Chronique : Le passage de la nuit

le passage de la nuitUne magnifique incursion dans la littérature japonaise et dans l’imaginaire de Murakami

Haruki Murakami est l’un des écrivains japonais les plus lus dans son pays, mais aussi à travers le monde. Son œuvre, toujours teintée d’imaginaire, plonge souvent le lecteur aux frontières des genres où réalité et surréalisme se tutoient.

Murakami n’écrit pas seulement des romans, il les traduits : il a ainsi fait la traduction en japonais d’œuvre de John Irving ou encore Scott Fitzgerald. Le passage de la nuit est son onzième roman, écrit juste avant 1Q84, qui sortira à la fin du mois d’août prochain aux éditions Belfond.

Ebauches de vies croisées dans un tokyo nocturne

Minuit : tout commence dans un petit café-restaurant, à une table se trouve une jeune femme. Elle n’a rien de particulier, et pourtant le regard du narrateur omniscient du roman se fixe sur elle. Elle lit un gros livre, et rien d’autre autour d’elle ne semble la perturber : elle s’appelle Mari.

Un presque inconnu l’aborde, une connaissance de sa sœur, Eri. Et ça commence comme ça : des fils ténus se tissent entre les personnages, des liens que l’on croyait inexistants apparaissent rendant l’œuvre d’autant plus profonde, avec parfois un brin de moquerie et de cynisme quand au destin des personnages. Très peu d’êtres se croisent, mais ils sont d’une profondeur telle que l’on se plonge vite et à corps perdu dans cette histoire d’une nuit dans la capitale nippone.

Il y a donc Mari, la jeune fille du café, Takahashi, le jeune homme qui connaît la sœur de Mari : Eri (qui en étant le personnage le plus inactif est aussi le plus intéressant à mon sens). Il y a aussi Koorogi, la gérante un peu rustre d’un love-hotel comme il y en a des milliers à travers le pays. Et un dernier, que l’on découvre un peu plus tard.

Une caméra omnisciente pour narrateur

Chose étonnante dans cette œuvre ; son mode de narration pour le moins inhabituel. Le fait que le narrateur soit omniscient n’a rien de nouveau, mais le fait d’utiliser le vocabulaire du cinéma et des arts visuels pour expliquer les déplacements du narrateur : si. Tout au long du roman nous sommes une caméra qui fait ses zooms, change d’angle de vue…etc. et chose parfois frustrante, cette façon de voir impose de ne pas interférer sur le monde que l’on observe : c’est la règle d’or. Et cette obligation peut devenir frustrante pour le narrateur lui-même.

Cette façon de s’exprimer, qui peu sembler froide et distante au premier abord est en fait très humaine. Car la caméra s’attache peu à peu à ceux qu’elle observe, tout comme le lecteur.

Quand l’étrange s’en mêle

Bien entendu, le roman ne serait pas un vrai Murakami sans son soupçon de fantastique. Ce roman ne fait donc pas exception en insérant de petites touches d’extraordinaire et d’étrange dans des vies tout à fait normales mais sans jamais dénaturer l’histoire. Bien au contraire, le fantastique n’étant qu’une métaphore pour exprimer le ressenti de certains des personnages.

En ce qui concerne la fin du roman, elle pourra sembler étrange à certains, mais personnellement, je la trouve adéquate et plutôt réussie.

Vous l’aurez aisément deviné, j’ai adoré cette incursion dans le monde fantasque et onirique de Murakami qui pour moi fut une première. Pour ceux qui ne s’y sont pas encore essayé, c’est l’occasion, d’autant plus que le passage de la nuit est un court roman qui prend vite de l’ampleur, tant au niveau de l’évolution de ses personnages que de son intrigue. Prochaine chronique concernant Murakami : Les amants du Spoutnik.

 9/10

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