Archives de l’auteur : Laura

Chronique album jeunesse : Le monstre du bain

Si tu aimes la boue, la saleté et tout ce qui est craspouille ? Le monstre du bain l’aime encore plus !

L’illustrateur Tony Ross est de retour pour un album jeunesse drôle et déjanté sous le signe de… la saleté ! A la narration, nous découvrons Colin Boyd, dont c’est le tout premier album, mais pour une première, on peut déjà dire que c’est une petite réussite.

Il était une fois… un monstre qui buvait l’eau sale du bain

Dans cet album, nous suivons Jackson, un grand fan de tout ce qui est boueux et sale. Dès qu’il y a une flaque de boue, il y fonce, et si il y en a une plus grande encore, il s’y plongera avec plaisir ! Alors, quand Jackson prends son bain, c’est un véritable festin pour le monstre du bain… car son second plat préféré, c’est de boire l’eau bien sale du bain avec sa paille. Mais quel est donc son premier plat préféré ? Vous avez une idée ?

Une histoire d’amitié et de saleté

Cet album a toutes les qualités pour plaire aux jeunes lecteurs ! On y retrouve un petit garçon attachant, et un « monstre » qui l’est tout autant. Mais de monstre, il n’en a que le nom, car l’histoire en elle-même est tout simplement très mignonne. L’eau du bain est un mets que le monstre du bain ADORE, alors le jour où Jackson refuse de se laver, le monstre est aussi affamé que triste…

Mais loin de jouer sur les ressorts de la peur, c’est ici une simple histoire d’amitié qui nous est ici offerte, le tout avec une chute très bien trouvée.

On appréciera toujours autant les illustrations extrêmement reconnaissables de Tony Ross. Son trait vif et unique est tout simplement parfait pour cette histoire !

En tout cas, Le monstre du bain peut également être un bon ouvrage pour amener les enfants à se laver, sait-on jamais ?

Qu’ajouter de plus sur cet album sinon qu’il est drôle, bien pensé et adapté dès l’âge de 4 ans environ ? Il est efficace et parfait.

TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Ubik

Si vous n’avez encore jamais lu de roman de Philip K. Dick, Ubik pourrait bien vous faire basculer dans la réalité parallèle de cet auteur hors du commun !

Philip K. Dick. Son nom évoque quantité d’œuvres de toutes sortes, toutes incroyables, inclassables, mémorables. Que ce soit sous forme de nouvelle (il a en écrit une quantité incroyable) ou de romans, Philip K. Dick sait créer un monde bien à lui. Sa façon d’écrire, sa simplicité mélangée à une idée de génie font toujours mouche.

J’ai lu des dizaines de ses nouvelles, dont certaines m’ont marquées pour le reste de ma vie : Souvenirs à vendre, Un jeu guerrier, Nouveau modèle, ou encore L’imposteur… pour ne citer qu’elles. Nombre d’entre elles ont d’ailleurs été adaptées au cinéma : Minority Report, Impostor, Total Recall

Ubik était ma toute première incursion dans ses romans. Et je pense que cet ouvrage est la quintessence même de son style et des sujets qui sont si chers à Philip K. Dick. L’altérité, la perception de la réalité déformée par le prisme de son auteur…

Quand on sait qu’en plus Ubik n’était même pas considéré par son créateur : « Je commençais vraiment à me répéter. Il devenait évident que […] je n’avançais plus. Ubik a été une tentative désespérée pour progresser » (source : Simulacres et illusions, monographie dirigée par Richard Comballot aux éditions ActuSF, une vraie bible sur l’œuvre de Philip K. Dick).

Un roman psychédélique où il faut adhérer au parti de ne rien comprendre…

Dès les premières pages, les enjeux nous dépassent. Il est question de moratoriums Suisses, de précogs qui voient l’avenir mais ne peuvent le changer, de psis, d’agents disparus qui deviennent dangereux…

Ce n’est pas grave. On prend une ample respiration et on se laisse porter par la vague d’imagination de Philip K. Dick. Il faut lâcher prise… et si vous y réussissez, vous allez vous régaler. Et vous prendre un véritable parpaing littéraire tellement c’est fou.

