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Chronique album jeunesse : La peinture d’Uchiki

Un album d’inspiration nippone qui nous fait découvrir une magnifique histoire dans l’univers de la peinture…

La peinture d’Uchiki est un album pour les enfants – dès 5/6 ans – aussi beau qu’original. Il est paru dans la petite maison d’éditions A pas de loups en mars 2017 et gagnerait à être connu…

Son illustratrice Xavière Broncard a déjà réalisé plusieurs albums jeunesse, de même que l’auteure avec qui elle travaille sur cet album, Isabelle Wlodarczyk.

L’histoire d’un peintre qui se mésestime

Uchiki est un homme solitaire qui ne vit que pour peindre ce qui l’entoure. Il trouve de la beauté en chaque chose qui croise son regard : un arbre, une montagne, un oiseau… Mais il n’arrive pas à peindre quelque chose de beau, de mémorable. Tout ce qu’il réalise, il le remise aussitôt dans un coin sans jamais le regarder à nouveau, jugeant que ça n’en vaut pas la peine.

C’est dans ce contexte qu’arrive un vieil homme censé livrer à un sage de la région (le vieux Tetsuchine) des dizaines de rouleaux. Ces rouleaux sont les œuvres que le sage doit découvrir absolument.  En effet,  tous les cents ans, est élu un peintre qui est félicité pour son œuvre par le conseil des sages.

Mais le vieil homme n’a plus la force d’aller livrer les œuvres au vieux sage, alors Uchiki se propose pour le soulager de sa charge de travail.

C’est ainsi qu’Uchiki gravit la montagne avec les œuvre des dizaines de peintres… et devient tenté de les admirer lui aussi. Une en particulier va retenir son admiration, occuper ses nuits… pour finalement le rendre malade de jalousie… Que va donc faire Uchiki ?

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Une belle histoire fort bien pensée et illustrée

La lecture de cet album fut un véritable coup de cœur. De l’histoire en passant par les dessins, il y a quelque chose dans ce livre qui le dote d’une âme. L’ambiance, le graphisme choisit avec soin par Xavière Broncard, tout participe à nous offrir une histoire belle et mémorable.

Suivre l’histoire d’Uchiki et son cheminement est très intéressant. Que l’on soit adulte ou enfant, on meurt d’envie de savoir comment se conclura cette histoire pour le moins originale.

Je ne vous en dis pas plus sur le fin mot de cette histoire qui donne à réfléchir, mais j’ai adoré !

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J’espère maintenant que ce bel album aura pleinement sa chance en librairie car sa diffusion étant très restreinte ce n’est pas évident… Cependant, même si votre libraire ne l’a pas, il pourra très bien vous le commander !

Je vous le promets, c’est un bel album, une belle histoire, et c’est dès l’âge de 6 ans dans l’idéal et 5 ans au grand minium.

Petit plus : Vous découvrirez à la fin de l’album un petit glossaire vous expliquant quelques termes. Quelle est la différence entre peintre et calligraphe à l’époque au Japon, que sont les emaki ou encore de quel peintre ayant réellement existé se sont inspirées les auteures (il s’agit de En-I).

 

Chronique : L’éducation de Stony Mayhall

De la difficile condition de mort-vivant

Daryl Gregory est un auteur de science-fiction et d’imaginaire qui nous vient des Etats-Unis. Plusieurs de ses romans sont déjà parus en France : Nous allons tous très bien merci (Le Bélial’), After party (Le Bélial’) et enfin L’éducation de Stony Mayhall qui vient de paraître chez Pocket.

Avec L’éducation de Stony Mayhall, Daryl Gregory signe un roman unique et inclassable sur le statut de mort-vivant et ce qu’il implique d’un point de vue social. Intrigué ?

