Archives de l’auteur : Laura

Chronique essai scientifique : Une nuit

Trinh Xuan Thuan est né à Hanoi au Vietnam en 1948, il est professeur d’astrophysique à l’université de Virginie. En 2004, il a découvert la plus jeune galaxie connue de l’univers : I Zwicky 18.
Il a écrit quantité d’ouvrages de vulgarisation : Mondes d’ailleurs (Flammarion), Le cosmos et le lotus (Le livre de poche), La plénitude du vide (Albin Michel), toujours naviguants entre sciences et métaphysique. De quoi inciter les lecteur.ices à se poser quantité de questions !

Une nuit pour s’initier

L’astrophysicien nous emmène jusque sur les îles d’Hawaï, en plein océan pacifique, pour une nuit d’observation unique. C’est l’un des endroits les plus prisés des astronomes pour l’observation, et les listes d’attente pour avoir le droit d’y travailler sont extrêmement longues. Réaliser des travaux d’observation là-bas est aussi prestigieux que très précieux.

C’est à l’occasion d’une de ces nuits d’observation que Trinh Xuan Thuan nous enjoint à découvrir la nuit sous toutes ses formes : en astronomie, en poésie, en littérature, en painture et autres symboliques importantes… Un voyage marquant et plaisant qui vous fera encore plus aimer les sciences…

Un voyage merveilleux

Difficile de parlai d’un essai qui mélange science et spiritualité pour moi. Je trouve qu’on ne peux pas parler de ce genre d’ouvrage comme on parle d’un roman. C’est beaucoup plus délicat car cela énormément de la sensibilité et des centres d’intérêt du lecteur.

Personnellement, les sciences exercent sur moi une fascination depuis toujours, de plus j’aime tout ce qui a trait à la sémiologie, aux symboles, aux cultures anciennes. Alors, cet ouvrage fut pour moi un régal. Autant j’adore lire des ouvrages de vulgarisation 100% scientifique, autant l’entrée en matière de l’auteur diffère ici de ce dont j’ai l’habitude.
Il va aussi bien parler de son métier que des légendes liées au lieu (Hawai) et des différentes perceptions qu’on peux avoir de la nuit. Quelque chose de secret, de caché, de beau, de sublime…

Ce mélange entre sciences pures et réflexions existentielles m’a plu, même si je ne pensais pas lire ça au premier abord. Une chose est certaine, on apprend énormément de choses et j’ai même failli manquer d’onglets tant j’avais envie de prendre des notes ! Il n’y a pas une page ou presque qui ne soit pas intéressante ou que j’avais envie de marquer pour relire le passage plus tard.

Sujets mentionnés et passionnants que j’ai recensé (liste non exhaustive) :

  • Les coquilles des nautiles peuvent servir de calendrier car elles sontliées aux cycles lunaires.
  • Depuis sa naissance, le Soleil, avec son cortège de planètes, a accompli 20 fois le tour de la Voie Lactée, mettant 220 millions d’années pour accomplir sa révolution autour de notre galaxie.
  • De tous les silences nocturnes, le silence du déser est le plus imposant de tous pour l’auteur (j’aimerais en faire l’expérience un jour).
  • La Terre et les êtres qui y vivent sont une accumulation d’heureux hasards d’une précsion incroyable (ou autre chose ?)

Ceci n’est qu’un minuscule listage de tout ce qui m’a intriguée et passionnée dans l’ouvrage, m’obligeant à creuser certains sujets ailleurs. Et c’est justement cela que j’adore dans les essais scientifiques, il nous mènent d’un sujet à un autre, puis un autre, puis un autre… Et on en voit jamais la fin ! Et c’est génial de savoir que tout n’a pas été exploré, que tant de choses restent encore à découvrir. Chaque ouvrage est une nouvelle entrée en matière qui nous aide à approfondir une parcelle microscopique d’un sujet, puis d’élargir peu à peu ses connaissances et ses centres d’intérêt.

Cet ouvrage pourra donc plaire aussi bien aux passionnés d’astronomie et d’observation qu’à ceux qui se posent des questions plus floues sur notre existence. Ce livre ne vous donne pas de réponses, mais offre des pistes de réflexion intéressantes. A vous ensuite de creuser les sujets qui vous semblent pertinents afin de vous faire votre propre avis ! Passionnant.

