Archives du mot-clé rationnement

Chronique : Là où tombe la pluie

Là où tombe la pluieEt si la pluie ne tombait plus nulle part sur les Royaumes-Unis  sauf sur une petite propriété perdue dans la campagne anglaise ?

Catherine Chanter est une auteur anglaise, Là où tombe la pluie est son tout premier roman, il a été un véritable phénomène dans son pays d’origine. En France, ce sont les éditions Les Escales qui ont publié l’ouvrage en août 2015, il vient tout juste de sortir chez Le Livre de Poche.

L’histoire d’un couple en plein délitement qui cherche une bouffée d’air

Le couple que forment Ruth et Mark bat de l’aile. La vie londonienne ne leur convenant plus, ils décident de partir à la campagne pour changer leur façon de s’appréhender mutuellement, de vivre. C’est ainsi qu’ils emménagent à La Source, un magnifique endroit où tout semble plus beau, plus vivant, vert.

Mais un événement préoccupant survient : le pays subit une sécheresse sans précédent. Plus de pluie, plus d’eau nulle part. Peu à peu, les rationnements se mettent en place, mais la pénurie s’installe malgré tout. Et au centre de ce drame à l’échelle nationale, La Source. Ruth et Mark habitent le seul endroit du pays où tombe encore la pluie et où l’eau coule à flot.

Envie, jalousies, haine, ils vont être la cible des pires sentiments de l’humanité. Et La Source va également attirer d’étranges cercles de croyances et sectes diverses, y compris celle de La Rose de Jéricho. L’une de ses membres en particulier, Amélia, semble avoir une emprise particulière sur Ruth… Mais dans quel but ?

Et parmi tous ces événements sombres et anxiogènes, l’un d’entre eux, plus que tous les autres va gangrener Ruth : la mort de son petit-fils Lucien. Assignée à résidence, soupçonnée d’être une criminelle, harcelée et torturée par mille pensées, c’est ainsi que commence Là où tombe la pluie. Entre drame, roman psychologique et récit social.

Un récit aux idées excellentes mais à la mise en place lente et vaporeuse

L’idée de base du roman est très bonne, son développement également est bien fait, mais on se perd peu à peu dans les méandres de la culpabilité de Ruth.

La mort de son petit fils, ses interrogations, son assignation à résidence alors qu’on ne sait pas réellement si c’est elle qui l’a tué… Tout le panel de sentiments qu’elle attire également à cause du fait qu’elle possède La Source. Tout cela se mélange pour créer un portrait déstabilisant de Ruth.

Tantôt victime, tantôt initiatrice, elle semble avant tout plus perdue qu’autre chose. Et surtout, ses questionnements et hésitations la rendent extrêmement indécise et malléable.

Je dois avouer que c’est un personnage pour lequel j’ai eu du mal à avoir de l’affect car elle agace plus qu’autre chose à force de tergiversations. Et comme le roman tourne énormément autour de sa psychologie et de sa façon d’appréhender les événements, on peut vite s’irriter de sa façon d’être.

Alors, certes, le côté manipulation et troublé de l’intrigue est très bien fait. On se pose certaines questions jusqu’à la fin, l’histoire tenant plutôt bien le lecteur. Mais il y a de grosses lenteurs qui rendent éprouvante la lecture.

Catherine Chanter aurait encore pu développer plus l’évolution de la société anglaise face à la pénurie car ses idées étaient franchement bonnes. Mais comme l’histoire est écrite du point de vue de Ruth, on est vite limités, ce qui est normal vu son statut de prisonnière sous son propre toit.

Nous sommes donc dans un huis clos oppressant teinté de nombreux flash-back, et la présence de sœur Amélie n’arrange rien. Cette étrange femme ayant créé la secte de La Rose est persuadée que Ruth est une élue qui doit accomplir son destin… et l’entraîne à sa suite dans ses croyances singulières et étranges… Mais le tout reste extrêmement long à développer malgré des personnages réalistes et assez crédibles.

 ……

Ce premier roman de Catherine Chanter est ainsi plein de bonnes idées mais traine beaucoup trop en longueur. Le sentiment d’oppression et de tension est bien là et parfaitement campé, mais ça ne suffit à en faire un grand roman. Trop de remplissage, une protagoniste trop malléable et peu attachante, ces faiblesses laissent un goût d’inachevé à ce roman nébuleux aux allures dramatiques.

EDITEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Silo – Tome 1

Silo 01Pourquoi nécessairement mettre des graines dans un silo quand on peut y mettre des hommes ?

Premier roman de Hugh Howey à paraître en France, Silo est également l’ouvrage qui a ouvert la toute nouvelle collection sf d’Actes Sud : Exofictions. L’ouvrage est paru en septembre 2013, il est le premier tome de la trilogie Silo.

Pour la petite histoire, sachez que Silo était avant tout une nouvelle mise en ligne par Hugh Howey avant d’être un best-seller dans son pays d’origine.
Dans ce récit à l’idée aussi originale qu’étrange vit toute une population d’être humains dans un tube profondément enterré sur la longueur : un silo.

Survivre dans un monde apocalyptique sans perspectives d’avenir…

Nous ne savons ni où ni quand, mais des hommes (toute une communauté) vivent dans un silo géant, sous terre. Personne n’est à même de savoir depuis quand et pourquoi cela est ainsi, mais tous servent au mieux leur communauté afin qu’ils survivent. Chacun a une attribution précise et doit déclarer toute relation amoureuse. Pour avoir un enfant, il faut déposer une demande et croiser les doigts pour gagner à la loterie… voilà le tableau de la vie dans le silo.

