Arrives-tu à vivre de ta plume ou es-tu obligée de faire d’autres choses à côté ?
J’en vis, mais tout juste, je ne vais pas dire le contraire, mais j’en vis. Ça me permet de faire ce que j’aime et quand j’en ai l’opportunité, j’écris également des scénarios de dessins animés, ce qui me fait un revenu complémentaire, bien qu’irrégulier. C’est un milieu où il faut réussir à entrer, à se faire connaître, pour que l’on prenne le réflexe de me rappeler. Comme je n’en ait pas encore fait beaucoup, peut-être que ça arrivera un jour, mais c’est un autre pendant de l’écriture que j’aime.
Déjà parce que c’est moins long que d’écrire un roman, et parfois ça fait du bien aussi de ne pas être tout le temps dans la longueur, mois après mois sur le même projet. Et puis, le fait de savoir qu’après il y a des dessinateurs qui vont plancher sur notre texte pour le mettre en images, je trouve ça super sympa.
Et puis en particulier, une chose qui m’intéresse vraiment, c’est que – en tout cas jusqu’ici – sur les projets que j’ai faits, j’ai travaillé avec des américains. Les « directeurs d’écriture » sont à Los Angeles, et c’est hyper intéressant de travailler avec eux car ils n’ont pas du tout la même façon de travailler que les français. Je trouve qu’avoir cette opportunité de travailler avec les américains sur quelque chose d’aussi drôle que les dessins animés, c’est vraiment sympa d’aller à leur rencontre, de voir leur travail… de découvrir une autre façon de faire, tout simplement.
En quoi est-ce différent ?
Ils sont beaucoup plus efficaces ! Et puis je dois écrire en anglais les scénarios, c’est bien, ça me fait travailler mon anglais.
Tu as donc un bon niveau d’anglais ?
Oui, j’ai toujours été pas mal en anglais, mais j’ai vraiment amélioré en lisant beaucoup de bouquins en anglais, en VO. Je trouve qu’il n’y a vraiment rien de mieux pour progresser. Les films et les séries en VO sous-titré c’est très bien pour avoir la musique de la langue, mais je trouve que l’on n’a pas le temps d’imprimer les expressions, ils parlent vite. Alors que l’écriture, avec ses tournures de phrases, le vocabulaire, ça revient ; et il y a un moment où ça rentre, et cela presque sans que l’on s’en rende compte, parce qu’on est dans l’histoire, et ne on fait plus attention aux mots ou au phrases.
Pourtant d’un seul coup en parlant, il m’est arrivé de sortir des trucs « comme ça », et je me suis rendu compte qu’en fait si j’étais capable de le dire avec cette aisance, c’est parce que la lecture m’avait inscrit les phrases et les mots dans la tête.
Donc j’essaye de lire un maximum en VO, déjà parce que je trouve que c’est intéressant de lire le style de l’auteur directement. Et ensuite parce que ça me fait travailler mon anglais et ça m’a permis de progresser suffisamment pour être capable d’écrire des scénarios en anglais. Alors je ne dis pas qu’ils sont parfaitement écrits à 100%, mais en tout cas ils sont corrects pour que l’on comprenne ce que je veux dire !
Ton entrée dans la collection R a dû changer ta notoriété, comment l’as-tu vécu ? Qu’est-ce que ça a changé concrètement pour toi ?
Une plus grande visibilité, ça peut paraître bête, mais pour moi le signe ça a été la page facebook qui est passée de 450 abonnés à 1245 abonnés en plus d’un an. J’ai plus que doublé le nombre de personnes sur ma page. Ce qui n’est forcément qu’un échantillon de mes lecteurs, mais pour moi ça prouve que d’un seul coup, il y a eu des gens qui m’ont cherchée.
Et les salons ont également été différents. Quand je suis allée à Montreuil, ou au Salon du Livre et que j’ai vu les files d’attente, j’ai juste halluciné ! J’ai même regardé derrière moi pour être sûre qu’il n’y avait pas un autre auteur plus célèbre que moi qui n’était pas là et que tout le monde attendait par exemple !
Ça, ce sont des choses que je n’avais jamais vécues : des filles d’attente de plusieurs heures pour faire signer mes livres. C’est exaltant, étonnant. J’ai également eu un moment de stress, tout de même, par le fait d’être plus exposée car ça fait peur tout de même. J’essaye quand même de garder ma vie privée au maximum, c’est-à-dire que je ne vais pas parler de ma vie quotidienne en large et en travers, je fais une véritable séparation entre les deux.
On sait que l’on peux être exposé, que l’on peut s’en prendre plein la tête aussi, parce qu’il n’y a pas que des gens gentils. Ça ne me dérange pas que l’on n’aime pas mes romans, je comprends très bien, il en faut pour tous les goûts, et même moi il y a des choses que je n’aime pas donc ça fait partie du jeu.
On va toucher des personnes de façon très positive ou pas du tout, mais c’est vrai que dans le lot, il y a aussi des personnes qui peuvent êtres très méchantes. Et elles ne pensent pas que derrière les mots et derrière le livre il y a quelqu’un. Il y a un être humain qui a des émotions, des sentiments, et qui a essayé de donner le meilleur de lui-même… après ça ne plaît pas, ça ne plait pas, ça peut arriver.