Chronique roman historique : La sorcière de Limbricht

Susan Smit est une autrice et journaliste néerlandaise. Elle est passionnée par l’histoire de la sorcellerie, sur laquelle elle a fait de très nombreuses recherches. Sa vision des choses est simple : la sorcellerie est pour elle une pratique spirituelle et une religion de la nature. Mais à l’époque, les choses n’étaient pas vu de cet oeil…

La sorcière de Limbricht est son premier roman traduit en français, et c’est un best-seller aux Pays-Bas. Elle est publiée en France par Charleston, dans leur label dédié aux littératures étrangères or anglo-saxons (vous pouvez les différencier grêce à la bordure qui entoure les couvertures).

Une femme libre est une femme dangereuse…

Voilà en une phrase le maître-mot de l’époque. Une femme, même veuve, ne doit pas le rester bien longtemps. Ce n’est pas normal qu’une femme puisse subvenir seule à ses besoins, de même qu’il est anormal qu’elle s’épanouisse dans sa solitude. Alors, si les hommes ne peuvent la soumettre par le mariage ou la menace, il reste la traditionnelle accusation de sorcellerie.

C’est ce que va subir Entgen Luijten : accusée d’acointances avec le malin par ses voisins et autres jaloux. Ses bêtes ne tombent pas malades alors que celles du voisinages sont toutes mortes. Son potager donne merveilleusement bien quand celui des autres fait grise mine. Elle aide les futures maman à soulager leurs douleurs et autres soucis d’ordre féminin…
Pire, quand quelque chose ne lui plaît pas ou qu’elle a la sensastion qu’on essaie de l’avoir, elle le clame haut et fort. Clairement, Entgen est une femme libre, donc dangereuse. C’est ainsi que le couperet tombe et qu’elle se voit accusée de sorcellerie.

De cette accusation, elle va tenter de se dépêtrer, mais ses alliés sont rares face à l’Eglise toute puissante…

Un roman magnifique et révoltant

Ce texte a été pour moi une révélation inattendue et un énorme coup de coeur. J’ai été fascinée de découvrir le parcours de cette femme indépendante et courageuse qui a osé se dresser contre le naturel possessif et inquisiteur des hommes. Pour moi, elle incarne l’image même de la liberté sauvage. A la fois libre, sage, réfléchie et au tempérament vif quand les circonstances l’exigent.

Ce roman, c’est l’histoire de sa vie, en particulier toute la période concernant son emprisonnement en attendant que soit statué son sort. Mais, nous découvrons peu à peu des brives de sa vie, des moments importants, qui peu à peu ont ammené certains à penser qu’elle était sorcière… Le mécanisme est aussi insidieux qu’implacable, et s’en dépêtrer semble impossible.

Outre le fait que cette biographie romancée soit passionnante, c’est également tout un pan de l’histoire de la sorcellerie qui est ici donné à voir. Les croyances, les détails insignifiants qui corroborent un lien avec le Diable et autres éléments de « preuve » qui jouent contre toutes les femmes libres et pas seulement Entgen Luijten.

C’est d’ailleurs grâce à ce roman qui j’ai appris que la chasse aux sorcière n’était en fait pas un élément typique du Moyen-Âge, mais bien un élément postérieur à cette période. En effet, la grande période des chasses aux sorcières étaient surtout au XVIème et XVIIème siècle, soit en pleine Renaissance.

Même chose incroyable, connaissez-vous le béguinage ? Cela consistait à ce que des femmes vivent ensemble, dans une même communauté, sans aucun homme, et pas forcément par un biais religieux. Des femmes libres en somme. Le béguinage a bien sûr été ensuite interdit… par l’Eglise.

De même, ce roman est une parfaite occasion de découvrir les vieilles croyances liées à la sorcellerie et à sa pratique. Ainsi, ne mangez pas de pomme verte à la Toussaint sous peine de passer pour une sorcière… ou faite le très discrètement…

Ce roman est pour moi bien plus qu’une histoire vraie féministe, c’est un véritable document qui nous donne à voir l’Histoire et ses mœurs. Susan Smit a fait un magnifique travail de recherche sur ce qu’était l’époque, ses croyances et ses dangers. C’est l’ouvrage parfait pour creuser ensuite plus loin et découvrir l’Histoire, que ce soit celle des petites gens ou de l’Inquisition. D’ailleurs, cette lecture donne envie de se plonger dans une autre, pour mieux comprendre l’époque : Le marteau des Sorcière, le livre de référence de tout bon inquisiteur. Il sert de références aux nombreux hommes de foi qui soumettent Entgen Luijten à la question… passionnant !

