Archives de l’auteur : Laura

Actualité éditoriale : La Faucheuse tome 3 arrive !

Après plus d’un an et demi d’attente, le voilà : le troisième et ultime tome de la saga La Faucheuse par Neal Shusterman arrive en France…

Il a fallut être patient, et le voici enfin qui arrive en librairie le 28 novembre 2019 sous le titre Le glas (toujours dans la collection R). Et c’est un exploit car nous sommes très proches de la date de sortie US ! En attendant la date fatidique où nous saurons enfin TOUT, voici la couverture de l’ouvrage.

Chronique jeunesse : Hôtel Heartwood – tome 2 – Un hiver si doux

Un second volet aussi tendre et adorable que le précédent…

Hôtel Heartwood est une série pour la jeunesse en quatre tomes parue chez Casterman. Le second tome est paru en France en février, durant la période la plus froide de l’hiver… Mais cette douce histoire vous réchauffera, c’est certain !

Une nouvelle saison à l’Hôtel pour Mona et ses collègues/amis

L’hiver approche, et avec lui les approvisionnements à gérer avant l’hibernation de quantité de clients. Les chambres sont prêtes : ni trop chaudes, ni trop froides afin que les pensionnaires dorment jusqu’au printemps, les stocks sont parés pour leur réveil (ils auront très faim en se levant de leur long sommeil) et l’équipe de l’Hôtel Heartwood a mérité de lever un peu le pied… Sauf que, évidemment, il va se passer pas mal de choses qui vont les empêcher de souffler. Des disparitions mystérieuses, des travaux d’aménagement pour accueillir au mieux les insectes et… l’arrivée d’une duchesse lapine !
Et ce n’est que le début pour la petite équipe de l’hôtel…

Toujours aussi chouette et plaisant

C’est une réussite que ce second tome ! On retrouve avec plaisir ce qui m’avait tellement plu dans le premier opus sans tomber dans la répétition. De nouveaux personnages arrivent, on apprend à mieux connaître les anciens ainsi que leur passé… notamment celui de Tilly l’écureuil. Les petits mystères qui parsèment la saison hivernale sont bien amenés, avec juste ce qu’il faut de suspense. Tout est parfaitement dosé, maîtrisé, on ne peux que passer un excellent moment de lecture.

Et comme précédemment, les illustrations sont magnifiques ! Toujours en noir et blanc, les crayonnés de Stephanie Gregin sont magnifiques, détaillés, précieux.

C’est un bel hommage au genre souvent boudé qu’est la fantasy animalière et donne envie de lire d’autres ouvrages dans le même genre… Hôtel Heartwood donne furieusement envie de (re)lire Le vent dans les saules… Tout est bon pour ne pas quitter cette ambiance feutrée et douce à nulle autre pareille !

Info fun : Vous pouvez aller sur le site officiel de l’Hôtel et réserver une chambre ! http://heartwoodhotel.com/rooms.html
Il vous suffit de dire à quelle date vous souhaitez réserver, préciser votre espèce (taupe, oiseau, ours, humain…) et d’envoyer un mail à info@heartwoodhotel.com . Selon votre espèce, vous ne pourrez peut-être pas réserver, j’ai essayé pour les ours, mais ce n’était pas possible car trop gros. Quant aux humains, ils ne peuvent pas réserver à l’Hôtel Heartwood… mais si vous êtes un raton-laveur ou un porc-épic, pas de problème !

L’entrée d’une des chambres de l’hôtel… on rêve d’y entrer… ça a l’air si confortable et cocooning !

Chronique : Quatre filles et quatre garçons

Un roman qui dépeint avec talent et réalisme les difficultés de l’adolescence… Pour en ressortir grandit !

Florence Hinckel est une autrice française à qui l’on doit de très nombreuses œuvres à destination de la jeunesse et des ados : U4 – Yannis, Le chat pitre, Le grand saut, Nos éclats de miroir… Elle est très prolifique et sort très régulièrement un nouvel ouvrage.

Avec Quatre filles et quatre garçons, elle a réussit à s’installer durablement dans le paysage éditorial, car son ouvrage est devenu un titre de fonds aussi bien pour les librairies que pour les bibliothèques.

Huit ados très différents aux problématiques qui le dont tout autant

Ils se prénomment Benoît, Sarah, Dorian, Mehdi, Justine, Clotilde, Joséphine ou Corentin. Ils sont inséparables depuis de longues années, ont partagé tant de moment complices qu’ils lisent dans les pensées de l’autre sans problème…

Sauf que. Ils ont 15 ans, l’adolescence arrive, les questionnements également. Les interrogations, la peur, les doutes, les premiers émois, la rébellion vis à vis des parents pour certains…

Au travers de cette année si particulière pour chacun.e, ils décident d’écrire un journal. Chacun.e choisira la forme qu’il/elle souhaite, ils peuvent s’enregistrer, se filmer, écrire, peu importe ! Ce qui compte, c’est qu’ils partagent un moment clé de leur vie au travers de confessions qu’ils relirons peut-être, une fois qu’ils auront atteint l’âge adulte…

Un roman aux allures de recueil de nouvelles liées fortement entre elles pour former un grand tout

Il est difficile de faire une chronique globale de cet ouvrage, j’ai ainsi décidé de vous le présenter personnage par personnage. Les histoires ne sont pas toutes égales en qualité, et c’est justement plus intéressant d’en parler en utilisant cet axe.

