Archives de l’auteur : Laura

Chronique : La peau des rêves – Tome 3 – Les chimères de l’aube

La peau des reves 03De retour dans le monde torturé et lyrique de Charlotte Bousquet sur fond de conte de fées…

La peau des Rêves est une série de romans en quatre tomes parue aux éditions Galapagos. Mais les ouvrages fonctionnent toutefois par paire, bien qu’il y ait un fil conducteur tout le long des quatre tomes. Un cinquième ouvrage est prévu sous forme de roman graphique, mais cela est encore à l’état de projet, rien de plus.

Les chimères de l’aube nous offre une nouvelle histoire de Najma (ou Ximena), la femme prisonnière aux tatouages vivants.

Le mythe de la petite sirène revisité à la manière post-apocalyptique

Nous voici donc dans un Berlin en ruines pour découvrir la vie de la jeune Anja : une sirène à la voix pure. Cette dernière est aussi belle que fragile, mais elle ne supporte pas ce qu’elle est : une mutante, cachant constamment les quelques écailles qui montrent sa différence, pourtant belle. Son seul avantage notable selon elle : sa voix, dont elle use beaucoup au gré des concerts qu’elle donne avec son petit groupe, Tor. C’est d’ailleurs l’une des seules distractions que peuvent s’offrir les mutants avec toutes les horreurs auxquelles ils sont confrontés au quotidien.

Mais la rencontre hasardeuse de Nadja avec un mens (un non mutant) va bouleverser sa vie ainsi que sa façon de voir les choses… et de se voir elle-même. A un tel point qu’elle est prête à renier tout ce qu’elle est pour lui plaire. La lente descente aux enfers commence pour elle…

Une fable contemporaine d’une extrême cruauté

Les personnages féminins de Charlotte Bousquet sont toujours emprunts d’une force cachée sous des apparences frêles. Anja ne fait pax exception à cette règle, même si on voit beaucoup plus ses très nombreuses fragilités (psychologiques et physiques) tout au long de ce premier opus contant sa vie.

Ce roman nous montre la frontière bien mince entre amour aveugle et amour véritable et sain. Anja va en effet se bruler les ailes (ou plutôt les écailles) à la poursuite d’une chimère qui lui causera bien des maux au fil des pages. On assiste à des scènes toutes plus dégradantes les unes que les autres pour elle, mais difficile de dire ce que nous aurions fait à sa place… On se rend vite compte que la relation destructrice dans laquelle elle s’est lancé corps et âme n’est pas de celle dont on revient indemne.

En terme de style, nous retrouvons tout ce qui fait un écrit typique de Charlotte Bousquet. Sa prose est toujours aussi fluide que belle… un vrai régal pour une âme de lecteur.

On lit des extraits de paroles que l’auteur affectionne et ayant une signification spéciale provenant de groupes tels que Lacrimosa, Die Toten Hosen, Silbermond… mais aussi Franz Schubert. A écouter pourquoi pas, au gré de la lecture.

Les chimères de l’aube est une belle et terrible métaphore qui éveille les consciences tout en pouvant choquer parfois. A conseiller à partir de quinze ans, guère avant à cause de certaines scènes vraiment terribles. Mais loin d’être un défaut, cette plume dérangeante nous pousse à voir les choses sous un angle frontal, brut.

Charlotte Bousquet dénonce, illustre, montre les écueils dans lesquels toute personne pourrait tomber par passion (homme ou femme, d’ailleurs) ; le fantastique et le monde déchiré qui en font la toile de fond deviennent alors accessoires… et parfaits.

Chronique : Le Puits des Mémoires – Tome 1 – La Traque

Le Puits des Mémoires 01Un premier tome aux allures de récit initiatique…

Paru en mai 2012 aux éditions Scrinéo, La Traque est le premier tome de la trilogie de fantasy Le Puits des Mémoires. L’écriture est assurée par Gabriel Katz, un auteur français au parcours atypique, et pour cause : il a écrit de nombreux ouvrages en tant que nègre… mais vous ne saurez évidemment pas lesquels !

Depuis la parution du premier tome, la trilogie complète du Puits des Mémoires est disponible ; et le 9 janvier 2014 paraîtra un nouvel ouvrage dans le même univers : Maîtresse de guerre, qui se déroulera quant à lui beaucoup plus au sud. Enfin, la série a remporté le prestigieux Prix des Imaginales 2013 dans la catégorie Roman Francophone.

