Vaudou, c’est un peu une éloge de la loose, comme si c’était un destin, un art de vivre, dans lequel Stéphane excelle avec un talent inégalable. Malheureusement pour lui. A lire et offrir à tous les gens de votre entourage qui ont un humour monstre (ou la loose). Guacamole.

Ma rentrée littéraire de 2021 en neuf livres

Avec « seulement » 521 romans de la rentrée littéraire à paraître cette année contre 511 en 2020 et 524 en 2019, la période n’est toujours pas à l’économie du nombre de publications. Et comme toujours, je pense que c’est dommage de sortir autant d’ouvrages sur une période aussi resserrée, les gros éditeurs vont continuer à sortir quantité de titres qui vont parfois noyer la seule ou les rares publications des petits éditeurs.
Malgré ces regrets que j’ai depuis des années concernant la surproduction, je suis toujours ravie de voir l’effervescence que créé la rentrée littéraire. La sorte de course que c’est pour nous libraires de lire le plus de livres possibles avant leur parution. Dénicher la perle rare que l’on arrivera à porter jusqu’aux fêtes de Noël et parfois au-delà… Trouver LE livre qui va pour nous être un plaisir de partager avec les lecteurs…

C’est donc avec le même plaisir et le même enthousiasme que j’ai commencé à déblayer les piles de SP de la librairie (SP : Service de Presse, ouvrages reçus avant leur parution par les journalistes et les libraires pour pouvoir en parler en amont). J’ai fait mon petit choix en sélectionnant une dizaine d’ouvrages. Certains sont déjà des blockbusters annoncés : Amélie Nothomb, Kazuo Ishiguro…. Et d’autres n’attendent qu’une seule chose : être repérés par le libraire qui aura la curiosité de l’ouvrir et qui peut-être l’aimera.

Jewish Cock – Katharina Volckmer – Grasset, collection En lettres d’ancre

Dès que l’on pose les yeux sur cet ouvrage on ne peut être qu’intrigué : couleur d’un rose flashy, un titre accrocheur, une typographie qui ressort à l’extrême et des citations de chroniques dithyrambiques de Ian McEwan et du New York Times. Tout cela conjugué, ça attire forcément, mais alors que vaut Jewish Cock ?
A mon humble avis, pas le tapage espéré par l’éditeur. L’ouvrage se veut subversif, dérangeant et atypique. On peut effectivement lui laisser la troisième caractéristique… Pour les deux précédentes, je ne trouve pas…

Quelle est l’histoire ? Celle d’une femme qui va monologuer pendant presque deux cent pages auprès de son gynécologue. Qu’est-ce que ce dernier est en train de faire pendant tout ce temps auprès de sa patiente ? C’est une partie de la surprise du roman même si cela n’en est pas la chute…

L’ouvrage est au final assez fourre-tout. Il dénonce à la fois le sexisme, les inégalités entre hommes et femmes dans tous les aspects de leur vie, interroge la société dans son ensemble… Bref, il enfonce des portes ouvertes avec maladresse. On découvre au bout de quelques pages que la narratrice a menacé un collègue avec une agraffeuse pour une mystérieuse raison. Elle doit ainsi aller régulièrement chez un psychologue afin d’exorciser ses démons, mais décide plutôt de lui mentir. En effet, elle fait croire à ce dernier qu’elle a des fantasmes érotiques avec Hitler et va même très loin dans ses affabulations…

Pas de problème pour le côté provocateur du roman, mais pour moi il choque pour choquer et à cause de cela même ça ne fonctionne pas.

Vous l’aurez compris, je suis passée totalement à côté de Jewish Cock (et pourquoi avoir traduit le titre en anglais par un autre titre en anglais ? Je n’aime pas quand les éditeurs font cela…). C’est un roman parfaitement marketé et il pourra faire sensation chez certain.es lecteurs et lectrices, mais très peu pour moi…
Le format du roman (le monologue) et le sujet de la judéité en fait quoi qu’il en soit un hommage certain à Portnoy et son complexe de Philip Roth.

Les dents de lait – Helene Bukowski – Gallmeister

Quand on me dit roman traduit de l’allemand, ambiance post-apo en huis-clos dans la forêt et le tout publié par les éditions Gallmeister, j’achète immédiatement. Et pourtant… Les dents de lait est l’un des romans de la rentrée qui m’a le plus déçue. Nous sommes dans une forêt où vivent une femme et sa fille, un jour l’une d’elle découvre une petite fille rousse perdue dans la forêt. Sa découverte signe le début de la fin pour les deux femmes.
En effet, la communauté voit d’un très mauvais oeil l’arrivée de l’enfant rousse. A tel point que dès qu’il y a un malheur qui tombe sur la communauté, elle est immédiatement accusée. C’est ainsi que commence l’ostracisation du trio… Une chose est certaine, on sent que ça va mal finir.

