Le grand retour de Stéphane Michaka qui nous plonge dans l’un des plus grands mystères maritimes de l’histoire !
Stéphane Michaka est un auteur français rare, mais à l’œuvre toujours mémorable. Il a écrit la duologie Cité 19 (PKJ, 2015) ou encore le roman dystopique poétique La mémoire des couleurs (PKJ, 2018). Il change encore une fois de style littéraire avec De larmes et d’écume, un roman historique documenté et passionnant.
Comment le Mary Céleste s’est-il transformé en vaisseau fantôme ?
Nous sommes à la fin du 19ème siècle, où nous suivons les pas du jeune Spotty, qui vient de trouver un emploi à la City. Il travaille pour une compagnie d’assurance maritime sous l’égide d’un dénommé Basil Huntley. Un jour, le jeune homme et son supérieur font la rencontre d’un corsaire qui prétend avoir des écrits issus de la Mary Céleste… Le problème, c’est que le bateau a disparu il y a 11 ans avec tout son équipage avant de réapparaitre totalement vidé de ses occupants. Les papiers du vieux corsaire sont-ils authentiques ? Et si c’est bien le cas, vers quoi va les mener cette incroyable découverte qui a déjà fait couler énormément d’encre dans les journaux du monde entier ? Et surtout, pourquoi la disparition de la Mary Céleste obsède-t-elle tant Basil ?
Passionnant et riche en émotions
Encore une fois, Stéphane Michaka réussit à nous surprendre. Il s’était déjà frotté au roman historique avec Cité 19 (bien qu’il soit d’un genre particulier, il vous faudra le lire pour comprendre !) avant de prendre un virage et de pencher pour la dystopie avec La mémoire des couleurs. Avec De Larmes et d’écume, l’auteur replonge dans l’Histoire, et a dû se passionner à faire des recherches pour les besoins de son roman. Et ça se voit.
L’ouvrage est savamment dosé entre le roman d’enquête, le récit historique (bien qu’avec une grande partie de personnages fictifs) et l’aventure. Dès les premières pages, on est dans l’histoire, car il faut avouer que le mystère de ce bateau retrouvé vide de toute vie est incroyable. Dès que vous aurez tous les éléments de départ en votre possession, vous ferez comme Spotty, vous échafauderez toutes les possibilités. C’est le genre de fait divers qui retourne le cerveau, qui vous fait penser à mille et unes hypothèses.
La réponse que propose Stéphane Michaka à ce mystère est passionnante, elle est semble-t-il la plus crédible de toutes les hypothèses échafaudées. Pour cela, l’auteur s’est beaucoup documenté, notamment avec l’ouvrage Ghost Ship : The Mysterious True Story of the Mary Celeste and Her Missing Crew de Brian Hicks (Random House, non traduit en français). Si vous souhaitez creusez le sujet en français, le titre Le fantôme de la Mary Celeste de Valérie Martin a été édité chez Albin Michel.
Si vous voulez être surpris.e par l’intrigue, je vous déconseille fortement de lire la page Wikipédia concernant la Mary Celeste, ce serait gâcher votre plaisir. Mais après lecture du roman, vous verrez à quel point l’auteur s’est attaché à de nombreux détails historiques avérés.
Ce que nous propose ici l’auteur, c’est une version romancée de ce qui semble être l’hypothèse la plus probable expliquant la tragédie. C’est narré avec passion, tout en ménageant énormément de suspense. C’est simple, le roman se lit comme un bon policier. Ou comme une belle histoire d’amour (qui m’a mis les larmes aux yeux). De plus, il y a tant de détails historiques passionnants que cette
lecture recèle encore d’autres qualités. On en découvre beaucoup sur le fonctionnement des assurances en pleine mer (oui, les assurances existaient déjà) ou encore sur comment un mystère devient légende à l’aide de langues déliées et de journaux voulant écouler de nombreux tirages.
Et comme toujours avec cet auteur, c’est très bien écrit. Il y a un style certain, une plume qui utilise un vocabulaire simple, mais pas simpliste. C’est très difficile de rendre une telle atmosphère historique avec autant d’érudition sans perdre les lecteurs. Ici, c’est entièrement réussi !