Stony, un bébé pas comme les autres

Les circonstances de la naissance de Stony Mayhall restent floues. De même que la façon dont il a grandit. En effet, Stony n’est pas un enfant comme les autres… il est né zombie. Caché, choyé, aimé par une famille profondément unie, Stony va se construire à travers le prisme d’êtres totalement vivants et normaux. Quel avenir attend Stony ? Comment lui-même se perçoit-il à travers ces référents si différents de lui ? Un magnifique roman spéculatif sur la condition de zombie…

Un roman inattendu et inclassable dont on se souviendra longtemps

Si vous en avez assez des romans post-apocalyptiques où le mot zombie est synonyme d’invasion, d’hécatombes et d’explosions et de tirs à tout-va, ce roman est fait pour vous. Tous les stéréotypes du roman de survie vous seront ici épargnés. L’éducation de Stony Mayall est une sorte de roman/essai sur la condition de mort-vivant. Comment se faire accepter des vivants ? Comment les « convertir » au mode de pensée zombie ? Peut-il y avoir une conciliation entre le monde des vivants et celui des non-vivants ?

Le schéma narratif du roman est lui aussi surprenant. On ne sait jamais où veux nous emmener Daryl Grégory. Impossible de savoir ce qu’il a décidé pour son héros aux chairs mortes ainsi que pour ses camarades zombies.

C’est un roman touchant qui saura vous atteindre grâce à ses histoires dans l’histoire. Profondément humain, drôle parfois, souvent déroutant, vous ne resterez pas indifférent. Stony est incroyable, et les différentes parties du roman qui recoupent sa vie sont aussi différentes que percutantes. Sa façon d’être est également très attachante, notamment quand il se force à manger pour faire croire à sa famille qu’il aime les plats qu’on lui prépare… ! Vous découvrirez aussi bien une enfance heureuse au fin fond d’une ferme isolée, qu’une terrible prison sans oublier une « vie de cavale »… Stony a de multiples vies, et elles sont toutes passionnantes.

Vous y trouverez également tout un pan politique et religieux aussi intéressant qu’inattendu. En effet, les zombies de Daryl Gregory ne se cantonnent pas à mordre. Ils réfléchissent, argumentent, on des opinions politiques sur leur condition et leurs possibilités d’évolution. Cette facette du roman y est extrêmement développée et bien traitée.

……

L’éducation de Stony Mayhall, c’est de la philosophie version zombie, mais également de la très bonne littérature. Un roman absolument inclassable qui nous offre une histoire merveilleuse, humaine, triste parfois, mais inoubliable assurément. A lire pour découvrir une autre façon de traiter le thème surexploité des mort-vivants et s’émerveiller de découvrir que tout n’a pas encore été fait, la preuve !

Chronique : Venenum

Venenum

Plongez dans le mystère de la mort de Descartes…

Les circonstances de la mort de Descartes est un mystère non élucidé à ce jour. En effet, il ne serait pas mort d’une maladie, mais d’un empoisonnement, c’est du moins la théorie de l’allemand Theodor Ebert, dont les travaux n’ont pas étés traduits en France mais qui ont fait beaucoup de bruit Outre-Rhin.

Charlotte Bousquet une auteure très prolifique, elle a notamment écrit La peau des rêves (quatre tomes, série en cours, éditions Galapagos), Le dernier ours (Rageot Thriller), Cytheriae (Mnémos) ou encore Noire Lagune (Gulf Stream).

Charlotte Bousquet, philosophe de formation se propose ici de romancer cette théorie avec Venenum, paru aux éditions Gulf Stream, en nous emmenant sur les traces du philosophe… et de son apprentie Jana.

Un mort suspecte pour Jana

Recueillie et éduquée comme une demoiselle de bonne naissance, la jeune Jana doit beaucoup à son protecteur, René Descartes. Ce dernier venant de passer de l’autre côté, elle se décide à faire la lumière sur ce qu’elle considère comme une mort peu naturelle.

Mais ce dont Jana ne se doute pas, c’est de l’existence d’ennemis qui grandissent en nombre au fil de ses découvertes…

Une intrigue un peu trop brouillonne

L’intrigue a beau être simple, le lecteur se perd assez rapidement dans les méandres de liens pas toujours très clairs. On passe de ville en ville et d’indices en pistes parfois floues.

C’est dommage, car l’histoire est intéressante. Et surtout le personnage de Jana, franc, volontaire et téméraire, donne un beau portrait de jeune femme, comme sait si bien les faire Charlotte Bousquet.

On croise au fil de l’intrigue de nombreux clins d’œil, un à Vermeer, un autre à Cyrano de Bergerac (œuvre que l’auteure utilise comme référence dans son œuvre)…

Ainsi voyageons-nous à travers Amsterdam, Leyde, puis quelques tripots mal famés avant d’arriver à Paris.