Pour ceux et celles qui aiment et ont lu pas mal de romans post-apo, je pense que Les dents de lait ne vous surprendra ni par son fond, ni par sa forme. En effet, l’ouvrage ne renouvelle pas le genre, n’a pas de style extraordinaire ni d’ambiance particulière qui pourrait le faire sortir du lot. Les chapitres sont courts, c’est bien le seul avantage. Concernant les personnages, il n’y en a pas un seul qui a su me toucher soit par son histoire soit par sa personnalité… Rien n’a réussi à m’atteindre dans ce roman.

Je n’ai pas encore lu Le mur invisible de Marlen Haushofer (Babel), mais je me demande si Les dents de lait ne s’en inspire par quelque peu ? L’ouvrage est traduit de l’allemand également, il y est question de huis clos dans la forêt et d’une femme seule… avouez que ça ressemble un peu tout de même. Peut-être est-ce un hommage à l’un des premiers romans écoféministes ?

Quoi qu’il en soit, ce roman est l’une de mes plus grosses déceptions de cette rentrée littéraire, d’autant plus que c’est publié chez Gallmeister, un éditeur que j’affectionne. Je suis donc déçue d’être déçue…

Premier Sang – Amélie Nothomb – Albin Michel

Comme tous les ans depuis plus de vingt ans Amélie Nothomb est de retour à la rentrée littéraire. Son nouveau roman chaque année, c’est un peu comme le beaujolais nouveau : est-il bon cette année ? Que vaut-il ?

Avec Premier Sang, l’autrice nous offre un roman qui nous conte l’histoire de son père ambassadeur au tout début de sa carrière. Tout commence au Congo lors d’une prise d’otages, nous sommes en 1964. Puis au chapitre suivant nous basculons dans l’enfance de Patrick Nothomb, comment son cheminement de vie l’a conduit à cette prise d’otage au Congo. L’histoire de la famille Nothom et tout particulièrement de son père (il a écrit un témoignage sur son vécu durant la prise d’otages) et de son grand-père (homme de lettres) nous est ainsi contée.

J’ai trouvé intéressant d’en savoir plus sur cette famille puissamment liée à la littérature depuis des générations, cependant cela n’a pas suffit à me passionner. Cela fait des années que je lis les romans d’Amélie Nothomb et je n’ai pas eu de coup de cœur depuis bien longtemps… Je suis restée attachée à ses premiers ouvrages : Antéchrista, Stupeur et tremblements ou encore Les combustibles. Depuis, j’avoue ne pas accrocher chaque année à son nouveau roman, mais je persiste tout de même.

Premier sang est donc un roman qui nous fait découvrir un pan de l’histoire du Congo intéressant bien que très brièvement traité. L’autre intérêt de l’ouvrage réside dans la découverte de la famille Nothomb, mais sans réel coup de cœur.

Son empire – Claire Castillon – Gallimard

Ce roman aurait pu s’intituler Son emprise au lieu de Son empire, c’est en tout cas ce que je lis à chaque fois que mes yeux se posent sur la couverture.
Voici l’histoire terriblement angoissante d’une manipulation, ou plutôt comme le dit la jeune narratrice de sept ans : d’un kidnapping.
Au fil des semaines puis des mois et des années l’enfant nous conte comment sa mère est à la merci d’un homme manipulateur. Il n’est même pas beau parleur, mais il a sur elle un effet dévastateur. A peine souri-t-il que c’est toute la maisonnée qui plonge dans la bonheur… Mais quand il s’agit d’un de ses mauvais jours, gare au retour de bâton et aux remarques acerbes, désagréables. Et ça va être de pire en pire… La mère de la jeune fille n’arrive pas à se détacher de cet homme, même quand il lui fait les pires crasses possibles.
Cette histoire a des accents de vérité terrible. Je ne sais si l’autrice a été concernée de près ou de loin par une personne toxique sans son entourage, mais elle explique avec talent tous les mécanismes mis en place par le manipulateur. Le regard de cette jeune fille plus lucide que sa maman sur la situation est aussi conscient que désabusé. Elle voit sa mère tenter de sortir la tête de l’eau, mais elle est constamment tirée vers le fond par cet homme…

J’ai apprécié cette lecture sans en faire toutefois un coup de cœur. Ca se lit extrêmement vite, c’est intéressant, mais peut-être pas point de mettre presque 17 euros dans ce roman. Je suis partisane d’une littérature plus abordable sur le plan financier. Il aurait pu totalement être dans un format semi-poche par exemple. Par contre, si vous voulez découvrir un autre roman sur le phénomène terrible de l’emprise, la même autrice en a fait un autre absolument excellent et terrible : Les Longueurs, nécessaire, indispensable et qui pourrait fort bien sortir en Folio à destination des adultes.