De larmes et d’écumes est donc un véritable bijou de lecture. En quelques pages les faits passés vont vous accrocher comme une ancre arrimée profondément. En quelques chapitres vous allez vous attacher aux personnages plus vrais que nature… Et enfin, vous saurez. A dévorer dès 14 ans, puis sans aucune limite d’âge ! Ce roman pourrait très bien sortir en littérature ado ET en littérature blanche quand il sortira en poche (si quelqu’un me lit… ).
Mise à jour de l’article : ET OUI, c’est bien arrivé puisque De larmes et d’écume et passé en poche chez Pocket adulte ! Une excellente nouvelle.
Un roman sublime entre nature et drame familial qui envoûte, du début à la fin…
Glendy Vanderah est une autrice américaine qui était ornithologue avant de se lancer dans l’écriture. Elle vit actuellement en Floride, dans un lieu où la nature est centrale dans son quotidien… tout comme dans ses romans. Son premier roman Là où les arbres rencontrent les étoiles a été traduit dans plus de trente langues et vendu à plus d’un million d’exemplaires. Dans la forêt des larmes est son second ouvrage à paraître en France, et comme dans son premier titre, la nature y trouve une place centrale, elle est même un personnage à part entière. Le roman est paru chez Charleston pour la rentrée littéraire 2023.
Un choc émotionnel qui fait tout basculer
Nous sommes aux Etats-Unis, une femme vient de découvrir que son mari la trompait. Cette femme, c’est Viola, elle a toujours aimé la nature et décide d’aller s’aérer l’esprit avec ses trois enfants pour tenter de digérer autant que possible la nouvelle… Mais bien évidemment, une simple ballade en forêt n’y suffira pas. Pire, lorsqu’elle quitte les bois et reprend la voiture elle se rend compte qu’elle a oublié l’un de ses enfants. Elle fait demi-tour mais il est déjà trop tard : sa petite fille nouvellement né a disparu. Suite à ce double trauma, la vie de Viola devient un enfer, elle s’enfonce dans la dépression et les médicaments. Jugée par sa famille et ses proches, il semble que rien ne puisse l’aider à s’en remettre.
Mais Viola va prendre une décision radicale voir violente pour remonter la pente. Ce roman est son histoire, celui d’une blessure béante qui avec le temps va guérir, mais que seules les années qui passent pourront résorber…
Beau et fort en émotions
Si vous aimez à la fois la Nature et les romans forts en émotions, Dans la forêt des larmes pourrait bien vous plaire. Les débuts de ce roman sont très durs d’un point de vue émotionnel. En effet, la façon sont Viola va tenter de cheminer vers la rédemption est pour le moins très radical… Mais ça n’en rend l’ouvrage que plus beau et cathartique.
C’est le genre de roman à découvrir pour goûter à une littérature à la croisée de plusieurs genres : drame famillial, nature writing, suspense. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça fonctionne à merveille. On a très envie de découvrir le destin de Viola qui a tout perdu pour renaître.
Les amoureux de la nature et de ses petites merveilles aurons d’ailleurs leur content de forêts et de rivières. Tous les personnages ou presque gravitent autour des arbres et de la nature sauvage. C’est à la fois beau et reposant, et c’est clairement le genre d’ouvrage qu »on a envie de lire dans un chalet perdu au fond des bois…
Mon seul bémol pour moi et la fin, un peu trop idéalisée pour que l’illusion du romanesque perdure. Je n’en dis pas plus, mais un peu plus de nuances aurait apporté du crédit à cette conclusion.
Ainsi, ce roman est l’un de mes gros coups de cœur de la Rentrée Littéraire 2023. Les éditions Charleston confirment encore et toujours la qualité de leurs choix de romans, de même que leur passion pour nous offrir de magnifiques textes. Je n’ai qu’une envie maintenant, découvrir le premier texte de Glendy Vanderah : Là où les arbres rencontrent les étoiles… Et oui, encore des forêts au rendez-vous !