Chronique littérature étrangère : Nos tendres cruautés

Qui n’a jamais lu Anne Tyler ne peux pas se rendre compte au premier abord du talent de cet autrice, très difficile à décrire selon moi. Dans la plupart de ses ouvrages, il ne se passe rien ou presque. Des petites scènes d’une vie familiale ou solitaire. Des instants de bonheur dans une ville lambda des Etats-Unis. Mais s’il ne s’y passe rien, est-ce bien intéressant ? Oui, mille fois oui ! Mais pour cela il va falloir découvrir son oeuvre, sa patte, ses scènes à la fois mélancoliques et d’une normalité qui les rend magiques, immortelles.

Le seul roman qui détonne quelque peu dans son œuvre, c’est Vinegar Girl, une magnifique réécriture de La mégère apprivoisée de Shakespeare. Ce roman est un bijou au message sublime et mémorable. Elle a par ailleurs reçu le Prix Pulitzer pour son roman Leçons de conduite (10/18).

Nos tendres cruautés est quant à lui paru en avril 2022 sur les tables des librairies, et c’est encore une fois une merveille…

Le temps qui passe comme personnage principal

Sur près de soixante ans, nous allons suivre les membres d’une famille américaine tout ce qu’il y a de normal. Elle va évoluer, grandir, changer au fil des décennies, et peu à peu, ses membres et leur personnalité vont nous sembler familliers. Certains vont vous déplaire (il y a toujours un vilain petit canard dans une famille), d’autres saurons vous toucher ou vous paraître trop distants… Mais ils ne vous laisserons pas de marbre, c’est certains.

La vie familliale et ses piques

Quel joli titre que celui-ci : Nos tendres cruautés. Il retranscrit à la perfection l’amour d’une famille, mais aussi ses petites remarques déplacées ou désagrables que l’on ne manque pas d’entendre aux repas de famille. Le titre original est d’ailleurs bien différent : French braid (littéralement natte française).
Chaque chapitre nous fait faire un bon dans le temps au sein de cette famille de Baltimore absolument touchante de normalité. Chaque scène semble être une photo prise sur le vif dans l’instant, comme pour nous rester le plus possible en mémoire. Et pour certaines d’entre elles, c’est effectivement le cas. Certains personnages et/ou moment restent gravés littéralement. Je pense notamment à ce trajet pour New-York qu’une petite fille et sa grand-mère vont faire, ou encore à ce repas de famille étrange où il y a une personne surprise en plus… Ou ces moments égoïstes que Mercy s’octroie, elle qui n’en peux plus de la vie de couple et qui voit dans la peinture une façon de la fuir.

Chaque personnage saura vous toucher à sa façon, et je crois que les auteurs comme Anne Tyler sont rares. Elle a le pouvoir de concentrer une émotion incroyable dans un moment qui semble normal, qui n’a rien d’exceptionnel… Mais en sous-titre, n’essaye-t-elle pas de nous dire de justement profiter de ces moments de normalité ? C’est ce que j’ai décidé d’y voir personnellement, mais chacun pourra s’approprier cette histoire comme il le souhaite.

C’est donc un roman magnifique, touchant, légèrement amusant par son comique de situation, et surtout réaliste que nous offre Anne Tyler. Comme La danse du temps, je l’ai trouvé profondément mélancolique et juste dans son ton, rien que pour cela, il est parfait. Si vous ne connaissez pas cette autrice Nos tendres cruautés peut ainsi être une bonne porte d’entrée, tout comme Vinegar Girl !

AUTEUR :
EDITEUR : ,
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Légendes du vieux Prague

Où comment découvrir un pays par le biais de ses légendes…

Voici un petit ouvrage passionnant que vous ne trouverez pas en France mais uniquement à Prague. Pourquoi ? Tout simplement car il est édité Tchéquie même s’il est écrit en Français. Vous pouvez le trouver dans quantité de boutiques à Prague, et cela dans quantité de langues : anglais, espagnol, italien, chinois… et français !
Ce recueil de contes et légendes qui entourent Prague et ses monument est ainsi réalisé par Magdalena Wagnerova d’après les légendes populaires. Elles nous propose parfois de découvrir plusieurs légendes différentes qui entourent un même bâtiment. Ainsi, c’est l’ouvrage idéal pour qui se passionne pour la capitale de la Tchéquie.

Une ode aux contes et légendes qui font Prague…

Vous avez toujours rêvé de voir la grande horloge astronomique de Prague, mais connaissez-vous son histoire ou la légende qui se cache derrière sa beauté ? De même, savez-vous quelle histoire se cache derrière certaines statues du Pont Charles ? Ou encore la tour poudrière de Prague ? C’est ce que l’ouvrage se propose de faire découvrir aux lecteurs curieux qui visitent la ville.