… et lire à travers les lignes pour comprendre le tableau d’ensemble

J’ai déjà lu pas mal de classiques de sf qui forcent le lecteur à accepter des postulats fous : Neuromancien (que j’ai trouvé illisible et qui a inspiré Matrix notamment), du Dan Simmons avec Hypérion

Mais avec Philip K. Dick il faut encore plus lâcher prise. Accepter le fait que l’on ne comprend rien, mais que peu à peu, ça va venir. Ou pas. Car comme toujours avec cet auteur, on ne sait jamais vraiment ce qui relève du vrai ou du songe…

Impossible d’en dire plus à ce stade, car Ubik est difficile à résumer. Mais il est question d’une bataille d’entreprises recrutant des psis (des hommes et des femmes aux pouvoirs hors du commun), de jeu de pouvoirs, de la vie après la mort…

Et puis, ce titre : Ubik. Que signifie-t-il ? Pourquoi un nom aussi bizarre ? Pourquoi est-ce si important d’en avoir ? Vous en saurez plus, mais il vous faudra être patient.e.s car la réponse n’est pas pour tout de suite.

Ainsi, malgré quelques exigences en début d’histoire, Ubik se lit étonnamment bien. Très bien même. Si vous n’avez jamais lu de livre de cet auteur avant, je vous conseille toutefois de découvrir son œuvre par le biais de ses nouvelles (la plupart sont chez FolioSF et J’ai Lu), qui sont incroyablement percutantes.

Si vous souhaitez absolument découvrir Philip K. Dick par le biais de ses romans, Ubik sera parfait !

EDITEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique jeunesse : Les Willoughby

L’histoire d’une famille terrible dont tous les membres se détestent mutuellement : les parents tentent désespérément de se débarrasser de leurs enfants… et vice versa !  

Lois Lowry est une autrice américaine de génie. Elle a écriré quantité d’ouvrage pour la jeunesse qui sont aujourd’hui des classiques incontournables : Le passeur (extraordinaire !) est l’un d’eux. Mais elle a également écrit Compte les étoiles, la série des Anastasia Krupnik ou encore Passeuse de rêve pour ne citer qu’eux. La majorité de ses écrits est publié en France par l’école des Loisirs.

Avec Les Willoughby, elle signe un roman génial, drôle et digne de l’esprit de Roald Dahl !

En plus, une adaptation du roman est parue il y a peu sur Netflix, l’ouvrage date de 2010, mais il est toujours dans l’actualité.

Comment se débarrasser de sa famille, mode d’emploi 

La famille Willoughby peut sembler normal en apparence… enfin, de loin. Car a peine s’approche-t-on un peu que la vérité éclate : personne n’aime personne dans cette famille. Les parents sont ligués contre les enfants et les enfants font de même contre les parents.

Empli du charme désuet des anciennes histoires pour enfants, Les Willoughby réussit à respecter la plupart des traditions d’un roman jeunesse tout en les décapant !

Une pépite parmi les pépites…

Je dois l’admettre, je n’ai pas été immédiatement emballée par ma lecture. Je trouvais le ton un peu à côté, l’humour quelque peu forcé… Mais au bout d’une trentaine de pages, la magie fonctionne pour ne plus nous lâcher.

Si vous (ou vos enfants) aimez les romans de Roald Dahl, foncez ! Les Willoughby est un véritable concentré de ce qui se fait de mieux en roman jeunesse humoristique. C’est tout simplement un régal du début à la fin !

Et surtout, l’art de la narration de Lois Lowry est extraordinaire. Digne des livres d’autrefois avec son lot d’enfants orphelins et d’aventure. L’auteure nous en donne d’ailleurs une chouette liste en fin d’ouvrage en citant Mary Poppins de P.L. Travers, Heidi de Johanna Spyri ou encore James et la grosse pêche de Roald Dahl !

Il faut avouer que l’on a du mal à voir comment elle va pouvoir créer un lien entre un homme qui a fait fortune dans la confiserie, une nounou spécialisée en sculptures antiques et la pire famille du monde. C’est là que réside le génie de Lois Lowry… Elle réussit à tisser une toile ultra cohérente qui rend l’histoire logique et géniale.

Il ne vous reste plus qu’à lire ce roman extraordinaire à tous points de vue ! Que l’on soit âgé de 10 ans ou bien plus, je suis persuadée que c’est le genre d’œuvre qui transcende son lectorat de base. Alors, venez découvrir la terrible/géniale famille Willoughby.  

Une image de l’adaptation des Willoughby faite par Netflix.

