Interview : Rencontre avec Glenn Tavennec, créateur de la nouvelle collection pour adolescents : « R ».

   collection-r logo mini02Il est toujours intéressant de se positionner du point de vue de l’éditeur, notamment lorsqu’on assiste à la naissance d’une nouvelle collection. « R » est né officiellement en janvier dernier, lors de la sortie de son premier titre, La couleur de l’âme des anges, de Sophie-Audouin Mamikonian. Mais ce que l’on ne voit pas, c’est tout ce qui se déroule en amont. Du choix de la couverture en passant par l’achat de droits et les corrections des manuscrits, le travail d’éditeur est loin d’être de tout repos.

Glenn Tavennec a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à nos questions le temps d’une rencontre, et de nous illustrer à quel point le travail d’éditeur est un métier de passionné… et d’acharné.

Glenn Tavennec02Comment la création de la collection R s’est-elle faite ?

Depuis quelques années avec l’explosion de la série Uglies chez Pocket Jeunesse (Glenn Tavennec a travaillé plus de 7 ans en tant qu’éditeur chez Pocket Jeunesse), je me suis posé la question du public, il n’y avait pas de collection pour ados, c’était soit en adulte soit en Jeunesse… Alors, pour quel public est-ce ?
Nous sommes dans une époque du tout divertissement ; mais pas forcément dénué de fond, si des livres comme Uglies, Hunger Games ou encore Promise arrivent à toucher un autre âge et un public si large. On assiste à de plus en plus d’échanges de lectures au sein d’une même famille. Les parents lisent maintenant les livres de leur ados, soit par curiosité, soit pour en connaître le contenu.
Harry Potter, puis Twilight ont touchés et fédéré. Les familles se partagent de nombreux ouvrages entre eux. On assiste à la naissance d’une littérature pour tous, sans clivages.

Je me dis que c’est d’avantage par le plaisir que l’on peut pousser les gens hors de leur univers. J’ai commencé à lire avec Tolkien, et ce fut pour moi la découverte d’une autre littérature. Il faut également arrêter de dire que les ados ne lisent plus. Les ados lisent ! Nous n’avons jamais eu autant de lecteur ados depuis les deux dernières décennies.

Créer R, c’est aussi lutter contre ce sentiment d’injustice qui fait que la littérature ado est considérée parfois comme une non-littérature, uniquement « pour les jeunes ». Casser le tabou et les frontières est aussi une des raisons d’être de cette collection. Je ne voulais pas créer cette collection chez un éditeur jeunesse, je souhaitais marquer une réelle différence.

La couleur de l'âme des anges 01 miniLa fille de braises et de ronces 01 mini

Est-ce vous qui êtes venu vers l’éditeur ou l’inverse ?

Le contexte de la création de R se résume en un seul mot : dingue.
Après sept ans chez Pocket et un passage éclair chez le Seuil/La Martinière, j’ai demandé un rendez-vous avec le PDG de Robert Laffont, Mr Leonello Brandolini. Il m’a reçu dans les dix jours et après une heure de conversation et plus d’une quarantaine de pages de power point, l’affaire fut conclue, R allait naître (c’était en novembre 2010).

Concrètement, la collection R fut commencée en janvier 2011. Un an pour créer une collection, c’est très court, et une joyeuse traversée du désert, mais également le bonheur de faire quelque chose de différent.

A force de surproduire des ouvrages vaches à lait, on ne s’en sort plus. Un éditeur se doit de faire un réel travail sur les textes qu’il publie, et ce par respect pour les lecteurs. J’ai gardé mes traducteurs, ayant construit avec eux une relation de confiance, il en est de même avec les auteurs anglo-saxons et leurs traducteurs. Certains perdent de leur force en anglais, il faut donc les adapter, c’est un réel travail. On accompagne le livre jusqu’au bout, à la publication.
Le but étant d’offrir une littérature qui donne à voir et à rêver.

Sur les quatre ouvrages sortis pour le moment, deux sont des dystopies, est-ce un hasard ou souhaitez vous orienter vos publications sur ce genre bien particulier qui marche actuellement extrêmement bien avec Hunger Games ?