Quand amnésie rime avec danger de mort…

La traque commence étrangement… des hommes sont enfermés dans des sortes de cercueils, et ne peuvent absolument pas bouger. De mémoire, ils n’en ont plus, de conscience d’eux-mêmes non plus… même leur prénom leur est inconnu. C’est dans ce contexte que le chariot les transportant s’effondre dans une crevasse, eux-mêmes ne s’en sortant qu’in-extremis.

N’ayant aucun souvenir d’eux-mêmes ou de leur passé, les trois hommes rescapés s’attribuent au hasard des noms : Nils, Olen et Karib. Ils l’ignorent encore, mais chacun d’eux recèle des trésors insoupçonnés…et cela à de nombreux points de vue. La traque commence alors pour eux, et ils n’en sont pas les chasseurs…

Un univers à la fois épuré et efficace

Ce premier volume met en place tous les éléments qui serviront à l’intrigue de la série par la suite. On y découvre ses quelques particularités : sa magie (qui est  toutefois assez peu présente dans ce premier volume), ainsi que la façon dont le pouvoir y est exercé.

Tous les éléments classiques d’une intrigue de fantasy sont là, et ils sont assez savamment dispensés pour ne pas tomber dans la caricature. Évidemment, la petite équipée de nos trois amnésiques réunit certains archétypes, mais on est en droit de se dire que c’est quasiment inévitable dans un tout premier roman de fantasy.

Ainsi nos trois héros au passé trouble réunissent-ils un bagage très usuel, mais fort sympathique. Le tout étant rondement mené avec des dialogues efficaces et souvent teintés d’humour un peu sombre. L’écriture est quant à elle extrêmement soignée et qualitative à souhait.

On découvre peu à peu le pourquoi de leur traque à l’échelle de plusieurs royaumes sans toutefois être rassasié d’informations. Lentement distillées, les révélations se font rares sans pour autant nous faire perdre de notre intérêt pour l’intrigue. A charge de revanche pour le second tome, car on a envie d’en connaître la teneur ! La Traque est un tome introductif qui se suffit parfaitement à lui-même.

Des champs de bataille à la douce et luxueuse cour du Roi en passant par les villes et villages des gens du commun, nos héros seront bringuebalés, maltraités et devront s’adapter comme jamais, et nous avec eux… pour notre plus grand plaisir.

 Ce roman est la preuve qu’il est possible de faire un bon roman de fantasy sans se lancer dans de nombreux détails et délires imaginaires. Une intrigue efficace et des personnages bien campés font parfois meilleure impression qu’un univers dense et trop développé. La preuve si il en est besoin que la fantasy française a encore de quoi surprendre de nombreux lecteurs.

Rendez-vous donc pour la chronique du second tome de la série : Le fils de la Lune.

AUTEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Le cycle d’Ender – Tome 1 – La Stratégie Ender

Le cycle d'Ender 01Une véritable claque littéraire

Écrit par Orson Scott Card, La Stratégie Ender est un incontournable de la science-fiction, à classer dans les monuments qui ont fait le genre. Ce roman a notamment raflé deux prix très prestigieux lors de sa sortie, et pas des moindres, il s’agit des Prix Hugo et Prix Nebula. L’exploit fut d’ailleurs réitéré par l’auteur avec la suite de La Stratégie Ender : La voix des morts.

La Stratégie Ender était avant tout une nouvelle (sous le même titre) avant de se transformer en roman, puis en cycle.

En 2012, la collection Nouveaux Millénaires de J’ai lu ressuscite ce classique de la science-fiction et lui offre une nouvelle traduction signée par Sébastien Guillot (à qui l’on doit déjà les traductions des rééditions de Blade Runner de Philip K. Dick ou encore de la Terre Mourante de Jack Vance).

 La Stratégie Ender bénéficie de plus actuellement d’une médiatisation toute particulière grâce à son adaptation par Gavin Hood qui vient de sortir au cinéma le 6 novembre dernier avec Harrison Ford.

Le cycle d'Ender 01 tie inSur une Terre où la population est régulée, il ne fait pas bon être Troisième…

La Terre dans le futur : la technologie a évolué et l’homme aussi. Mais l’humanité n’a pas fait que des découvertes bénéfiques. En effet, les Doryphores, espèce extraterrestre ressemblant à des insectes, ont déjà attaqué la Terre et ont essuyé une défaite… mais de peu. L’humanité ne doit son salut qu’à une seule chose : un chef militaire de génie. Et alors que la menace doryphore se profile à nouveau des décennies plus tard, il faut trouver à nouveau un individu plus doué et extraordinaire encore que cet ancien chef d’exception, une personne qui n’aura pas peur d’exterminer son ennemi, à n’importe quel prix.