Chronique : Le Royaume de Pierre d’Angle – Tome 1 – L’art du naufrage

Un extraordinaire roman de fantasy francophone ambitieux, merveilleux et captivant ! Attention, lecture addictive…

Paru dans la collection dédiée à l’imaginaire du Rouergue nommée Epik, Le royaume de Pierre d’Angle est la nouvelle série YA – mais pas seulement – à suivre.

Écrite par l’autrice québécoise Pascale Quiviger, la saga a débuté en avril 2019. Elle comportera quatre tomes au total.

In ne s’agit du premier roman de cette autrice qui en a plusieurs à son actif, mais ceux-ci étaient avant tout destinés à un lectorat adulte.

Un début de saga qui sort des sentiers battus…

Après plus de deux ans à naviguer sur des flots étrangers, le prince Thibault est sur la route du retour. Il est attendu par le roi, son père, car destiné à prendre la relève. Très populaire également auprès de son peuple, son retour sera une véritable fête pour tous…

Mais le voyage pour rentrer n’en est à peine à la moitié et les embûches vont être encore nombreuses. Obligations royales pour ne vexer aucun monarque au risque de déclencher un incident diplomatique ; dangers inhérents à la navigation ; rencontres inattendues parfois dangereuses, parfois merveilleuses… Préparez-vous à découvrir un univers et une intrigue extraordinaire !

Une histoire riche, puissante et sombre…

L’art du naufrage, quel magnifique titre pour un roman, d’autant plus qu’il est parfaitement trouvé ! Chose assez surprenante, quasiment la moitié du livre se déroule sur le bateau princier. Et si vous craignez de vous ennuyer avec ces plus de 250 pages en huis-clos, détrompez-vous. L’histoire à bord est étoffée de tant de péripéties et surprises qu’à aucun moment vous ne serez lassé.

D’autant que les personnages sont d’une densité étonnante. On tombe très rapidement sous leur charme, ils ont tous un petit quelque chose qui les rend uniques, attachants. Et ce n’est pas nécessairement le parfait et bon Prince Thibaut qui emporte mon cœur personnellement…

Outre la moitié de l’intrigue se déroulant sur les flots et parsemé de quelques haltes en terre ferme, le retour au Royaume de Pierre d’Angle signe le début d’une course effrénée. A partir du moment où l’équipage pose le pied sur le terre, il n’y a plus aucun temps mort. Et cela pour notre plus grand plaisir !

Mais ce qui frappe dans ce premier tome, c’est que l’autrice n’hésite pas à faire souffrir son lecteur. Certaines scènes sont difficiles (une amputation sur plusieurs pages, il fallait oser !), d’autres fois il ne s’agit que de légendes, mais on n’a guère envie de vérifier leur véracité…

C’est ce mélange étrange entre aventure lumineuse et noirceur dangereuse qui m’a plu. L’association peu paraître antinomique, pourtant c’est l’effet que donne cette lecture. Tout à la fois sombre et merveilleuse par de très nombreux aspects…

Et pour celles et ceux qui aiment la fantasy, l’aventure et la romance, c’est le roman parfait. Entre intrigues de cour, diplomatie, légendes, dangers et jeux de pouvoirs…

C’est une très belle introduction à un univers riche qui sait se démarquer de la majorité des ouvrages du même genre.

Alors ne boudez pas votre plaisir en découvrant ce premier tome d’une série de quatre. Trois sont déjà sortis, et je gage qu’ils sont tout aussi merveilleux (en tout cas le bouche à oreille entre libraires le dit !).

Chronique Jeunesse : SOS Créatures fantastiques – Tome 1 – Le secret des petits griffons

Le premier tome d’une série alliant humour, aventure et fantastique par l’une des autrices des Royaumes de Feu et de La Guerre des Clans, rien que ça !

Pour ceux et celles qui aiment les animaux, qui se rêvent déjà vétérinaires mais qui aiment aussi l’imaginaire, voici SOS Créatures Fantastiques. Le parfait compromis entre magie et animaux est réunit ici pour les jeunes lecteurs dès l’âge de 10 ans environ, voir 9 pour ceux qui sont déjà bien accros à la lecture.

Pour ceux qui ne connaissent pas Tui T. Sutherland, sachez qu’il s’agit de l’autrice de la saga à succès Les Royaumes de Feu (qui comprend déjà dix tomes, et c’est n’est pas terminé…). Elle est également la co-autrice de La Guerre des Clans, l’un des plus gros succès de la littérature jeunesse qui dure depuis plus de 15 ans avec plus d’une trentaine de tomes parus. Le nom de l’auteur de La Guerre des Clans est Erin Hunter, me direz-vous, mais il s’agit d’un pseudonyme qui réunit en réalité deux écrivains, dont Tui T. Sutherland.