Mais la construction a beau être souterraine, les habitants du Silo ont une vue imprenable sur l’extérieur à travers l’œil de trois caméras. Personne ne peut mettre un pied dehors à cause de l’air toxique… mais certains sont tout de même condamnés à y aller. En effet, si vous faite que ne serait-ce évoquer l’extérieur, vous êtes bon pour un aller simple et la mort garantie. C’est d’ailleurs ce qui va arriver au shérif du silo, et ce qui était arrivé précédemment à sa femme…

Et c’est ainsi qu’entre en jeu le personnage de Juliette : mécano surdouée qui travaille dans la partie basse du silo. Elle est pressentie pour remplacer le shérif du silo, mais la politique interne semble bien décidée à mettre des bâtons dans les roues de cette évolution. D’autant que Juliette préfère de loin le cambouis et le goût de l’effort aux machinations obscures qui se trament en haut…

Un roman policier ayant pour toile de fond l’anticipation

Le début du roman ainsi que la présentation de son univers est efficace et percutante. L’idée d’enterrer des hommes dans un silo est intéressante, elle attise la curiosité. Le tout est bien traité, les personnages sont assez creuses pour être attachants, en particulier Juliette : volontaire, douée, et dotée d’un fort sens de la justice. Je pense également à toutes les petites mains du fond qui sont décrite avec tant d’affection par Hugh Howey : Shirmy, Walker, Jenkins…

Au fil des pages, ce qui nous apparaissait uniquement comme un récit de sf prend de l’ampleur. Silo acquiert une dimension politique (à une échelle réduite, mais tout de même) et prend des pistes inattendues pour la suite de son intrigue.
Alors, certes le roman est avant tout un récit d’anticipation, mais il joue également sur les codes du roman à suspense. Chapitres conclus de telle façon que c’en est addictif, twists en fin de partie, tensions… Ce jeu de genres n’est pas pour déplaire, bien au contraire !

…..

En conclusion, Silo est un très bon premier tome avec tantôt une intrigue prévisible, tantôt des chutes choc. Il plaira aussi bien aux lecteurs de récits d’anticipation qu’aux autres, et c’est une belle façon de démocratiser la sf, Actes Sud étant réputé pour éditer des textes de qualité. L’équilibre est bien dosé entre les phases de suspense et les révélations, nous laissant toujours sur le fil du rasoir.
A suivre avec le second tome déjà paru : Silo Origines, et le troisième qui vient tout juste de sortir : Silo Générations.

Chronique : La cité de l’ombre – Tome 1

la cité de l'ombre 01Et si tout ce que vous connaissiez du monde était une ville souterraine ?

Jeanne DuPrau est une auteure américaine de fantastique très prolifique, les quatre livres constituant la série de la Cité de l’ombre sont les seuls de l’auteure à être publiés en France pour le moment. Le premier roman de la quadrilogie a été adapté au cinéma en 2008 sous le même titre.

Dans la cité souterraine d’Ember

A peine commencé, le lecteur se retrouve plongé dans la ville de Doon et Lisa, deux jeunes gens qui vont bientôt commencer à entrer dans la vie active grâce à la cérémonie des Attributions, le métier de chacun est attribué par tirage au sort d’un petit papier, selon les besoins de la ville, les attributions changent chaque année.

Parallèlement à ces deux nouvelles vies qui commencent, celle de la ville elle, s’essouffle : les matières premières viennent à manquer et pire que tout ; la cité est en proie à des pannes d’électricité, son générateur peine de plus en plus à satisfaire les besoins des habitants.

C’est donc une ville mourante à laquelle on est confronté, mais personne n’a l’air de s’en inquiéter au point de faire bouger les choses… personne sauf Doon.

Une quête… mais vers quoi ?

La cité de l’ombre est un roman jeunesse assez simple dans sa construction, mais très riche dans ses idées. On ne sait pas directement quelle est la « quête » à accomplir par nos deux héros car eux-mêmes ignorent ce qu’ils cherchent, ni même si elle est matérielle ou spirituelle, le mystère est bien gardé et les lecteurs dès l’âge de 11 ans s’épanouirons dans cette lecture remplie d’aventures et de secrets bien gardés.

Amitiés naissantes, d’autres brisées, le tout sur fond de manigances obscures, Ember est une ville pleine de secrets.

Un mode de vie très différent et organisé très intelligemment.

Le charme de l’œuvre réside dans la découverte pour le lecteur d’une nouvelle forme d’organisation. En effet, la ville d’Ember est très différente de ce que l’on pourrait connaître : personne ne choisi son métier, il est défini selon les besoins de la ville, et si au bout de quelques années quelqu’un n’est pas efficace dans la branche qu’on lui a définie, on l’en change jusqu’à trouver la bonne pour lui et pour la ville.

Tous les objets de la vie courante non fabriqués par Ember sont entreposés dans de gigantesques entrepôts, et chacun doit faire une demande pour obtenir ce qu’il désire, que ce soit des conserves, des chaussettes ou encore des ampoules ; tout est rationné. Cette logistique entraîne parfois certaines dissensions au sein de la ville, certains ayant obtenu ce qu’ils souhaitaient alors que d’autres n’ont rien, c’est injuste mais c’est la loi d’Ember.

En conclusion, la cité de l’ombre est un très bon premier tome très axé « social » dans son exploitation des facettes humaines sur fond de fin du monde. Riche en découvertes et rebondissements, il séduira tous les amateurs d’aventures et les autres aussi.

Site officiel de Jeanne DuPrau.