La Bibliothèque de Glow : Pourriez-vous conter votre parcours aux lecteurs de La Bibliothèque de Glow ?
Delphine Roux : Depuis l’enfance, j’ai toujours aimé la lecture, l’écriture, le partage d’histoires. Assez naturellement, j’ai fait des études de Lettres puis un troisième cycle spécialisé en sémiologie. J’ai ensuite travaillé pendant quelques années comme chargée d’études et conceptrice rédactrice. J’aimais l’aspect réflexion/création de ces métiers mais une forme d’échange plus « humain » me manquait. J’ai décidé alors de changer de terrain, d’aller vers ce qui me portait le plus et faisait davantage sens pour moi. Je travaille depuis une dizaine d’années maintenant en tant que formatrice, notamment en littérature de jeunesse, auprès d’étudiants en travail social, de salariés en formation continue, d’élèves en CAP petite enfance… C’est un métier assez prenant mais ô combien passionnant et grâce auquel je reçois et apprends beaucoup.
La Bibliothèque de Glow : Pourquoi avoir choisi d’écrire un « roman japonais » ?
Delphine Roux : Je n’ai pas choisi d’écrire un « roman japonais ». J’ai choisi d’écrire un roman qui se passe au Japon parce que cela me sortait du connu, favorisait une certaine distance émotionnelle et me permettait d’évoquer un pays qui me touche.
La Bibliothèque de Glow : Quels sont vos liens avec la culture nippone ?
Delphine Roux : Ces liens se tissent et se sont tissés grâce à la littérature, au cinéma, à la cuisine, à la découverte de l’artisanat japonais et de la spiritualité shintoïste, entre autres. Et puis il y a eu des rencontres, des partages avec des membres de ma famille ou des amis tout aussi sensibles que moi à la culture nippone. En 2013, j’ai enfin pu me rendre au Japon. Ce fut un voyage déterminant pour l’écriture de [Kokoro] car il m’a permis, je pense, d’incarner davantage cette histoire et d’évoquer des lieux, des atmosphères qui m’avaient beaucoup marquée.
La Bibliothèque de Glow : La façon très courte dont sont élaborés les chapitres est originale, pourriez-vous nous dire ce que vous avez souhaité faire à travers ce format aussi bref ? Est-ce pour nous permettre de mieux nous en imprégner ?
Delphine Roux : Je suis très sensible aux fragments, aux nouvelles, aux aphorismes, aux haïkus. On peut beaucoup exprimer dans l’économie verbale ; il y a quelque chose de poétique dans cette densité-là, un rapport au temps particulier aussi. Koichi est plutôt un taiseux, un observateur de l’infime, cette brièveté lui allait bien je crois.
La Bibliothèque de Glow : Parlez-vous japonais ?
Delphine Roux : Absolument pas. J’ai fait quelques tentatives pour l’apprendre par moi-même mais j’ai malheureusement été assez vite découragée. Pour autant, je trouve cette langue, qu’elle soit orale ou écrite, particulièrement élégante, attachante et chantante.
La Bibliothèque de Glow : Comment avez-vous réussi à retranscrire cette ambiance douce-amère si typique du roman nippon ?
Delphine Roux : Je n’ai pas précisément essayé de retranscrire une ambiance douce-amère. J’ai juste tenté d’imaginer les éprouvés de Koichi, d’évoquer son quotidien, ce que fut son enfance. [Kokoro] évoque la perte, le deuil, la nostalgie du temps qui passe. Le caractère doux-amer, me semble-t-il, dépasse les frontières. J’ai d’ailleurs pu retrouver ce genre d’ambiance dans des romans français, portugais, iraniens, indiens, coréens…
La Bibliothèque de Glow : Pourriez-vous nous dire quels sont vos romans japonais favoris ? Ce que l’on ne doit rater sous aucun prétexte ?
Delphine Roux : Il y a surtout des voix, des textes qui ont fait sens à certaines périodes de vie. C’est le cas d’Une affaire personnelle de Kenzaburo Oé qui aborde la question du handicap avec décalage et lucidité. Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants du même Oé fut aussi un choc de lecture ; l’exclusion, l’oppression mais aussi la solidarité y sont finement décrites.
Les livres qui traitent de l’absurde, de l’engagement mais aussi de l’espérance, malgré tout, me touchent beaucoup. Alors je pense, entre autres, au roman Le convoi de l’eau, d’Akira Yoshimura, aux mots de Takiji Kobayashi dans Le bateau usine et à ceux d’Akiyuki Nosaka dans La tombe des lucioles.
Dans un autre registre, n’hésitez pas à lire le généreux Les fruits et légumes japonais de Pascale Moteki et Agnès Lafaye, les très touchants albums pour enfants de Katsumi Komagata, Kazuo Iwamura ou Komako Salkai ou encore le merveilleux Éloge des mousses de Véronique Brindeau.
La Bibliothèque de Glow : Avez-vous d’autres projets du même type en tête ?
Delphine Roux : Nous travaillons en ce moment avec Pascale Moteki à la conception d’un nouvel album pour enfants qui paraîtra en avril 2016 aux Editions Picquier jeunesse. C’est une grande joie pour nous de continuer à cheminer avec cette si belle maison d’édition. L’histoire narre la rencontre et l’amitié entre une petite fille et une grand-mère japonaise. Pour le reste, nous avons d’autres idées en tête mais nous préférons les laisser infuser un peu pour le moment !
La Bibliothèque de Glow : Où pourrons-nous vous rencontrer prochainement jusqu’à la fin de l’année 2015 ? (salons, festivals, rencontres…)
Delphine Roux : Je serai en signature à la librairie Pages d’encre à Amiens le vendredi 20 novembre à partir de 18h, au Festival Radio France à Paris le dimanche 29 novembre et peut-être au Salon du livre jeunesse de Montreuil le 2 décembre. Je serai ravie de rencontrer les lecteurs et lectrices de la Bibliothèque de Glow !