La saga SOS Créatures Fantastique est quant à elle écrite par Tui T. Sutherland et sa sœur, Kari.

Un nouveau monde s’ouvre à nous…

Vous pensiez que toutes ces légendes et ces mythes sur les sirènes, les dragons ou les vodianoï n’étaient que des histoires ? Des récits distrayants pour faire un peu rêver les enfants ?

Et si au contraire ces histoires étaient réelles ? C’est l’incroyable découverte que va faire le jeune Logan. En la personne d’un petit griffon tout mignon caché sous son lit, Logan va découvrir qu’un monde entier et méconnu s’ouvre à lui… Ce griffon est le membre d’une portée nombreuse, et il va falloir tous les retrouver. Si l’un des griffons tombe entre de mauvaises mains, c’est l’avenir de la Ménagerie qui risque de basculer…

Qu’est-ce donc que cette ménagerie ? C’est l’espace protégé où vivent des centaines de créatures fantastiques bien sûr !

De l’aventure, de bonnes idées, et des légendes remises au goût du jour

Ce premier tome d’une nouvelle série est une vraie réussite. Tout y est très cadré, classique certes, mais c’est si bien amené que l’on tombe sous le charme en peu de pages.

Ces petits griffons sont certes attendrissants, mais c’est surtout toutes les autres créatures de la Ménagerie qui sont fascinantes. Et chose plaisante, on y découvre certaines créatures beaucoup moins connues que les dragons ou les sirènes…

L’alchimie fonctionne à merveille entre le jeune Logan et ses nouveaux mystérieux amis en charge de la Ménagerie. Le ton usité est très souvent celui de l’humour mais l’aventure n’est jamais bien loin…

Dans un certain sens, cette série m’a fait penser à une autre que j’adore : Pip Bartlett. C’est une série en deux tomes qui raconte la vie d’une jeune fille qui a le pouvoir de parler aux créatures fantastiques. Au choix, j’avoue préférer Pip Bartlett par rapport à SOS Créatures Fantastiques pour la simple raison que la série est plus originale, le ton plus vif et un peu irrévérencieux.

Car c’est à la fois une qualité et un défaut que d’avoir un texte très cadré, très « scolaire ». Il n’y a guère de surprises, et même si les personnages sont très attachants et l’histoire plaisante.

Ce roman a donc les qualités de ses défauts : plaisant, drôle, mignon, mais ultra classique, sans rien qui dépasse… Mais cela ne m’a à aucun moment empêchée de passer un excellent moment de lecture ! Ce sera donc la lecture parfaite pour les jeunes lecteurs de 9/10 ans, car il y a tout pour leur plaire.

Chronique : Kaleb la trilogie

Une histoire dont le héros est vraiment mauvais, c’est possible ?

Kaleb est une trilogie écrite par l’autrice Ingrid Desjours. Mais à la parution du premier tome en 2012, nous ne savions pas que c’était elle. Sous le pseudonyme de Myra Eljundir, elle a écrit sa série, avant de révéler quelque temps plus tard qui se cachait derrière cet étrange nom.

Ingrid Desjours est avant tout connue pour ses nombreux polars : Tout pour plaire, Sa vie dans les yeux d’une poupée. Assez trash, brutaux et malsains. Avec Kaleb, elle signe donc la suite logique de son œuvre mais à destination des ados cette fois-ci !

Un antihéros séduisant sur le papier

Kaleb est un adolescent qui a toujours été charismatique, beau, séduisant, persuasif… Mais depuis quelque temps, il sent qu’il peut manipuler les gens qu’il croise à sa guise. Les convaincre très facilement, leur faire faire ce qu’il désire…

Le jeune homme l’ignore encore, mais il n’est pas comme tout le monde. Et ses étranges capacités vont aller crescendo, bousculant sa vie, sa famille, son avenir. Et quand Kaleb découvre peu à peu l’étendue de ses pouvoirs de persuasion, il va bien évidement être tenter d’en profiter, quitte à basculer du mauvais côté.

Mais qui a peiné à me séduire dans la durée d’une trilogie

La promesse de la saga Kaleb est simple : Un antihéros mauvais au possible, aux pêchés innommables qui peu à peu devient de moins en moins récupérable.