Une bd décalée et originale dont l’anti-héroïne attachante vous fera chavirer !
Pénélope Bagieu est une autrice bd au talent reconnu depuis de nombreuses années. Elle a même remporté le prestigieux Eisner Award, l’un des prix bd les plus prisés au monde. Cadavre Exquis n’est pas son œuvre la plus connue, occultée par l’énorme succès de Pénélope ou encore plus récemment Culottées. Pourtant, on y retrouve tous les ingrédients chers à Pénélope Bagieu : l’ode au courage féminin, la liberté et un brin d’excentricité.
Quand on fait la connaissance de Zoé, sa vie est un calvaire. Hôtesse d’accueil au Parc des Expositions à Porte de Versailles, elle en a marre de subir les lourdeurs de nombreux visiteurs qui pensent qu’être hôtesse c’est uniquement sourire et se laisser tripoter. Du côté de sa vie personnelle, Zoé n’est pas beaucoup plus heureuse… Son « âme sœur » est un individu peu attachant, sale et odieux avec elle. Bref, il n’a que de belles qualités…
Depuis quelque temps tout va mal pour Zoé à cause de ces nombreux facteurs que sont son travail déplaisant et sa vie de couple déprimante. Mais un jour, elle va faire une rencontre étrange en osant sonner à la porte d’un inconnu pour lui emprunter ses toilettes. Elle ne le sait pas encore, mais cette rencontre va être décisive pour son avenir, à un point tel que vous n’avez pas idée !
Une histoire qui prend les attentes du lecteur à rebrousse-poil
Dans le premier tiers de cette bd, le déroulé est assez classique, mais la suite va vite vous montrer qu’il n’est point question ici de normalité. Déjà parce que Zoé a une façon étrange de rencontrer l’homme mystérieux qui vit caché derrière ses épais rideaux. Ensuite parce que peu à peu elle va prendre sa vie en main d’une façon des plus inattendues et que c’est un régal !
Comme toujours avec Pénélope Bagieu, j’adore certaines de ses planches simples mais emplies de poésie. Notamment celle-ci, on dirait un moment parfait de bonheur en très peu de traits. C’est incroyable de mettre autant d’émotion en si peu de matière dessinée, et c’est vraiment réussit.
Par ailleurs, j’ai adoré cette histoire qui semble être au premier abord une histoire d’amour et d’accomplissement toute mignonne. Effectivement c’est bien une histoire et d’accomplissement, mais pas toute mignonne. On pourrait plutôt dire que Cadavre Exquis est un beau pied de nez aux à priori, le tout emballé d’une jolie façon. En effet, j’ai trouvé la conclusion de cette histoire absolument parfaite !
Ainsi, si vous aimez Pénélope Bagieu, cette bd devrait vous plaire. Si vous aimez les histoires à la fois tristes et drôles, ça devrait également vous plaire. Et enfin, si vous aimez tout simplement les bonnes histoires sans prétention mais efficaces malgré tout, ça va vous plaire !
C’était LE gros pavé de la rentrée littéraire 2020 et l’un des gros succès de la fin d’année, je parle bien entendu de Betty écrit par Tiffany McDaniel, traduit avec excellence par François Happe, et publié aux éditions Gallmeister. L’autrice s’est inspirée de la vie de sa mère pour écrire ce roman qui reste dans les mémoires à tout jamais une fois terminé… Sublime. Frappant. Incontournable. Betty fait partie de ces romans qui vous bouleverse sans retour en arrière possible.
Je me souviens de chaque passage qui m’a fait pleurer comme si c’était hier, et pourtant je l’ai lu à sa sortie. Une fois qu’on a lu Betty, on est comme habité par cette histoire qui transporte, forge, donne du courage. Et pourtant les thématiques abordées sont loin d’être faciles à traiter : racisme, violence, deuil, maltraitance… beaucoup de sujets sont sensibles. Mais c’est écrit avec une telle main de maître, un tel style… qu’il est impossible de ne pas être touché, au minimum (subjuguée à titre personnel).
