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Mes lectures de la rentrée littéraire d’automne 2025

Cette année encore, la rentrée littéraire d’automne (il faut maintenant préciser car même en janvier, les libraires n’ont plus vraiment de répit…) va battre son plein. Et cette année, moi qui suis en générale assez rébarbative face à cet assaut de nouveautés, je trouve qu’il y a beaucoup de diversité et de thématiques intéressantes.

En tout, ce sont 484 romans qui vont paraître dans cette période d’août à octobre. Et comme de coutume, il y a de hauts enjeux pour les éditeurs et les libraires. Et comme de coutume également, les libraires ne vont pouvoir lire qu’un faible pourcentage de cette rentrée, et tenter de vous trier – autant que possible – le bon grain de l’ivraie.

Pour ceux qui n’ont pas l’habitude de ce format, je réalise cette chronique au fil de mes lectures, elle sera donc régulièrement alimentée et agrandie. Pour ceux qui connaissent mes goûts littéraires, vous savez déjà que vais lire la plupart des titres issus de la littérature asiatique ! Et comme toujours, je commence par les titres qui m’ont le moins plu pour arriver jusqu’à mes favoris ! Et je peux d’ores et déjà vous dire qu’il y en a certains que j’ai très hâte de partager avec vous.

Mis à jour le 1er septembre :

11 livres lus = soit 2.27% de la rentrée littéraire.

Les potions d’amour de la famille Botero – Sun-young Lee – Hauteville, collection Kibun

L’histoire est assez simple, une famille coréenne concocte des remèdes pour soigner les personnes d’une façon différente de la médecine traditionnelle. J’avoue m’être rapidement perdue dans les personnages et les enjeux personnels de chacun… c’est le versant de la littérature coréenne que j’aime le moins : trop feel-good au point que ça en devient dégoulinant de bons sentiments… J’ai eu la même impression qu’à la lecture de La laverie Marigold chez Nami. J’ai donc abandonné à la moitié du roman.

Cette lecture est donc totalement oubliable et dispensable, même si l’on aime la Corée ou les romans doux…

Les griffes de la forêt – Gabriela Cabezon Camara – Grasset

Je ne suis pas une grande lectrice de littérature Sud-américaine, mais comme la rentrée est plurielle, j’ai voulu réésayer avec ce roman à la couverture esthétique et au résumé alléchant. On y parle d’une femme emblématique de l’histoire hispanique : Catalina de Erauso, le tout de façon romancée qui joue avec le réalisme magique.

Nous sommes en pleine forêt, et l’on suit cette femme qui vient de sauver la vie de deux jeunes Indiennes. Peu à peu, la lumière se fait sur son histoire, ses rêves, son passé mouvementé et des désirs…

Je n’ai pas aimé l’écriture trop dense et fouillée de ce texte. Je crois que c’est d’ailleurs pour cela que j’ai du mal avec la littérature hispanique et sud-américaine, c’est souvent trop digressif, métaphorique, et je n’y entend rien.
C’est bien écrit, il y a de belles phrases, mais je n’ai pas réussit à accrocher au texte… J’ai abandonné ma lecture à un tiers du roman, en me disant que ce n’était clairement pas pour moi. Je reste cependant persuadée que ce roman trouvera son public et que ce sont uniquement mes goûts personnels qui m’empêchent de l’apprécier.

La bossue – Saou Ichikawa – Globe

Rarement m’aura autant mise mal à l’aise tout en m’obligeant à le terminer. Les thématiques de ce roman sont pourtant nécessaires et rarement exploitées, il s’agit du handicap et de la sexualité, le tout au Japon. Autant dire que l’on va de tabou en tabou. Pour vous donner un peu de contexte, il est bon de savoir que l’autrice elle-même est lourdement handicapée. Elle a remporté le très prestigieux Prix Akutagawa (équivalent du Goncourt pour la France) avec La bossue en 2023. C’est la première autrice gravement handicapée à remporter ce titre, une preuve que les mentalités évoluent ?