Joséphine : Elle s’interroge énormément sur les autres. Se demande qui est cette mystérieuse fille qu’elle croise souvent à l’abribus. Lui créé une vie dans sa tête tout en se demandant ce qu’il en est réellement.

Une bonne nouvelle dans sa vie ? Ses seins ont doublé de volume en l’espace d’une nuit ! (ou presque). C’est l’occasion pour elle de s’interroger sur ce qu’est l’amour, et comment on embrasse, d’ailleurs ?

Mais elle a également peur d’une chose : que ses parents se séparent à nouveau… Et ça la mine.

Autre chose… elle sait plein de choses, mais ne s’en vente pas. A peur de passer pour une intello auprès des autres, y compris de ses amis proches…

Son histoire est intéressante, mais comme c’est la première narratrice, ont la voit encore évoluer au fil des autres histoires.

Benoît : Un peu « fort », son surnom, c’est BN à cause d’une histoire un peu folle. Quand il était plus petit, il s’est perdu en montagne pendant plusieurs heures (presque une journée) et a survécu en mangeant la seule chose qui lui restait : des BN.

Ses deux parents sont profs dans le collège qu’il fréquente, ce qui n’est pas toujours facile à accepter (ni à faire accepter aux autres…).

Il a réussit ont ne sait trop comment à se faire foudroyer durant la période où il devait tenir son journal ! Et ça l’a rendu cool aux yeux de ses autres camarades.

Benoît s’interroge beaucoup sur l’image qu’il a des filles, comment il les perçoit, et si ce qu’il pense est juste, ou non. C’est en tout cas au final un garçon aussi gentil que respectueux de son prochain.

Sarah : C’est LA fille canon du groupe. Elle est belle, et elle le sait… ce qui lui porte fortement préjudice car elle a une idée (trop) haute d’elle-même en ce qui concerne son physique, elle trouve ainsi qu’aucun garçon n’est assez bien pour elle. Cependant, elle ne se trouve douée en rien et mise tout sur son physique pour avancer dans la vie. Elle ne rêve que d’une chose : devenir mannequin professionnelle.

Du côté de ses parents, ce sont des gens modestes. Son père tient de façon obsessionnelle un journal qui contient tous les chiffres sortis au Loto, tous les jours, depuis des années.

Depuis quelque temps, Sarah veut tellement atteindre son objectif de devenir mannequin qu’elle commence à se sous-alimenter afin d’atteindre les standards de beautés imposés… jusqu’à y laisser sa santé en devenant peu à peu anorexique. Et cela s’exacerbe quand elle est repérée par une agence de mannequinat très prestigieuse.

Dorian : C’est un ado assez effacé, il ne dit rien, même quand les événements deviennent graves. Il y a quelques années, dans un autre établissement, il était le bouc émissaire d’un autre garçon de son âge. Cela l’a beaucoup traumatisé et placé dans une situation de victime dont il n’est jamais vraiment sorti. Le nom de ce garçon qui le harcelait ? Bastoche. Mais le hasard remet l’ancien bourreau de Dorian sur sa route, et les ennuis reprennent. Harcèlement, cruauté, lynchage, Bastoche resserre son emprise malsaine sur Dorian et le coupe peu à peu de ses amis… 

Mehdi : On suit le long cheminement du jeune homme à réaliser – et assumer – qu’il est gay. Pas facile pour lui quand on voit le comportement de certains, ou ne serait-ce que leur façon de parler… La situation est une véritable torture pour lui. Il est encore plus effacé que Dorian, c’est dire. Mais peu à peu, la solution va venir à lui… Il est d’une gentillesse extrême et va même devenir un très bon ami de la jeune fille mystérieuse du bus : Solène.

Justine : Avec Justine, on assiste à un changement radical de personnalité par amour. Elle qui est si gentille, ponctuelle, parfois même un peu fade, elle va se rebeller contre tous pour ressembler au garçon à qui elle veut plaire. Elle l’a rencontré lors de son stage en librairie, il est gothique, et Justine va tout faire pour l’attirer à elle. Sa mère est une autrice célèbre qui écrit de nombreux romans à l’eau de rose (mais elle n’assume pas et écrit sous pseudonyme…), et Justine déteste ces romans, qu’elle juge mettre systématiquement les femmes en position de victimes…

Clotilde : Elle est belle, métisse et orpheline de mère (qui a été tuée par son ex à cause d’une chute dans les escaliers). Elle vit donc seule avec son père. Elle est gentille, d’une douceur extrême, mais elle possède cependant de fortes convictions féministes !

Joséphine : Elle est un peu l’archétype de l’adolescente qui s’interroge sur tout ce qui l’entoure, mais également sur son corps qui change. Ce n’est pas le personnage qui m’a le plus marqué car elle manque quelque peu de profondeur selon moi…

Corentin : On peut le qualifier de beau-gosse du groupe… Et il s’est mis à la musique avec un groupe nommé Les bêtes sauvages, et très vite, ils rencontrent un sacré succès… Mais cela ne va-t-il pas leur faire tourner la tête ? Corentin reconnaîtra-t-il ses amis ou leur tournera-t-il le dos pour les paillettes et les projecteurs ?