Seule en sa demeure – Cécile Coulon – L’iconoclaste

C’est le premier roman de Cécile Coulon que je lis, et même si j’ai passé un agréable moment de lecture, je m’attendais à mieux. J’ai trouvé l’ambiance assez réussie mais le style lourd. J’ai eu l’impression que l’autrice c’était avant tout focalisée sur son écriture plus que sur son histoire. Ce qui à mes yeux a donné des phrases assez pesantes, ampoulées et parfois stéréotypées. Malgré tout cela, on a envie de connaître les secrets du domaine Marchère. La jeune Aimée vient d’épouser le riche propriétaire terrien du domaine et découvre la vie maritale, ses devoirs, ses obligations et le manque de liberté l’oppressent peu à peu. Et elle sent que tout n’est pas dit dans cette demeure lourde de secrets qui a abrité quelque temps la première épouse de son mari actuel…
Peu à peu, les secrets s’éventent, mais ils ne sont pas assez surprenants pour accaparer le lecteur. C’est dommage car Cécile Coulon a su instiller une ambiance assez réussie malgré quelques passages un peu longs.

L’autrice avait remporté le prestigieux prix littéraire du Monde pour son roman Une bête au paradis et je pense que je vais persévérer dans la découverte de son oeuvre. Je pense simplement que Seule en sa demeure n’est peut-être pas son meilleur ouvrage pour la découvrir…

Quand s’illumine le prunier sauvage – Shokoofeh Azar – Charleston

Si vous avez envie de découvrir un beau texte empli de métaphores oniriques et de légendes, cet ouvrage est pour vous. On ne peut s’empêcher de penser aux Contes des Mille et Une Nuits en découvrant les innombrables histoires dans l’histoire… C’est à la fois la grande qualité (magnifique, poétique, sublime) et le défaut de ce roman. J’aime que ça fourmille, mais ici, il y a trop d’histoires imbriquées et on s’y perd trop facilement.

Cependant, l’écriture et l’univers du roman m’ont beaucoup plus malgré un manque de fluidité selon moi. Je pense donc que c’est un beau texte qui dénonce les horreurs de la révolution islamique au travers de magnifiques métaphores. Charge au lecteur d’apprivoiser ses codes et nombreuses histoires gigognes…

Le Chien – Akiz – Flammarion

Le Chien est à la cuisine ce que Jean-Baptiste Grenouille est au monde de la parfumerie… Et même si cette nouveauté ne surpassera pas ce classique contemporain allemand, on est facilement pris par l’histoire.
L’histoire est celle d’un homme et de son ascension fulgurante dans l’élite mondiale de la gastronomie. Lui qui n’y connaît rien, absolument rien aux années de labeur nécessaires pour parvenir au meilleur de la gastronomie va grimper les échelons en quelques coups de génie.

J’ai passé un excellent moment de lecture à découvrir ce personnage atypique, à la limite du sauvage. Socialement, le Chien totalement inadapté. Mais dès qu’on touche à la cuisine, il devient un dieu. Il ne connaît même pas le nom ou l’usage des ingrédients mais il s’en fiche, car il réussit à les magnifier avec simplicité et c’est tout ce qui compte.

On comprend donc aisément pourquoi le comparatif avec Suskind est fait d’autant que Akiz est Allemand tout comme Suskind, et même si il n’est pas usurpé, Le Parfum restera au top de mes romans dans mon cœur (il m’a marqué pour la vie). Le Chien est quoi qu’il en soit un roman qui sait captiver ses lecteurs de bout en bout ! Il fait partie de mes romans favoris de la rentrée littéraire.

Le temps de l’indulgence – Vijay Madhuri – Faubourg-Marigny

Si vous ne connaissez pas encore les toutes jeunes éditions Faubourg Marigny, Le temps de l’indulgence sera l’occasion de les découvrir. Leur catalogue est encore petit et se développe à un rythme à échelle humaine… et ça fait du bien !
Ici, nous allons découvrir le portrait d’une jeune indienne de Bengalore qui suite au décès de sa mère va faire un long voyage qui va la mener dans la région sensible du Cachemire. A la fois récit familial, quête de soi et portrait d’une Inde à géopolitique complexe, Le temps de l’indulgence est un beau roman.
Ses personnages y sont peu nombreux mais creusés avec un tel soin qu’ils sont réels et prennent vie en quelques pages. C’est le cas de l’héroïne et narratrice, mais également de sa mère, dont on découvre les nombreuses facettes au fil des chapitres. On alterne entre passé et présent, ce qui nous permet peu à peu de découvrir les nombreuses parts d’ombre de cette famille.