La Collection R a même mis une phrase d’accroche à chacun des tomes pour accrocher encore plus le lecteur potentiel avec cette promesse : « C’est si bon d’être mauvais » pour le premier ou encore « Tout est bien qui finit mal » pour le troisième opus.

Mais pour moi, cette invitation à découvrir un personnage malsain et déviant n’est pas là… Après avoir lu les trois tomes, c’est au final le tout premier qui m’a paru le plus sympathique.

Malgré quelques gros stéréotypes qui font un peu mal – un militaire forcément brutal et ostensiblement méchant, une jeune femme douce et fragile qui appelle à ce qu’on la détruise – c’était assez original.

Cependant, Kaleb a beau être un électron libre dangereux et égoïste, il n’est pas mauvais pour moi. Dans les jeux de rôle, il serait qualifié de chaotique neutre, rien de plus. C’est surtout cela qui m’a déçue.

J’ai déjà lu des romans vraiment sombres, où les personnages emblématiques de l’ouvrage sont réellement mauvais ou malsains (L’enfant nucléaire en reste le parfait exemple), et ici ce n’est pas le cas. Et cela d’autant plus qu’on sait assez vite qui va dans quel camp… et qu’il n’y a guère de revirements.

Ainsi, malgré un premier tome bien construit, la suite de la trilogie Kaleb est beaucoup plus classique. J’ai cependant beaucoup aimé la lecture du Livre du Volcan qui parsème l’intégralité du troisième tome. Ce chevauchement entre les époques et la genèse de l’univers de Myra Eljundir était bien trouvé, et bien fait. C’est dommage que toutes ces bonnes idées aient été concentrées dans le dernier tome… car on entrait de plain-pied dans une intrigue plus fouillée, plus dense.

D’autant que de mon point de vue, le final n’est pas à la hauteur de développement. Il est même très capillotracté… Je n’ai pas du tout réussi à être transportée par la conclusion, si pleine d’enjeux en théorie. Mais surtout, c’est beaucoup trop manichéen ! Il y a des tentatives de sortir du tout noir ou du tout blanc, mais elles sont assez fades.

C’est donc avec déception que je ressors de la lecture de la trilogie Kaleb. J’en avais entendu beaucoup de bien, mais j’en retire peu de choses positives… Une écriture qui se veut incisive et crue, mais qui au final donne un rendu peu convainquant. Des personnages cousus de fil blanc ou pas assez travaillés pour qu’on s’en imprègne…

Dommage car j’aime en général ce que concocte la Collection R, qui se loupe rarement à mes yeux.  

Chronique : Le jour de la gratitude au travail

Un court recueil assemblant deux nouvelles nous venant tout droit du Japon et de son monde du travail si particulier !

Petit ouvrage paru aux éditions Picquier, Le jour de la gratitude au travail est sorti en 2004. Il est singulier mais fort plaisant de bien des manières.

Le Japon à travers le prisme du travail

Deux nouvelles pour découvrir le Japon autrement avec Le jour de la gratitude au travail et J’attendrai au larges. Deux histoires aux personnages totalement différents mais à la plume touchante…

Le jour de la gratitude au travail :

On y fait la rencontre d’une jeune femme dont la voisine a jugé bon de lui organiser un rendez-vous galant. Mais rien ne va se passer comme prévu car la jeune narratrice est au chômage et son « prétendant » est absolument fan de son entreprise et de son travail… Peu à peu le mépris s’installe entre les deux.

Il faut dire que ça commençait très mal : la première question de l’homme concernant les mensurations de la jeune femme. Qui commence un rendez-vous arrangé avec une question pareille ?

A la fois drôle et triste, cette nouvelle nous montre à quel point la société nippone élève le travail au-dessus de tout. Et cette jeune femme est totalement dissidente par rapport aux mœurs habituelles. Elle ne projette pas en effet de s’accomplir dans un quelconque travail. Ce qu’elle veut avant tout, c’est profiter de la vie, de ses petits plaisirs…

Elle passe pour une dangereuse rebelle comparé à cet homme fou amoureux de son travail… mais qui est le plus fou des deux ?

J’ai aimé cette histoire entre deux teintes, pleine de poésie malgré le ton cru de l’homme que l’on juge rapidement détestable. Cette jeune femme était intéressante, tout comme sa façon de voir la vie… la nouvelle en était presque trop courte !

