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Chronique YA : La trilogie Le chaos en marche

Paru en France en 2009, le premier tome de La Voix du couteau a lancé une série qui fut rapidement érigée au rang de classique contemporain. Patrick Ness est un auteur d’origine anglo-américaine qui a déjà quantité d’ouvrages à son actif. Il a notamment écrit Quelques minutes après minuit (basé sur les écrits préparatoires de Siobhan Dowd) qui fut adapté au cinéma. Il a également écrit Libération (2018) ou encore Burn en 2020 (PKJ).

Une idée originale jamais lue auparavant

Imaginez un monde où toutes les pensées qui vous traversent l’esprit volent dans les airs et parviennent jusqu’à vos voisins, vos amis, les passants… tout le monde. On appelle cela le Bruit. C’est dans ce monde déstabilisant que vit le jeune Todd Hewitt. Il a treize ans et il est le dernier « enfant » du village de Prentissville, toutes les femmes et les enfants ayant disparus il y a longtemps. Il ne le sait pas encore, mais son destin va basculer : dans cette bourgade où vivent exclusivement des hommes qui entendent toutes les pensées des uns et des autres, difficile de garder un secret. C’est pourtant ce que Todd va devoir faire si il tient à préserver les apparences…

Une dystopie passionnante

Le premier tome du Chaos en marche est terriblement original : un monde au fonctionnement unique causé par le Bruit. Un jeune héros dépassé par ses découvertes et qui grandit malgré lui à force d’enchainer les erreurs de jugement. On retrouve dans La voix du couteau tous les éléments de la dystopie young-adult : un héros/narrateur jeune, un monde hostile aux subtilités nombreuses que l’on découvre peu à peu de façon glaçante et une quête de vérité, de justice.

Todd est un héros intéressant, mais ce n’est au final par le plus passionnant des personnages de cette trilogie pour moi. Je ne vous en dis pas plus par risque de vous gâcher une bonne partie de l’intrigue. Cependant, pour moi Todd n’est pas le plus original des héros dans ses actions ou sa façon de penser les choses. Il est courageux, certes, mais est un peu trop centré sur sa petite personne, même dans des moments terribles. Mais Patrick Ness sait faire évoluer ce héros ordinaire pour le rendre plus crédible et moins « pur ».

Non, le plus intéressant dans cette trilogie, c’est la façon qu’a Patrick Ness de manipuler les actes de certains personnages pour les rendre ambigus. Il arrive à complexifier ce qui paraît aux abords simple. Ici, rien n’est manichéen même si ça y ressemble au début. Plus on avance dans la trilogie plus les frontières entre bien et mal se mélangent jusqu’à se dissoudre… Et je pense que c’est justement cela le message de Patrick Ness : jusqu’à quel point peut-on faire du mal en ayant des buts louables ? Une guerre est-elle bonne juste parce qu’elle est censée sauver plus de vies que de morts causées ?

Il y a énormément de réflexions sur la justice, l’égalité et la liberté. Le second tome fut pour moi le meilleur, car on voit peu à peu ce que de belles paroles peuvent faire comme tort. Comment avance doucement la perte des libertés sans même qu’on s’en rende compte tant c’est pernicieux. C’est malheureusement d’actualité dans certains pays actuellement (ça fait écho à ce qui se déroule en Afghanistan par certains aspects, ça fait froid dans le dos).

A partir du second tome, on change de style de narration, basculant entre plusieurs narrateurs. Le changement à lieu à chaque nouveau chapitre et nous permet d’en apprendre beaucoup plus sur certains aspect de la vie à Nouveau Monde (nom de la planète).

Pour ce qui est du troisième opus, il est pour moi moins passionnant car je n’y ait pas retrouvé l’originalité des deux précédents ouvrages. La narration change de voix à chaque chapitre comme dans le second tome, mais ce n’est pas suffisant pour tenir le lecteur. L’histoire devient beaucoup plus classique avec un fond guerrier qui va persister tout au long du roman. C’est dommage d’avoir perdu cette flamme originale et de basculer dans un final beaucoup plus classique… Cela m’a quelque peu laissée sur ma faim car j’attendais quelque chose de bouleversant. A tel point que je n’ai pas su être franchement touchée par certaines scènes car trop prévisibles…


Il fallait bien évidemment que Patrick Ness trouve une conclusion à cette trilogie. Tout ce que je sais, c’est que les deux premiers tomes ne sont que successions d’action de révélations fracassantes. Le troisième tome sert à boucler le tout de façon réussie mais un peu trop convenue et précipitée à mon goût.