C’est dans ce contexte que nous faisons la connaissance d’Andrew Wiggins, troisième né de sa famille. Cette caractéristique fait de lui une cible facile dans son école, mais aussi au sein de sa propre famille : son grand frère Peter est une menace constante sur son existence, malgré la bienveillante protection de sa sœur Valentine.

Le jeune Ender est alors désigné pour s’envoler pour l’école de guerre à la suite d’une très grande batterie de tests : ses aptitudes à réagir dans l’urgence, sa ténacité et sa froide intelligence sont peut-être les éléments clés d’une victoire contre les Doryphores qui approchent… Mais les années s’écouleront-elles assez lentement pour permettre à Ender d’être formé comme il se doit ?

Ender's Game 01 us 1Un chef-d’œuvre sur la nature humaine et ses circonvolutions

Ce qui pourrait passer pour de la « simple » science-fiction militaire se transforme au fil des pages en quelque chose plus grand, de plus impliquant avec une stratégie à tous les niveaux. Ender pense de façon cartésienne, méthodique avec tout ce qui l’environne : professeurs, autres élèves, jeux…

Tout y est jeux de pouvoirs, faux-semblants et manipulations : des instincts les plus bas de l’homme à ses détours les plus subtils.

Les meilleurs passages du roman (et ils sont nombreux) sont sans aucun doute les combats dans les salles en apesanteur : alliant stratégie et descriptions épiques, on s’immerge dans des scènes de combat que l’on aime à se repasser après leur lecture. Mais d’autres étapes du roman sont également mémorables et réservent de très nombreuses surprises et même twists.

Ender's Game 01 us 2On se surprend à être fasciné par les prodiges d’intelligence dont fait preuve Ender à l’âge de seulement six ans. Son évolution rapide dans le corps de l’armée est également captivante, à la fois irréelle et saisissante, on s’attache à ce héros qui brise les codes habituels par une personnalité à la fois très sombre et attachante. Ce dernier culpabilisant énormément à cause des actes qu’on le pousse à faire pour le futur bien de l’humanité.

Un magnifique page-turner comme on aime à les appeler. La Stratégie Ender fait partie de ces romans incontournables dont le succès est mérité, et dont on aime à partager la lecture autour de nous. Alors, si ce n’est déjà fait, précipitez-vous sur ce bijou de lecture à lire, à relire sans limites.  Si vous avez aimé, vous pouvez lire la suite – qui est dans une tout autre atmosphère : La Voix des morts, second tome du cycle d’Ender, qui compte quatre volumes au total.

Cette chronique a été rédigée pour le site ActuSF.

Chronique album jeunesse : Kongjwi, l’autre Cendrillon

KongjwiLa version coréenne de Cendrillon magnifiquement sublimée

Paru en octobre dernier aux éditions Père Castor, Kongjwi est un album reprenant l’histoire de Cendrillon, mais du côté de l’Asie, en Corée plus précisément.

L’écriture et la création de cette histoire est assurée par Lim Yeong-hee, auteur d’origine coréenne qui vit à Paris, elle est l’auteur de la série Jinju chez Chan-Ok.

L’illustration est quant à elle signée par Marie Caillou qui a étudié le dessin animé et le graphisme numérique à Bruxelles ; elle a notamment réalisé le magnifique livre Les monstres de Mayuko aux éditions Dargaud.

Une petite perle à s’offrir pour soi et pour les enfants

Magnifique et sublime sont les maîtres mots de cet album au graphisme atypique et au format géant (en effet, l’album fait 36,8 sur 28 centimètres). La réécriture du mythe de Cendrillon fonctionne très bien et a été bien adaptée à la région asiatique avec un vocabulaire propre à l’Asie : hanboks (vêtement traditionnel coréen) à la place de robes, soulier de soie fine à la place du traditionnel soulier de verre…

Outre le vocabulaire modifié, les mésaventures de la jeune femme sont également adaptées à la région où se déroule le conte : grains de riz à décortiquer, à la place du Prince nous avons affaire à un Gouverneur, etc.

Parlons maintenant de l’illustration, graphique et épurée on ne peut qu’être séduit par une telle qualité de dessin. Les couleurs y sont extrêmement vives, magnifiquement harmonieuses, les dégradés également. On appréciera également les contrastes tantôt très sombres ou très vifs allant même jusqu’au fluorescent dans des tons rose et jaune vifs.

