Quand les adolescentes japonaises sont prêtes à tout pour obtenir des produits de luxe…
Love and Pop, c’est avant tout le roman d’un phénomène malheureux et particulier au Japon : Enjo kōsai. Il s’agit de rendez-vous que les jeunes japonaises (lycéennes en général) acceptent avec des hommes beaucoup plus âgés qu’elles contre rémunération. Cela peut aller du rendez-vous simple à… de la prostitution pure. Le but final de ces entrevues est pour les jeunes filles de se procurer des produits de luxe : Chanel, Vuiton, Prada…
L’auteur de Love and Pop est Ryū Murakami ; il est également réalisateur et scénariste. Ses ouvrages les plus connus sont Bleu presque transparent, Les Bébés de la consigne automatique ou encore Miso Soup.
Une bague si belle qu’on est prête à tout pour l’obtenir…
Le quotidien d’Hiromi est composé de son petit ami, des ses amies et de shopping. Mais le jour où elle découvre dans une bijouterie une magnifique bague en topaze, Hiromi sait qu’il la lui faut. Vite. Dès que possible avant de voir l’envie s’estomper.
Alors que ses amies sont de grandes habituées des rendez-vous arrangés, Hiromi décide d’en accepter quelques-uns afin de se procurer au plus vite la fameuse bague… Mais il semblerait qu’elle soit prête à bien plus que ce que ses amies on l’habitude de faire. Là où elles acceptent des cafés ou des karaokés avec des inconnus, Hiromi semble prête a accepter à peu près n’importe quoi et n’importe où…
Un phénomène de société à l’échelle d’une génération
Le personnage d’Hiromi et de ses amies font partie de ce que l’on appelle communément au Japon la génération perdue (rosu gene). Cette tranche d’âge de la société nippone a été nommée ainsi pour les années 1990-2000 environ et correspond à une réelle perte de repères pour certains futurs adultes : fugues, prostitution…
Ainsi découvrons-nous une sorte de Japon caché aux yeux des occidentaux, mais également inconnu pour les japonais qui ne trempent pas directement dans ces tractations louches avec de jeunes lycéennes. Ryû Murakami, l’auteur, a d’ailleurs rencontré certaines de ces jeunes filles pour être le plus réaliste possible dans son roman. Il a pu écouter des messages laissés par des lycéennes sur des téléphones-club (ou telekura) et a parcouru des love-hôtels pour être au plus près de la réalité.
L’écriture de ce roman peut paraître très déstabilisante au premier abord, Ryû Murakami ayant pris le parti d’en faire un texte très bruyant. Je m’explique, tous les bruits qui entourent ses personnages, que ce soit des publicités, quelques dialogues, des parles de chansons, tout est imbriqué dans le texte. Il n’y a pas de distinction en italique ou de saut de ligne. C’est mis tel quel, et c’est assez déstabilisant au départ. Mais l’ambiance ainsi créée est à nulle autre pareille : nous sommes dans un Tokyo bruyant et fourmillant et lumineux.
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Ainsi, Love and Pop est un récit qui pourra paraître étrange et perturbant pour certains, surtout au début. Mais ce type de narration sert très bien le texte. C’est avec curiosité et crainte que l’on suit le parcours d’Hiromi, cette jeune lycéenne qui souhaite pouvoir s’acheter ce qu’elle veut, quel qu’en soit le prix.
Un portrait en demi-teinte d’un Japon pas aussi parfait que ce que l’on peut croire en occident. Le pays du Soleil Levant a lui aussi ses problèmes de sociétés… et ils sont inquiétants. Une lecture aussi déroutante que fascinante !
Je ne l’ai pas encore fini. Comme tu dis, le début du roman est déroutant par ces invasions narratives des bruits ambiants, des publicités, des serveurs de restaurants… mais l’ambiance l’est à travers Hiromi et ses « amies ». Je ne sais pas encore quel est le terme exact, mais si ce n’est pas du cynisme, du pragmatisme, du malaise à l’état pur… Je trouverai peut-être en poursuivant ma lecture. En tout cas, Ryu Murakami est ici très loin de « Kyoko », plein d’espoir et d’optimisme.