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Mini-Chroniques #10 : Une addiction incontrôlable, une découverte familiale incroyable, une quête d’absolu et un voyage dans une Corée en pleine transformation urbaine…

Voici déjà venu le dixième numéro des mini-chroniques ! Les ouvrages présentés sont tous très différents, mais tous (ou presque) m’ont émue à leur façon… Belle découverte à vous.

Tout sur le zéro – Pierre Bordage – Au Diable Vauvert

Ouvrage paru en 2017, Tout sur le zéro est un roman qui change de ce que nous propose Pierre Bordage habituellement. En effet, l’auteur est surtout connu pour ses récits de science-fiction, notamment avec Les fables de L’Humpur ou encore sa série Wang pour ne citer qu’eux.

Il a tellement d’ouvrages à son actif qu’il est impossible de tous les lister dans cette mini-chronique !

Dans Tout sur le zéro, on suit le parcours de vie de trois accros à la roulette. Trois récits de vie très différents, mais dont la « passion » dévore les économies et la vie de chacun.e.

Peu à peu, on découvre leur quotidien, leurs petits mensonges pour voler une heure de jeu au casino, pour tirer de l’argent sur le compte joint discrètement pour ceux qui sont en couple…
Mais le jeu est plus qu’une passion, c’est une véritable drogue. Et le fait de gagner ne calme pas les ardeurs, bien au contraire, elle les pousse à jouer encore plus gros…

C’est un roman intéressant qui explique bien je pense ce qu’il se passe dans la tête des joueurs et joueuses de casino. Cette addiction est dure à comprendre d’un oeil extérieur, mais ce roman aide à s’en faire une idée plus précise. Dommage cependant que cette fine analyse n’apporte pas grand chose au roman. C’était donc une lecture sympathique, mais pas mémorable…

La forêt aux violons – Cyril Gely – Albin Michel

Second roman de l’auteur belge Cyril Gely, La forêt aux violons est paru en début d’année 2021 aux éditions Albin Michel.
Son premier ouvrage, Le Prix, racontait l’histoire du Prix Nobel de Chimie de 1946 et la grande Histoire derrière… C’était passionnant, et très bien documenté.

Avec La forêt aux violons, l’auteur nous propose une histoire aux allures de conte sans jamais tomber dans le merveilleux, mais toujours à sa frontière… Onirique et touchant, voici l’histoire d’un apprenti luthier, Antonio, dont le but ultime est de créer le violon absolu. L’instrument qui sublimera la musique comme jamais elle ne l’a été… Mais pour cela, il lui faudra s’armer de patience et trouver le bois parfait.

La forêt aux violons est un très beau roman qui reprend les codes du conte dans son style d’écriture, son univers… C’est une véritable réussite ! J’ai tout aimé dans ce roman : le personnage de cet apprenti surdoué en lutherie qui détruit tout violon ne lui semblant pas parfait en tous points, la narration originale, la conclusion étonnante et très réussie…

C’est un beau roman, facile à lire mais pas simpliste. Il vous fera passer un excellent moment de lecture si vous aimez l’histoire de destins peu communs.

Héritage – Dani Shapiro – Les Arènes

Dani Shapiro est une autrice et essayiste américaine qui a énormément d’œuvres à son actif, mais très peu en France.

Héritage nous raconte l’histoire de sa filiation : elle a découvert par hasard que son père n’était pas son père biologique.
La nouvelle est violente, elle qui a toujours grandit avec la certitude que ses parents étaient ses parents, qui a grandit baignée par la culture juive… Une fois l’information digérée, elle décide de la prendre à bras le corps et de mener l’enquête sur ce mystérieux père biologique…
Et surtout le mystère de sa conception, car à l’époque où est née Dani Shapiro, la fécondation in vitro n’était absolument pas réglementée, et il n’était pas rare d’avoir recours au mélange de sperme… Des scientifiques jouaient au apprentis-sorciers et cela sans aucun garde-fou. C’est assez incroyable de découvrir ce que l’autrice a exhumé : à la fois aberrant et fascinant.

Outre le côté biologique de ses origines, Dani Shapiro va tenter de retrouver ce fameux père biologique et nouer un lien sinon affectif au moins ténu pour mieux comprendre le contexte de sa naissance.