J’ai pris la décision radicale de ne pas vous en parler plus par le biais d’une chronique. Je tente de la rédiger depuis septembre 2021 sans succès. Betty m’a tant plu, tant touchée que je n’arrive pas à m’attaquer à ce monument en en faisant l’article. Je passe mon tour. Je ne laisse pas tomber, mais simplement, j’ose espérer que vous me ferez assez confiance pour vous lancer dans l’aventure des sept-cent pages qui constituent Betty.
Laissez-vous surprendre par ce texte bouleversant.
Votre libraire blogueuse et passionnée depuis vingt ans.
Un roman policier historique comme prétexte pour découvrir la terrible histoire des camps de concentrations nippo-américains aux États-Unis durant la guerre du Pacifique. Magnifiquement documenté et passionnant par tous ses aspects.
Roman policier ou fiction historique très documentée ? Ma sœur est morte à Chicago, c’est un peu tout cela et bien plus encore. L’ouvrage pourrait aussi bien être classé en littérature tant le sujet est vaste et passionnant. Bien qu’il y ait une intrigue policière, la partie historique est si complète qu’il aurait tout aussi bien être classé en « blanche ». Naomi Hirahara a réalisé un travail de documentation considérable qui a duré des années pour aboutir à ce roman, et cela se ressent !
Si vous ne connaissez pas encore cette autrice américaine d’origine japonaise, sachez que ce roman est loin d’être son premier ! Elle a sorti en France de nombreux ouvrages, presque tous aux éditions de l’Aube. Il s’agit de romans policiers avec un personnage récurrent : Mas Arai.
Une mort inattendue qui va bouleverser une famille jusque dans ses fondements
Nous sommes en 1944 et tout au long de ce roman, nous allons suivre la jeune et discrète Aki Ito. Avec ses parents, elle vient d’être libérée des camps d’internements japonais et va à Chicago rejoindre leur sœur, Rose. Cette dernière a pu sortir quelque temps avant eux pour trouver un logement pour toute la famille. Sauf qu’en arrivant à Chicago, tout s’effondre : Rose est morte, tuée par une rame de métro qui l’a renversée. Aucune enquête n’est ouverte, car après tout il s’agit d’une femme japonaise et les forces de l’ordre ont bien d’autres choses à faire.
C’est ainsi qu’entre le deuil et la colère, la petite sœur de Rose, Aki, va tout faire pour découvrir ce qui est arrivé à sa sœur. Aki, celle qui a toujours été sage et discrète quand Rose était transgressive et libre va peu à peu s’émanciper au travers de cette quête de vérité.
Sublime, sombre et passionnant
En découvrant ce texte, je dois avouer que je m’attendais à une enquête policière avec un cadre un peu historique autour, mais rien de plus. Or ici, c’est presque l’inverse, la partie policière est en réalité un prétexte pour découvrir une page d’Histoire totalement méconnue ! Je n’avais jamais lu d’ouvrage sur le sujet des camps de concentrations nippo-américains avant ce roman-ci. Pire encore, je n’en connaissais pas l’existence ! C’est là qu’on se rend compte que l’on ne sait rien et qu’à peine on commence à creuser, on découvre des choses terribles et passionnantes à la fois.
Et c’est au fil des pages que l’on voit ce que donne le travail de plusieurs années de recherches et de documentation de l’autrice. Elle nous décrit avec force détails la vie dans ces camps, comment la population nippone américaine a été complètement spolié de ses biens du jour au lendemain. Comment il leur était interdit de se réunir sous peine d’être arrêtés pour conspiration contre les États-Unis d’Amérique, comment ils devaient jurer ne pas avoir prêté allégeance à l’empire nippon par de nombreux questionnaires de moralité…
Tout cela est conté en parallèle de l’intrigue policière, elle aussi passionnante et pétrie de nombreuses injustices dues au racisme et au sexisme. Il y a d’autres sujets de société très forts dans ce roman, et toujours d’actualité aux U.S.A, mais vous les découvrirez en lisant l’ouvrage. Un « beau » mélange que tout cela… et ça fonctionne en nous offrant un roman complet tant par le contenu que par son intrigue terriblement efficace !