En somme, ce roman pour ado est très complet et intéressant. Il propose une représentation juste et variée de quantité d’adolscent.e.s de notre époque, même si parfois le trait est un peu forcé. Il y a bien quelques longueurs (normal sur un roman qui fait 750 pages !) mais la lecture reste agréable car partitionnée par personnage. Parfait pour rassurer et se découvrir quand on a 15 ans, en plus l’ouvrage est sorti en poche il y a peu…

Chronique : L’Enchanteur

Un roman ado des plus prometteurs qui ne m’a finalement pas séduite comme je l’espérais…

Dans le microcosme qu’est le monde de l’édition, Stephen Carrière est un auteur, mais également un éditeur. Vous connaissez probablement les éditions Anne-Carrière ? Et bien c’est lui qui s’occupe !

Mais outre la casquette d’éditeur, de traducteur et de découvreur de talents, Stephen Carrière est également auteur, la preuve en est avec L’Enchanteur, paru en début d’année 2019 aux éditions Pocket Jeunesse. Il avait par ailleurs écrit des romans il y a une dizaine d’année aux éditions Albin Michel.

Un faiseur de miracles au quotidien

Stan est un génie discret. Il est magistralement doué pour imbriquer les problèmes entre eux et les transformer en solution tout en préservant l’ordre établi. C’est ainsi qu’il est populaire mais très modeste, toujours là, sur son banc, quand on a besoin de lui. C’est ainsi qu’un groupe d’amis restreint mais incassable s’est forgé autour de lui… Parmi eux, Daniel, malade et dont les problèmes ne vont aller qu’en grandissant, car le cancer ne lui laisse aucun répit et il n’y a qu’une seule fin possible pour lui… Mais Stan a un projet fou pour que Daniel ait une fin mémorable pour la ville entière, y compris ceux qui ne le connaissaient pas. Tout cela sous le signe d’une des plus grandes œuvres de Shakespeare : Le songe d’une nuit d’été.

En parallèle à cette amitié que rien ne peux juguler, la ville semble changer depuis quelque temps. Les ruelles s’assombrissent, les rumeurs disent qu’un danger se prépare, que rien ne sera plus comme avant… et c’est vrai.

Un roman (trop) foisonnant

L’idée de base de L’Enchanteur a selon moi tout pour plaire, cependant on y perd pied rapidement. Beaucoup de personnages (j’ai eu du mal à dissocier chaque personnage du groupe d’amis notamment), parfois trop semblables, et surtout un trop-plein d’informations. J’ai toutefois découvert ce qu’était un égrégore (fascinant !) ou encore un trickster (ou farceur en français) dans une narration : Peeves dans Harry Potter, Loki dans les légendes nordiques ou encore Puck dans Le songe d’une nuit d’été).

Je ne suis jamais contre le fait d’apprendre de nouvelles choses, mais parfois c’est inséré de façon un peu trop dense et indigeste. Ici, on voit très bien que l’intrigue est ficelée au millimètre : tout a été pensé dans le moindre détail. Cette toile est longue à tisser, le travail scénaristique derrière est énorme, mais le final censé être la clé de voute de cette histoire, n’est pour moi pas à la hauteur.

Je ne sais pas ce qu’il manque pour faire de L’Enchanteur un bon roman, mais ça ne prend pas du tout pour moi. J’ai même eu une panne de lecture tellement c’était laborieux pour moi de le finir… En définitive, j’ai trouvé les ennemis du groupe de L’Enchanteur plus intéressants et plus vivants que les héros que l’on suit pendant plus de 400 pages.

Je pense que L’Enchanteur est un roman qui m’est passé totalement à côté, comme cela arrive parfois. Cependant, je ne doute pas qu’il trouvera son public car son idée est original même si la mise en œuvre est assez ardue… A découvrir dès l’âge de 15 ans.

Chronique jeunesse : Hôtel Heartwood – tome 1 – Une maison pour Mona

Un roman jeunesse empli de mignonitude et d’aventures… un régal !

Hôtel Heartwood est une série en quatre tomes destinée à la jeunesse. Le premier est paru en octobre 2018 aux éditions Casterman. Désormais, elle est entièrement traduite et disponible en librairie. L’histoire est signée Kallie George et les illustrations tendres sont de la main de Stephanie Graegin.

Une petite souris en errance…

Mona est une souris orpheline qui vit dans la forêt : elle a tout perdu suite à une inondation, sa petite maison, ses maigres affaires… il ne lui reste plus rien hormis sa valise en coque de noix ornée d’un cœur gravé. C’est ainsi qu’elle cherche un abri qui pourrait devenir sa nouvelle maison… et elle tombe sur le magnifique (et caché) Hôtel Heartwood ! Et c’est tout un monde de joie et de douceur qui s’ouvre à elle, dommage qu’elle ne puisse y rester que pendant l’automne, à la saison pleine, l’hôtel n’a pas besoin de mains supplémentaires en hiver… ce n’est donc que du temporaire pour la malheureuse souris… mais c’est déjà ça !

