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Chronique jeunesse : Kaimyo – Tome 1 – Le nom des morts

Un roman doux et touchant qui enveloppe la ville de Paris de culture japonaise au travers d’énigmes…

Paru récemment aux éditions Gulf Stream, voici Kaimyo, l’un des derniers romans en date de Bertrand Puard, un auteur très prolifique. Mais l’auteur a également d’autres cordes à son arc puisqu’il est aussi directeur de collection, scénariste ainsi qu’animateur radio.
Parmi ses nombreuses œuvres, on peut citer Les effacés (série en 6 tomes), Les aventuriers de l’étrange (10 tomes) ou encore L’Archipel (trois tomes). Il écrit pour tous les âges et a une prédilection pour l’aventure et le fantastique ! Le premier tome de Kaimyo confirme d’ailleurs cet amour pour ces deux genres…

A la découverte d’une tradition japonaise méconnue

Au Japon, quand une personne décède, on lui attribue un kaimyo, un nom honorifique. Ce nom permet à l’âme du défunt de ne pas errer parmi les vivants. Et justement, ce nom honorifique, Rieko n’a jamais eu la chance pouvoir l’offrir à ses parents. Cette blessure du passé l’ayant marqué à tout jamais, il a décidé de créer son entreprise. Une société qui offre des services très spéciaux : enquêter sur les morts mystérieuses et retracer leur contexte.
Le travail peu commun de Rieko lui a permis de faire fortune au Japon grâce à son sérieux et son excellence. A cinquante ans, il décide de s’ouvrir à de nouveaux horizons et d’exercer en France son étrange métier. Mais aura-t-on besoin de ses services dans ce pays si différent du Japon ?

Voici un roman passionnant qui se dévore, entre le genre fantastique et policier.

Une histoire étrange et belle tout à la fois

Dans l’offre pléthorique de la littérature de jeunesse, Kaimyo est un roman qui détonne. A la fois beau, onirique et très original, on se plonge en très peu de pages dans l’histoire étrange de Rieko.
Il est rare de voir un personnage de cinquante ans comme héros d’une histoire jeunesse, c’est pourtant le cas ici, et ça fonctionne à merveille ! Certes, Rieko réussit à s’entourer de la jeune Nouria, mais ce n’est pas elle le centre de cette intrigue.
Rieko est le personnage clé à tous les temps : ses enquêtes en France vont le mener vers son passé, son présent et son avenir… C’est très bien amené, tout en douceur et émotion.

J’ai énormément apprécié la partie enquête de ce roman, quand Rieko arrive sur un lieu où quelqu’un est mort et doit trouver des indices. Tout est décrit avec efficacité, pudeur, passion… c’est une réussite. La cible a beau être des lecteurs dits « jeunesse », je suis persuadée qu’un public adulte pourrait sans problème apprécier Kaimyo. L’écriture de Bertrand Puard est très belle, travaillée et sait captiver avec aisance…
Tous les ingrédients sont réunis pour que ça fonctionne, et cela d’autant plus que l’intrigue dans son ensemble est très originale. De quoi attirer les curieux qui ont déjà lu beaucoup d’histoires et qui recherchent quelque chose de différent.

Ainsi, l’intrigue est extrêmement bien pensée et saura surprendre ses lecteurs. Et surtout… c’est captivant. Je pense surtout à la conclusion du premier tome qui est insoutenable ! De plus, l’histoire d’amitié entre un homme de cinquante ans et une adolescente qui se retrouvent sur une passion commune est très belle. L’idée de la transmission, de ce qu’on laisse derrière nous quand on part… Kaimyo est un roman qui fait réfléchir à quantité de thématique peu abordées en littérature jeunesse/ado.
Il faut maintenant attendre la fin de l’année pour avoir la suite de Kaimyo… courage, ça vaut le coup ! A découvrir dès l’âge de 13 ans environ.

Chronique : Pachinko

Un roman-fleuve qui nous conte l’histoire de coréens forcés de quitter leur patrie pour le Japon dans les années années 20. Un pan fascinant et totalement méconnu de l’histoire.