Véritable cheminement psychologique très personnel, Héritage est un ouvrage passionnant sur la quête des origines de l’autrice. Son histoire est touchante, sa façon d’exposer les choses est à la fois factuelle et pleine d’émotion. C’est un livre à part qui m’a profondément plu et dont je ne pensais pas autant me passionner. Entre le récit journalistique et le témoignage, Héritage est un ouvrage à découvrir !

Au soleil couchant – Hwang Sok-yong – Editions Philippe Picquier

Pour ceux et celles qui s’intéressent à la Corée et à ses profondes transformations sociales et urbaines, Au soleil couchant pourrait bien les intéresser.

On y suit un homme au crépuscule de sa vie qui regarde par-dessus son épaule et se demandant si l’urbanisation de Séoul à laquelle il a activement participé était toujours une bonne chose. Interrogations, remise en question, ce court roman est l’occasion de découvrir une Corée méconnue dont l’âme se perd parfois dans les grandes constructions moderne au détriment des petits quartiers aux allures de villages dont certains ont été expropriés.

C’est très mélancolique, mais j’ai aimé découvrir cette facette méconnue de la Corée. Cet ouvrage ne plaira pas à tout le monde, il faut dire qu’il ne s’y passe pas beaucoup de choses. Mais son intérêt réside dans ce qu’il raconte du pays et de sa fuite en avant.

Chronique : Lotto Girl

Une dystopie engageante… qui n’a pas su contenter mes attentes de grande amatrice du genre…

Lotto Girl est un roman paru chez Casterman en septembre 2017. Il était à sa sortie un enjeu assez important de l’éditeur. Georgia Blain était quant à elle une autrice australienne qui commençait à monter, mais qui s’est malheureusement éteinte à l’âge de 52 ans des suite d’un cancer du cerveau.

Son roman, Lotto Girl est le premier à paraître en France, mais elle a écrit huit romans ainsi que des nouvelles.

Une vie aseptisée pour la crème de la génétique

Le futur : les états n’existent plus et ont été remplacés par des entreprises tentaculaires qui ont tous les droits. Si vous travaillez pour une corporation riche et prospère, vous ferez partie de l’élite, et votre vie n’en sera que plus facile… Mais si vous travaillez pour une société moindre, c’est tous les aspects de votre vie qui seront concernés : vous aurez un appartement miteux, vivrez dans un endroit pollué faisant baisser votre espérance de vie… et vous n’aurez pas le droit de faire appel à BioPerfect pour manipuler les cellules de votre futur enfant.

Sauf si il a été « élu » à la loterie. Faisant de lui un lotto boy ou une lotto girl. Vous pouvez alors choisir si votre progéniture sera douée en sciences, ou si son caractère sera plus sociable que la norme… Vous pouvez également décider d’en faire un leader, ou un artiste doté de l’oreille absolue… Tout est dans les gènes, il suffit de manipuler le brin d’ADN qui vous intéresse, et BioPefect s’occupe de TOUT.

Pour les plus riches, pas besoin de loterie, car bien entendu, ils ont les moyens et ne se privent pas de doter leurs enfants de tous les attributs possibles et imaginable. Comme dans une version futuriste et effrayante des trois bonnes fées qui offrent leurs dons à la princesse Aurore dans La belle au bois dormant

C’est dans ce monde effrayant que nous suivons la jeune Fern, lotto girl qui vit dans un lieu aseptisé et surprotecteur : Hapston. Elle y est élevée à développer ses dons avec d’autres enfants issus de la loterie, mais également avec des enfants issus de familles riches…

Une base solide et intéressante, mais un développement totalement chaotique

Les idées de Georgia Blain sont assez intéressantes et posent le décor d’un univers unique. Mais cela n’a pas suffit à rendre l’histoire de Lotto girl captivante comme d’autres dystopies ont pu le faire.

On navigue entre passé et présent, dans deux lieux très différents : Hapston, le lieu surprotégé et une sorte de camp de travail pour les rebus de la société.

On nous lance des postulats, des enjeux que l’on ne comprend pas du tout avant un long moment… Et tout cela nous emmenant à quoi ? Tout n’est pas clair dans ce roman malgré de bonnes idées, d’autant que Fern est un personnage qui manque d’une identité forte. Elle n’est pas charismatique, trop passive parfois, emplie de regrets mais ne passant jamais à l’action… ça la rend assez terne.