En conclusion l’album Kongwi, l’autre Cendrillon est un véritable petit bijou pour faire plaisir aux enfants, mais aussi à soi ! On a hâte de voir d’autres albums signés par la patte magnifique de Marie Caillou. A lire et à admirer dès l’âge de cinq ans environ.

Kongjiwi (6)

EDITEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Actualité éditoriale : Les Outrepasseurs, présentation d’une nouveauté tentante…

Les outrepasseurs 01Les Outrepasseurs est le premier roman de l’auteur Cindy Van Wilder à paraître le 13 février 2014 aux éditions Gulf Stream. En attendant la chronique à paraître prochainement sur le site, en voici la quatrième de couverture et quelques photos du livre, dont la finition est superbe : dorures sélectives sur tout le livre, première page repliable cachant une belle image… Rien que le fait de voir le livre donne envie de l’ouvrir… !

La chronique du tome 1, Les Héritiers.

« -Jure-moi fidélité et je te protégerai. Nous le ferons tous.

– Nous ?

– Les Outrepasseurs. Tous ceux qui portent la Marque. Regarde ces jeunes gens. Voilà ta seule famille, à présent. Vous combattrez ensemble. (Il baissa le ton de sa voix.) Nos adversaires ne s’arrêteront jamais. Les fés nous pourchassent depuis huit siècles. Une éternité pour nous. Un instant pour eux. »

Peter, un adolescent sans histoire, échappe de justesse à un attentat et découvre que l’attaque le visait personnellement. Emmené à Lion House, la résidence d’un mystérieux Noble, il fait connaissance avec les membres d’une société secrète qui lutte depuis des siècles contre les fés : les Outrepasseurs. Les révélations de ces derniers vont changer le cours de sa vie…

Tomaison de la série les Outrepasseurs :

En outre, pour avoir peut-être la chance de lire en avant-première l’ouvrage, voici un concours organisé sur le site officiel de l’auteur : http://cindyvanwilder.wordpress.com/2013/11/28/outrepasseurs-le-concours. Alors bonne chance !

outrepasseur trilogie

Outrepasseur photo (1)

Outrepasseur photo (2)

Chronique Jeunesse : Journal d’un chat assassin

Journal d'un chat assassin 01gLes confessions d’un chat aux intentions louables, mais incomprises par ses maitres…

Écrit par Anne Fine il y a de cela presque vingt ans, le journal d’un chat assassin est un véritable best-seller, que soit en France où dans son pays d’origine, la Grande-Bretagne.

Anne Fine est une auteur jeunesse à l’imagination débordante, outre les nombreuses aventures qu’elle a fait vivre à son chat tueur (Le chat assassin, le retour, La vengeance du chat assassin, le noël du chat assassin…), elle a également écrit Comment écrire comme un cochon ou encore Le jeu des sept familles.

En 2011, l’école des Loisirs a d’ailleurs fait une intégrale des aventures du chat assassin regroupées sous le titre Le grand livre du chat assassin. Les illustrations sont quant à elles signées par Véronique Deiss.

Mais ce n’est pas ma faute, je suis un chat !

Le chat de la famille est un véritable carnassier : tous les animaux qui passent près de lui meurent, plus ou moins mystérieusement… mais ce qu’ignorent ses maître, c’est que le plus souvent, ça n’est pas lui le tueur de toutes ces créatures !

« Allez-y, donnez-moi une fessée ! J’ai rapporté une souris morte dans leur merveilleuse maison. Je ne l’ai même pas tuée. Quand je suis tombé dessus, elle était déjà morte. Personne n’est en sécurité par ici. »

Le journal de ce fameux chat se découpe en chapitres, ces derniers correspondant à chaque jour de la semaine. Et plus le temps passe, plus les animaux qui meurent sont gros, jusqu’à aller à un lapin ! Mais est-ce vraiment notre antihéros de chat qui a tué Thumper, le chat du voisin ? Ça paraît gros, mais tout accable le pauvre matou !

Diary of a killer cat 01Désopilant de bout en bout

La force du récit d’Anne Fine réside dans sa prose courte et efficace. On s’amuse de ses tournures de phrases, de sa malchance, mais aussi de la famille qui s’occupe de lui et qui ne le croit nullement quand il fait tout pour prouver son innocence.