Mais ce roman est avant tout une fuite en avant, l’histoire d’une émancipation, d’un passage à l’âge adulte. Et cela ne va pas sans de nombreuses erreurs…. Il n’y a pas de grandes révélation ou un suspense incroyable dans cet ouvrage. Le temps de l’indulgence, c’est avant tout une ambiance, une galerie de portraits plus vrais que nature et des personnalités très travaillées. C’est donc un beau moment de lecture qui peu à peu révèle ses secrets. L’écriture y est lente, mais jamais on ne s’ennuie, et c’est peut-être là que réside l’âme de ce roman spécial et empli d’humanité.

L’ouvrage a été nommé « Meilleur livre de l’année » par The Washington Post.

Le rapport chinois – Pierre Darkanian – Anne Carrière

Si vous avez envie d’un roman détonnant qui saura vous surprendre tout du long, Le rapport chinois est pour vous. Il s’agit d’un premier roman, mais il est la preuve que le roman français peut sortir de ses problématiques nombrilistes. Comparé par l’éditeur à La conjuration des imbéciles, l’ouvrage de Pierre Darkanian est aussi génial qu’inclassable.

J’en ai fait une chronique complète dans le lien ci-joint, je vous propose de la découvrir. Le rapport chinois est un de mes romans préférés de cette rentrée ! Il a d’ailleurs déjà remporté le Prix Transfuge du Premier Roman.

Chronique YA : Ma réputation

Gaël Aymon est un auteur français qui écrit majoritairement pour la jeunesse et les ados. On lui doit l’un de mes romans favoris : Et ta vie m’appartiendra (Nathan) qui est une réécriture contemporaine de La peau de chagrin de Balzac. Il également écrit Grim, fils du marais (Nathan), Contes d’un autre genre (Talents Hauts) et plus récemment Ma réputation (Actes Sud Junior, puis Pôle Fiction).

Dans Ma réputation, on parle amitié, confiance et… forcément réseaux sociaux, pour le meilleur, mais aussi et surtout le pire…

Laura, 15 ans, s’entend mieux avec les mecs qu’avec les filles

Pour Laura, ça a toujours été une évidence, ce n’est pas qu’elle se sente supérieure aux autres, mais elle n’aime pas la compagnie des autres filles, trop d’histoires. Celle des garçons est simple, ils ne se prennent pas la tête, ont les mêmes délires et il n’y a jamais eu d’ambiguïté. Enfin, jamais jusqu’à ce Sofiane, l’un de ses potes de toujours tente de l’embrasser. Laura le repousse, Sofiane fait la tronche, et leur groupe d’amis va en être bouleverser.
Avoir repoussé les avances de Sofiane l’exclu, ils ne veulent plus avoir à faire à elle, Laura est seule. Elle qui n’a toujours eu que ce groupe de garçons comme amis se retrouve du jour au lendemain sans personne à qui parler. C’est dur, la chute est brutale, et surtout, elle ne fait que commencer… Elle ne penser pas que repousser les avances d’un ami l’exposerait à autant de violence dans la vie et sur les réseaux.

Un roman en forme de leçon

J’ai dévoré ce roman, fébrile à l’idée de savoir ce qui allait arriver à Laura, que j’ai trouvé très courageuse pour affronter tous les problèmes qui lui tombent dessus peu à peu. Mais, le petit repproche que je pourrais faire à ce roman, c’est qu’il est un peu trop moralisateur. Je m’explique.
Ce roman ressemble un peu à un cas de figure type du harcèlement en ligne et au lycée, avec les « bonnes pratiques » à adopter et « les mauvaises praitques » à éviter. Ce n’est pas dit comme cela dans l’ouvrage bien entendu, mais ça donne une impression didactique trop forte. J’avais parfois plus l’impression de lire un ouvrage commandé par l’éductation Nationale qu’un roman. Il manque une flamme vive à cet ouvrage pour qu’il soit vraiment bien.

J’ai trouvé toutefois le développement de l’histoire passionnant car très réaliste. L’auteur sait entrer dans la tête des jeunes, connaît leurs fonctionnements et les dynamiques de groupe amitié/mésamour etc. En cela, c’est extrêmement réussit. C’est surtout quand on passe à la phase des « résolutions de problèmes » que j’ai trouvé l’ouvrage un peu donneur de leçon. Bien sur, il est important de montrer les différentes portes de sorties qui permettent de quitter le cercle vicieux du harcèlement, mais la façon de les montrer n’était selon moi pas la bonne.