Ainsi, au détour de monuments plus ou moins connus, on en apprend beaucoup sur l’histoire et surtout les légendes qui ont participé à assoir Prague dans les plus belles et passionnantes villes du monde.

Clairement, cet ouvrage est avant-tout destiné aux touristes, ne serait-ce que par la façon dont il est construit. En effet, l’ouvrage est composé d’un plan de la ville, et le mieux est encore d’aller surplace découvrir les endroits mentionné à l’intérieur. Pour quelqu’un qui n’est jamais allé à Praque, l’ouvrage revêt immédiatement moins d’intérêt car il y a des réérences constantes à la géographie des lieux. Mais pour ceux et celles qui y sont ou qui y ont été, cette lecture les ramènera à de beaux souvenirs.

J’ai donc fait la lecture de cet ouvrage plus d’un an après avoir visité Prague, et j’ai désormais très envie d’y retourner. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’ouvrage mentionne des endroits que je n’ai pas visités, des lieux cachés, des histoires passionnantes… J’y avais été la toute première fois grâce à un ouvrage de l’américaine Laini Taylor, Fille des chimères, l’histoire m’avait tant subjuguée que j’avais fait de ce voyage un rêve à accomplir. C’est chose faite, mais si j’y retourne un jour, j’aimerais pouvoir approffondir certains lieux et passages de la vieille ville. M’y balader de nuit en me remémorant les histoires que j’ai découvertes dans cet ouvrage…

Ainsi, si vous aimez Prague et que les contes et légendes vous passionne, je vous conseille vivement l’acquisition de ce petit ouvrage quand vous serez surplace. La narration des contes est parfois un peu scolaire, mais ça reste intéressant pour ajouter un peu de magie à une ville qui en est déjà fort imprégnée…

TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Les fragiles

Un roman à l’idée détonante et originale : et si les personnes qui n’avaient plus envie de vivre en contaminaient d’autres ?

Les fragiles est un roman français paru lors de la Rentrée d’hiver 2021 aux éditions du Masque. Il nous propose une version futuriste et dérangeante de notre société.

Soyez heureux, c’est un ordre

Depuis que les Fragiles ont été repérés par notre société, ils sont devenus dangereux aux yeux de tous. Ces personnes sont tout à fait normales, comme vous et moi sauf que… les idées noires, le ressassement du malheur sont leur quotidien. Certains passent à l’acte et se libèrent de leur maux par le suicide. D’autres, des milliers, sont en balotage : ni vivants, ni morts, ils souffrent d’être en vie mais ne réussissent pas non plus à disparaître de ce monde. Mais ils font très peur à la société : il semblerait en effet que les Fragiles soient contagieux.
C’est le cas de Jérémiade (oui, c’est bien son prénom), c’est une Fragile mais elle fait au mieux pour le cacher à tout le monde. Difficile de sourire tout le temps quand on a une épée de Damoclès sur le dos, mais elle donne le change. Elle sait que si elle est repérée, elle finira dans une des centaines maisons pour Fragiles du pays… Et une fois entrée dans ce genre d’institut on en ressort jamais. Alors il faut pour Jérémiade afficher son bonheur présumé coûte que coûte.

Une idée originale mais pas suffisante pour nous transporter

J’avoue avoir trouvé l’idée de base du roman extrêmement intéressante. Rendre les idées suicidaires et la dépréssion contagieuses à l’échelle d’un pays, c’est très malin. Mais malheureusement, passée le premier tiers du roman, le texte s’enlise…

Jérémiade est un personnage extrêmement difficile à cerner et à aimer. Normal, c’est une Fragile et elle est dans un cercle de souffrance permanent. Mais je n’ai pas réussi à avoir le moindre affect pour elle ou pour ses nombreux déboires. De même, les autres personnages qui gravitent autour d’elle : ils sont soit égoistes, soit détestables, soit communs. Rien qui ne bousculera le lecteur.

C’est tellement dommage d’avoir une si brillante idée mais de ne pas transformer l’essai avec une intrigue digne de ce nom ! J’ai cependant beaucoup aimé ce que l’autrice a fait à l’échelle de la société qu’elle a créé. L’invective au bonheur est si forte, qu’il devient dangereux d’être juste normal. Il faut sourire, forcer sur les traits, éxagérer le moindre petit événnement pour le transformer en source de bonheur. Clairement, c’est flippant.
Mais on reste pour moi trop sur la petite échelle avec la vie fantomatique de Jérémiade et ses mornes malheurs. Je n’ai pas réussi à m’inquiéter pour elle dans son malheur. Et surtout, j’ai été quelque peu perdue avec cette fin (je ne développe pas plus, à vous de vous faire votre propre avis) lointaine qui n’aide en rien à l’intrigue. Pourquoi avoir fait cela ?