Drôle du début à la fin, le texte n’est pas le seul coupable de cette réussite. En effet, les illustrations très parlantes et imagées de Véronique Dreiss y sont également pour beaucoup.

Le journal d’un chat assassin est un grand classique de la littérature jeunesse et on comprend très vite pourquoi dès que l’on débute sa lecture. L’histoire est simple mais pas simpliste, l’humour y est aussi percutant qu’un chat tombant sur un moineau et les illustrations complètent ce sentiment d’humour absurde si plaisant.

Un classique à découvrir ou à relire, dès l’âge de 6-7 ans environ. Les enfants pourront le lire seuls dès la fin du CP.

AUTEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Wunderkind – Tome 1 – La pièce d’argent

Wunderkind 01Un roman de dark fantasy dans un Paris des plus sombres… 

Souvenez-vous, il y a deux mois de cela, nous vous parlions du nouveau roman à paraître aux éditions Bayard, présenté même comme l’un de leur enjeux de fin d’année : Wunderkind.

Le livre est paru le 19 septembre dernier et n’est pas conseillé avant l’âge de seize ans environ par l’éditeur. Traduit de l’italien, La pièce d’argent est le premier volume de la trilogie écrite par D’Andrea G.L. Annoncé comme un roman passerelle, Wunderkind devrait séduire les jeunes adultes aussi bien que les adultes, mais nous allons voir ici que ça n’est pas nécessairement le cas…

Dans les rues cachées et sombres de la capitale… bienvenue dans le Dent de Nuit

Tout commence avec un jeune garçon devenu subitement orphelin : le jeune Caius est perdu, ne sachant à qui se fier et où se tourner. Il fait ainsi très rapidement la rencontre d’un personnage aussi étrange qu’inquiétant : Le Marchand, également nommé Herr Spiegelmann. Ce dernier lui remet une pièce d’argent dont l’utilité n’apparaît pas immédiatement aux yeux de Caius, bien au contraire, elle se révèle être la source de nombreux maux. Mais le jeune garçon ne sera pas seul pour découvrir les réponses à ses nombreuses questions et sera aidé d’une petite équipée d’adultes experts en magie, Manufacturés et autres sombres subtilités du Dent de Nuit, ce quartier de Paris qui n’apparaît qu’à ceux qui en connaissent déjà l’existence.

Que veut donc l’étrange et effrayant Marchand aux nombreux sbires à sa botte ? Que signifie être le Wunderkind ?

Un récit décousu et manquant de cohérence

Le gros problème de ce récit réside dans son intrigue trop conventionnelle et dans sa traduction très brouillonne et pourtant un bel univers a été créé pour l’occasion. Impossible pour le lecteur de lire l’ouvrage de façon fluide. Il faut constamment relire quelques lignes précédentes, feuilleter des pages d’avant pour comprendre ce que l’on lit… la lecture en devient sportive.

De plus, la cohérence de la traduction n’est pas vraiment là non plus. On assiste à des scènes d’action où certains faits ne sont pas expliqués, pas assez développés, rendant le tout furieusement difficile et malaisé à comprendre.

Avec tous ces problèmes d’ordre d’écriture et/ou de traduction s’ajoute celui de l’histoire. Le roman fait un peu plus de trois-cent pages, mais l’histoire n’avance que très peu. Le héros se voit constamment martelé de la phrase « tu es le Wunderkind » sans jamais savoir ce que cela inclut réellement, et nous non plus…

Une magie originale inventée de toute pièce pour l’intrigue

Alors que la trame de l’histoire est difficile à suivre à cause de tous les virages qu’elle prend, le système magique de Wunderkind est quant à lui assez clair et surtout séduisant.

Basée sur la mémoire du magicien, la puissance d’un sort est proportionnelle à la force du souvenir qui lui sert de source. Mais attention, une fois un souvenir utilisé, ce dernier disparaît à jamais ; c’est donc une magie très dangereuse et pernicieuse qu’il faut savoir doser que l’on découvre. Certains pratiquants s’y étant déjà brulés les ailes…

On découvre aussi toute une mythologie créée pour l’occasion : les Calibans, les Cagoulards… autant de monstres créées pour nous immerger dans le sombre Dent de Nuit, et cela fonctionne. Les objets nommés les Manufacturés sont également très intéressants et laissent entrevoir une autre facette lugubre de l’histoire.

