Poétique, mémorable, original.
Sommeil est une des nouvelles les plus représentatives du monde si étrange et particulier de Murakami. C’est pourquoi les éditions Belfond en 2010, et maintenant les éditions 10/18 ont sorti cette nouvelle de son recueil originel L’éléphant s’évapore afin de la sublimer.
Illustré par l’artiste d’origine allemande Kat Menschik, Sommeil prend un sens plus profond, plus inquiétant également. Le graphisme est très précis dans les traits mais complètement surréaliste dans ses scènes, à l’image du texte de Murakami. Le livre est quand à lui très beau, couverture pelliculée avec rabats. Images internes sur papier glacé et couleurs argentées et bleu profond, un petit bijou.
L’histoire est celle d’une femme japonaise dont la vie est stable, tranquille, heureuse, sauf qu’elle ne dort depuis maintenant dix-sept nuits. Elle ne ressent pas la fatigue, bien au contraire, ses capacités intellectuelles semblent être au meilleur de leur forme. C’est juste qu’elle ne dort plus.
Elle profite de ce temps offert pour faire ce dont elle a envie : lire, se faire plaisir, penser à elle… et petit à petit elle se rend compte qu’elle a oublié de vivre.
Cette nouvelle est très étrange et surtout percutante dans sa simplicité. Murakami nous fait entrer dans la vie d’une famille japonaise somme toute banale, qui vit plutôt bien, mais qui en fait cache beaucoup de malaises et de non-dits.
Les phrases sont courtes, incisives, marquantes. Certaines mériteraient même d’être gravées à jamais dans nos esprits : « Je trouve qu’une existence humaine, même si elle dure très longtemps, n’a aucun sans si on n’a pas le sentiment de vivre. »
Sous leur apparent calme, elles sont en fait des cris au secours contre cette vie si terrifiante de banalité, de commun. Et comme souvent dans les écrits de Murakami, la fin est étrange, en demi-teinte, libre de nombreuses interprétations, magnifique, telle un baisser de rideau majestueux.
Sommeil vous marquera pour toutes ces raisons, et fait partie de ces œuvres qui vous poussent à l’introspection et à la réflexion et c’est aussi pour ça qu’on aime.