Peut-être suis-je passée à côté de ce texte, en tout cas il ne m’a pas émue ni touchée. Et pourtant, ça partait si bien… dommage.

AUTEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : La double vie de Dina Miller

Zoé Brisby est une autrice française qui a déjà plusieurs romans à son actif, certains dans le genre feel-good, d’autres dans le genre féminin historique. La double vie de Dina Miller est paru en début d’année 2024.

De ses précédents romans, on peux citer : L’habit ne fait pas le moineau (Le livre de Poche), Plus on est de fous… (Le livre de Poche), Les égarés (Michel Lafon) ou encore Les mauvaises épouses (Le livre de Poche).

Une mission exceptionnellement longue…

Pour la première fois depuis qu’elle fait ce travail, Dina va devoir exécuter une mission de longue durée. Plus difficile encore, il n’est pas question de tuer rapidement et sans bruit un ancien nazi dans un hôtel sordide d’Amérique du Sud… Non, la nouvelle mission demande doigté, sang-froid et anticipation. Dina va devoir exfiltrer un ancien nazi de la ville américain de Huntsville, surnomée Huntsville à cause de son Centre Spatial.

Le but ? Faire qu’il soit jugé comme il se doit pour toutes les horreurs qu’il a commises… Le problème, c’est que l’homme semble être au-dessus de tout soupçon : médecin de profession, il est devenu un élément clé de la course à la conquête spatiale contre l’URSS. Ses travaux sont capitaux pour les Etats-Unis, guère regardants au passé de l’homme et l’ayant même recruté pour cela… De plus, il est marié à une femme aussi douce qu’innocente.

Comment Dina va-t-elle pouvoir tirer son épingle du jeu ou plutôt le nazi de la ville de Huntsville ?

Les crimes de guerre, outil pour de grandes avancées scientifiques ?

Les apparences concernant ce roman sont assez trompeuses, en voyant la couverture on pourrait s’attendre à un roman assez léger, ancré dans l’Histoire. Or, les sujets évoqués sont loin d’être légers : espionnage, exfiltration, crimes de guerre, expériences sur les juifs sous Hitler et sur les populations Noires et pauvres des Etats-Unis… Les U.S.A. étaient prêts à tout pour s’octroyer une avancée par rapport à l’URSS, et c’est cela que dénonce l’autrice dans ce roman. Facile à lire, plaisant, mais pas léger, donc.

Et justement, j’ai adoré ce contrepied (volontaire ?) de l’éditeur de nous offrir en apparence une histoire plutôt distrayante, Zoé Brisby ayant habitué son lectorat à des sujets plus légers. Mais son précédent roman, Les mauvaises épouses laissait déjà présager ce virage littéraire. Là aussi, il se déroulait durant la Guerre Froide, et là aussi, les femmes étaient les personnages centraux que l’Histoire oubliant à chaque fois de retenir… Femmes de soldats, femmes de scientifiques, elles ont tout autant oeuvré pour la nation que leurs maris en leur offrant amour, repas chauds et maisonnées accueillantes.
Zoé Brisby réussit à leur redonner corps et montrer à quel point ces femmes étaient importantes pour le moral de ces hommes qui oeuvraient pour leur patrie.

Mais plus important encore, au travers du portrait réussit de deux femmes qui se découvrent une profonde amitié, c’est l’histoire peu reluisante des avancées scientifiques qui est mise en lumière. En effet, Zoé Brisy s’est documentée pour ce roman, et cela se voit. C’est ainsi que l’on découvre que de grandes avancées scientifiques ont été faites par les scientifiques nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il est tellement plus facile de faire des découvertes sans déontologie et avec des millions d’âmes comme cobayes…

C’est ainsi que l’on découvre l’opération Paperclip, une mission d’exfiltration et de recrutement de plus de 1500 scientifiques nazis pour lutter contre l’URSS. Les avancées sur les psychotropes, les vaccins, la balistique ou encore les armes chimiques se sont faites durant cette période.

La réussite de ce roman tient à cela : le délicat équlibre entre intrigue captivante et Histoire. Et jamais l’un de ces genres ce prend le pas sur l’autre.