En dehors de cela, Ma réputation est un ouvrage qui se dévore. L’auteur comprend les jeunes et leurs nombreuses problématiques (bien plus nombreuses à l’ère des réseaux qu’il y a quinze ans où c’était encore les balbutiements), sait les décrire et créer des personnages crédibles. Il n’y a que la fin qui est un peu trop « scolaire » dans sa façon d’être exposée dirons nous.
Si vous cherchez un livre au sujet du harcèlement en ligne ou sur les groupes d’amis qui se font et se défont au détriment de certains ados, c’est l’ouvrage parfait. Il illustre avec justesse ce que vivent des milliers de jeunes : le mal-être, le stress d’avoir une mauvaise réputation, le moindre bégayement ou la moindre hésitation moquée immédiatement, le fait d’être constamment scruté en attente de la prochaine « erreur »…
Un ouvrage qui pourrait servir d’outil de prévention. A découvrir dès l’âge de 14/15 ans.

Chronique YA : Vortex – Tome 1 – Le jour où le monde s’est déchiré

Il est paru lors de la rentrée littéraire ado, en août 2022, et gageons qu’il reste longtemps dans les rayonnages des librairies. Voici le premier roman d’Anna Benning à paraître en France. Lors de sa sortie allemande, l’ouvrage s’est vendu à plus 100 000 exemplaires en quelques semaines. Certes, les ventes ne sont pas gage de qualité, mais c’est tout de même révélateur d’un intérêt certain de la part des lecteurs.ices ! Et ce succès est-il mérité ? La suite dans cet article !

De multiples déchirures dans le monde

Le monde tel qu’on le connaît n’existe plus depuis des décennies, plus précisément depuis le Grand Amalgame et la survenue des Vortex. Ces portails apparus mystérieusement permettent de voyager à travers le monde instantanément. Mais se placer à travers les vortex n’est pas donné à tout le monde et ceux qui s’y risquent ont eu une formation très spéciale. Et même parmi les plus entrainés, il y a des disparitions, des blessés et des morts. Les voyages en vortex sont donc très risqués et nécessitent une maîtrise de tous les instants.
C’est dans ce monde que vit Elaine, 14 ans et bientôt participante à la grande Course de Vortex. Son classement déterminera son avenir dans cette société très hiérarchisée et qui fait la chasse aux Amalgamés (aussi nommés Splits). Qui sont-ils ? Des êtres humains dangereux qui lors du Grand Amalgame ont fusionné avec la nature : la Terre, l’Eau ou encore le Feu. Les Vortex sont la seule façon de les poursuivre efficacement. Il faut donc qu’Elaine soit dans les premiers si elle veut devenir une coureuse de vortex et venger la mort de sa mère, tuée par des Splits.

Addictif en peu de pages

En quelques courts chapitres, on plonge dans l’intrigue originale et maline de l’autrice. Au premier abord, on peut la trouver assez classique (ce qui est le cas), mais très vite il n’est plus seulement question de vortex qui déplacent d’un point A à un point B, et ça devient autrement plus captivant, pour ne pas dire renversant par moments.

Dès lors que l’on voyage en quatre dimensions, c’est une lecture assez exaltante qui sait surprendre son lectoat même si certains éceuils ne sont pas évités. Ce n’est pas gênant en soi car l’autrice a su créer son propre style et univers. Parmi ses nombreuses bonnes idées, je retiens surtout celle de la ville de Sanctum. Magnifique de beauté et sylvestre dans chaque aspect de son existence. C’est beau, et les images qu’on se fait à cette lecture sont tout simplement magiques.

Il y a quelques bonnes révélations bien efficaces qui sont savament disséminées et bien dosée, ce qui rend l’intrigue de plus en plus dingue au fil des chapitres. Mais à aucun moment on a un sentiment de précipitation comme dans certains romans dits haletants où tout est balancé en fin d’ouvrages. Ici, Anna Benning pose quelques petites « bombes » qui rendent l’intrigue à la fois surprenante et surtout durable. On ne sait pas toujours quand ça va nous tomber dessus, et rien que pour cela c’est agréable.

La notion de bien est de mal semble par ailleurs très claire dans Vortex, qui est écrit entièrement du point de vue d’Elaine. Mais peu à peu, les questionnements vont affluer, aussi bien pour elle que pour nous lecteurs, qui avons une vision très partiale de son univers. Quoi qu’il en soit, ça fonctionne à merveille !

A découvrir dès l’âge de 14 ans, pour ceux qui aiment les dystopies à la façon de Divergente et La Faucheuse ! On y retrouve le côté addictif de ces deux séries emblématiques du genre. A confirmer avec le second tome, mais le premier est pour le moins très prometteur.