Alors que conclure de ce premier roman ? Qu’il n’est pas abouti et qu’il aurait certainement pu donner quelque chose de beaucoup plus cohérent. L’ambiance est parfaite dans le genre glauque et sinistre, de même que la mythologie qui l’entoure, mais cela ne suffit pas à compenser… Le lecteur est bien trop laissé sur sa faim pour avoir envie d’en savoir plus, il aurait fallu lui en mettre un peu plus sous la dent… Wunderkind est donc un rendez-vous manqué que l’on regrette tant il nous semblait prometteur…

Chronique Jeunesse : Les Filouttinen

Les filouttinenA l’abordage ! (d’une voiture) avec une famille de voleurs hors du commun…

Paru en juin dernier aux éditions Didier, les Filouttinen est un roman à caser à part dans l’univers de la littérature jeunesse. Déjanté, fou-fou et définitivement nordique dans l’esprit, on est très vite séduit par son ton résolument non conventionnel. Traduit du Finlandais par Alexandre André, et écrit par Siri Kolu, les Filouttinen n’est que le début des aventures d’une famille de voleurs fous… de friandises ! En Finlande, le troisième volume de la série est déjà annoncé pour février 2014.

Quand de simples friandises sont prétexte à un kidnapping

Les Filouttinen sont des voleurs d’un genre peu commun, et cela depuis des générations. Mais ils ne volent pas des choses « ordinaires », uniquement ce dont ils sont besoin (vêtements, nourriture, ustensiles…), et uniquement sur les routes… Alors, quand une envie de bonbons se fait sentir, ni une ni deux, toute la famille par en vadrouille pour trouver LA voiture qui pourrait abriter les friandises tant convoitées.

En parallèle, la jeune Liisa ne se sent pas intégrée à sa famille, elle a toujours l’impression d’être en parfait décalage avec cette dernière. Mais ce qu’elle ignore encore, c’est que le paquet de bonbons qu’elle tient à la main sera sa porte de sortie pour des vacances pas comme les autres au sein d’une famille inimitable !

Un récit au style inimitable

Bien qu’un peu déstabilisant au début, le roman nous fait vite apprécier les Filouttinen et leur mode de vie étrange. Du petit frère qui veux déjà être le chef de famille à la mère qui mène tout le monde à la baguette grâce à un don hors du commun pour la répartie, vous serez servis en dialogues savoureux.

Liisa, bien discrète au début va vite s’affirmer dans cette famille où tout semble possible et c’est avec plaisir que l’on suit peu à peu son évolution en véritable terreur du vol à « grande » échelle (du moins plus grande que celle des voitures que les Filouttinen attaquent depuis des décennies).

Alors, peut-être que cela pourra déplaire à certains parents que de voir le vol ainsi prôné à de jeunes lecteurs, mais il faut bien entendu prendre de la distance face à cette lecture. L’humour y est omniprésent, et jamais le roman ne se prend véritablement au sérieux. Et les enfants eux-mêmes sauront bien comment prendre le livre.

Partez donc à la découverte du monde secret des voleurs de Finlande qui se réunissent sous couvert d’organiser un « Forum d’été des commerçants en ligne », venez voir le terrible concours de TaLu (pour Tarte et Lutte) où il est question de faire ingurgiter à son adversaire la pire tarte possible (le sable étant interdit) puis de lutter contre cette dernière après avoir tout juste terminé sa dernière bouchée. Enfin, pour finir de vous convaincre, voici un petit extrait pour vous donner une idée du ton continuel de l’ouvrage !

«    –    Une bonne dentition, ça aussi, c’est très important ! a dit Kaarlo-le-Rude. Helen et Erik ont éclaté de rire.

–    Une bonne dentition ? ai-je demandé, étonnée.

–    Un bandit qui se respecte doit savoir être poli, sérieux, mais pour des questions de crédibilité, on doit parfois grimacer un peu. Et là, une bonne dentition, ça fait tout ! Regarde Marko-les-Crocs, et tu verras tout de suite ce que je veux dire !

–    Une belle calandre, ça marque les esprits ! a ajouté Marko-les-Crocs. Avec des chicos pareils, ce serait dommage de ne pas se fendre d’un sourire ! »

La conclusion, c’est que ce roman est parfaitement adapté aux enfants qui aiment déjà lire et qui ont environ dix ans. Le démarrage de l’histoire est un peu long car peu facile à appréhender au début. Les personnages sont bien campés, mais il faut se faire à leur familiarité et leurs dialogues un peu décousus ! En tout cas, l’esprit du Nord est là, et il est rafraîchissant dans tous les sens du terme ! A conseiller à tous les jeunes lecteurs qui aiment les romans drôles et débridés.