De la tendresse et de la bienveillance en quantité

Lire Hôtel Heartwood, c’est un peu comme de se couvrir d’un plaid tout doux, s’installer confortablement dans son fauteuil préférée et savourer une délicieuse boisson chaude… C’est doux, apaisant… on est dans une petite bulle de plaisir ! Je ne puis que vous conseiller ce merveilleux début de saga pour les enfants. On y trouve à la fois de l’aventure, de l’humour, un peu de suspense, et beaucoup de beaux sentiments (sans tomber dans le niais, ce qui n’était pas facile !).

Mona, l’héroïne de la série.

Il se peut que vous détestiez Tilly, la petite écureuil, mais le temps passant, vous réussirez certainement à l’apprécier malgré les apparences, qui sont contre elle… Pour les autres personnages, ils ont tous un petit quelque chose qui vous fera les aimer : Mr Heartwood et sa manie de parler tout le temps en rimes, Mme Prickles la cuisinière avec ses fameux palets aux graines exquis, le pic qui donne l’alerte en cas de danger, Ted l’ours (jeu de mot en VO avec Teddy Bear, ourson en peluche)…

On a une seule envie en refermant le premier tome des aventures de Mona à l’Hôtel Heartwood, c’est d’y retourner ! Et quelle chance, c’est possible puisqu’il y a encore trois autres tomes à découvrir… Le second se déroule pendant l’hiver (à la Saint Édredon) et s’intitule Un hiver si doux.

Chronique : Tuff

Comment s’en sortir quand on ne connaît que les difficultés et la violence de la rue à New York ? Voici l’histoire de Tuffy un roman atypique écrit avec verve !

Paru initialement aux éditions Cambourakis, Tuff est sorti en poche chez 10/18 en juin 2019. L’occasion pour moi de découvrir un auteur à part dans le vaste univers de la littérature américaine : Paul Beatty. Il a notamment écrit Slumberland, American Prophet ou encore Moi contre les Etats-Unis d’Amérique. Il est également poète en plus d’écrivain, et a même été couronné champion de slam.

Que faire quand on vient de survivre par inadvertance à une fusillade ?

Tuff est un afro-américain que tout le monde respecte dans le quartier. Il est obèse, n’a pas sa langue dans sa poche, et vit de menus trafics. Sa carrure imposante l’oblige à faire des boulots de videurs ou d’homme de main pour des revendeurs de drogues… C’est donc ce qu’il fait, car il a une femme et un bébé à nourrir et qu’il faut bien faire quelque chose. Mais malgré son physique qui impose le respect, Tuffy a une peur bleue des flingues. Alors, quand des types viennent régler leur comptes à son patron, il s’évanouit de peur… et devient le seul et unique survivant de ce carnage…

La boisson préférée de Tuffy.

Prise de conscience ? Oui, mais à la façon Tuff. Pour lui, les trafics foireux c’est fini, il veut trouver un travail moins dangereux, et ou il pourrait gagner assez pour subvenir aux besoins de ses proches… Mais il est difficile de s’extirper de tout ce merdier quand on a toujours connu que la rue, la violence, les parents négligents et maltraitants… Mais Tuff a un projet qu’il compte mener à bien…

Un portrait social dépeint avec réalisme et vivacité

Impossible de s’ennuyer en découvrant peu à peu ce qui constitue l’entourage et l’histoire de Tuff. Un père ex-Black-Panther, une mère totalement déconnectée de son rôle, des mauvais souvenirs qui remontent parfois… Tuff n’a pas grandit dans l’amour, et pourtant à sa façon il se construit un nid d’amour avec sa copine (avec qui il s’est marié par téléphone lorsqu’il était en prison) et son bébé. Mais les habitudes ont la vie dure, et il va falloir à Tuff beaucoup d’aide pour qu’il croie ne serait-ce qu’en lui-même.

A la fin de ce roman, nous n’aurons pas toutes les réponses quant à l’évolution possible de Tuff, personnage haut en couleurs. Mais ce n’est pas le plus important. On le voit peu à peu changer, prendre ses responsabilités – parfois – et faire encore des conneries – souvent.

  » « C’est ton fils ? Comme il est mignon, je peux le prendre ? » Winston lui tourna le dos et éloigna la poussette. « Impossible. Aucun Blanc l’a touché. Et si c’était le cas, je serais obligé de le buter comme une maman lapin quand un humain touche ses gosses. »  « 

Souvent drôle et cynique, ce roman est assez inclassable, mais il a réussit à me séduire. J’avoue avoir eu du mal au début à comprendre où j’étais et quels étaient les enjeux de l’histoire – la narration de Paul beatty étant assez dense – mais une fois dedans, c’est un régal !

Alors, si vous aimez New York et ses petites frappes, vous pourrez aimer Tuff. Drôle, agaçant, surprenant, vulgaire et réussit tout à la fois.

LIEN : Le site officiel de l’éditeur pour découvrir les autres ouvrages de Paul Beatty.

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Chronique : DIX

Une réécriture à la sauce contemporaine du fameux roman Les dix petits nègres d’Agatha Christie… et ça le remet bien au goût du jour !