Cette enquête, nous faisant découvrir en même temps que Jana les dangers inhérents à l’aventure nous permet également de voir la capitale française sous une autre perspective : glauque, sombre, la ville est loin de l’image de rêve… cette partie du roman est plaisante, bien que pas assez exploitée à mon goût.

En somme, on retient finalement peu de choses de la lecture de ce roman qui est pour moi un rendez-vous manqué. Plaisant, mais malheureusement pas assez marquant, moi qui adore la plume de Charlotte Bousquet, je ne m’y suis pas retrouvée. Manque d’autres personnages forts peut-être ? Une succession d’événements et d’indices parfois trop rapide et pas assez développée ?

Au moins l’ouvrage a le mérite de nous faire découvrir un pan méconnu de notre histoire, et de découvrir la controverse qu’il y a autour de la disparition du père des Méditations Métaphysiques.

4/10

Chronique : L’homme bicentenaire

L'homme bicentenaireUn très bon recueil pour un retour aux sources des plus enthousiasmant

Isaac Asimov, scientifique et écrivain de science-fiction mondialement connu n’est plus à présenter. Il est surtout célèbre pour son cycle des Robots et ses « trois lois de la robotique » qu’il a inventées. Il a remporté de nombreuses fois des grands prix de science-fiction tels que le prix Locus, le prix Nebula, ou encore le prix Hugo.
L’homme bicentenaire ici présenté est une réédition parue chez Folio SF constitué de nouvelles aussi bien de nouvelles en rapport avec son univers des robots que des short-stories faites sur commande pour des magazines de science-fiction ou autres.

Nouvelles à chute et anticipation

Parmi les douze nouvelles au total que contient ce recueil, nous en retiendront quelques-unes en particulier pour le message qu’elles contiennent ainsi que leur poésie, leur beauté.
Toutes sont basées sur les fameuses trois lois de la Robotique crées par Isaac Asimov, mais chaque nouvelle a une façon bien a elle d’en user ou de les détourner avec art, rendant ces courtes histoires fascinantes et laissant au lecteur une seule envie : celle de les relire et d’y penser posément, d’imaginer toutes les possibilités que nous offre l’auteur.

Voici une liste des nouvelles les plus marquantes selon moi :

La vie et les œuvres de Multivac : Les hommes ont créés les robots et ne peuvent plus se passer d’eux, à tel point que la moindre de leur action nécessite l’autorisation d’un robot dès qu’elle sort du cadre normal. Multivac est la centrale des Robots, l’entité par laquelle tout passe aussi bien les ordres donnés aux robots que le fonctionnement d’équipements moins élaborés. Mais certains humains commencent à trouver cette « assistance » bien trop pesante et communiquent en secret pour parler de cette dictature en douceur des machines.

L’homme bicentenaire : Nouvelle incontournable de l’œuvre d’Asimov, elle a été adaptée au cinéma en 1999. Le problème soulevé par Asimov est très simple : qu’est-ce qui différencie un être humain d’un robot ? Est-ce que ce sont ses organes qui déterminent son humanité ? Son apparence ? Sa façon de penser ? Son niveau d’intelligence ? Ou autre chose encore ?
Un magnifique récite empli de beauté qui ne laissera pas indifférent.

Trombes d’eau : Très bien pensé, ce récit de qualité fait partie de ceux dont il faut en dire le moins possible afin de garder le mystère intact. Un huis clos des plus immersifs.

Isaac Asimov a également une vision des plus philosophique quand à l’homme et à ses motivations, ses aspirations. Certaines de ces nouvelles (Pour que tu t’y intéresses, L’homme bicentenaire) sont une façon de remettre en question l’homme lui-même et ce qui fait son statu d’homme dans la société.

Ces questions sont et resteront encore pour longtemps d’actualité. Et c’est aussi ce qui fait la popularité d’Isaac Asimov depuis aussi longtemps : sa capacité à soulever les questions éthiques et existentielles qui étaient pertinentes à l’époque et qui le sont toujours maintenant.
A lire et à relire sans modération !

Cette chronique a été rédigée pour le site ActuSF.

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