Chronique ado : L’affaire Jennifer Jones

Grand classique contemporain de la littérature ado, ce roman a de quoi intriguer, voir choquer. Son histoire ? Celle d’un groupe de petites filles parties s’amuser au bord d’un lac, mais à leur retour, il y en avait une en moins…


L’affaire Jennifer Jones est paru aux éditions Milan dans la percutante collection Macadam en 2006. Dès sa parution, il est devenu un indispensable de tout rayon ado.

Comment de (ré)adapter à un monde dont on ignore tout ?

Jennifer Jones est une jeune femme qui découvre le monde extérieur avec curiosité et appréhension. Elle a purgé sa peine pour meurtre, car oui, c’est elle qui a tué sa camarade alors qu’elle avait à peine une dizaine d’années. Une enfant qui a tué une autre enfant, ça paraît incroyable, et pourtant c’est arrivé.


Mais même les pires crimes méritent d’être lavés si la peine a été purgée. C’est le cas de Jennifer Jones qui découvre la vie en société. Sa remise en liberté va défrayer la chronique et les journalistes vont tout faire pour la retrouver et avoir l’exclusivité… Mais Jennifer Jones n’existe plus, car avec sa peine, la jeune femme a droit à une nouvelle vie, une nouvelle identité et un nouveau départ. Mais y a-t-elle vraiment droit ? L’opinion publique va-t-elle juger bon de laisser Jennifer vivre sa vie, elle qui a brusquement stoppé celle d’une fillette de son âge ?

Un roman social noir et passionnant

L’ouvrage a beau être référencé en littérature ado, il peut se lire parfaitement par des adultes. C’est un très bon thriller psychologique qui nous raconte la vie d’une meurtrière après qu’elle ait purgé sa peine. On y parle réinsertion, seconde chance (et l’idée d’une seconde chance existe-elle aux yeux du tribunal de la bien-pensance ?), fuite en avant et droit au bonheur.

Jennifer Jones et son lourd passif sont passionnants. Vous aurez également le droit aux explications de ce qu’il s’est passé autour du fameux lac. Mais plus qu’un bon roman noir à suspense, L’affaire Jennifer Jones est un fabuleux roman social. Par de nombreux aspects, il m’a fait penser à l’oeuvre réaliste et documentée de Kerry Hudson. La pauvreté, le fait de devoir survivre aux échecs répétés de ses parents, la mère toxique, manipulatrice, qui traine son enfant dans de nouvelles « maisons » à chaque nouveau petit copain…

J’ai trouvé qu’il y avait un réel écho entre le roman d’Anne Cassidy et le travail de Kerry Hudson. Avant même que ce roman soit un thriller ou un polar, c’est avant tout un terrible portrait de l’Angleterre et de ses laissés pour compte. Pour Kerry Hudson, c’était plus précisément dans l’Ecosse des années 80. On y retrouve les même luttes, les mêmes thématiques et des personnages ballotés et malmenés par la vie. A plus d’un titre, Jennifer Jones est en fait tout autant bourreau que victime…

Mais je m’égare, et il est temps pour moi de laisser se terminer cette chronique. Il n’y a que deux choses à retenir : c’est un roman marquant et fulgurant. Et c’est bien plus qu’un « simple » polar, ce roman est une véritable analyse de la société et de ses dysfonctionnements.


A quand une sortie poche chez les adultes pour ce titre ? Je suis certaine qu’il trouverait son public et irait parfaitement à côté des romans sociétaux de Kerry Hudson par exemple.

Chronique Fantasy : La Guerre du pavot – Tome 1

Rebecca F. Kuang est une autrice américaine d’origine chinoise. Elle a fait ses études à Cambridge, et elle a par ailleurs fait sa thèse sur la littérature de propagande en Chine durant la seconde guerre sino-japonaise. Et justement, on a beau être dans un univers de fantasy, l’autrice s’inspire énormément de l’histoire de la Chine et du Japon au travers d’un prisme guerrier. Accrochez-vous, c’est le genre de roman qui marque et qui réussit à surprendre ses lecteurs.ices.

Une héroïne d’une force mentale rare

Rin est une jeune femme qui en a bavé depuis sa plus tendre enfance. Elle vit avec son oncle et sa tante depuis presque toujours, maltraitée, parfois affamée par ces derniers. Son rêve : intégrer la prestigieuse école de guerre du pays, Sinegard. Mais pour cela il faut beaucoup d’argent ou alors des compétences et un savoir exceptionnel. Savoir qui justement ne peux s’obtenir qu’en ayant les plus coûteux précepteurs… et donc il faut de l’argent.
Comment Rin va-t-elle pouvoir amasser autant de connaissance en travaillant jour et nuit pour son oncle qui l’exploite ? Tout cela sans parler du fait qu’elle est sans le sou…

C’est ainsi que l’on découvre une héroïne qui part de rien et qui va tout dévaster sur son passage… pour notre plus grand plaisir.