On connait déjà Marine Carteron grâce à son entrée remarquée ans la littérature ado avec la trilogie Les Autodafeurs (Rouergue). Depuis, elle a fait son chemin et a sorti d’autres livres comme la série Génération K (Rouergue) ou encore L’attaque des cubes.

Dix est paru en mars 2019 aux éditions du Rouergue, dans la très bonne collection ado Epik. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette réécriture dépoussière bien l’original dont elle est inspirée…

Une télé-réalité mettant en scène des lycéens dans un décor de rêve…

Une villa grand luxe au large d’une île isolée. Ils sont dix. Trois adolescents accompagnés de trois adultes… et aucun n’est blanc comme neige… Et ce qu’ils ne savent pas encore, c’est qu’ils vont payer chacun leur tour pour le crime…

Un roman noir à dévorer

Que l’on soit un adolescent ou un adulte, on lira avec le même plaisir Dix. Plus qu’un roman issu des Dix Petit Nègres, c’est un nouveau souffle que Marine Carteron offre au roman le plus connu d’Agatha Christie. Et là où la cohérence manque parfois dans le roman d’origine (on ne peux pas user de déduction !), ici l’autrice nous sèmes de légers indices quant à la personne derrière cette terrible machination. Mais bien malin qui saura deviner quelle est la personne à l’origine de ce terrible jeu télévisé…

Le mieux pour savourer ce roman, c’est de commencer par Les dix petits nègres. Pour moi, ça donne vraiment corps au travail monumental qu’a réalisé l’autrice pour s’approprier ce classique. Et elle a réussi à faire un sans faute. Les phrases sont courtes, d’une efficacité rare, parfois même âpres ou saignantes… Il y a notamment une phrase marquante dans ce roman qui donne le ton entier du texte :

 » Elle tomba. Sans élégance. Comme la merde qu’elle était « .

C’est brutal et subtil à la fois, étrange mélange me direz-vous… Est-il seulement possible ? Et bien oui, puisqu’elle l’a fait !

Dix est donc un futur classique de la littérature ado. Il est à mettre juste à côté du roman d’Agatha Christie et c’est un véritable régal de lire les deux ouvrages à la suite. Je suis maintenant fortement tentée pour lire l’ouvrage de Pierre Bayard intitulé La vérité sur les Dix petits nègres aux éditions de Minuit…

Mes lectures de la rentrée littéraire 2019 – Partie 2/3

Nous sommes fin août, mais la Rentrée Littéraire ne fait que commencer ! A l’heure où j’écris ces lignes, une petite partie seulement des ouvrages sont sortis, dont quelques têtes d’affiches telles que le Sorj Chalandon, le Amélie Nothomb ou encore le Karine Tuil…

Sur les 524 nouveautés de cette année, j’ai lu 8 ouvrages pour le moment. Soit  1.52% de la rentrée… Bien que le but ne soit pas de tous les lire, il est assez frustrant de voir autant de choses sortir au même moment et de ne pouvoir consacrer plus de temps pour trouver des pépites… Mais les choses sont ainsi, et je vous propose de découvrir quatre des mes lectures (la partie 1 de cet article est disponible ici).

Soif – Amélie Nothomb – Albin Michel – Paru le 21 août 2019

« Pour éprouver la soif il faut être vivant« . Avouez que comme quatrième de couverture on a fait mieux tout de même. Donc, dans les faits on ne sais pas de quoi parle le nouveau roman d’Amélie Nothomb. Quelqu’un veut-il essayer de deviner ? Personnellement, j’ai perdu.

Soif parle des derniers jours de Jésus : de son procès à son terrible chemin de croix, et ce jusqu’à sa mort (pas plus). On y suit les réflexions de Jésus, ses pensées aux heures les plus proches de sa mort… Et honnêtement je n’ai pas du tout aimé.

Pourquoi ? Premièrement car la culture religieuse ne m’intéresse pas. Je n’ai guère les références et les connaissances pour apprécier pleinement l’ouvrage et les entorses que l’autrice a fait – ou non – au récit original.

Deuxièmement, je trouve qu’au final ce roman ne nous apporte rien après sa lecture. Il n’offre pas matière à réflexion, pas d’interrogations… On le lit, et on l’oublie !

Et troisièmement, cela faisait des années que je n’avais pas lu un Amélie Nothomb, et je suis déçue de voir que son travail ne correspond plus à ce que j’aimais dans ses ouvrages tels que Antéchrista, Stupeur et tremblements ou encore Les combustibles.

C’est donc un rendez-vous manqué pour moi, mais aussi peut-être un côté madeleine de Proust que je n’ai pas retrouvé qui cause ma déception…

Next Level – Thomté Ryam – Au diable Vauvert – parution le 5 septembre 2019

Un livre qui parle crûment d’un antihéros adolescent et fan de jeux-vidéo ? C’est forcément pour moi. On y suit Martial, un jeune qui vit dans un petit village du sud, son seul plaisir dans la vie, jouer à Shoot dans la ville, un jeu-vidéo violent où il faut tuer le plus et le mieux possible. Martial a d’ailleurs plutôt bon dans son domaine, il est assez connu et a une communauté de fans qui l’adorent. En effet, il est souvent le plus créatif quand il s’agit de tuer et de s’échapper.