Alors, ai-je aimé ce roman ? Oui, car il m’a enrichie de quantité de connaissances et informations sur les dessous de la Guerre Froide, le tout avec une histoire qui tient la route. J’adore découvrir des faits pas nécessairement appris dans nos manuels d’Histoire, ça ne donne qu’une seule envie, lire des essais historiques pour en apprendre encore plus.
A l’image du roman Le Prix de Cyril Gely ou encore La dernière reine d’Ayiti d’Elise Fontenaille (Le Rouergue), ces livres ont l’excellente particularité de nous apprendre bien plus que ce qu’on a pu voir en surface à l’école. Ils illustrent à merveille le fait que la curiosité est primordiale pour mieux comprendre notre Histoire… et ne pas oublier. Jamais.

L’édition de poche, parue début 2025.
AUTEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique roman graphique : Hungry Ghost

Victoria Ying est une illustratrice et bédéiste américaine, elle travaille notamment pour les studios Disney et Sony. En France, elle a déjà sorti plusieurs ouvrages : La cité des secrets et La cité des illusions chez Bande d’ados. Avec Hungry Ghost elle nous propose une oeuvre beaucoup plus personnelle et au graphisme très différent de ses précédents ouvrages.

Pour la petite anecdote, c’est aussi elle qui illustre une partie des petits livres marionnette qui sortent régulièrement chez Casterman : Bébé-T-rex, Bébé Dragon ou encore Bébé Yéti, c’est Victoria Ying !

Mince à tout prix

Valérie est une lycéenne gentille, discrète, qui fait tout ce que l’on attend d’elle, quitte à s’effacer peu à peu. Sa mère fait en particulier une fixation sur son poids. Tout ce qu’elle mange est ainsi scruté, surveillé, quantifié par la mère de Valérie. L’adolescente supporte de moins en moins cette pression et mène une double vie : celle où elle s’intègre socialement et mange avec ses amis, et celle plus sombre où elle s’éclipse pour purger le trop plein de nourriture qu’elle a ingéré. Mais jusqu’à quand Valérie va-t-elle tenir les deux facettes de sa personnalité avant de craquer ?

Image de soi et image des autres

Ce roman graphique est extrêmement percutant, que ce soit dans le fond, la forme ou encore les dialogues. Victoria Ying réussit la prouesse de nous offrir un one-shot cohérent, qui ne va pas trop vite dans le déroulement de l’introspection de Valérie. Le cheminement de la pensée de la jeune femme ne se fait pas en quelques pages, et tout n’est pas parfait à la fin, même si les choses s’améliorent sensiblement au niveau de sa santé mentale et physique.

Je trouve que ce genre d’ouvrage n’est pas seulemement utile mais nécessaire, car il remet à sa place le culte injuste du corps mince. Peu à peu, Valérie va s’accepter et surtout accepter que certains de ses proches, bien qu’en surpoids ne sont pas moins bien qu’elle. Mais à force de grandir dans l’idée que ce qui est gros est laid ou mauvais, il est dur d’oter ces mauvaises pensées…

L’autrice explique à la fin de l’ouvrage que Hungry Ghost est une oeuvre tout particulièrement personnelle : « Si Val n’est pas moi, j’ai été Val ». Plus qu’un roman graphique fort, c’est aussi un cheminement personnel et un partage d’expérience précieux que nous offre Victoria Ying. Rien que pour cela, cet ouvrage mérite d’être lu.

Je n’ai pas parlé du dessin, mais sachez que je le trouve parfait. Peu coloré, dans des nuances pastels de bleu et de rose, ça fonctionne à merveille. Et que dire de l’illustration de couverture si ce n’est qu’elle est SUBLIME ?

Hungry Ghost, c’est un ouvrage magnifique et touchant sur la famille et ses relations parfois toxiques, l’amitié qui dérive et se délite, l’acceptation de soi, le deuil, la souffrance, et… le renouveau, l’espoir et le courage de mettre des mots sur des choses parfois dures à expliciter. Dès 14 ans.

Chronique fantastique : Piranèse

Un roman aussi étrange que labyrinthique… trop labyrinthique peut-être ? 

Susanna Clarke est une autrice d’origine brittanique qui a peu d’ouvrages à son actif, mais qui a su se faire remarquer dès la parution du premier : Jonathan Strange et Mr Norrell en 2007. 

Piranèse signe son grand retour et était très attendu aussi bien en France que dans son pays d’origine. Il a paru aux éditions Robert Laffont en fin d’année 2021 et est traduit par Isabelle D. Philippe. 

Où et quand ? 