« J’ai repris un yuwari. Je me suis dit : « Ah, il fait nuit. » Au loin, il y a un chien qui a oublié de dormir et qui baîlle, des lampes qui s’éteignent, un livre qu’on ferme, un chauffe-eau qui ronfle sourdement. Je viens dans ce bar acheter de la nuit. Un long verre de nuit, noire et silencieuse. »

PS : C’est aussi dans cette nouvelle que l’on découvre ce qu’est une Antarctica 2, au terme d’une répartie mentale cinglante.

J’attendrai au large :

Cette autre nouvelle nous conte l’histoire d’amitié atypique de deux collègues. Ils se sont fait une étrange promesse : le premier des deux qui meurt doit détruire le contenu du disque dur de l’autre à son domicile. Pour se faire, ils s’échangent leurs clés… Et l’un des deux va décéder fort brutalement, c’est ainsi que l’autre doit jouer les monte-en-l’air pour entre discrètement et détruire le disque dur… Mais pourquoi cela ?

Comme souvent avec les auteurs japonais, il y a cette touche de folie ou d’étrangeté qui nous assaille là où l’on s’y attend le moins. Cette nouvelle à l’histoire étrange en est le parfait exemple. Je l’ai tout autant aimé que la première, bien que ce soit pour des raisons différentes…

A l’image de la précédente histoire, c’est tout en poésie et subtilité.

Ainsi ce court ouvrage est aussi intéressant que plaisant ! S’il vous prend l’envie de découvrir quelque peu la littérature japonaise au travers de ses nouvelles, c’est le livre idéal.

Chronique : Chaleur

Un roman qui s’inspire directement du dernier championnat du monde de sauna, en Finlande !

Vous aimez les pays du nord de l’Europe et leurs excentricités ? Chaleur de Joseph Incardona est le roman parfait à découvrir. Inspiré d’un fait réel (j’ai vérifié) qui a eu lieu en 2010 en Finlande, le pays de Children of Bodom et des aurores boréales.

Joseph Incardona est l’auteur de nombreux romans dont : La soustraction des possibles (Finitude), Une saison en enfance (Pocket) ou encore Derrière les panneaux il y a des hommes (Pocket).

Chaleur est paru initialement aux éditions Finitude avant de sortir chez Pocket.

La Finlande : ses groupes de heavy-métal, ses forêts, et son championnat de sauna !

Cela peut paraître improbable voir fantaisiste, mais les compétitions mondiales de sauna ont vraiment existé. Elles n’ont plus court depuis maintenant dix ans pour des raisons que vous découvrirez en lisant Chaleur.

Quoi qu’il en soit, ces compétitions requéraient un haut niveau de préparation et s’avéraient même dangereuses pour qui les prenait à la légère. Mais Chaleur, c’est avant tout l’histoire de deux compétiteurs qui vont aller au bout de leur volonté.

Un roman atypique et génial

Une écriture vivante, parfois très crue mais toujours amusante, Chaleur est un roman qui m’a beaucoup plu.

Quand j’ai commencé à lire Chaleur, j’ai cru que cette histoire de mondial du sauna était une création (géniale) de Joseph Incardona, mais tout ce qu’il a écrit est vraiment arrivé. Je ne vous raconte rien de plus quant aux faits ayant eu lieu il y a dix ans, sous peine de trop en dire. Je me suis d’ailleurs divulgaché une partie de l’intrigue en voulant vérifier si l’histoire était réelle.

Les deux vrais compétiteurs aux championnats mondiaux de sauna, en Finlande, qui ont inspiré directement Jospeh Incardona.

Le mieux est encore de lire Chaleur et ensuite de vous renseigner sur cette fameuse compétition. Quoi qu’il en soit, ça devait être génial de participer à un tel événement ! Que ce soit en termes d’ambiance et d’atmosphère, les mondiaux du sauna semblent refléter la Finlande telle que je la vois. Un peu folle, totalement festive et unique en son genre.

Mais plus qu’une facette inattendue d’un pays, Chaleur nous offre le portait de deux hommes prêts à tout pour remporter cette compétition. Ils sont diamétralement opposés.

L’un a un succès fou et en profite largement avec de nombreuses groupies. Son succès est autant dû à son ancienne carrière dans la pornographie qu’à ses nombreuses victoires.  

L’autre s’astreint à un mode de vie ascétique où le moindre écart serait un désastre… Il est un ex-militaire et ça se voit. Qui gagnera ? L’ancienne star du porno ou le militaire russe ?

Certes la réponse importe, mais pas autant que la tension qui monte entre les deux concurrent et l’atmosphère qui se condense peu à peu autour d’eux.