« Il n’existait que des représentations très stéréotypées du handicap, et je voulais dépasser cela. Je voulais montrer que nous sommes des personnes aussi, avec une diversité de personnalités et de désirs ».

Dans ce texte très étrange, on suis une jeune femme nommée Shaka, lourdement handicapée à cause d’une maladie musculaire congénitale, bossue et ayant de très lourds problèmes respiratoires, la forme de sa cage thoracique étant très déformée. Elle vit de petits boulots de rédaction sulfureux et parfois violents et surtout d’un héritage conséquent laissé par ses parents, ce qui lui permet d’être à l’aise financièrement et même de vivre dans le lieu de soin créé par ses parents.

Sa vie sur internet est évidemment très différente de la réalite, mais cet exutoire est vital pour Shaka. Elle peut balancer sur Titter ses pensées les plus provocantes et les plus impures, de même que dans ses textes à la sexualité très explicite, elle qui n’a jamais vécu de relation charnelle.

Mais un jour, un de ses soignants découvre qui est derrière ce compte Twitter provocateur, et là, Shaka se dit qu’il est temps pour elle de réaliser un de ses désirs les plus retors…

Je n’ai pas du tout aimé ce très court roman, presque une novella. Les détails sur la maladie de Shaka sont beaucoup trop nombreux, rien ne nous est épargné, et il n’est pas question de minimiser une maladie, mais ici on est dans le voyeurisme total. Quant au rêve extrême de Shaka, il est malsain au possible… elle qui veut passer de monstresse à femme, pour moi c’est l’inverse. Avant son idée, c’était une femme pour moi, elle souffre de malformations et de difficultés à respirer, ingérer, et tout est laborieux pour elle, mais c’est une femme.
Son idée malaisante la rend pour moi monstrueuse… Je n’ose pas en dévoiler plus, mais selon moi, c’est sale et franchement dispensable.

Ce roman contre le validisme et ses normes aurait pu être un véritable cri du coeur à la fois percutant et mémorable. Mais pour moi, ce fut une lecture difficile car très sombre et glauque au possible, je peux comprendre qu’on y perçoive de l’humour noir, mais je n’y suis pas parvenue de mon côté. J’adore lire des texte dérangeants et bizarres, mais avec La bossue j’ai trouvé ma limite.

Je reste cependant curieuse de découvrir d’autres romans de cette autrice qui a annoncé vouloir écrire une salve d’autres romans pour lutter contre les préjugés, et ça c’est toujours une bonne nouvelle. Je salue donc la démarche anti-normes, mais j’ai eu du mal avec le contenu de La Bossue. A noter que le roman est actuellement en lice pour le Booker Prize.

Le garçon venu de la mer – Garrett Carr – Gallmeister

Ce roman avait tout pour me plaire dans les faits : un bébé mystérieusement arrivé sur la côte, un village irlandais où tout le monde se connaît et une atmosphère où nature et quotidien s’entremêlent. Les éditions Gallmeister sont par ailleurs pour moi (et beaucoup d’autres lecteurices) gage de qualité et d’évasion. Cette lecture était un peu comme une promesse de lecture plaisante…

Et pourtant, malgré tous ces ingrédients réunis qui font habituellement recette auprès de moi, je n’ai pas réussi à m’imprégner des personnages et de leur quotidien âpre de pêcheurs. Il m’a manqué un je ne sais quoi pour transformer ce roman sympathique en quelque chose de plus puissant. Le mystère du bébé abandonné ne m’a pas plus captivée que cela malgré un début de roman réussi, et j’ai trouvé que les personnages n’étaient pas tous assez développés, ce qui créait une confusion par moment à la lecture.

