Un roman incroyable et terrible pour dénoncer de façon extrêmement fine et intelligente la pédophilie et le phénomène d’emprise. Ce texte devrait être mis entre toutes les mains à titre de prévention !
Claire Castillon est une autrice française, elle écrit aussi bien pour la jeunesse que chez les adultes. Chez Gallimard, dans la collection Blanche, elle a écrit un ouvrage intitulé Son empire, qui traitait du phénomène d’emprise dans une relation de couple délétère. Dans Les longueurs, il aussi question d’emprise, mais elle va encore plus loin sur le sujet de la manipulation. Brillant, choquant et mémorable.
Tout est normal, en apparence
Lili a quinze ans quand commence ce roman aux allures de témoignage, mais on va la découvrir plus jeune au fils des chapitres et se rendre compte que la jeune fille a déjà vécu des choses terribles, et cela depuis des années. Ecrit à la première personne du singulier Les longueurs nous plonge dans la tête d’une enfant victime d’un pédophile.
Elle ne le sait pas, mais ce qu’elle vit est tout à fait immoral et atroce. Mais comment savoir que ce que l’on vit est une violence sexuelle quotidienne quand on grandit dans l’idée que c’est normal et que c’est un secret ? Comment se forger ? Comment avoir le recul nécessaire pour demander de l’aide ?
Terrible mais nécessaire
Ce roman devrait pour moi se retrouver dans toutes les étagères des collèges et lycées de France. Pourquoi ? Car il est une arme incroyable pour lutter contre la pédophilie. Si certaines victimes lisaient ce livre, elle se rendraient compte que ce qu’elle vivent n’est pas normal.
C’est en cela que le roman de Claire Castillon est brillant : il décrit tous les mécanismes utilisés par le pédophile avec une précision incroyable. Ici, le monstre d’apparence humaine s’appelle Mondjo, et il fait croire durant des années à Lili que ce qu’ils vivent est spécial. Que si elle en parle ils seront séparés par des personnes jalouses, qui ne comprendrons pas la beauté de leur amour, qu’il est pour elle une sorte de maître et que chaque enfant en a un… Et quantité d’autres mensonges qui font que Mondjo (alias n’importe quel prédateur sexuel attiré par les enfants) se sert de Lili comme d’une poupée dont il fait absolument ce qu’il veut.
Le pire dans tout cela ? C’est que la maman de Lili ne voit rien. Elle pense que Mondjo est un ami d’une gentillesse rare, qu’il aide sa fille à s’améliorer en escalade pour son bien être et son développement à elle. Elle est loin de se douter qu’il profite de chaque instant seul à seul avec sa fille pour la violer.
Rien n’est jamais dit de façon aussi crue, c’est en cela que ce livre est incroyable. Les longueurs donne l’impression d’avoir été écrit par une jeune fille paumée. Une jeune fille qui sent que ce qu’elle vit n’est pas normal, et qui n’utilise jamais des mots tels que « viol » ou « pédophilie ». Je ne sais pas comment l’autrice a réussit à se mettre dans la peau d’une jeune fille vivant cela, mais elle a réussit avec brio.
Mais Lili grandit, et peu à peu elle semble moins intéresser Mondjo. La jeune fille ne comprend pas ce qui cloche dans sa relation avec Mondjo, lui qui fait le vide autour d’elle et l’empêche d’avoir des amies ou des petits copains. Elle sent qu’elle est à un point de bascule, mais ne sait comment faire pour s’en sortir. C’est là que l’ouvrage offre une clé de réflexion pour casser les mécanismes bien huilés de la manipulation.
En débutant ce livre, je me suis dit que c’était invendable en tant que libraire. Et en même temps, ce livre devrait vraiment être accessible à tous et à toutes. Je pense qu’il pourrait vraiment aider à libérer la parole ou faire office de support de prévention. Je ne me vois pas le conseiller en librairie, mais je pense que Les longueurs a toute sa place dans les CDI ! A lire et partager ABSOLUMENT. Dès 13/14 ans ans environ.
PS : Saluons également au passage l »extraordinaire couverture réalisée par Marion Fayolle. Il y a tous les éléments contenus dans le texte de Claire Castillon : l’escalade, la jeune fille manipulée, les mains du prédateur nommé Mondjo qui choient son visage et en veulent à son corps… Cette couverture est aussi incroyable et parlante que l’ouvrage lui-même.