Premier roman de l’autrice coréano-américaine Min Jen Lee à paraître en France, Pachinko est publié par Charleston en début d’année 2021.
L’ouvrage a connu un très beau succès et a même été finaliste du National Book Award en 2017. Pachinko est traduit dans 25 langues et est en cours d’adaptation pour le cinéma.

Bienvenue dans un petit village de Corée…

La vie est difficile pour beaucoup de gens en Corée dans les années 20. La jeune Sunja et sa famille ne font pas exception, et tous les membres de sa famille redoublent d’ardeur pour s’en sortir au mieux.
Tout est à l’économie, à l’examen de la moindre dépense qui pourrait faire basculer dans le cercle de l’endettement le ménage modeste. Mais tout va basculer pour Sunja le jour où elle va s’éprendre d’un riche japonais faisant des escales régulières en Corée. Elle découvre quelque temps plus tard qu’elle est enceinte… Et comme dans toute culture à cette époque, être enceinte et sans mari est plus que mal vu, c’est jeter l’oprobe tout entière sur sa famille.

C’est ainsi que la vie de Sunja et de toute sa descendance jusqu’à la fin des années 80 va nous être contée.

Un pavé passionnant

Ouvrir Pachinko, c’est découvrir tant de choses que je ne pourrais pas toutes vous les mentionner. Mais une chose est certaine, ça se dévore. Le cheminement personnel et familial de Sunja et de tous ses descendants est passionnant. Et en filigrane, l’histoire de la Corée et du Japon, deux pays aux relations très complexes.

L’ouvrage fait six-cent pages, et pourtant on ne les voit pas défiler. Ainsi, ce sont plus de soixante ans d’histoire qui nous sont offert au travers de tranches de vies.

Certains membres de la famille de Sunja sont plus charismatiques que d’autres, je pense notamment aux enfants de cette dernière : Noa et Mozasu. Leur parcours de vie va être incroyable et vous captivera comme rarement. Entre Noa qui adore les livres et qui ne pourrait vivre que de lecture et d’eau fraîche et son frère Mozasu qui ne sait pas pour quoi il est fait mais use parfois trop de ses muscles, ce n’est pas évident.
Tous deux sont extrêmement attachants à leur façon… je les ai vraiment aimé. J’ai été heureuse et triste avec eux dans toutes les phases importantes de leur vie, et plus encore !

Découvrir cette vie d’une famille coréenne installée au Japon, c’est également ouvrir les yeux sur l’énorme tension qui réside au Japon entre les deux peuples. Les coréens installés au pays du soleil levant doivent montrer patte blanche de quantité de façons différentes.
Et même si un enfant est né au Japon de parents coréens, il n’est pas reconnu par l’État et reste apatride.
Ni coréen car n’ayant jamais vu ni connu son pays d’origine, ni japonais alors qu’il parle la langue comme n’importe autre enfant, le cas de Noa et Mozasu concerne des milliers d’enfants. Perdus entre deux cultures, se considérant comme japonais mais non reconnus comme tels par le pays qui les a vu naître. Cette fracture va créer de nombreuses blessures visibles encore des décennies plus tard…

Et ce sujet des enfants ballotés entre deux cultures n’est pas le seul objet de ce roman, il y a quantité d’autres bouts d’Histoire et phénomènes de sociétés qui sont recensés dans Pachinko. D’ailleurs, pourquoi un tel titre pour ce livre ? Le pachinko est un type de machine à sous très prisé au Japon. Travailler dans un pachinko est mal vu au Japon (en tout cas à l’époque où se déroule le roman entre les années 60/80) et ce sont au final souvent des coréens qui travaillent dans ce milieu.
Et là encore il y a beaucoup à dire sur l’image qu’à le Japon de ses enfants nés d’expatriés sur son propre sol…

Vous l’aurez compris, ce roman fut pour moi une belle et poignante découverte. Ses personnages sont empreints d’un réalisme tel qu’ils existent au travers des pages…

Empli d’émotion et terriblement passionnant, Pachinko est un bout d’Histoire à découvrir avec curiosité et exaltation !