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Chronique Jeunesse : Le tourneur de page – Tome 3 – Au delà des temps

Le tourneur de page 03Un ultime tome réussi

Le troisième et ultime tome de la série pour adolescents le Tourneur de Page (éditions Eveil et Découverte) vient de sortir il y a de cela à peine un mois. Une attente qui laissait fébrile quand on se souvient de comment se concluait le second tome de la saga…

Ainsi reviennent Alkan, Artelune, Colard, Iriulnik et les autres pour une ultime bataille ; celle qui verra l’avenir des habitants de la Bullhavre prendre un tournant décisif.

Une immersion immédiate

A peine les première pages lues, on se retrouve avec les personnages que nous avions laissés il y a un an. Aucune difficulté pour se replonger dans l’intrigue et les enjeux de la trilogie, bien au contraire.

Chaque chapitre s’articule autour d’un groupe de personnages en particulier : Iriulnik et Piuppy sur leur île déserte, Alkan et ses amis sous la Bullhavre, les villageois dans l’Outre-Monde… chacun à leur manière vont nous happer par leur problématiques. La survie est le maitre mot pour Iriulnik, qui n’a jamais paru aussi humaine, forte et fragile à la fois, elle en devient extrêmement attachante et même héroïque.

Alkan et ses amis quant à eux sont sous la Bullhavre, où ils commencent tout juste à couler des jours heureux… mais pas pour longtemps. La faim gronde sous la Bullhavre, et par extension, la révolte. Les habitants commencent ainsi à écouter les sirènes qui leur promettent monts et merveilles, quitte à oublier ceux qui les ont libérés il y a à peine quelques mois…

C’est donc une suite riche en actions et en révélations qui nous attend ici, avec peu de temps morts et nombre de rebondissements.

Un enchaînement qui fonctionne

Muriel Zürcher confirme ici son talent narratif et le déploie même mieux que dans les deux précédents livres avec une plume plus assurée, qui s’harmonise mieux dans l’ensemble de son roman. On passe d’une scène à l’autre avec aisance, et surtout, impatience. L’auteur ménage parfaitement ses effets, et on se laisse emporté par la vague narrative qu’elle nous offre.

La Bullhavre que l’on pensait bien connaître n’avait pas encore révélé tous ses secrets, et c’est un nouveau pan de la mystérieuse ville qui nous est offert avec sa tour invisible faite de miroirs notamment.

Que dire de plus sinon que la magie opère avec efficacité, que l’on est happé par l’intrigue et que l’auteur est doué pour les belles scènes dramatiques ? Je pense notamment aux nombreux combats auxquels devra faire face Iriulnik pour protéger Piupy ou encore aux scènes de confrontations, qui ne sont pas nécessairement sanglantes, mais orales.

Ce sont aussi des combats pour différents idéaux qui prennent vie : faut-il privilégier l’humain ou la survie ? Peut-on concilier les deux ? La Bullhavre et son système froid et cruel est-il le plus efficient de tous pour que l’homme vive et s’épanouisse ou bien est-ce le système du Peuple, qui force ses femmes à avoir le plus d’enfants possible ? Ou autre chose ?

Même si nous n’aurons pas de réponse toute faite, la conclusion nous laisse quelques pistes de réflexion et nous fait comprendre qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais personnages, seulement des chemins très différents qui mènent au final à un même idéal…

Ce troisième tome en forme de point final est une très bonne conclusion pour cette série originale et bien menée d’un bout à l’autre. On espère voir à nouveau Muriel Zürcher faire des incursions dans l’imaginaire, car ce genre lui réussit fort bien. A lire pour s’émouvoir, se révolter, rêver, imaginer ! Dès 13 ans environ.

Chronique rédigée pour le site ActuSF.

Chronique : Paroles empoisonnées

Paroles empoisonnéesUn drame d’une puissance narrative inouïe

Paru en début d’année 2013 aux éditions J’ai Lu, Paroles empoisonnées et le dernier roman en date (en France) de l’espagnole Maïté Carranza. Elle est notamment connue pour sa trilogie fantastique le Clan de la Louve parue chez Pocket Jeunesse.

Dans ce roman loin du genre fantastique, l’auteur nous a concocté un thriller diaboliquement efficace basé sur un fait divers qui l’a inspirée, celui de Natascha Kampusch (jeune femme autrichienne qui fut enlevée et séquestrée pendant plus de huit ans avant de réussir à s’enfuir). L’ouvrage a d’ailleurs reçu le prestigieux Edebé de littérature pour la jeunesse (attention, le livre s’adresse bien à des adolescents, pas moins).