Ainsi, si vous aimez les bons romans policiers où l’ambiance est incroyable et où vous apprenez plein de choses sur l’Histoire, ce livre est pour vous ! L’intrigue est réussie, mais c’est surtout un fabuleux prétexte pour découvrir une période sombre et inavouée des États-Unis face à ses immigrés japonais. Splendide et nécessaire, à tous points de vue.
Imaginez un mélange entre Loft Story et Saw, vous aurez une idée du contenu macabre de Scream test !
Scream Test est un thriller se jouant des codes de la téléréalité et du slasher pour nous donner une critique acerbe et sanglante de notre société. L’ouvrage est écrit par le français Grégoire Hervier, donc c’est l’un des premier romans, il est paru en 2006.
Une téléréalité disponible uniquement… sur internet
« Six jours, six balles, six perdants, et seulement un survivant. Qui sera le dernier ? A vous de choisir… »
Voilà l’accroche terrible de la nouvelle téléréalité (peut-on vraiment l’appeller comme ça ?) qui vient de se lancer sur le net. Son nom ? The last one. Et le pire dans tout ça, c’est que les candidats ignorent tout de leur élimination – littérale – à la fin de la partie. Ils pensent jouer tout simplement à une téléréalité normale où élimination rime avec succès et paillettes une fois sorti du loft filmé 24h sur 24. Par contre, le public, qui va s’intéresser de façon exponentielle à l’émission va se délecter de cette mortelle télé-réalité. Sauf si la police réussit à trouver où sont les candidats avant…
Haletant, bien mené et efficace
Scream Test a beau ne pas être un coup de coeur, j’ai adoré la plume de Grégoire Hervier. Il ne mâche pas ses mots, entre dans le vif du sujet immédiatement, malmène ses personnages, nous abreuve de culture populaire… C’est un roman qui se lit très vite car très bien développé et écrit. Le déroulement est assez classique, mais ça passe car c’est bien fait : on retrouve une narration plurielle. Vous avez d’un côté l’histoire vécue par l’une des familles d’un participant à l’émission, d’un autre la vision de la flic douée mais qui n’a jamais eu de promotion ou encore le point de vue de cleui qui a organisé ce jeu mortel. Chacun a des motivations qui lui sont propres, et elles sont toutes entendables et intéressantes.
J’avoue avoir eu un petit faible pour le personnage de la flic, Clara. Elle est l’archétype de la flic qui aurait du monter en grade mais qui s’est fait voler les lauriers par plus ambitieux qu’elle. C’est un personnage intéressant, bien que déjà vu, car elle se fiche totalement des règles pour peu qu’elle arrive à mener à bien son enquête. En somme, la voir en scène dans d’autres romans m’aurait bien plu, même si cela n’est pas du tout d’actualité.
Pour ce qui est de l’intrigue en elle-même, elle est assez classique et se déroule sans accroc majeur. Comprendre ici, que le tueur audiovisuel réussit à tuer un par un ses victimes ignorantes. Je ne sais bien évidemment pas tout vous raconter, mais ça fonctionne très bien, même si l’on connaît déjà a fin au fond de nous. C’est plus pour le style haché et cru de Grégoire Hervier qu’il faut lire Scream Test que pour l’intrigue. En effet, l’auteur a une culture populaire incroyable et profite de son roman pour partager avec nous sa passion du cinéma et des tueurs en série… Il y a même une page entière dédiée aux slashers emblématiques de la culture populaire : Souviens toi l’été dernier, Scream… etc. Tout ce que j’aime.
Ainsi, Scream Test est un bon premier roman, mais ayant lu un autre livre de l’auteur, je puis dire que ce n’est pas son meilleur. Grégoire Hervier a écrit quelques années plus tard un roman d’anticipation incroyable (toujours au Diable Vauvert) intitulé Zen City. L’ouvrage est désormais épuisé, mais si vous réussissez à mettre la main dessus, ça vaut vraiment le détour ! Quant à Scream Test, il plaira à celleux qui aiment tout ce qui touche à la télévision, aux foules manipulables et aux jeux cruels.