…..

Il y a malgré tout quelques réflexions intéressantes dans le roman, mais pas de là à en apprécier la globalité. Trop flou par moments, pas assez développé à d’autres, Lotto girl est un livre qui avait de bonnes qualités au départ, mais elles sont très vite éclipsées par les défauts (trop nombreux) du reste… Dommage, ça aurait pu être d’envergure, mais il y a eu un raté…

Pour les curieux.ses l’ouvrage est adapté dès l’âge de 14 ans environ.

Chronique : Nouvelles à chutes

Nouvelles à chuteSublimes et marquantes… une sélection de nouvelles à la qualité rare

Le format de la nouvelle n’est pas un genre des plus populaire, et pourtant c’est un exercice difficile qui quand il est réussi donne des œuvres absolument mémorables. Ce choix de nouvelles signées de différentes plumes nous est proposé par les éditions Magnard, spécialisées dans les livres à usage scolaire.

Ainsi trouverez-vous une nouvelle d’Anna Gavalda, Dino Buzzati, Julio Cortázar, Claude Bourgeyx, Fred Kassak et Pascal Mérigeau.

Certains n’ont que très peu écrit (je pense notamment à Pascal Mérigeaux) mais on réussi à toucher du doigt la perfection avec leur court récit. D’autres encore sont passés maîtres dans l’écriture d’histoires courtes, comme Dino Buzzati à qui l’on doit le magnifique recueil de nouvelles à chutes Le K.

Ici, plus que de « simples » nouvelles, vous allez découvrir le délicieux et terrible art de la nouvelle à chute : fascinante et remarquable dans toute sa beauté… et son horreur…

Le recueil contient les nouvelles suivantes :

  • Happy Meal – Anna Gavalda
  • Pauvre petit garçon ! – Dino Buzzati Continuité des parcs – Julio Cortázar
  • Lucien – Claude Bourgeyx
  • Iceberg – Fred Kassak
  • Quand Angèle fut seule… – Pascal Mérigeau

Nous allons ici nous attarder sur les nouvelles qui selon moi, sont absolument incontournables.

La première est Happy Meal, d’Anna Gavalda, magnifique nouvelle sur le sentiment d’amour, de petitesse aussi. Plus que dans la chute, cette nouvelle est emplie de force par les mots, d’une puissance incroyable. Une courte phrase émouvante semée, un dialogue simple et poignant, un détail… Anna Gavalda nous entraîne dans une belle relation que l’on aurait aimé découvrir plus longtemps encore tant elle est sublimée par son écriture juste et précise.

La seconde nouvelle à lire au moins une fois dans sa vie (plusieurs relectures permettent de l’apprécier encore mieux) est Pauvre petit garçon ! de Dino Buzzati. Son histoire nous raconte comment un petit garçon est chahuté par ses camarades, véritable victime de la méchanceté parfois cruelle des enfants.La chute est superbe et s’apprécie encore plus après relecture, car on ne peut s’empêcher de collecter les indices nous y amenant insidieusement. Grandiose et inoubliable.

La troisième et dernière nouvelle qui selon moi mérite le détour est Quand Angèle fut seule… qui nous raconte la vie d’une femme après la mort de son mari. Cette dernière ressasse sa vie avec celui qu’elle a aimé avant qu’il ne disparaisse.

Là aussi, une seconde lecture permet d’apprécier à sa juste valeur ce très court texte faisant à peine quatre pages. Une double lecture fascinante et sinistre à la fois qui sublime le point final de cette nouvelle.

En conclusion, ce court recueil est un indispensable à lire au moins une fois dans sa vie. Ici, pas de fantastique, hormis dans la nouvelle Continuité des parcs de Julio Cortázar, qui est assez étrange et déstabilisante. Ces textes prouvent qu’il est possible de faire des monuments littéraires en quelques pages à peine. Pour les plus curieux, il existe un second tome, sobrement intitulé Nouvelles à chutes 2 avec cette fois-ce des plumes telles que Ray Bradbury, Roald Dahl, Frederic Brown…