Bienvenue dans un monde à nul autre pareil, une enfilade infinie de portes, de voutes, de caches et de pièces en pleine mer sans rien d’autre à l’horizon… C’est le lieu étrange et inexplicable où vit Piranèse. Il catalogue tout ce qu’il croise et découvre dans des dizaines de journaux qu’il tient très précisément à jour. 

Ce roman est en fait son journal le plus récent et nous conte les dernières découvertes en date de Piranèse. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il en fait beaucoup, et que certaines sont extrêmement dérangeantes… 

Mais quel est le but de Piranèse ? Où se trouve-t-il exactement ? Et quand ? Et qui est son mystérieux comparse que l’on ne voit que très peu et qui lui pose quantité de questions aussi précises qu’étranges sur les immenses salles que fouille au quotidien Piranèse ?

Une expérience de lecture plus qu’un roman 

Lire Piranèse c’est accepter de ne pas tout comprendre de ce qu’on va lire, du moins au début. C’est assez expérimental et j’avais d’énormes attentes sur cette lectures car il y a eu énormément d’avis positifs sur les réseaux sociaux à propos de l’ouvrage… Cela d’autant plus que cela faisait plus d’une décennie que Susanna Clarke n’avait rien écrit. Et comme pour Mexican Gothix, je me suis fait avoir… beaucoup de teasing, d’attente et… tout est retombé comme un soufflet pour moi. 

Malgré le côté étrange et hypnotique du roman, cela n’a pas suffit, j’ai eu beaucoup de difficultés à apprécier Piranèse. L’ouvrage m’a d’ailleurs laissé un goût d’inachevé très persistant. Je me suis dit : « tout ça pour ça ? ». Ce fut une grande déception pour moi que de comprendre la finalité du roman… qui ne réserve que peu de surprises pour qui lit régulièrement du fantastique. 

Piranèse est ainsi plus un texte d’ambiance et de style qu’un roman d’intrigue. Si vous partez de ce principe, il y a moins de chances que vous soyez déçu.e je pense. J’ai apprécié l’atmosphère de ce palais gigantesque offrant une successions de salles à l’infini, mais quand peu à peu les révélations se font connaître, c’est un peu léger à se mettre sous la dent… 

A découvrir pour les plus curieux.ses qui veulent s’initier à une expérience littéraire originale mais dont l’intrigue ne se hisse pas au niveau. Dommage.

Photo prise dans le cadre d’une sélection spéciale lectures étranges et/ou effrayantes. Piranèse entrant clairement dans la catégorie bizarre/inclassable/inquiétant à la limite du Lovecraftien.
GENRE : Fantastique
EDITEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : La trilogie La maison des Jeux de Claire North

Claire North est une autrice anglaise à l’œuvre encore assez rare, mais remarquée. L’un des plus connus est Les quinze premières vies d’Harry August, qu’elle a écrit en 2014. De son véritable nom Catherine Webb, elle a écrit plusieurs ouvrages, mais c’est sous le nom de Claire North qu’elle réserve la partie imaginaire de son œuvre… Pour notre plus grand plaisir

Une étrange maison de jeux qui apparaît au fil du temps et des lieux

Le premier tome de cette trilogie de novellas (très courts romans) se déroule à Venise, au 17ème siècle. Mais ne vous y trompez pas. La Maison des Jeux est bien plus ancienne que cela et survit à toutes les époques et à tous les virages simportants de l’humanité. Dans ce tome-ci donc, nous suivons une jeune femme – Thene – mariée à un joueur invétéré qui peu à peu va tout perdre. Mais Thene, sous ses apparences de femme soumise à son mari est bien plus que cela.
Peu à peu, elle va prendre goût au jeu également, mais ce qu’elle va miser et gagner vaudra bien plus que ce que son diable de mari n’a jamais rêvé avoir…

Autre temps, autre lieu, dans le second tome nous sommes dans le Bangkok du vingtième siècle. Une sorte de jeu du chat et de la souris (en plus étendu et élaboré) va avoir lieu. Cette fois-ci, nous ne verrons pas Thene, mais un tout autre personnage : Remy Burke. Il a parié beaucoup sur cette partie qui semble déséquilibrée… Chose normalement impossible car la Maison des Jeux veille.

Dans l’opus final, le tableau prend enfin forme. Nous sommes à notre époque, en tous lieux, et certains personnages vus précédemment refont surfance… de manière inattendue.

