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Chronique : La danse du temps

Un roman sur l’écoulement de la vie qui peut être un long fleuve tranquille… jusqu’à ce que l’on se fasse rattraper par les imprévus à l’âge de soixante ans ! Et si c’était pour enfin vivre vraiment, justement ?

Anne Tyler est une autrice américaine a l’œuvre unique, La danse du temps, paru chez Phébus en 2019 est son dernier roman en date.

Elle a écrit notamment Vinegar Girl (coup de cœur ici !), Leçons de conduite (Prix Pulitzer), Une bobine de fil bleu ou encore Une autre femme. La majorité de ses romans sont publiés en poche chez 10/18.

La vie d’une femme américaine qui traverse les décennies

Quand La danse du temps débute, Willa a une dizaine d’années. Elle sait déjà ce qu’elle veut : une famille stable, ne pas ressembler à sa mère qui quittait le domicile pour un oui ou pour un nom laissant son père seul avec deux petites filles.

Et Willa va parvenir à cet idéal, car la première moitié du roman nous laisse découvrir en de cours épisodes les décennies qui s’écoulent… Willa semble avoir une vie parfaitement bien rangée. Il y a bien eu des difficultés pour elle, mais c’est surtout quand Willa atteint l’âge de soixante ans que le récit commence réellement. Le déclencheur ? Un coup de téléphone lui demandant de venir à Baltimore garder sa petite fille… sauf qu’elle n’a aucun petit enfant. Mais elle décide malgré tout de jouer le jeu…

Un roman lent et plaisant, comme la vie de Willa

C’est un peu triste de dire cela, mais la vie de Willa semble réellement commencer à soixante ans. Avant, dans chaque période de sa vie, elle n’a été que spectatrice. Subissant plutôt qu’initiant, ne se plaignant jamais, remplissant parfaitement son rôle de femme… Du moins celui qu’elle s’est imaginé. Willa se rend compte que vivre, ce n’est pas que pour rendre les autres heureux, c’est ainsi que sur un coup de tête, elle va à Baltimore s’occuper de sa soi-disant petite fille.

Et c’est là que commencent à apparaître les couleurs de la vie.

Ayant lu Vinegar Girl juste avant de passer à La danse du temps, j’ai été un peu déçue. Je n’ai pas retrouvé un plaisir de lecture aussi intense. Il est vrai que La danse du temps ne raconte pas grand chose en soi… Et pourtant, ce roman est malgré tout extrêmement touchant. Je pense qu’il est parfait à lire pour ceux et celles qui s’interrogent sur leur vie, leur but, sur ce qu’ils veulent vraiment.

Je crois que la force des romans d’Anne Tyler réside dans la réflexion qu’elle nous offre sur que l’on veut faire pour changer les choses à notre échelle. Comment s’accomplir, ne pas vivre avec des regrets… En tout cas, c’est comme cela que j’ai pris ce roman.

Bien que cela soit paradoxal, j’ai donc passé un bon moment avec Willa, l’héroïne de La danse du temps, même si il ne s’y passe guère de choses. Je n’ai pas vibré à cette lecture, mais il m’a apporté une sorte de paix intérieure bienvenue…

L’une des rares choses qui fasse vibrer Willa, ce sont les cactus saguaro. Elle ne se l’explique pas mais elle les aime de façon viscérale, d’où la photo ci-dessous.

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Chronique : Le passage de la nuit

le passage de la nuitUne magnifique incursion dans la littérature japonaise et dans l’imaginaire de Murakami

Haruki Murakami est l’un des écrivains japonais les plus lus dans son pays, mais aussi à travers le monde. Son œuvre, toujours teintée d’imaginaire, plonge souvent le lecteur aux frontières des genres où réalité et surréalisme se tutoient.

Murakami n’écrit pas seulement des romans, il les traduits : il a ainsi fait la traduction en japonais d’œuvre de John Irving ou encore Scott Fitzgerald. Le passage de la nuit est son onzième roman, écrit juste avant 1Q84, qui sortira à la fin du mois d’août prochain aux éditions Belfond.

Ebauches de vies croisées dans un tokyo nocturne

Minuit : tout commence dans un petit café-restaurant, à une table se trouve une jeune femme. Elle n’a rien de particulier, et pourtant le regard du narrateur omniscient du roman se fixe sur elle. Elle lit un gros livre, et rien d’autre autour d’elle ne semble la perturber : elle s’appelle Mari.

Un presque inconnu l’aborde, une connaissance de sa sœur, Eri. Et ça commence comme ça : des fils ténus se tissent entre les personnages, des liens que l’on croyait inexistants apparaissent rendant l’œuvre d’autant plus profonde, avec parfois un brin de moquerie et de cynisme quand au destin des personnages. Très peu d’êtres se croisent, mais ils sont d’une profondeur telle que l’on se plonge vite et à corps perdu dans cette histoire d’une nuit dans la capitale nippone.

Il y a donc Mari, la jeune fille du café, Takahashi, le jeune homme qui connaît la sœur de Mari : Eri (qui en étant le personnage le plus inactif est aussi le plus intéressant à mon sens). Il y a aussi Koorogi, la gérante un peu rustre d’un love-hotel comme il y en a des milliers à travers le pays. Et un dernier, que l’on découvre un peu plus tard.

Une caméra omnisciente pour narrateur

Chose étonnante dans cette œuvre ; son mode de narration pour le moins inhabituel. Le fait que le narrateur soit omniscient n’a rien de nouveau, mais le fait d’utiliser le vocabulaire du cinéma et des arts visuels pour expliquer les déplacements du narrateur : si. Tout au long du roman nous sommes une caméra qui fait ses zooms, change d’angle de vue…etc. et chose parfois frustrante, cette façon de voir impose de ne pas interférer sur le monde que l’on observe : c’est la règle d’or. Et cette obligation peut devenir frustrante pour le narrateur lui-même.

Cette façon de s’exprimer, qui peu sembler froide et distante au premier abord est en fait très humaine. Car la caméra s’attache peu à peu à ceux qu’elle observe, tout comme le lecteur.

Quand l’étrange s’en mêle

Bien entendu, le roman ne serait pas un vrai Murakami sans son soupçon de fantastique. Ce roman ne fait donc pas exception en insérant de petites touches d’extraordinaire et d’étrange dans des vies tout à fait normales mais sans jamais dénaturer l’histoire. Bien au contraire, le fantastique n’étant qu’une métaphore pour exprimer le ressenti de certains des personnages.

En ce qui concerne la fin du roman, elle pourra sembler étrange à certains, mais personnellement, je la trouve adéquate et plutôt réussie.

Vous l’aurez aisément deviné, j’ai adoré cette incursion dans le monde fantasque et onirique de Murakami qui pour moi fut une première. Pour ceux qui ne s’y sont pas encore essayé, c’est l’occasion, d’autant plus que le passage de la nuit est un court roman qui prend vite de l’ampleur, tant au niveau de l’évolution de ses personnages que de son intrigue. Prochaine chronique concernant Murakami : Les amants du Spoutnik.

 9/10