Ainsi la trilogie du Chaos en marche est une réussite malgré quelques inégalités de qualité au fil des tomes. Il faut la lire pour découvrir un univers d’une originalité redoutable, une dystopie sombre et cruelle jamais faite auparavant. La série est lisible dès l’âge de 14/15 ans environ et sera tout à fait lisible par des adultes férus de sf et de suspense. D’ailleurs, Gallimard a sorti la trilogie à la fois chez Gallimard Jeunesse/Pôle Fiction et FolioSF, preuve en est que le public pour cette œuvre est large. Belle découverte à vous.

Chronique : Armada

Le nom d’Ernest Cline vous dit peut-être quelque chose, cela d’autant plus avec la récente adaptation au cinéma de Spielberg de son roman Player One ! Son premier ouvrage avait été une véritable claque, un immense coup de cœur dont il avait été difficile de se relever.

Et voici que vient de paraître il y a quelques mois le second roman de monsieur Cline : Armada. A-t-il réussi à éviter tous les écueils du deuxième roman ? Armada a-t-il le pouvoir de transporter son lecteur ? Voici toutes les réponses à ces questions et plus encore dans la chronique qui va suivre.

Immersif, dès les premières pages

Tout commence lorsque le jeune Zack Lightman voit par la fenêtre de sa salle de classe un vaisseau spatial. Impossible qu’il ai été conçu par l’homme quand on voit son design… Mais chose étrange il est la copie conforme des vaisseaux du jeu Armada. Zach a-t-il rêvé ? Eu une hallucination ?

Cela lui fait peur, car son père, avant sa tragique disparition,  ne cessai de croire aux théories du complot en tous genres et disait à qui voulait l’entendre qu’une forme de vie intelligente existait dans l’espace. Selon le père de Zach, le gouvernement est au courant depuis des années, voir des décennies… et tous ces jeux-vidéos, films, bd de science-fiction n’ont qu’un but caché : nous préparer sinon à les rencontrer, les affronter. Et ce vaisseau que Zach a vu, ressemblant trait pour trait à ceux de son jeu favori ne sont pas un hasard…. Et si son père n’avait pas été un fou, mais un visionnaire ?

Un bon roman qui fait une la part belle au rétro gaming et à la culture pop 

Ceux qui ont aimé Player One aimeront fatalement Armada. On y retrouve la recette qui avait si bien fonctionné précédemment. Un dosage entre aventure, références geek (tant musicales que cinématographiques notamment) et une foule d’autres choses.

Dans Armada, nous sommes dans une ambiance bien plus militaire, donc très stricte par moments. Et Zach n’a pas l’habitude qu’on lui donne des ordres sans qu’il n’ai à réfléchir… ce qui va donner lieu à des moments intéressants.

On gardera dans les mémoires cette super scène qui rappellera peut-être du vécu à certains : écouter un bon morceau des Pink Floyd en fumant quelque chose qui a des propriétés… apaisantes. Et puis, toutes ces nombreuses références à Starfighter (l’histoire même d’Armada y ressemble terriblement – l’auteur cite plusieurs fois le film), au film Contact (l’un de mes favoris de tous les temps !) et Carl Sagan et à la série de vulgarisation Cosmos sont un plaisir…

C’est en cela qu’Ernest Cline excelle, nous faire sentir privilégié car on connaît et on comprend ses codes, ses références. C’est toujours un plaisir de voir un auteur s’emparer d’œuvres qui sont pour nous des références et le voir les mettre au service de son intrigue. Et c’est ici réussi.

Seul petit bémol, la fin est un peu trop rapidement bouclée, ce qui donne une légère sensation d’inachevé… mais ça ne gâche pas la lecture non plus heureusement !

Ainsi, Armada est une petite réussite. Pas aussi génial que Player One (mais la barre était très haute) mais tout aussi distrayant. On s’attend à certains déroulements de l’intrigue, mais on ne boude pas son plaisir à découvrir ce que nous a concocté Ernest Cline ! A découvrir donc, que l’on soit adulte (le côté nostalgique en plus) ou adolescent, l’effet découverte et plaisir sera le même.