Un très bon recueil de nouvelles qui nous viennent tout droit de Corée. Un très bon ouvrage, parfait pour se familiariser avec cette littérature unique et marquante à bien des égards…
Kim Ae-ran est une romancière sud-coréenne, six de ses romans sont déjà parus en France, la majorité étant parue aux éditions Decrescenzo (spécialisées dans la traduction d’ouvrages exclusivement coréens).
Elle a ainsi écrit : Cours papa, cours !, Ma vie dans la supérette, Ma vie palpitante, Coktail sugar et autres nouvelles de Corée…
Quatre nouvelles inclassables et marquantes
Des univers très différents avec un point commun : une atmosphère délétère, lourde, unique. Dans ces quatre histoires, vous découvrirez un bel échantillon de la littérature coréenne. Entre pureté et atmosphères de fin du monde, voici de quoi vous faire un bel avis sur cette littérature venue d’ailleurs…
Je vous propose ici de découvrir chaque nouvelle autour d’une mini-chronique dédiée ci-dessous.
Les Goliath aquatiques :
La Corée (mai cela aurait pu être n’importe quel autre pays) ne semble plus exister dans ce terrible paysage de fin du monde : « Le pays tout entier était en travaux avant la catastrophe ». Un fils et sa mère habitent un immeuble délabré qui peu à peu se vide de ses habitants… Ils ne veulent pas partir, l’emprunt qui a permis d’acheter l’appartement vient d’être payé après des années de privation. Mais pourront-ils rester ? Les jours passent et le tableau s’assombrit de plus en plus dans une ambiance de mort et de pourriture.
Cette nouvelle a beau être très sombre, elle est superbe. Très triste, mais percutante. En quelques phrases à peine, c’est tout un paysage, des visages, des émotions qui nous apparaissent. Les goliaths aquatiques est un titre étrange, mais il trouve son explication en fin d’ouvrage. J’ai adoré cette nouvelle, avec ses facettes désespérées et sa conclusion très ouverte. Il y a des scènes absolument mémorables qui en font une histoire très forte.
Comment se passe ton été ? :
Cette nouvelle a beau donner son titre au livre, elle est pour moi l’une des moins marquantes de ce recueil. Tout débute quand une jeune femme est contactée par son seonbae (camarade d’université plus âgé), avec qui elle n’a pas discuté depuis deux ans. Mais en ce jour spécial où elle doit se rendre à l’enterrement d’un ami, elle n’est pas disponible. Elle est cependant d’un naturel très gentil et ne peut refuser face à l’insistance de son seonbae et décide de le voir avant de partir à l’enterrement.
C’est une histoire curieuse que celle-ci. Elle est assez triste car cette jeune femme qui ne sait pas dire non s’embringue dans des situations impossibles pour faire plaisir aux autres. Elle est attachante et innocente, on ne peut pas s’empêcher d’avoir de la compassion pour elle…
Les insectes :
Tout simplement la meilleure nouvelle du recueil ! Terriblement réaliste (et effrayante), on se plonge dans l’histoire de ce couple qui attend un enfant en quelques lignes à peine. On retrouve l’ambiance de délitement et de fin du monde que l’on avait dans Les Goliath aquatiques. Mais cette fois-ci, outre l’isolement, nous avons affaire à des insectes. Pernicieux, mais extrêmement nombreux, ils vont rendre impossible la vie du couple.
On ne voit qu’eux comme personnages, rendant l’atmosphère d’isolement encore plus terrible, glaçante. Peu à peu, on découvre que les insectes prennent de plus en plus de place dans l’appartement, et dans l’esprit de la jeune femme en particulier.
Impossible de vous en dire plus à propos de cette nouvelle, mais elle est absolument géniale pour qui aime les histoires sombres… Et la conclusion en est magistrale, on a vraiment l’image finale en tête, c’est très réussit.
Trente ans :
Encore une histoire étrange me direz-vous, où l’on suit une femme qui a été « recrutée » par une entreprise très peu scrupuleuse qui n’a pas des salariés mais plutôt des esclaves… La construction de cette nouvelle est intéressante car on voit peu à peu le piège se refermer, c’est terrible (mais génial).
Encore une fois, la conclusion est fort bien trouvée, toujours aussi sombre, mais c’est justement cela qui est intéressant…
……
En somme, pour qui ne connaît pas la littérature coréenne et n’a pas envie d’un roman complet, un recueil de nouvelles peut être une parfaite entrée en matière. Par contre, il faut aimer les histoires à l’ambiance délétère (comme c’est souvent le cas dans les œuvre coréennes). Personnellement, j’adore, d’autant qu’elles sont très réussies.