Plus qu’une histoire vraie romancée, Chaleur est le portrait d’une Finlande que l’on brûle de connaître. C’est également un portrait intimiste de personnages hauts en couleurs et touchants à leur manière. Aussi atypique que très prenant !

Je vous propose une autre façon de découvrir la Finlande avec le merveilleux groupe de métal Children of Bodom (qui tire son nom d’un terrible fait divers…).

Chronique Jeunesse : De l’autre côté du pont

Un roman jeunesse qui nous vient d’Inde pour découvrir le quotidien difficile de certains enfants et leur combativité pour s’en sortir. Un ouvrage issu de la collecte de nombreux témoignages d’enfants par l’autrice.

Padma Venkatraman est une écrivaine indienne, De l’autre côté du pont est son premier roman paru en France. L’ouvrage est paru en 2020 à l’école des Loisirs, et la magnifique couverture est réalisée par Jennifer Bricking. Quant à la traduction française, elle est assurée par Amandine Chambaron-Maillard.

Une fuite en avant pour éviter les coups

Viji et sa petite sœur Rukku vivent en Inde, dans un petit appartement avec leurs deux parents. Problème, leur père est une personne très violente, tout particulièrement sur leur mère. Cette dernière le laisse revenir à chaque fois et se laisse avoir par son charme… et les coups pleuvent à nouveau quelque temps plus tard.

C’est ainsi que Viji vit dans la peur que la violence de leur père ne s’abatte bientôt sur elles et décide donc de prendre les devants. Elle fait une valise pour elle et sa petite sœur Rukku et fuient le domicile familial. Et leur village de toujours.

Voici donc les deux jeunes filles à la merci du destin et de ses dangers… Viji devra être prudente et s’adresser aux bonnes personnes pour survivre. En effet, beaucoup de personnes malintentionnées sont attirées par la solitude des deux fillettes…

Un récit prenant et original qui nous ancre dans une réalité méconnue

Rares sont les romans jeunesse à nous faire plonger dans une histoire contemporaine réaliste sans fard. En effet, De l’autre côté du pont conte et raconte, mais il dénonce également.

Il dénonce le travail des enfants qui font office de chiffonniers pour à peine pouvoir se payer à manger. Il parle des nombreux enfants enlevés pour être réduits en esclavage moderne dans des usines. Il parle d’adultes prêts à tout pour capturer des enfants pour des buts certainement encore moins avouables… L’histoire ne le dit pas explicitement, mais avec un œil adulte on comprend malheureusement de quoi il retourne.

J’ai beaucoup aimé cette histoire, notamment pour deux choses importantes à mes yeux : la belle amitié entre les quatre enfants de ce roman. Une amitié si forte qu’elle les transforme en frères et sœurs de sang quand l’adversité voudra les séparer.

Le second socle du roman, c’est le personnage emblématique de Rukku, la petite sœur que Viji veut protéger quel qu’en soit le prix. Car ce n’est jamais dit explicitement, mais Rukku a un handicap. On ne sait pas lequel, mais ce n’est pas le plus important. Ce qui l’est en revanche, c’est la transformation de la petite fille face à ses nouvelles amitiés. Le gommage de son handicap face un tout nouveau quotidien fait d’aventures, de dangers et de colliers de perles à vendre.

Et chose vraiment intéressante, l’autrice s’est servi de très nombreux témoignages et récits d’enfants pour son roman. Rien n’a été déformé, tout lui a été inspiré directement de leurs vies, c’est à la fois bluffant et terrible.

Je ne sais pas si ce livre fera date dans le monde de l’édition jeunesse, mais il a éveillé quelque chose en moi. J’ai eu envie de découvrir plus amplement la littérature jeunesse indienne (peu fournie chez nous, mais à creuser). Et si elle est ancrée dans l’actualité, même difficile, c’est encore mieux.

Ainsi, De l’autre côté du pont est un beau (parfois terrible) roman à découvrir dès l’âge de 12 ans environ.

Chronique : Sang Chaud

Un roman noir qui nous vient tout droit de Corée du Sud… préparez-vous à découvrir la pègre de Busan… ainsi que leur sens de l’honneur !

Si vous ne connaissez pas la littérature coréenne mais que les polars vous plaisent, Sang Chaud pourrait bien être votre prochaine lecture.

