Stéphane Michaka est un auteur français qui écrit aussi bien pour les adultes que pour la jeunesse. Il a ainsi écrit plusieurs polars : Ciseaux (Pocket), La fille de Carnegie (Rivages Noir). Du côté de la jeunesse et des ados, il a aussi bien adapté des classiques de la littérature pour les enfants (comme Alice au Pays des merveilles en livre CD), qu’écrit des romans mêlant Histoire et science-fiction (je pense notamment à la géniale série en deux tomes Cité 19).
Avec La mémoire des couleurs, Stéphane Michaka va faire selon moi un retour remarqué en littérature ado. Son univers est si captivant que l’on ne peut que se retrouver piégé par l’histoire fascinante de Mauve, exilé sur Terre pour une faute dont il n’a pas souvenir…
Bienvenue dans une vie gérée par l’Oracle, pour votre bien et celui de la population
Mauve est un jeune homme d’une quinzaine d’années qui vient de surgir mystérieusement dans une petite boutique qui vend des articles d’occasion. Il ne sait pas d’où il vient ni ce qu’il fait ici, mais une chose est certaine, il n’est pas chez lui. Il découvre ainsi qu’il est sur Terre, dans un pays que l’on nomme la France… Les jours passent et Mauve comprend peu à peu qu’il a fait quelque chose de terrible pour avoir été puni et envoyé sur Terre. De plus, depuis son arrivée, Mauve est devenu télépathe. Mais sa mémoire lui joue énormément de tours, et c’est un véritable puzzle que le jeune homme va devoir recomposer pour saisir toutes les clés de son histoire. Tout ce dont il se souvient, c’est de l’Oracle, une entité qui gère tous les besoins des Couleurs (c’est le nom des habitants de la planète d’où vient Mauve), de leur nourriture en passant par leur travail, leur santé, etc. En bref, l’Oracle est omniprésent dans tous les aspects de la vie des Couleurs. Et si Mauve avait soulevé une étrangeté concernant l’Oracle et son fonctionnement ? Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que le temps lui est compté par bien des aspects…
Un thriller de science-fiction à dévorer d’urgence !
Il sont rares les auteurs français à posséder un talent tel que le livre n’en est pas bon, mais excellent. Souvent, c’est l’apanage des anglo-saxons, peut-être parce que l’on ne laisse pas assez leur chance aux auteurs francophones… Heureusement pour nous, Pocket Jeunesse a eu beaucoup de clairvoyance en publiant Cité 19 en 2015 car La mémoire des couleurs est un roman encore plus prenant et plus abouti que les deux précédents.
Dès les premières pages, on est dans l’intrigue. Moi qui pensait avoir entre les mains un ouvrage sympathique, mais sans plus (d’autant que la couverture ne m’attire pas du tout), j’ai été immédiatement prise par l’histoire. Ce jeune homme, Mauve, on suit avec lui ses découvertes sur son passé, son enquête sur l’Oracle, le fonctionnement diabolique, dénué de sentiments, factuel et cruel de la société dont il vient. Et chaque fin de chapitre nous oblige à passer au suivant. Bien entendu, il y a quelques ressorts que l’on peux sinon deviner, au moins pressentir, mais ça ne gâche rien à l’intrigue générale qui est extrêmement bien menée.
La société imaginée par Stéphane Michaka ressemble beaucoup à celle de nombreux romans de science-fiction où une intelligence artificielle régit, contrôle tout, en oubliant l’aspect humain (on pense forcément à 1984 d’Orwell par certains aspects). Mais plus que cela, l’Oracle, pour gérer l’humanité a supprimé le « je ». Quand les habitants de la planète Circé parlent entre eux, il ne disent jamais « je ». Ils pensent en étant partie d’un tout, mais sans l’individualisme du « je » qui leur permettrait d’être pleinement eux. Cette idée peut sembler ne pas avoir beaucoup de répercussion, mais c’est en fait une belle façon de manipuler les foules de façon très insidieuse, comme va nous l’expliquer Mauve au fil de ses souvenirs et de ses rêvenirs (des rêves qui lui permettent peu à peu de se rappeler précisément son passé).
Ce jeu autour de la langue française pour servir au mieux l’intrigue de cette dystopie m’a fait penser par certains côtés à La symphonie des abysses de Carina Rozenfeld. Mais là s’arrête la comparaison car les chemins de ces deux intrigues de sf young-adult divergent rapidement.
De plus, sur Circé, tout le monde a un nom de couleur… ainsi découvrons-nous Jade, Taupe, Ambre, Cyan, Cobalt… Et cette idée fonctionne à merveille, car elle permet de camper avec précision les nombreux personnages qui tissent l’intrigue.
En ce qui concerne l’histoire en elle-même, elle est absolument réussie et captivante. Impossible d’abandonner ce roman en cours de route. Pour son côté captivant, j’ai pensé à La Faucheuse de Neal Shusterman, c’était également un roman que je ne réussissais pas à lâcher. Et ici, l’effet a été le même pour moi. Et c’est assez rare pour être souligné !
Ça donne grave envie! Mais j’avais adoré Cité 19.
Tu sais qu’il a aussi adapté Dracula pour la radio? Si tu cherches sur le net c’est encore dispo sur le site de la chaîne. Je crois que c’est radio France. C’est une super adaptation que je te recommande.