Chronique : Fraternidad

Une ode à la liberté, et à tous ces nobles sentiments des temps anciens : l’honnêteté, l’honneur, la loyauté et le courage face à l’adversité… En somme, un sublime roman de cape et d’épée qui se déroule… à notre époque !

Paru en librairie à la fin du mois d’août, Fraternidad est le dernier roman en date de Thibault Vermot. Il avait auparavant déjà été remarqué pour son roman Colorado Train, également chez Sarbacane dans la collection Exprim’.

Outre sa magnifique couverture à la fois graphique et ancrée entre deux esprits et époques : des silhouettes encapuchonnées à la Anonymous qui font penser à notre ère et d’autres, armées de rapières tolédanes qui font penser aux temps où un combat à l’épée était la norme face à tout affront, Fraternidad est un pavé. Un bon gros pavé de presque 700 pages. Et ça se lit tout seul. C’est même trop court…

Une adolescence difficile, où le bonheur est presque toujours absent

Ed Perry est un adolescent introverti, et pour cause, dès qu’il se fait légèrement remarquer par ses camarades, ces derniers le molestent. En particulier le trio mené par Cliff, qui ne rate jamais une occasion de lui casser la tronche, ou de le balancer dans les poubelles du lycée pour faire bonne mesure. Ed Perry est un looser. Du moins selon ses semblables. Mais il cache un secret, quelque chose de si génial qu’il tient bon toute la semaine pour ces deux heures de bonheur le vendredi. Il oublie tout : sa famille merdique, son lycée pourri, ses crétins de « camarades » et part deux courtes heures s’habiller de collants, d’une cape et d’une épée et va par monts et par vaux avec Fenton De La Mare, un cheval.

Oui, Ed Perry fait du cheval deux heures par semaines pour tenir le coup. Et il est persuadé que c’est le début de grandes choses. Que la noblesse d’esprit et la justice ne sont pas mortes, et qu’à son échelle il peut changer le monde… il ne le sait pas encore, mais c’est encore loin d’être le cas. Pour devenir un héros, il faut traverser quantité d’adversités et de dangers… et c’est ce qu’il va faire.

Mais regardez cette beauté !

Noblesse d’esprit, réseaux sociaux, amitié et humour noir mêlés

Ce bouquin est une véritable claque littéraire ! A peine débuté, impossible de s’arrêter tant on a jamais rien lu de pareil (je vous met au défi d’avoir déjà eu un livre comme ça entre les mains). C’est drôle et tragique à la fois, plein d’esprit, parfois fort cru (Ed est un adolescent, et rien de plus normal, il a aussi des fantasmes sexuels que l’on découvre au fil des pages…).

L’argument phare de ce livre, c’est que c’est un roman de cape et d’épées qui se déroule à notre époque. Le paysage suranné de l’Angleterre, dans le Devon du Sud, mélangé aux dangers des réseaux sociaux et de ses terribles travers fait mouche. Au début, on se demande forcément comment l’auteur va nous emmener dans son univers sans faire un embrouillamini peu digeste… mais c’est tout le contraire !

L’art du détail… au dos du livre.

Véritable réussite et tour de force, Fraternidad est un roman qui donne de l’espoir, qui fait rire même dans les heures les plus sombres… C’est une ode à tous ces romans tels que Les trois mousquetaires, ou encore Le bossu pour ne citer qu’eux. C’est écrit avec fougue, verve et… je ne vous ai pas encore parlé des chapitres entiers narrés en vers libre !

Je veux vous raconter une mésaventure

Qui m’advint tout à l’heure.

Trois faquins imbéciles

M’ayant cherché des poux comme j’étais en ville

Tracèrent leur chemin à ma suite en voiture.

Moi, j’allais chevauchant parmi landes et ruines,

L’épée au vent, l’étrier gaillard, et le nez

Taquiné doucement par la brise marine.

Mais de retour au camp, je restai bouche bée : […]

On aimerait une seule chose : rejoindre Ed pour partager ses rêves d’un monde meilleur dans la petite pièce secrète qu’il s’est aménagée et sentir les effluves d’un bon repas nourrissant flotter dans l’air…

Personnellement, j’ai donc adoré ce roman contemporain qui se joue des codes et en créé de nouveaux. A la fois terriblement actuel et résolument nostalgique d’une époque que l’on croit révolue… c’est sublime. Et l’atmosphère de fin du monde qui transpire parfois entre les pages de ce roman atypique ajoute à sa beauté… A lire dès 15 ans, pour le reste, il n’y a pas de limites !

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