L’histoire se lit très rapidement, les chapitres étant courts et la narration chirurgicale. J’ai beaucoup aimé cette écriture hachée, rapide, effrénée. Elle m’a fait penser à deux romans très noirs que j’adore : Cool Killer et Il ne nous reste que la violence.

Malgré une histoire très addictive, je n’ai pas adoré la fin, mais il est vrai que c’était la seule plausible au fil des pages… Cependant il me reste malgré tout un goût d’inachevé, et je trouve que cette conclusion met encore à mal le monde des jeux-vidéos que l’on punaise déjà souvent comme influenceur négatif de notre société.

Dégels – Julia Phillips – éditions Autrement – parution le 28 août 2019

Mais quel SUBLIME roman ! Tout commence avec la disparition de deux fillettes dans la région reculée de Russie nommée le Kamtchatka, dans la « grande » ville de Petropavlovsk (120 000 habitants, c’est ce qui se rapproche le plus d’une grande ville dans la région ». Le premier chapitre nous conte leur disparition, puis chaque autre se concentre sur un personnage différent qui a un rapport – parfois très léger ou invisible – avec l’enquête. Grâce à ces différents portraits, on découvre la vie au Kamtchatka, le poids des traditions, l’inaction de la police qui semble avoir baissé les bras très vite, la difficile entente entre les peuples natifs de la région et les Russes du continent (le Kamtchatka étant isolé du reste de la Russie géographiquement).

L’ambiance de ce roman atypique est magistrale. Nous ne sommes pas dans un classique roman policier avec un déroulement d’enquête, mais plutôt dans des tranches de vies, qui à un moment ont été impactées par cette double disparition. C’est sûrement pour cela que son ouvrage est comparé à l’oeuvre d’Alice Munro (pour le côté nouvelles imbriquées qui forment un roman) et de Laura Kasischke (comme dans Esprit d’hiver pour le côté glaçant et à haute teneur en suspense sans omettre le côté littéraire…).

Il sort dans quelques jours et c’est une merveille, je vous le conseille vivement !

Le bal des folles – Victoria Mas – Albin Michel – paru le 21 août 2019

Dans la plus pure tradition du roman historique, voici un premier roman que l’on lit avec plaisir. Le sujet ? La condition des femmes en 1885 à l’hôpital de la Salpêtrière, car il n’y a pas que les aliénées qui y sont internées, c’est là tout le fond du problème. Brus gênantes, fille de bonne famille dérangeante qui pourrait ternir le nom de ses parents… Les chemins qui mènent à la Salpêtrière sont aussi nombreux que divers.

C’est ainsi que l’on suit le destin de trois femmes qui se retrouvent dans ce centre névralgique de l’avancée médicale en termes de neurologie. Charcot, grâce à ses « aliénées » et autres folles a réussit à faire des découvertes importantes telles que la sclérose latérale amyotrophique (aussi nommée maladie de Charcot). Charcot donne également des cours magistraux qui rencontrent un énorme succès populaire, les patientes lui servant de démonstrations vivantes où il déclenche parfois des « crises » pour illustrer ses avancées.

Et tous les ans est donné un « bal des folles » où deux mondes diamétralement opposés entrent en collision : les aliénées de la Salpêtrières et les bourgeois du Tout-Paris qui viennent voir de près ces femmes mise à l’écart de la société.

C’est dans ce paysage qu’évoluent trois femmes très différents mais chacune très intéressante. Une infirmière qui travaille à la Salpêtrière depuis de nombreuses années. Une jeune bourgeoise qui entend des esprits et une aliénée amoureuse d’un des médecins… comment cela va-t-il finir ? A vous de le découvrir, Le bal des folles est un roman fascinant. On en apprend plus sur l’histoire de la médecine à cette époque. Et comment l’hystérie a été inventée pour les femmes… Et chose intéressante, même si les personnages féminins de Victoria Mas sont inventés, certains sont très fortement inspirés de la réalité historique.


Jean-Martin Charcot présentant Blanche Wittman, sa patiente hystérique qui est soutenue par Joseph Babinski à droite, lors d’une leçon clinique à la Salpêtrière. (source : Wikipédia)

Chronique : La danse du temps

Un roman sur l’écoulement de la vie qui peut être un long fleuve tranquille… jusqu’à ce que l’on se fasse rattraper par les imprévus à l’âge de soixante ans ! Et si c’était pour enfin vivre vraiment, justement ?

Anne Tyler est une autrice américaine a l’œuvre unique, La danse du temps, paru chez Phébus en 2019 est son dernier roman en date.

Elle a écrit notamment Vinegar Girl (coup de cœur ici !), Leçons de conduite (Prix Pulitzer), Une bobine de fil bleu ou encore Une autre femme. La majorité de ses romans sont publiés en poche chez 10/18.

La vie d’une femme américaine qui traverse les décennies

Quand La danse du temps débute, Willa a une dizaine d’années. Elle sait déjà ce qu’elle veut : une famille stable, ne pas ressembler à sa mère qui quittait le domicile pour un oui ou pour un nom laissant son père seul avec deux petites filles.

