Chronique : Frankly in love

L’adolescence d’un jeune homme tiraillé entre ses origines coréennes et la culture américaine dans laquelle il baigne depuis toujours… hilarant, et d’une finesse insoupçonnée.

Paru en 2019 aux éditions Albin Michel, Frankly in love est un roman détonnant qui conte les déboires amoureux d’un adolescent américain d’origine coréenne. David Yoon ayant les mêmes origines, il a parfaitement su camper son personnage !

Un Limbo comme les autres…

Frank est un adolescent ordinaire avec ses questionnements sur l’amour, le flirt et autres mystères… Sauf qu’il est américain d’origine coréenne, autrement dit un limbo comme il se décrit lui-même. En quoi est-ce un problème ? Tout simplement parce que les parents de Frank sont coréen et qu’ils ont déjà tout prévu pour lui en ce qui concerne l’amour : sa petite amie ne peut être que coréenne et RIEN d’autre ne pourra être accepté.
Alors quand le jeune homme tombe amoureux d’une américaine pur jus, les circonvolutions pour se voir vont être ardues. Les mensonges pour se voir vont être de plus en plus gros…

Lumineux, drôle et passionnant

J’ai rarement lu un roman aussi drôle qui parle avec autant de justesse de l’adolescence en général et cela avec humour. De même, le fait de se sentir coincé entre deux cultures est assez rarement traité en young-adult et c’est un sujet passionnant.
Le personnage de Frank Li est baigné depuis toujours entre deux cultures : de par sa naissances aux États-Unis, c’est un pur produit américain. De par ses origines coréennes dans lesquelles il baigne depuis toujours, il est également un enfant de la Corée bien qu’il n’en connaisse pas tous les codes.
Ce mélange entre les deux cultures est à la fois une force et une faiblesse pour lui qui essaye de se fondre dans deux moules différents : américain le jour et coréen le soir, quand il est avec sa famille.

Frankly in love est ainsi un roman bien plus profond qu’il n’y paraît même s’il est empli d’humour. Ce phénomène de l’apatride est ressenti par de nombreux enfants issus de l’immigration et cela quelle que soit la nationalité. Mais j’ai rarement lu un texte à la fois aussi juste et drôle.

Vous découvrirez un pan de la culture coréenne que l’on ignore car c’est une facette différente : celle de la communauté coréenne aux États-Unis. Ils ne sont guère nombreux, mais se serrent les coudes comme une vraie famille… cependant les apparences restent importantes. Ainsi, quand ça ne va pas, il ne faut surtout pas le dire à ses amis et se préserver absolument du qu’en dira-t-on. C’est ainsi que Frank et sa famille vont cacher de nombreuses choses à leurs proches pour préserver la « vitrine » parfaite.

Je souhaite souligner un aspect du roman qui m’a particulièrement plu : la difficulté pour les parents de Frank de bien parler américain. Leurs petites fautes de grammaire, leurs formulations bancales et attachantes à la fois, c’est très drôle et ça les rend très attachants. Même quand ils font vivre un véritable petit enfer personnel à leur fils avec leurs idées préconçues.

« C’est pas mal, Frankie. Tu vas à la fac ? Tu rencontres gentille fille ? Tu fais beau bébé ? C’est tout. Je meurs, oh, Frankie-ya, tu fais tout bien, je souris souris. Dernier souffle je fais avant abandonner cette dépouille mortelle.« 

Ils sont extrêmement touchants dans leur façon de vouloir protéger leur fils, ne souhaitant que le meilleur pour lui mais le faisant avec tellement de maladresse. Il se peut même que vous versiez votre petite larmes vers la fin de l’ouvrage, car certains passages sont très forts en émotion. Et tout cela sans misérabilisme !

Ainsi, bien loin d’être uniquement un roman humoristique contant les déboires amoureux d’un adolescent en perte d’identité, Frankly in love est une analyse fine de la société américaine et de ses immigrés coréens (mais je pense qu’on retrouve certaines similitudes quelle que soit la nationalité). C’est un régal entre analyse d’une société qui se cherche et beaucoup d’humour. A découvrir dès l’âge de 14 ans mais s’appréciera tout autant si on est un adulte.

Bonus : Vous ne parlez pas coréen ? C’est bien dommage ! Vous avez plus d’une page entière dédiée à une énorme dispute écrite entièrement… en hangeul. Mes notions de coréens sont tellement basiques que je ne sais dire que bonjour… Mais je trouve très drôle et malin d’insérer la langue d’origine dans certains passages du roman. En effet, Frank ne parle pas bien la langue coréenne – le hangeul – et ne comprend rien lui-même. Et comme le roman est écrit de son point de vue, il est logique que nous n’y comprenions rien en tant que lecteurs. En bref, une excellente idée de la part de David Yoon !

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