Ce n’était pas une lecture désagréable, mais je sais déjà que je vais rapidement oublier ce texte…

Jours de révolte – Gigi Leung Lee-chi – Fayard

Un texte qui parle de la bascule qu’a subit Hong Kong en 2019 ? Evidemment, je fonce. Et ce roman très politique vaut le détour pour qui s’intéresse à l’histoire récente et révoltante de cette ville assiégée par la République Populaire de Chine. Le peuple Hongkongais est depuis quelques années pris en otage, la presse publique muselée et tout chant discordant tué dans l’œuf. Jours de révolte raconte ce qu’il se passe de l’intérieur, dans le quotidien normal des hongkongais qui veulent relever la tête, mais dont la vie et les libertés sont menacées à chaque manifestation. C’est ce climat de peur et de révolte mêlés qui nous sont ici contés au travers de plusieurs grands chapitres, chacun s’attardant sur une tranche de vie particulière avec les craintes et aspirations de chacun…

J’ai apprécié ce texte pour ce qu’il nous apprend de l’atmosphère de Hong Kong et de ses enjeux, mais je pense que si l’on est pas un peu intéressé par le sujet, Jours de révolte peut sembler rébarbatif car très centré sur le quotidien. Mais pourtant, sous ses vies qui couvent et qui veulent s’épanouir, un cri de révolte gronde… Mais la Chine veut tout faire pour reprendre la main sur ce territoire qui a bien trop pris goût à la liberté pour elle… Quitte à faire changer le contenu des manuels scolaires et effacer les événements gênants de l’histoire très récente du pays tels que le Mouvement des parapluies ou encore l’Eté de la révolte…

Pour aller plus loin et mieux appréhender ce texte, vous pouvez regarder le documentaire Hong Kong, l’agonie d’une démocratie sur Arte. Il résume à merveille les conséquences de cette prise du pouvoir la « loi » et la force… Où donner un paquet de chewing-gum à la mauvaise personne peut vous coûter 18 mois de prison…

Éclaircie – Carys Davies – Quai Voltaire

Si vous avez envie de dépaysement et de landes écossaises, ce roman est pour vous. L’intrigue est menée de main de maitre, mais c’est surtout son atmosphère que je vous recommande. L’histoire ? Un homme doit déloger un autre. Le problème ? C’est que cet homme à expulser est le seul habitant de l’île, et qu’il est le dernier à parler sa langue… Se faire comprendre va s’évérer difficile… D’autant plus quand l’homme mandaté pour l’expulsion a un accident et se retrouve recueilli par celui même qu’il doit emmener u loin par bateau… L’histoire semble indémêlable, mais le talent de Carys Davies va nous transporter dans un ailleurs inattendu et réussit.

Éclaircie est un roman historique (nous sommes à la fin du 19ème) qui nous fait découvrir de façon détournée la Great Disruption, schisme au sein de l’église presbytérienne d’Ecosse où près de 500 de ses pasteurs se rebellèrent. Ce sujet n’est pas central, il se voit par petites touches au fil de l’histoire. Cette dernière pourrait presque intemporelle tant l’isolement est extrême dans ce roman où la langue et ses obstacles sont source de fascination.

En somme, Éclaircie est un bon roman qui possède une histoire intrigante et qui surtout nous fait voyager à peu de frais dans une Écosse isolée de tout sauf du mauvais temps et de la cruauté de la nature. Une belle expérience de lecture à faire.

Le suicide exalté de Charles Dickens – Philippe Delerm – Seuil

S’attaquer à la vie de ce monument de la littérature mondiale qu’est Dickens était risqué, mais Philippe Delerm réussit à nous entraîner dans la vie de cet homme du peuple avec talent. On a qu’une seule envie après avoir refermé ce livre : ouvrir ceux de Dickens, et pas nécessairement les plus connus.

Ce texte est à classer entre l’essai littéraire et la biographie romancée. Rien qu’avec le titre, vous vous doutez que l’on va surtout traiter la seconde moitié de sa vie. Mais saviez-vous qu’il donnait très régulièrement des lectures publiques de ses œuvres ? Qu’il était autant avide de succès que d’argent ? Qu’il aimait marcher comme un forcené, à tel point que même lourdement malade il continuait à se balader par monts et par vaux ?