Ils sont jolis, très graphiques, de belle qualité en termes de fabrication, très agréables à manipuler, ont une jolie jaquette, voici les titres de la collection Le Grand Bain lancée par Le Seuil Jeunesse !
La promesse de la collection ? « Des romans illustrés pour se jeter dans le grand bain de la lecture, avec ou sans bouée !«
Une jeune fille découvre que l’univers de son jeu vidéo préféré : Diego 3D Mundo débarque dans son quotidien. C’est assez difficile à croire au premier abord, mais elle accepte rapidement ce postulat. Ainsi, la vie ordinaire se retrouve assortie de choses étranges, de bonus, et évidemment boss de fin de niveau. Outre le jeu de mot du titre en référence au célèbre plombier de Nintendo, ce roman est une également une référence à Alice au Pays des merveilles : entre rêve burlesque et réalité étrange.
J’ai trouvé ce roman franchement bizarre et trop déstabilisant à mon goût. Je m’interroge fortement sur le fait que les jeunes lecteurs trouvent leur compte dans cette histoire. Trop délurée, trop illogique et débridée pour moi en tout cas. Je l’ai lu en entier, mais je n’en ait rien retiré et j’ai même eu du mal à me rappeler du contenu… Dès 9 ans.
Mission aventure – Gauthier David & Marie Caudry
Cette fois-ci, les parents de Julie et Théodore en ont plus que marre. Il faut bien se l’avouer, le frère et la sœur de ce roman son particulièrement détestables l’un en vers l’autre. Jamais avares de vacheries et de coups bas en tous genre… Sauf qu’ils n’avaient pas prévu que leurs parents en aient marre au point de les laisser en pleine forêt. Ainsi débute Mission Aventure, sorte de réécriture de Hansel et Gretel contemporaine un peu loufoque.
Encore une fois, j’ai eu un peu de mal avec la narration et le côté très débridé de l’histoire. Je n’ai eu aucun attachement pour ces enfants insupportables, de même que pour leurs folles aventures. Et encore une fois, cette lecture ne m’a laissé que très peu de souvenirs, expliquant mon très court avis à son sujet. Dès 9 ans.
Pétunia – Karen Hottois & Lili Scratchy
Voici l’histoire de Pétunia, une jeune fille… pétulante ! Et pour ajouter à l’originalité de ce petit personnage, il y a également Koto, sono ami imaginaire. Koto est tout petit, il se cache dans un poche ou dans sa trousse quand c’est nécessaire, et surtout, il ajoute une pointe de distraction à sa vie !
Des trois romans de la collection Le Grand Bain que j’ai lu, c’est celui qui m’a le plus paru potentiellement plaisant aux enfants. Entre quotidien, amitié et humour, le tout illustré joliment par Lili Scrtachy, le tout fonctionne bien. Le tout est mignon, tout en rondeurs aussi bien graphiquement que narrativement. Je n’en garde pas un souvenir impérissable mais toutefois plaisant. Comme les autres titres, il serait parfait à découvrir dès 9 ans.
Le pire Noël n’existe pas – Suzanne Bogeat & Edith Chambon
Thomas est un doux rêveur, mais passé un certain âge, ce qui est était vu comme une qualité devient une caractéristique ostracisante. La preuve, son air naïf et ses souhaits hérissent tout le monde… Alors quand un de ses camarades de classe trouve son carnet avec des dessins du père noël, ça ne rate pas : il obtient des ricanements. Mais Thomas est bien décidé à prouver à tous et à toutes que si l’on souhaite le meilleur, voir l’impossible, il peut survenir ! Et que la magie de noël existe, quel que soit l’âge que l’on a…
Ce texte est pour moi le plus abouti des quatre titres de la collection que j’ai pu lire. Il est clair, avec un déroulé logique, tout trouve un sens à la fin de l’ouvrage (et cela de façon poétique). Là où j’ai trouvé les autres ouvrages décousus et parfois même complètement délirants (dans le mauvais sens du terme), Le pire noël n’existe pas fonctionne parfaitement. Du début à la fin, on suit avec un petit sourire les aventures de Thomas pour reboucher le trou de la cour de récré et prouver à tous que voir le verre à moitié plein peut changer la donne.