Un roman flamboyant et incroyable

Dès les premières pages, on sent que l’on trempe dans un roman à la fois sombre et cru. L’écriture de R.F. Kuang (et l’excellente traduction de Yannis Urano) ne nous épargne aucun détail sale de la guerre ni tous les sacrifices que va consentir Rin (bienvenue dans la grimdark fantasy). Rien que la scène d’ouverture vous donnera un bon aperçu de la teneur du roman : brutal, magnifique et incroyable.

Si vous avez envie d’épique, de batailles et de magie (latente, étrange et incontrôlable) c’est le roman parfait. Bien que l’ouvrage s’intitule La guerre du Pavot, cette dernière n’a lieu qu’à partir de la seconde moitié de l’ouvrage. Les trois cent premières pages étant dédiées à la formation de Rin ainsi qu’à celle de ses camarades.

L’autrice a fait preuve d’une incroyable créativité dans son histoire, ce qui réussit à la rendre vraiment unique. Dans la première partie de l’ouvrage, vous avez toute la cession « formation » des élèves. Les entrainements, l’intégration (ou non) de Rin parmi les autres, l’apprentissage difficile et injuste qui mène à l’art de la guerre… Et seulement ensuite, vient la fameuse guerre du pavot.

J’ai adoré les deux parties du roman, même si j’ai toujours eu une préférence pour les phases d’apprentissage et de transmission (que ce soit dans les romans ou dans les films). Mais ici, même la partie martiale du roman m’a plu. On y parle stratégie, manipulation, coups de génie, horreurs de la guerre…
L’autrice s’étant directement inspiré de l’histoire de la Chine et du Japon pour son roman. Nous sommes cependant bien dans un monde créé de toute pièce, le royaume de Rin étant le Nikara et le pays de l’ennemi se nommant Mugen (il s’agit d’une petite île face aux grandes terres du Nikara).

L’ouvrage fait presque six cent pages, mais il se dévore à une vitesse ahurissante. D’ailleurs, c’était une si bonne lecture que j’ai vraiment tout fait pour en ralentir le rythme… je ne voulais pas quitter Rin et ses coups de folie bravaches, ni même sa verve et son panache. J’ai vraiment tout aimé dans ce premier tome très complet et magnifique…

Je ne puis que vous conseiller de lire ce premier tome de la trilogie de la Guerre du Pavot. L’ouvrage a paru en 2020 en grand format, et est depuis disponible en poche chez Babel, la collection de poches d’Actes Sud. Cependant, une ombre plane sur ce magnifique roman… l’éditeur n’a toujours pas annoncé la publication de la suite. Alors, Actes Sud Exofictions a-t-il toujours les droits pour sortir la suite de la saga ? Rien n’est moins sûr… (MAJ les livres ne sont plus dispos chez Actes Sud, qui a perdu les droits d’exploitation. Réédition du premier tome en mai 2025 chez De Saxus)
Une chose est certaine cependant, c’est que l’ouvrage n’a pas nécessairement rencontré un public aussi large qu’il aurait dû. Cette couverture n’est pas inesthétique, mais elle ne donne pas non plus envie de se précipiter sur le roman. Je la trouve trop sombre, pas assez épique comparé au contenu de l’ouvrage. Actes Sud n’est clairement pas un éditeur pour ce type d’ouvrage, ou alors ils auraient dû « casser » cette image élitiste qu’on associe immédiatement à la maison d’édition…

Ainsi donc, la suite possible en France de La guerre du pavot reste pour le moment en suspend… Peut-être pourrait on espérer qu’une autre maison d’édition se penche sur le sujet ? Après tout, R.F. Kuang va bientôt être publiée chez De Saxus pour son roman Babel. On peux toujours rêver d’une reprise et d’un redémarrage de sa trilogie chez eux (MAJ bis, cette chronique écrite en mai 2024 était prémonitoire). Clairement, cette saga mérite d’avoir une seconde chance en France, elle est trop exceptionnelle pour être abandonnée !

La magnifique couverture de la réédition du premier tome de La Guerre du Pavot prévue pour mai 2025 chez De Saxus. Cette publication va être épique : en plus de la quantité limitée, le papier sera de qualité supérieure et la couverture a été choisie par l’autrice elle-même comme étant sa favorite parmi toutes les publications qu’a connu ce titre.
AUTEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique SF : Rama tome 1 & 2 – Rendez-vous avec Rama et Rama II

On peut résumer Rama à une question essentielle : la curiosité est-elle un vilain défaut quand on sait qu’elle est inhérente à l’espèce humaine ?