Cet ouvrage est clairement un hommage réussit à l’écrivain, on sent toute l’admiration qu’a eu Delerm pour cet homme à l’oeuvre si connue qui gagnerait à être lue et relue…

En finir avec les jours noirs– Effie Black – Gospel

Clairement le roman le plus inclassable et étrange que j’ai lu de la rentrée. La thématique principale de cet OLNI ? Le suicide et ses mécanismes, pas seulement chez les humains mais également chez la money spider entre autres choses. C’est à la fois passionnant et incroyable. On suis une jeune femme, chercheuse en psychobiologie de métier, qui tente de prendre du recul sur ses différentes expériences personnelles vis-à-vis du suicide et plus largement des traumas de sa vie. Car son parcours personnel est jalonné de personnes ayant tenté et parfois réussi à se suicider.

Ce roman queer est magnifique par bien des aspects, mais le principal reste avant tout son soin incroyable quant aux détails du quotidien ainsi qu’au travail fait sur les personnages. Ils sont vivants, ont du relief… ils sont superbes avec toutes leurs failles et leurs travers. A réserver à des lecteurs qui ont envie d’être surpris par une littérature à la fois underground et superbe. C’est un roman aussi beau que terrible qui possède une sensibilité rare avec de la lumière malgré tout ce qu’y s’y passe…

Strange Houses – Tome 1 – Uketsu – Seuil

L’auteur de Strange Pictures revient avec un autre concept complètement dingue pour nous angoisser ! Cette fois-ci, pas de dessins, mais des plans d’architecte. Des plans, oui. Et encore une fois je me suis fait avoir et j’ai eu super peur… L’idée est simple mais diabolique, à partir d’un simple plan, le narrateur va découvrir les secrets cachés d’une maison et d’une famille qui y habitait… jusqu’à la révélation finale terrible !

Encore une fois, je me suis laissée embarquer avec une facilité déconcertante dans l’univers glauque et génial d’Uketsu. Je ne saurais dire si j’ai préféré Strange Pictures (dont le début était d’une force rare qui m’a marquée) ou Strange Houses (qui a également un début incroyable). Une chose est sûre, c’est un auteur anonyme sur lequel il faudra désormais compter ! Si vous aimez le Japon, les légendes et les croyances familliales, vous êtes au bon endroit.

La bonne nouvelle, c’est qu’il y aura une suite à Strange Houses, car le second tome est déjà paru au Japon !

Nous n’avons rien à envier au reste du monde – Nicolas Gaudemet – L’observatoire

Inconnu du grand public, Nicolas Gaudemet en est pourtant à son second roman. Le premier, La fin des idoles aux éditions Tohu-bohu n’ayant pas fait grand bruit (j’ai osé faire ce jeu de mots, oui) malgré une qualité indéniable.

L’auteur revient donc sur les tables des libraires avec ce titre intriguant : Nous n’avons rien à envier au reste du monde, titre qui vient des paroles d’une chanson chantée en Corée du Nord pour motiver son peuple harassé. Le bandeau du livre ne nous permet pas de nous méprendre : Roméo et Juliette en Corée du Nord. Et bien, oui, c’est exactement cela et plus encore !

Pour coller au plus près de ce qu’est la réalité dans la dictature la plus fermée au monde, l’auteur s’est même rendu sur place. Et son roman n’en est que plus passionnant. Pour avoir lu beaucoup de livres sur la Corée (Nord & Sud) et même des romans venus de Corée du Nord, l’auteur a su parfaiement adhérer à l’esprit véhément et combatif de son peuple. J’ai même appris des choses incroyables sur les croyances inculquées par le gouvernement aux Nord-coréens : ces derniers sont persuadés que les hauts membres du parti lisent dans les pensées. On comprend mieux pourquoi notre héros se corrige lui-même de ses mauvaises pensées !