Et Willa va parvenir à cet idéal, car la première moitié du roman nous laisse découvrir en de cours épisodes les décennies qui s’écoulent… Willa semble avoir une vie parfaitement bien rangée. Il y a bien eu des difficultés pour elle, mais c’est surtout quand Willa atteint l’âge de soixante ans que le récit commence réellement. Le déclencheur ? Un coup de téléphone lui demandant de venir à Baltimore garder sa petite fille… sauf qu’elle n’a aucun petit enfant. Mais elle décide malgré tout de jouer le jeu…

Un roman lent et plaisant, comme la vie de Willa

C’est un peu triste de dire cela, mais la vie de Willa semble réellement commencer à soixante ans. Avant, dans chaque période de sa vie, elle n’a été que spectatrice. Subissant plutôt qu’initiant, ne se plaignant jamais, remplissant parfaitement son rôle de femme… Du moins celui qu’elle s’est imaginé. Willa se rend compte que vivre, ce n’est pas que pour rendre les autres heureux, c’est ainsi que sur un coup de tête, elle va à Baltimore s’occuper de sa soi-disant petite fille.

Et c’est là que commencent à apparaître les couleurs de la vie.

Ayant lu Vinegar Girl juste avant de passer à La danse du temps, j’ai été un peu déçue. Je n’ai pas retrouvé un plaisir de lecture aussi intense. Il est vrai que La danse du temps ne raconte pas grand chose en soi… Et pourtant, ce roman est malgré tout extrêmement touchant. Je pense qu’il est parfait à lire pour ceux et celles qui s’interrogent sur leur vie, leur but, sur ce qu’ils veulent vraiment.

Je crois que la force des romans d’Anne Tyler réside dans la réflexion qu’elle nous offre sur que l’on veut faire pour changer les choses à notre échelle. Comment s’accomplir, ne pas vivre avec des regrets… En tout cas, c’est comme cela que j’ai pris ce roman.

Bien que cela soit paradoxal, j’ai donc passé un bon moment avec Willa, l’héroïne de La danse du temps, même si il ne s’y passe guère de choses. Je n’ai pas vibré à cette lecture, mais il m’a apporté une sorte de paix intérieure bienvenue…

L’une des rares choses qui fasse vibrer Willa, ce sont les cactus saguaro. Elle ne se l’explique pas mais elle les aime de façon viscérale, d’où la photo ci-dessous.

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TRANCHE d´ÂGE :

Mes lectures de la Rentrée Littéraire 2019 – Partie 1/3

Tous les ans dans le monde du livre en France, c’est effervescence durant les mois d’août et septembre. La cause ? La fameuse Rentrée Littéraire. Elle concentre la majorité des nouveautés en littérature en un temps très restreint. Ainsi, depuis quelques semaines, c’est la courses chez les libraires pour en lire le plus possible avant leur parution afin de conseiller au mieux les futurs lecteurs.

C’est donc avec joie – et appréhension – que j’ai commencé à lire ma Rentrée Littéraire 2019. Au programme de mes lectures, uniquement des ouvrages qui me tentaient et que j’ai réussi à lire en amont de leur parution. Mais ce n’est pas terminé… il m’en reste encore beaucoup à lire, et cet article n’est que le premier sur le sujet.

A l’instant où j’écris ces lignes, je n’ai lu que 6 nouveautés de la rentrée sur les 524 au total. Soit… 1.14% de la Rentrée Littéraire 2019. Pas de quoi déprimer donc ! (c’est moins bien que les 1.76% de l’année dernière à la même époque… )

Protocole Gouvernante – Guillaume Lavenant – Rivages (parution le 21 août 2019)

Voici un roman tout a fait atypique, son argumentaire est fort et simple : on y suit une jeune femme qui a des instructions très précises. Le roman est en fait toutes les instructions qu’elle va appliquer à la lettre. Tout est ainsi écrit à la deuxième personne du pluriel, ce qui est assez déstabilisant au premier abord, mais pas déplaisant.

Ainsi, nous la suivons dans son étrange mission, qui consiste à s’intégrer en tant que nounou dans un foyer aisé. Peu à peu, les instructions qu’elle doit suivre se font plus bizarres et étranges… mais quel est le but final de cette mission ? Pourquoi doit-elle se rendre indispensable et inspirer à tout prix la confiance dans cette famille  ?

Ces questions trouverons leurs réponses – du moins partiellement – mais pas assez pour réellement apprécier la nébuleuse conclusion. Je l’avoue, je n’ai pas saisi pleinement le message final. Qu’a voulu dire l’auteur ? Pourquoi ce final étrange et nullement explicite ?

