Chronique : La servante écarlate (The handmaid’s tale)

Une société où les femmes sont traitées en esclaves et n’ont que pour unique but que de satisfaire les pulsions des hommes ? C’est le futur effrayant imaginé par Margaret Atwood en 1985. Une véritable piqûre de rappel pour ne pas oublier les droits que les femmes ont acquis, mais qu’elles pourraient encore à tout moment perdre au prétexte d’un conflit, d’une crise… ou d’une élection.

Roman devenu culte dans son pays d’origine, mais également dans le monde entier, La servante écarlate est un texte de la canadienne Margaret Atwood. Elle a écrit quantité de romans, que je ne pourrais tous vous citer, mais en voici quelques-un qui me tentent : Le dernier homme, C’est le coeur qui lâche en dernier, Le tueur aveugle ou encore Captive. Et bien sûr, la suite de La servante écarlate : Les Testaments.
La servante écarlate était déjà un classique Outre-Atlantique bien avant son adaptation en série par HBO, mais cette dernière l’a révélée au monde entier. Avant cela, le texte était avant tout connu des fans d’anticipations et de dystopies. Maintenant, il est un véritable symbole, la tenue des fameuses « servantes » étant souvent réutilisée lors de manifestations pro-choix aux Etats-Unis. Preuve s’il en est que cette oeuvre a durablement marqué les esprits.

Plus terrifiant que le passé : le futur

Les femmes n’ont pas été gâtées par l’Histoire, mais ce que le futur de La servante écarlate leur réserve est bien pire… Fini la mise à l’écart, le « doux » machisme, les métiers de pouvoirs réservés aux hommes et arrachés par certaines femmes… Non, cette fois-ci la société américaine va prendre un virage terrible pour les femmes, les catégorisant par utilité : épouses, gestatrices, servantes… rien de plus. Tout à commencé avec les licenciement des femmes dans toutes les entreprises, puis peu à peu le totalitarisme s’est installé. Et désormais, dans chaque riche foyer, il y a une « servante », une femme qui sert de ventre pour la gestation d’un couple aisé. Mais la femme dudit couple n’est pas bien mieux lotie que la servante, à peine moins pire.

C’est dans cette version horrible et futuriste des Etats-Unis que vit Defred, servante dans une maisonnée respectable. Son but est d’enfanter pour le couple. Pour ce faire, elle est violée régulièrement par le mari pendant que la femme lui tient le haut du corps… Et c’est ce qu’il se passe dans toutes les maisons.

Le seul but de Defred est de fuir cette « république » et de retrouver sa famille éclatée. Mais peut-on fuir un régime totalitaire où le moindre de nos pas est surveillé ? Et où chaque femme est considéré comme une propriété ?

Terrifiant, passionnant, révoltant

Si ce roman a autant marché, c’est bien parce qu’il fait écho à quelque chose. Une crainte, un souffle qui éveille les consciences. Le monde dépeint par Margaret Atwood paraît lointain et irréel, mais je pense justement qu’il ne faut pas le voir de cette façon.
Cette lecture, que j’ai prise de plein fouet, me fait penser qu’il ne faut pas rester sur nos maigres acquis, cela d’autant plus quand on voit que les Etats-Unis ont révoqué l’arrêt Roe versus Wade pour laisser chaque état décider ou non de la légalité de l’avortement. Et ils sont très peu nombreux à vouloir encore l’autoriser… Ce contrôle du corps des femmes, c’est une partie de ce que dénonce Margaret Atwood dans ce terrible texte.

Et quand on voit l’actualité, il semble très visionnaire.

Lire La servante écarlate est important selon moi car il permet d’éveiller les consciences. Il montre le mécanisme incroyable qui se met à l’œuvre pour retourner les esprits, y compris les plus innocents. Car si cette république fonctionne, c’est grâce au bon vouloir de chacun et chacune… comment en est-on arrivé là ? C’est expliqué succinctement, par bribes grâce au travail d’un historien du futur. Nous n’avons pas toutes les réponses, mais c’est encore une fois passionnant.

Alors, oui, c’est une dystopie mais La servante écarlate est avant-tout un ouvrage politique qui met en garde. Il illustre à quel point la soumission à l’autorité peut lentement glisser vers une forme de dictature. Alors, lisez La servante écarlate au moins pour son côté sf/anticipation réussit, mais aussi et surtout pour ce qu’il dénonce. Ce n’est pas arrivé, mais ça pourrait… L’actualité internationale nous le rappelle chaque jour (Trump vient d’être réélu au moment où paraît cet article, et quand je l’ai rédigé il y a plus d’un an, je ne pensais jamais écrire ces lignes…).

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