On découvre également à quel point l’image entâchée d’une seule personne de notre entourage peut déteindre sur nous pour toute la vie. Certains n’aurons jamais de poste intéressant ou correct, tout simplement car ils sont de la même famille qu’un voleur ou d’une personne qui possède des copies piratées de films américains. La peine de mort est courante là-bas, de même que des camps de redressement où il est très rare de ressortir autrement que les pieds devant…

Pour ce qui est de l’histoire, elle est passionnante. On a beau savoir comment tout cela va se terminer, il est impossible de s’arrêter. Cette histoire d’amour belle et naissante est si douce à lire qu’on continue à avoir de l’espoir… envers et contre tout.

Ce roman français qui parle de la Corée du Nord et un peu de la Chine frontalière m’a énormément plu. C’est efficace, bien écrit, captivant et on apprend plein de choses… même quand on aime déjà le sujet ! Un de mes gros coups de coeur de la rentrée littéraire !

La nuit au cœur – Nathacha Appanah

Pour le moment, c’est mon coup au cœur de la rentrée littéraire. Un roman journalistique et autobiographique qui m’a transportée, effrayée et révoltée tout à la fois. Je n’aurais pas assez de mots pour rendre justice à ce texte. Tout ce que je puis dire, c’est que l’autrice parle d’un sujet toujours tristement actuel : les violences faites aux femmes et plus particulièrement les féminicides.

Elle s’empare du sujet avec talent, c’est une autrice minutieuse, qui dissèque son passé et celui des autres pour nous en faire un rendu absolu des événements. Entre le journalisme, l’autofiction et le roman, ce portrait brossé de trois femmes (elle comprise) dont le point commun est d’être en danger mortel à cause de leurs conjoints est brillant de noirceur. Elle se fait un devoir d’être la passeuse de cette expérience, car c’est la seule des trois à avoir survécu à son « amour ».

Le sujet du féminicide est extrêmement délicat et difficile à aborder, mais Nathacha Appanah possède deux choses qui lui permettent d’en parler de façon juste et saisissante : l’expérience et le talent narratif.

Interview de Gu Byeong-mo pour son roman Les petits pains de la pleine lune

Les petits pains de la pleine lune pocheLa bibliothèque de Glow : Pourriez-vous raconter votre parcours aux lecteurs de La Bibliothèque de Glow ?

Gu Byeong-mo : Bonjour. J’ai toujours mené une vie discrète, tout ce qu’il y a de plus ordinaire, une vie sans aventure qui s’écarte très peu du banal. Ma famille est un peu compliquée et par réaction, j’ai toujours été poursuivie par l’idée de vivre une existence modèle, d’être comme tout le monde, c’était une véritable obsession.

C’est pourquoi, suite à mes études universitaires, je me suis fait embaucher dans une entreprise, me suis mariée, ai eu des enfants, bref, j’ai accepté docilement le cycle de vie classique que suivent la majeure partie des gens. Mais depuis quarante ans, j’ai toujours cette envie d’ailleurs, et finalement, créer un monde nouveau en écrivant des romans est devenu pour moi un moyen de voyager.

La bibliothèque de Glow : Les petits pains de la pleine lune est un beau récit initiatique, comment son univers si dur et particulier vous est-il venu à l’esprit ?

Gu Byeong-mo : Le thème et l’idée de ce roman, je les dois à « la maison en pain d’épices » qui apparait dans le conte Hansel et Gretel des Frères Grimm. Dans cette maison vit une très méchante sorcière. Hansel et Gretel sont des pauvres enfants abandonnés par leurs parents et qui risquent de se faire assassiner par la sorcière. Dans mon enfance, j’ai vécu une menace à peu près semblable à la leur, et j’ai éprouvé la même angoisse de mort, mais en ce qui me concerne, il n’existait pas de magicien pour me protéger. C’est la raison pour laquelle j’ai offert au personnage de mon roman un magicien capable de lui fournir un refuge, même s’il n’est que provisoire.

Les petits pains de la pleine lune (korean version)La bibliothèque de Glow : Une boulangerie magique et un peu sorcière, ça a de quoi faire rêver… et si vous ne deviez acheter qu’une seule pâtisserie de cette boutique que vous avez créé, laquelle serait-ce ?