Je n’ai pas détesté car c’est très accrocheur, mais on reste clairement sur sa faim, et sur sa fin…

F20 – Anna Kozlova – Editions Stéphane Marsan (parution le 11 septembre 2019)

Pourquoi ce titre, que veux donc dire F20 ? En médecine, dans la classification des maladies mentales, il s’agit de la schizophrénie. L’histoire ce déroule en Russie, dans une famille extrêmement dysfonctionnelle : la mère erre tel un fantôme et reste alitée le reste du temps, ne s’occupant jamais de ses deux filles, le père est systématiquement absent, toujours avec une nouvelle amante pendue à son bras… C’est dans cette situation complexe que vivent donc les deux sœurs Youlia et Anioutik. Et il y a quelque temps, Anioutik s’est vue apposer la référence F20 sur son dossier médical : elle est schizo, et ce diagnostic sera pire que la prison, surtout en Russie. Interdit de travailler, mise au ban elle ne pourra pas non plus se marier et tenter d’avoir une vie normale…

C’est dans ce contexte que sa grande sœur Youlia découvre qu’elle a les mêmes symptômes… et décide de n’en rien dire. Elle veut à tout prix avoir une vie normale et bruler la chandelle de la vie par les deux bouts… quitte à parfois se perdre, et à prendre en cachette les médicaments de sa sœur…

F20 est un magnifique et terrible roman qui nous parle de la société russe vue par le prisme des laissés pour compte. C’est très intéressant, mais également fort triste… J’ai beaucoup aimé l’histoire de ces sœurs aux tendances autodestructrices mais qui débordent malgré tout de joie de vivre. C’est aussi beau que fort, aussi terrible que mémorable.

Je ne suis pas sûre que ce roman ai la chance d’être beaucoup médiatisé, mais il vaut le détour si vous aimez découvrir une autre culture et que les livre borderline ne vous font pas peur.

Pour la petite anecdote, c’est la traductrice Raphaëlle Pache (traductrice notamment du monumental La maison dans laquelle) qui a découvert ce texte et l’a proposé à l’éditeur Stéphane Marsan.

Cadavre Exquis – Augustina Bazterrica – Flammarion (parution le 21 août 2019)

J’ai rarement lu un roman aussi génial et immoral que Cadavre Exquis. L’idée de base est simple : dans le futur, on ne peux plus manger d’animaux car ces derniers sont porteurs d’un étrange virus très dangereux. Ils ont donc été décimés par l’homme pour sa survie…

Mais l’être humain semble ne pas pouvoir se passer de viande. Et puis, il y a les lobbys de la charcuterie qui refusent de disparaître… C’est ainsi que l’homme se met à manger de l’homme. Ainsi, le cannibalisme est devenu le summum du bon goût, et cette nouvelle viande si terrible à assumer est nommée par les marketeux « viande spéciale » afin d’oublier sa provenance.

Les humains sont nommés « têtes » pour qu’on oublie ce qu’ils sont. On leur coupe les cordes vocales afin qu’ils ne fassent pas de bruits humains, ce qui les rendraient plus difficiles à tuer…

C’est dans ce futur qu’évolue Marcos, responsable des achats pour un abattoir. Il est en charge de la bonne qualité des « têtes », de leur état de santé, etc. Mais chose étrange dans ce monde, Marcos ne mange pas de viande. Il ne le crie pas haut et fort car c’est mal vu, mais il n’assume pas cette société basée sur l’horreur. Il a de plus en plus de mal à faire bien son travail, tiraillé par sa conscience et par la pression de la société… Et les choses vont aller de pire en pire, quand on lui offre une « tête » vivante pour comme cadeau de compensation d’un fournisseur…

Ce roman est pour le moment mon préféré de la Rentrée Littéraire. L’écriture est nette, sans bavure, chirurgicale. On accepte immédiatement (bien qu’avec horreur) le postulat de départ que nous offre Augustina Bazterrica tant il est bien pensé. Il y a des détails atroces qui ne trompent pas. Elle a pensé à tout dans les moindres détails et nous plonge peu à peu dans les tourments de Marcos… et on adore.

En bref, si vous voulez une histoire qui vous fasse vibrer, qui a du corps, qui vit, qui vous tient en haleine, c’est le roman qu’il vous faut. Ce livre est une tuerie dans tous les sens du terme. Aussi mémorable qu’immoral !

La valse sans fin – Mayumi Inaba – Editions Philippe Picquier (parution le 22 août 2019)

Voici le nouveau roman de la japonaise qui avait écrit La péninsule aux 24 saisons ou encore 20 ans avec mon chat. Cette fois-ci, elle ne nous propose pas un roman apaisant comme à son habitude, mais l’histoire vraie de deux icônes japonaise dans les années70/80. Abe Kaoru est un jazzman reconnu dans les milieux underground, il en est le roi dans son domaine, le free jazz. Mais il aime autant la drogue que son art. Quant à Suzuki Izumi (malheureusement inconnue et non traduite en France) elle est une autrice en pleine ascension quand elle ne croque pas les médicaments comme des bonbons…

Ces deux là vont se rencontrer pour ne plus jamais se quitter, mais ils s’aiment autant qu’ils se font mal.

L’histoire de ces deux personnages qui ont fait l’histoire culturelle du Japon est très intéressante bien que très triste. Cependant, je trouve dommage que l’on ne puisse accéder aux œuvres de Suzuki Izumi en France, ce qui enlève un peu au côté « référence » de la littérature nippone pour nous, occidentaux qui ne la connaissons pas du tout.

J’ai toutefois apprécié de découvrir ce bout de Japon méconnu, et j’ai pu écouter des extraits du travail de Abe Kaoru pour m’immerger dans son univers… j’ai ainsi appris que je n’aimais pas le free jazz (vidéo ci-dessous), mais ça aide à comprendre encore plus ce personnage !

Voici l’un des albums complets si vous souhaitez découvrir l’œuvre de Abe Kaoru ou tout simplement le free jazz.