Une trilogie à la fois mystérieuse et géniale

J’ai adoré dès les premières pages cette trilogie de Claire North. En très peu de temps, on est dans une ambiance enveloppante qui allie mystère, étrangeté et Histoire. Mon tome préféré de la trilogie restera le premier opus car j’ai trouvé le personnage de Thene et l’époque dans laquelle elle évolue absolument parfaits. Claire North écrit à merveille, et nous avons la chance d’avoir une très bonne traduction assurée par Michel Pagel.

Il est difficile de développer sur l’univers de La Maison des Jeux, car une grande partie de l’intérêt de cette histoire réside dans son mystère latent. Je vais donc rester en surface dans cette chronique censée vous venter les mérites de la trilogie.

Premièrement, elle se dévore. Les trois tomes font chacun à peine cent-cinquante pages chacun. Cela se lit vite, bien, avec un plaisir de lecture évident.

Deuxièmement, je n’avais jamais lu un texte de SFF qui mélange à la fois fantastique, géopolitique et technologie et… autre chose. C’est un mélange étrange qui fonctionne à merveille, mais même si cela a l’air simple au premier abord, Claire North a réalisé un travail titanesque. Elle réusit à nous abreuver de détails, de nuances et d’une atmosphère particulière sans jamais nous perdre. Et pourtant, bien que courts, les ouvrages sont très denses en informations. Beaucoup de symboliques, de savoirs et de données sensibles actuelles se mélangent pour donner quelque chose de plus grand encore.

Troisièmement, les personnages sont incroyables. Même les plus calculateurs pourrons vous sembler géniaux tant ils anticipent les coups. C’est la partie la plus plaisante des romans pour moi : le calcul. La prise de risque. Les enjeux qui montent en puissance au fil des tomes. Vous découvrirez ainsi que La Maison des Jeux permet de parier à peu près tout sauf de l’argent, bien trop vulgaire.

Ainsi, j’ai vraiment adoré cette trilogie fantastique qui brasse différentes catégories de l’imaginaire. C’est original, délectable, malin, un véritable plaisir de lecture qui change vraiment de ce qu’on peux lire habituellement en SFFF.

Chronique bd : Guacamole Vaudou

Vous connaissez Fabcaro, cet auteur de BD à l’humour tellement noir qu’il faut une lampe torche ? Il a écrit Zaï Zaï Zaï Zaï, Et si l’amour c’était aimer ?, Moon River, et quantité d’autres. Avec Guacamole Vaudou, l’auteur-illustrateur se lance dans le mythique et démodé style du roman-photo avec un associé de génie : Eric Judor. Attention, combo fatal. 

Histoire d’un looser-né 

Stéphane n’a RIEN pour lui. Ni aisance, ni humour (enfin si, mais il tombe toujours à plat), ni charme. C’est le néant absolu. C’est bien simple, s’il n’était pas dans l’entreprise, cela ne ferait aucune différence dans son fonctionnement. Mais cette fois-ci, Stéphane en a  marre, c’est l’humiliation de trop, il décide de suivre un stage un peu spécial de découverte vaudou. Ce stage va changer le « destin » de Stéphane jusque dans ses fondements grâce à un simple mot magique de son choix. Guacamole. 

A partir de cet instant Stéphane va briller. Un moment. 

Guacamole.

Complètement barré et encore plus fou que les précédents ouvrages de Fabcaro que j’ai lu. Je n’ai certes pas énormément de recul, n’en ayant lu que trois, mais ce livre est une réussite. C’est totalement décalé, fou, osé et génial. Les extraits parlent d’eux même (cf images de l’article). 

Avoir choisi de faire du roman-photo, la chose la plus démodée du monde est aussi un coup de génie. Ca fonctionne à merveille, et en plus on y découvre quantité de « guests » prestigieux que j’apprécie beaucoup. Il y a outre Eric Judor, Alison Wheeler, Hervé Le Tellier avec une magnifique perruque (c’est l’auteur de l’Anomalie, Goncourt de 2020), et Fabcaro lui-même ! 

Pour ce qui est de l’histoire, elle est diablement efficace. Guacamole. C’est à réserver aux fans d’humour noir et d’intrigues complètement décalées, et ça fonctionne ! Il y a tellement de dialogues mythiques que c’est impossible de tous les citer, mais les lire (et les relire) est un pur régal. 

Guacamole Vaudou, c’est un peu une éloge de la loose, comme si c’était un destin, un art de vivre, dans lequel Stéphane excelle avec un talent inégalable. Malheureusement pour lui. A lire et offrir à tous les gens de votre entourage qui ont un humour monstre (ou la loose). Guacamole.