Gu Byeong-mo : Au premier coup d’œil, c’est un espace de rêve, mais beaucoup des pâtisseries proposées dans cette boutique sont en décalage avec la réalité de la société humaine. Si j’avais un budget suffisant, j’achèterais un exemplaire de chacune des pâtisseries, mais ce serait seulement par curiosité car je n’aurais jamais l’occasion de les utiliser. Les lecteurs qui ont lu ce roman me disent souvent qu’ils auraient surtout besoin d’un « Financier sosie » pour envoyer leur double à leur place au bureau ou à l’école.

La bibliothèque de Glow : Est-ce que les contes de fées vous on aidée à tisser votre récit ?

Gu Byeong-mo : Depuis toujours, je m’intéresse beaucoup aux mythes, aux contes, aux légendes, et dans plusieurs de mes romans suite à celui-ci, je me suis approprié ces contes pour les transformer et les réinterpréter.

La bibliothèque de Glow : Lesquels vous ont ainsi inspirée ?

Gu Byeong-mo : En septembre 2015, je viens de publier un recueil de nouvelles que j’ai écrit en prenant comme concept principal « la réinterprétation des contes ». Certaines nouvelles reprennent des idées des contes d’Andersen comme Les souliers rouges , La petite fille aux allumettes, d’autres s’inspirent des écrits des Frères Grimm comme Le géant aux cheveux d’or, La petite gardeuse d’oies, Le prince grenouille, La sage Élise. Je les ai réinterprétés et reconstruits d’un point de vue moderne. Je pense que tous ces contes doivent vous être familiers, j’aimerais que beaucoup de lecteurs s’intéressent à mon ouvrage et le lisent, et peut-être ainsi paraîtra-t-il un jour en France.

La bibliothèque de Glow : En France, nous vous connaissons uniquement pour deux ouvrages : Fils de l’eau et Les petits pains de la pleine lune. En avez-vous écrit d’autres ? Que racontent-ils ? 

Gu Byeong-mo : Je publie presque un nouveau roman par an. Ils traitent en général avec ironie de l’égoïsme et des maux de la société, j’essaie par le biais du réalisme magique de faire une critique de la dure réalité et de l’injustice de notre société.

Les petits pains de la pleine luneLa bibliothèque de Glow : La Corée est l’invitée d’honneur du prochain Salon du Livre en France, viendrez-vous à l’événement pour rencontrer vos lecteurs français ?

Gu Byeong-mo : Pour qu’un auteur coréen soit présent à un salon du livre international, il faut d’abord qu’il y soit invité. En général, on sélectionne des auteurs déjà connus, prometteurs en Corée dont les nombreux ouvrages ont été traduits et publiés dans les pays européens et anglophones. En ce qui me concerne, je ne suis pas encore un auteur assez réputé pour ça (je crois que je ne mérite pas encore d’être invitée dans un salon du livre international J ). Si vous, lecteurs, me soutenez et réclamez avec force ma présence auprès des Editions Philippe Picquier, cela pourrait faire flancher les éditeurs coréens… !

La bibliothèque de Glow : Autre chose à ajouter ?

Gu Byeong-mo : Je vous remercie d’avoir apprécié mon roman.

Aujourd’hui, en Corée, les petites librairies traditionnelles ferment les unes après les autres, seules quelques grandes librairies gérées par des grandes entreprises et qui vendent aussi en ligne parviennent à survivre. C’est pourquoi je suis profondément émue d’apprendre qu’en France, il existe encore des blogs tenus par des libraires, et que des gens continuent à venir acheter des livres dans des librairies indépendantes.

La bibliothèque de Glow : Un immense merci à Yeong-hee et Mélanie Basnel pour avoir assuré cette traduction. Sans elles, cette interview n’aurait jamais eu lieu. Merci également aux éditions Philippe Picquier et à son attachée de presse d’avoir permis cet échange avec Gu Byeong-mo.