Mignon et agréable à lire. Il sera parfait à découvrir pour les enfants entre 9 et 11 ans.
Ainsi donc, j’ai pu lire quatre titres dans la collection Le grand bain. Et pour être honnête, en dehors d’une excellente lecture, le reste m’a laissée fort dubitative. Ce n’est pas une collection que je suivrais à l’avenir. On peux toutefois saluer l’originalité du format proposé : des ouvrages de petite taille avec jaquette au papier de qualité. C’est rare de voir un aussi beau travail de fabrication pour des romans jeunesse dits « middle-grade« . En ce qui concerne le contenu, il ne m’a pas convaincue, mais le mieux est encore que chacun.e se fasse son propre avis !
Un superbe essai sur les chiffres et leur manipulation en politique tout particulièrement
L’un est un ancien statisticien de l’INSEE, doctorant à l’EHESS sur l’usage des mathématiques en théorie politique, l’autre est essayiste de métier. A eux deux, ils vont faire trembler le fondement de vos certitudes sur quantité de chiffres et calculs dits basiques, comme les pourcentages. Mais tout est affaire de perception, comme ils le démontrent dans cet ouvrage indispensable pour le développement de la pensée critique.
Les maths, le meilleur allié pour qui est factuel ?
C’est ce que l’on pourrait se dire : j’aime les chiffres, je suis factuel.le. Ou encore : Les chiffres de mentent jamais ! Oui, mais ceux qui les emploient les manipulent avec un art digne de la prestidigitation. Ainsi, une inflation monstrueuse peux passer pour une légère augmentation. Ou encore la façon dont on calcule une moyenne… la moyenne arithmétique est désavantageuse ? Pas de problème, utilisons la moyenne géométrique ! Tout est donc bien affaire de perception, de recul et de questionnements dès qu’on nous parle de chiffres, qu’on nous présente un joli graphique ou autre…
Passionnant de bout en bout
Les deux auteurs nous offrent une plongée fascinante dans l’histoire des nombres et leur manipulation ainsi que la façon de les percevoir sous leur meilleur jour. C’est terrible, parfois très dérangeant, mais toujours passionnant. J’ai appris énormément de choses grâce à cet essai, et ça m’a d’ailleurs donné envie de creuser encore plus le sujet. Il y a en effet quantité d’ouvrages pour développer son esprit critique, celui-ci en est un. Mais justement pour avoir du recul, il faut je pense en lire plusieurs, les compulser, y réfléchir et en discuter avec notre entourage.
On parle ainsi dans cet ouvrage aussi bien de Pythagore et ses merveilleuses avancées dans les mathématiques que des IA qui prédisent les crimes. Ca semble merveilleux à première vue : un logiciel qui vous dit où et quand il y a le plus de chances qu’un crime se produise ! Oui, mais… l’IA est aussi maline que très manipulable. Et cet outil qui permet à la base de déceler les crimes va peu à peu se transformer en véritable bombe politique pour qui veut s’en servir à mauvais escient. En effet, l’IA va creuser encore plus les inégalité en fonction des quartiers et des surveillances policières. Je ne peux pas développer tout cela dans cet article mais ce fait gênant a déjà été rapporté, notamment par le Youtubeur spécialisé en mouvement des foules : Fouloscopie. Deux sources valent mieux qu’une, n’est-ce pas ?
Il y a tellement d’autres sujets dans cet ouvrage qu’il est impossible de les lister, mais parmi les plus intéressants, on trouve : La manipulation des tests de CO² émis par les voitures Wolswagen, Les pyramides de Ponzi, les moyennes harmoniques, le taux de parité de pouvoir d’achat et plein d’autres choses.