Paru dans la toute jeune maison d’édition Matin Calme, l’ouvrage est sorti en librairie en début d’année 2020. Les éditions Matin Calme sont spécialisées dans le polar coréen, cela peut paraître réducteur pour qui ne connaît pas bien la Corée et sa littérature. Mais en réalité, la Corée du Sud est un pays à l’œuvre culturelle qui mérite d’être découverte (littérature et cinéma notamment). Pour en savoir plus, je vous conseille de découvrir l’article dédié à la littérature coréenne que j’ai rédigé ici.

En ce qui concerne Kim Un-Su, il ne s’agit pas de son premier ouvrage en France. Deux autres de ses ouvrages sont déjà parus : Les planificateurs (L’aube/Points) et Le Placard (Ginkgo).

Busan, son bord de mer, ses petits restaurants, ses réseaux illégaux…

Ville balnéaire très prisée en Corée du Sud, Busan est aussi dense que fascinante. Mais derrière la jolie vitrine et les plaisirs de la plage se cachent un monde tentaculaire… celui de sa pègre. C’est d’ailleurs l’un des meilleurs hommes de main de la ville que l’on couvre : Huisu. Il a la quarantaine, n’a rien construit dans la vie, sinon en aidant son boss à développer son empire.

La prison, les coups, les jeux de pouvoirs, les menaces… Huisu à tout vu.

Mais le quarantenaire en a marre des petits délits, des traquenards, des arrangements monnayés avec une police corrompue… Huisu est passé à côté de sa vie, car après plus de vingt ans de bons et loyaux services, il n’a rien. Il vit dans une chambre miteuse, boit et fume beaucoup trop et n’a aucune perspective d’avenir… Si ce n’est de devenir trop vieux pour ce boulot. Car qui héritera de l’entreprise florissante et illégale du boss à la fin ? Pas lui, qui n’est qu’un homme de main, tout sera pour le fils héritier de la maison. Alors, à quoi bon tout ça ?

Un roman qui monte en puissance pour qui sait attendre

Pour ceux et celles qui aiment les polars rapides, incisifs, percutants, Sang Chaud n’est pas de ceux là au premier abord. Il vous faudra apprivoiser son univers et ses très nombreux personnages pour en savourer tous les méandres. Et cela prend du temps, plus de cent pages personnellement.

J’ai trouvé l’immersion dans la pègre de Busan difficile car j’ai eu beaucoup de mal à assimiler les nombreux personnages. En effet, ils sont tous coréens, donc leurs prénoms également, et au début il est difficile de cerner qui est qui. Mais peu à peu, on se familiarise avec chacun d’entre eux (l’univers du roman est presque exclusivement masculin) et on fini par les apprécier. Ou les détester viscéralement pour certains d’entre eux.

Une fois cette étape franchie, ce n’est que du plaisir. Plaisir de découvrir une intrigue aux personnages extrêmement denses, vivants, crédibles. Plaisir à se rendre compte qu’on l’aime bien, ce Huisu qui semble totalement en roue libre. Plaisir à s’immerger dans un univers que l’on méconnaît totalement mais que l’on aime explorer…

« Il n’existe aucun lien entre l’argent, la culture et le statut. L’argent c’est l’argent, c’est tout. »

J’ai adoré découvrir cette pègre que le commun des mortels ne connaît pas mais qui prolifère grâce à toutes sortes de trafics à Busan. Certaines de leurs machinations font sourire tant elles sont minimes, d’autres plus graves, font froid dans le dos. Mais tout cela concoure à nous faire découvrir une Corée que l’on n’imaginait même pas.

Si vous aimez les intrigues très denses, les personnages tellement travaillés qu’ils ont l’air vrais, les histoires sombres et géniales à la fois, Sang Chaud est pour vous.

Ce fut une totale découverte pour moi qui n’avait encore pas essayé les polars coréens (uniquement la littérature blanche), et j’en redemande !

Alors, certes le début est difficile, mais une fois que vous êtes dedans, impossible de lâcher l’histoire de ce bandit/héros qu’est Huisu. Quand je dis héros, il ne faut rien exagérer, mais c’est un malfrat qui a de sacrés principes, et il s’y tient. C’est pour ça que je le trouve admirable et d’un charisme fou.

Conclusion, Sang Chaud est à découvrir absolument pour quantité de raisons : intrigue folle, personnages travaillés à l’extrême… C’est un polar fouillé digne d’un Don Winslow, mais à la sauce coréenne !  

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TRANCHE d´ÂGE :