Paroles empoisonnées est avant tout l’histoire de Bárbara Molina, une jeune fille disparue il y a de cela quatre ans. L’affaire est restée irrésolue jusqu’au jour où… l’enquête bascule à cause d’un simple coup de fil, capturant le lecteur dans une toile psychologique dont il devient impossible de s’extraire…

Une affaire qui piétine et en passe d’être oubliée

Quand nous commençons ce roman, c’est l’ultime jour de travail du sous-inspecteur Salvador Lozano, un homme qui a pris l’affaire Bárbara Molina à cœur. Oubliant parfois jusqu’à sa vie privée, l’homme a montré un investissement sans faille sur cette affaire. Mais la retraite arrive, et il est tant de passer l’affaire et des dizaines d’autres à un nouveau et fringuant sous-inspecteur : Toni Sureda.

Ce dernier est jeune, fringuant et ne montre apparemment pas l’intérêt qu’il faudrait sur l’affaire Bárbara Molina. Comment lui en vouloir ? L’enquête piétine depuis des années sans aucun nouvel élément. Les deux principaux suspects vivent leur vie, la disparition de Bárbara n’est plus vraiment au cœur des préoccupations, hormis pour ses proches.

Sa mère, Nuría Solis est devenue un fantôme depuis le drame, elle ne vit que parce qu’il le faut, mais tout juste. Sans opinion, sans vie, sans âme, elle erre et est devenue un poids pour sa famille tout entière. Son mari Pepe quant à lui a tout fait pour faire retrouver leur fille, combatif, tenace, parfois même trop, il a largement contribué à ce que l’enquête reste ouverte.

Les jumeaux, frères de Bárbara, ont quant à eux appris à ne pas faire de l’ombre à la peine de leurs parents.

PREMI CUBIERTA PALABRAS ENVENENADAS + 148 p3.inddUne narration qui ne laisse pas de place à l’ennui

Paroles empoisonnées est un roman à quatre voix, celle de la mère de Bárbara (Nuría Solis), celle de Bárbara elle-même, celle du sous-inspecteur presque retraité et celle d’Eva, l’ancienne meilleure amie de Barbara.

Ainsi, quand ces voix très différentes s’expriment, ont découvre peu à peu tous les non-dits, les blessures cachées et les plaies de chacun. Le voile qui pèse sur l’affaire se soulève peu à peu, mais pas au point de nous faire deviner très rapidement qui est le coupable. Des indices aux accusations divergentes fusent, et le lecteur se fait lui aussi embarquer dans des suppositions toutes plus folles les unes que les autres.

Avec ces points de vue différents sur l’histoire, on se rend compte que même si il y a un véritable coupable, tous ont à un moment ou un autre on failli à leur manière : en fermant les yeux, en étant jalouse, en ayant trop la tête dans le guidon sur l’affaire… Terriblement humains, là a été leur seule faute.

Ainsi Maïté Carranza manie avec art une plume très sensible, qui fonctionne par évocations et sous-entendus. Elle a su tisser avec bien peu une histoire cohérente qui sait nous tenir en haleine.

« Elle rate parfois des occasions de se taire et lâche des paroles empoisonnées dont le venin court dans les veines et arrive jusqu’au cœur, et fini par tuer, telle une tumeur maligne. […] La coupe était amère et elle l’a avalée seule, comme toujours. »

Pas de dialogue ici, tout est écrit au style indirect : déstabilisant au début, on s’habitue très rapidement à ce mode d’écriture pour le moins inhabituel. Pas de tiret de dialogues  à aucun moment de l’ouvrage, ni même de guillemets. On se retrouve alors avec de grands pavés de texte, mais qui se dévorent.

Pour conclure, Paroles empoisonnées est un véritable roman coup de poing. Traitant de la violence faite aux femmes, qu’elle soit passive ou bien visible, Maïté Carranza met en avant un sujet qui lui tient à cœur, et elle y excelle. Attention, âmes un peu trop sensibles s’abstenir, bien qu’il n’y ait aucun passage explicite, ce roman reste très dur.

Quoi qu’il en soit, impossible de ne pas s’immerger dans un roman d’une telle force, alors allez-y si vous êtes amateur de thriller, ce roman est pour vous. Dès l’âge de quinze ans, minimum.