Qui n’a jamais lu ce grand classique de la sf ? Moi, mais peu à peu je me rattrape et découvre des pépites. Est-ce que Rama est à lire ? Je dirais oui pour le premier tome, dont la conclusion vertigineuse (et un peu frustrante ?) se suffit à elle-même. Se plonger dans Rama, c’est découvrir un auteur, mais aussi un univers où la science explique tout. Arthur C. Clarke a écrit plusieurs œuvres absolument fondatrices dans la SF. Le premier tome de Rama en fait partie. De même que 2001 L’odyssée de l’espace ou encore Les enfants d’Icare.
Rama fut ainsi pour moi une double découverte : celle d’un classique de la hard-sf et celle d’un auteur.

Un objet spatial non identifié

Rama, pour faire très simple, c’est l’histoire d’un vaisseau qui traverse notre système solaire à une vitesse folle et qui apparaît dans les radars du jour au lendemain. La Terre entière est en émoi, tout particulièrement la communauté scientifique qui voit là enfin le moyen de répondre à quantité de questions que se pose l’être humain depuis la nuit des temps. La première a en tout cas trouvé un réponse : sommes nous seuls dans l’univers ? Il semblerait que non.

Mais ce mystérieux vaisseau va soulever beaucoup plus de questions que de réponses quand une équipe d’expédition est dépêchée le plus vite possible à un point précis du système solaire pour l' »intercepter ».

J’ai beaucoup aimé l’atmosphère de ce premier tome. Le rythme est très lent, mais tout ce mystère, cette touffeur étrange n’est pas rassurante. Ce n’est pas non plus à proprement parler angoissant, mais une chose est sûre, Rama met mal à l’aise ceux qui l’explorent. Il y a peu de personnages et c’est ce qui fait la force narrative de la petite équipée improvisée pour l’exploration. les dynamiques entre les personnages sont assez basiques, mais ça fonctionne très bien. Soyons clair, le plus intéressant c’est de savoir ce qu’il y a DANS le vaisseau, le reste passe au second plan.
Et comme les curiosités et les mystères s’accumulent au fil des pages, c’est assez hypnotique. A chaque fois que l’on pense avoir enfin une réponse claire, il en vient une bizarre, tordue, et qui n’aide pas du tout à y voir mieux. Imaginez la frustration du lecteur !

Ce premier tome de Rama se suffit pour moi parfaitement à lui-même. L’ouvrage est simple, factuel, il ne s’y passe guère de choses, et en même temps j’ai tellement aimé le final que pour moi il n’y a pas besoin de plus. Pourquoi vouloir à tout prix des réponses ?
Si j’avais su que la suite était très différente du premier opus, je ne me serais pas lancé dans sa lecture…

Rama II

Cette fois-ci, Arthur C.Clarke n’est pas tout seul et écrit à quatre mains avec Gentry Lee, ingénieur de métier. Et franchement, en peu de pages, on s’y perd. On navigue de pays en pays, de personnages en personnages, les intrigues politiques et autres manœuvres sont nombreuses pour savoir qui va pouvoir aller dans ce nouveau vaisseau nommé Rama II. Il y a tellement de personnages avec chacun sa problématique que l’on s’y perd… Si bien que le vaisseau en partance pour croiser la route de Rama II ne décolle pas avant plus d’une centaines de pages et que cela n’apporte rien à l’histoire. Dialogues creux, beaucoup moins factuel et efficace que le premier tome, c’est très fouillis et assez indigeste…

J’ai cependant aimé une chose : l’idée que dans le futur, c’est l’homme qui assume la charge de la contraception. Pour le coup c’est aussi novateur que très intéressant (et même logique, quand on sait que l’homme est fertile 100% du temps alors qu’une femme ne l’est que quelques jours par mois).

Ainsi, j’ai persévéré jusqu’à la moitié de l’ouvrage avant de lâchement abandonner. Je n’ai pas réussi à surmonter le surnombre de personnages, leurs problématiques et interactions. Il y avait trop de scènes courtes qui naviguent d’un lieu à un autre, on a plus l’impression de lire un film qu’autre chose… Ce qui rend le tout extrêmement illisible.

Ceci est mon point de vue tout personnel sur Rama, que j’ai donc décidé d’abandonner à la moitié du second tome sur les quatre que compte la série au total. Pour les curieux, tentez le premier tome, vraiment bien et très largement suffisant. Mais encore vous faudra-t-il aimer une sf où il ne se passe guère de choses et qui est assez philosophique.

Pour information : L’intégrale 1 contient Rendez-vous avec Rama et Rama 2 et L’intégrale 2 contient Les jardins de Rama et Rama révélé.

TRANCHE d´ÂGE :