Une plongée sombre et fascinante dans l’élite coréenne et son impunité
Premier ouvrage de Ju Won-kyu à paraître à France, Made in Gangnam est un roman aux allures de polar sociétal. Il est paru aux éditions Picquier en mai 2021.
Pour écrire ce roman, l’auteur à infiltré l’un des nombreux clubs huppé de la capitale coréenne. Ce qu’il y a découvert lui a donné une matière fascinante et terrifiante pour ce texte inspiré donc de faits réels.
Un massacre dans un hôtel encore non inauguré
Tout débute avec une scène de crime aux nombreuses victimes, dont certaines très célèbres. Que s’est-il passé lors de cette soirée de débauche ? Impossible de le savoir, mais il est du devoir du planificateur d’entrer en scène. Son but ? Offrir une mort acceptable aux yeux du public afin de cacher la terrible et sale réalité des soirées VIP où absolument tout peut se passer…
Bienvenue dans le quartier de Gangnam qui le jour est une fourmilière d’hommes d’affaires pressés et se transforme la nuit en terrain de débauche sans aucune limite.
Un pan de la société coréenne qui ne cesse de surprendre
Comme toujours avec la Corée, ses nombreuses spécificités sociales ne cessent de captiver. Ici, c’est le monde feutré et dangereux de la nuit chez les ultras privilégiés qui est analysé. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est aussi fascinant qu’étonnant. Voir dérangeant.
Ju Won-kyu nous initie à un univers que l’on ne soupçonne même pas et dont les codes ne sont maîtrisés que part une minuscule partie de la population qui s’élève au-dessus du commun des mortels.
Cette société fermée et élitiste est terrible avec les femmes, considérée comme de vulgaires objets. Tout au long de ce roman noir, on découvre à quel point elles n’ont absolument aucun droit sur leur corps ni même sur leur vie… Et à quel point leur métier est terriblement dangereux. Elle sont soumises aux moindres caprices des stars ou hommes d’affaire pour qui elles offrent leurs charmes. Et même si elles sont consentantes, il réside une forme de torture et de soumission terribles qu’elle se doivent de subir.
C’est donc au travers de deux personnages phares diamétralement opposés que nous découvrons peu à peu le système qui sévit dans le microcosme qu’est Gangnam.
L’un est un planificateur, il modèle à sa guise la réalité de la mort de ses clients pour la rendre entendable à tous.
L’autre est Jae-myeong, un policier qui n’a pas la noblesse de sa fonction. Accro au jeu, pétri de défauts qui le font plonger un peu plus dans l’addiction… Il est superstitieux au point de croire que coucher avec une prostituée avant de jouer lui portera chance. Mais ça ne lui donne que plus de dettes encore, et son salaire ne pourra jamais combler le gouffre financier qui se profile. Sauf si il monnaie le fait de fermer les yeux sur certaines affaires gênantes.
Ces deux hommes diamétralement opposés sont très complémentaires et nous aident à mieux comprendre les grands paradoxes de ce quartier. Si dynamique le jour et brûlant la nuit.
Le Gangnam nocturne est pourri jusqu’à l’os, et cela encore plus que ce que l’on croit quand on découvre qu’un planificateur est capable de plus de cœur qu’un flic endetté du district. C’est pourtant bien ce qu’il se passe ici, où tout ce qui touche de près ou de loin Gangnam semble étendre son influence malsaine…
Ainsi ce roman noir est une incursion instructive et passionnante dans un des quartiers les plus chauds de la capitale sud-coréenne. Dès que l’on bascule dans la face nocturne de Gangnam, tout se transforme, et pas nécessairement en bien…
On aurait aimé en savoir encore plus sur ce monde si particulier et déconnecté que l’auteur nous fait découvrir au travers de son expérience d’infiltré. Peut-être dans un prochain roman ?
La petite remarque en plus : Saluons la très belle couverture réalisée qui fait penser à Inception. Je la trouve très originale et réussie.