Donc cela, j’en ai eu très conscience et j’en ai eu très peur aussi sans parler de surexposition, ça reste quand même modéré à mon échelle, il faut rester à sa place ! Mais on vit sa petite vie tranquille, on a nos livres qui marchent correctement mais sans trop d’exposition et puis d’un seul coup, ça circule, on apparaît plus souvent sur internet, sur des articles, des photos, des gens qui en parlent, qui veulent vous rencontrer.
Quand j’étais au Salon du Livre, tout le monde voulait se prendre en photo avec moi, c’est un truc que je ne comprends pas personnellement, mais je trouve ça sympa ! Je me suis dit je vais avoir ma tronche de cake sur internet multipliée par je ne sais pas combien… wouah. J’ai un peu le côté « pour vivre heureux vivons cachés » !
C’est pour cela que je me suis dit – sans tomber dans l’hystérie absolue – est-ce que je vais supporter d’être plus exposée, plus visible, etc. ? Que cela soit du positif ou du négatif, d’ailleurs.
Après, il y a des jours où c’est plus facile que d’autres, et puis il y a aussi le fait qu’à un moment, de nos jours, il y a un gros turnover : une nouveauté en chasse une autre, donc on va faire le focus pendant quelques semaines et puis ça passe sur quelqu’un d’autre. Il faut donc tenir le coup pendant quelques semaines, accepter de voir paraître beaucoup de choses sur soi et son bouquin et puis après ça passe, les gens sont déjà passés à autre chose, et c’est bien aussi !
On sait maintenant depuis quelque temps que tu es en train d’écrire un roman avec C.J. Daugherty (l’auteur de la série Night School), est-ce que tu peux nous en dire un tout petit peu plus ?
On ne s’est pas encore mise d’accord toutes les deux pour savoir si on pouvait déjà en parler, donc je ne veux pas prendre l’initiative de le faire. J’ai juste confirmé depuis quelque temps déjà sur les réseaux sociaux que nous travaillions ensemble. L’idée nous est venue au Salon du Livre, car nous nous étions déjà très bien entendues quand nous avions signées ensemble à Montreuil (ndlr : Salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil), elle est vraiment super sympa. Et au Salon du Livre nous nous sommes encore retrouvées à signer côte à côte, à un rythme bien soutenu… À la fin, un peu ébouriffées par tout cela, on se dit comme ça « ah et bien tiens, on devrait écrire un roman ensemble ! ».
Mais c’est vraiment presque parti d’une blague ! Et puis nous avons pris un verre ensemble, le dimanche après-midi après nos dernières signatures au Salon du Livre à la Porte de Versailles et nous nous sommes dit : « Et si nous le faisions vraiment ce roman ensemble ? ».
Voilà, et puis c’est resté un peu comme ça en suspend jusqu’à ce que l’on s’envoie une série de mails en disant « et si on faisait ça ou cela ? », et puis d’un seul coup, tout s’est mis à fuser, comme si l’histoire était déjà là et qu’elle attendait qu’on l’explore !
On était hyper excitées, on s’envoyait des mails à un rythme effréné ! On a l’impression de faire un truc génial et c’est hyper motivant. En plus, C.J. Daugherty travaille comme moi, et cela est vraiment plaisant. C’est-à-dire qu’elle a l’idée générale, mais qu’elle elle se laisse le plaisir de découvrir l’histoire au fil de la plume. Ce qui fait nous ne sommes ni l’une ni l’autre stressées par nos méthodes de travail respectives !
Chacune de nous écrit un chapitre sur deux. Ce qui est vraiment intéressant et motivant, c’est quand moi j’attends son chapitre avec impatience, je me mets dans la peau de la lectrice qui a envie de lire la suite de l’histoire, et vice versa. Parfois, quand j’écris mon chapitre à moi, j’ai hâte de l’écrire pour qu’elle puisse le lire !
Il y a une vraie motivation mutuelle qui se crée, c’est vraiment intéressant et à chaque fois que l’on lit le chapitre de l’autre, on est « aaaaaah ! » et ça ne donne qu’une seule envie : écrire la suite pour continuer l’histoire et lui envoyer.
On écrit environ un chapitre par semaine chacune, donc ça va tout de même à un bon rythme en sachant que nous avons chacune nos projets respectifs à côté. On est vraiment ravies que d’un simple défi nous soyons parties comme ça sur quelque chose d’aussi concret. On prend un plaisir énorme à écrire ce livre, ça sort tout seul. On avance à notre petit rythme, et c’est un grand moment de plaisir ! Rien que pour cela, ça vaut le coup, car je découvre une nouvelle façon d’écrire !
Glenn est également très excité à l’idée de voir se créer le projet, il était là quand on a lancé l’idée et je ne suis pas sûre que l’on y croyait vraiment quand on en a parlé la première fois. Et finalement ça se concrétise.
L’agent de C.J. Daugherty de son côté et hyper excitée aussi, après il va falloir que tout le monde puisse se mettre d’accord car en plus d’être deux, nous avons deux nationalités différentes. Elle écrit en anglais et moi en français, je traduis moi-même mes chapitres, mais mon anglais doit être retravaillé… ça complique un peu le tout ! Enfin, pour le moment je vis le plaisir de l’instant présent.
Et ce sera une one-shot ou une série ?
Il s’agira d’une duologie, c’est maintenant sûr.