Je n’aime pas vraiment le terme « dystopie », trop marketing, je préfère le mot anticipation. Une anticipation que ne serait pas négative n’en serait pas une. Sinon ce serait une utopie. Ce genre littéraire est un véritable phénomène anglais dont ont doit les bases à Margaret Atwood, c’est elle qui en parlait avant tout le monde avec son roman La servante écarlate.

Pourquoi de si noires anticipations donc ? Car c’est quelque chose que nous sommes déjà en train de proposer à notre jeunesse : une dystopie. Ce que j’ai choisi d’éditer, ce sont des livres qui s’inscrivent sur une réflexion sur la société.
Les adolescents sont dans une période de leur vie où tout est possible, un véritable carrefour s’offre à eux, ces ouvrages leur permettent de se poser des questions sur leur avenir : Comment rêver mon quotidien ? Me projeter ? Aller de l’avant ?

Comment procédez-vous au choix de vos futures parutions ?

Tous les ouvrages publiés dans la collection R sont des coups de cœur de coups de cœur (voire, de coups de cœur). Je ne veux pas exploser le nombre de titres par an. Il ne faut pas se diluer dans du quantitatif. Les ados cherchent quelque chose qui soit différent. C’est encore plus de prise de risque pour moi et l’éditeur, mais c’est aussi plus excitant.
Je travaille d’abord avec F. Leroy qui doit atténuer mon enthousiasme ou le remonter ainsi qu’une équipe de lectrices rodées. Ensuite, il me faut convaincre le PDG de Robert Laffont, Leonello Brandolini.

Starters - tome 1La sélection mini

Allez-vous maintenir le rythme d’une parution par mois ?

Je vais toujours m’efforcer de garder ce rythme même si les suites de série impliqueront parfois plus. Suite de Starters, Le second et dernier tome de la couleur de l’âme des anges, la suite de la fille de braises et de ronces, etc…

Le graphisme des couvertures a une place de choix dans cette nouvelle collection, jusqu’à quel point décidez-vous de leur orientation ? Est-ce que toute traduction reprend nécessairement la couverture du pays d’origine ?

La couverture occupe bien plus qu’une grande place : l’impulsion d’achat se fait pratiquement au 3/4 au visuel. Il faut séduire et créer une histoire par le contact visuel, et surtout la quatrième de couverture ; ne pas trop en dire, mais aussi en dire assez pour interpeller le lecteur potentiel…
Les lecteurs sont toujours à la recherche de quelque chose de « plus nouveau ». Je suis le décideur sur les couvertures, je ne reprends pas nécessairement les couvertures étrangères. Les couvertures anglaises sont très universelles, parfois trop. L’idée est de mettre le livre à l’honneur et pas uniquement la tendance, c’est très important.
Par ex, pour Kaleb (sortie le 7 juin) et Phaenix (sortie en septembre) j’ai choisi vraiment de surprendre, de ne pas laisser indifférent, l’intérêt est de créer.

Night School 01 mini

Merci encore à Glenn Tavennec pour cette interview-conversation fort instructive d’un point de vue de libraire, mais également très intéressante pour les lecteurs, quels qu’ils soient. Nous n’avons plus qu’à espérer que cette nouvelle collection aura de beaux jours devant elle, ce qui semble pour le moment très bien parti, avec de beaux piliers en guise de base.

La naissance d’une collection, d’un éditeur (ou d’une librairie) étant toujours une heureuse nouvelle pour le monde de la culture.

Une réflexion au sujet de « Interview : Rencontre avec Glenn Tavennec, créateur de la nouvelle collection pour adolescents : « R ». »

  1. Ceya

    C’est une interview super intéressante à lire, merci Glow ! Le ton général donne vraiment envie de positiver sur le monde de l’édition et de la lecture je trouve. Et les couv’ me plaisent assez, ce qui est assez rare 🙂

  2. misswasab

    Très intéressant, très bonne collection en perspective, un peu de sang neuf de qualité à distiller sans modération auprès des élèves… surtout quand l’anticipation est au programme,ce serait dommage de s’en priver!
    Merci Glenn, encore une de tes idées formidables.

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