En somme, cet ouvrage est parfait pour qui veut explorer les nombres et leurs manipulations. Les auteurs aident ainsi à y voir un peu plus clair dans ce monde gouverné par les chiffres qui se joue de nous à chaque instant. Ils conseillent et citent d’ailleurs d’autres ouvrages sur le sujet : La gouvernance par les nombres d’Alain Supiot. Ou encore Algorythmes, la bombe à retardement de Cathy O’Neil.
Un bel album de grand format à l’italienne aux allures graphiques à la Sempé, le tout accompagné de la belle plume de Timothée de Fombelle…
Paru en 2021 aux éditions Gallimard Jeunesse, Esther Andersen est un album jeunesse de grand format, de taille un peu plus importante que les albums que l’on a l’habitude de voir. Timothée de Fombelle n’est plus un auteur à présenter, on lui doit des romans jeunesse devenus désormais des classiques : Vango, Tobie Lolness ou encore Alma. tous sont parus chez Gallimard Jeunesse.
Irène Bonacina quant à elle est illustratrice, elle a notamment réalisé les dessins de la série de premières lecturesOscar et Carosse chez L’école des Loisirs. Elle a également illustré quelques albums pour la jeunesse.
Une histoire à l’odeur d’embruns et de vacances…
Cet album nous conte l’histoire d’un petit garçon qui passe ses vacances au bord de la mer… Le temps s’écoule lentement, doucement… « Les vacances avaient la forme d’un escargot » dit-il. Et c’est bien cela dont il est question ici : savourer les petites choses de la vie, la douceur d’exister et se délecter des rencontres que l’on fait en chemin. Et justement, le jeune narrateur de cette histoire va faire une rencontre atypique et charmante en la personne d’Esther Andersen…
Doux et charmant
Cet album fait partie pour moi du cercle des fameux albums jeunesse pour adultes. En effet, je trouve qu’il faut avoir un regard d’adulte pour savourer pleinement cette lecture au goût doux-amer… C’est très beau, légèrement mélancolique, mais le message essentiel est qu’il faut savourer les petits plaisirs de la vie, et encore plus les belles rencontres.
C’est tout doux, touchant, pas nécessairement mémorable mais tout à fait savoureux, à lire durant les chaudes nuits d’été avec l’odeur de la mer qui chatouille nos narines…
Le texte de Timothée de Fombelle et les dessins d’Irène Bonacina fonctionnent en parfaite harmonie. Les illustrations minimalistes et douces aux tons d’aquarelle n’étant pas sans rappeler celles de Sempé, il n’est pas étonnant que l’ouvrage soit paru chez Gallimard !
Ainsi, cet album est une jolie réussite, mais à réserver à un lectorat assez grand car on y parle du temps qui passe et de savourer les petits plaisirs de la vie qui se délitent parfois quand on grandit. En réalité, c’est un texte qui s’adresse à la part d’enfant enfouie dans le cœur de chaque adulte…
Cette année encore, la rentrée littéraire d’automne (il faut maintenant préciser car même en janvier, les libraires n’ont plus vraiment de répit…) va battre son plein. Et cette année, moi qui suis en générale assez rébarbative face à cet assaut de nouveautés, je trouve qu’il y a beaucoup de diversité et de thématiques intéressantes.
En tout, ce sont 484 romans qui vont paraître dans cette période d’août à octobre. Et comme de coutume, il y a de hauts enjeux pour les éditeurs et les libraires. Et comme de coutume également, les libraires ne vont pouvoir lire qu’un faible pourcentage de cette rentrée, et tenter de vous trier – autant que possible – le bon grain de l’ivraie.
Pour ceux qui n’ont pas l’habitude de ce format, je réalise cette chronique au fil de mes lectures, elle sera donc régulièrement alimentée et agrandie. Pour ceux qui connaissent mes goûts littéraires, vous savez déjà que vais lire la plupart des titres issus de la littérature asiatique ! Et comme toujours, je commence par les titres qui m’ont le moins plu pour arriver jusqu’à mes favoris ! Et je peux d’ores et déjà vous dire qu’il y en a certains que j’ai très hâte de partager avec vous.
Mis à jour le 1er septembre :
11 livres lus = soit 2.27% de la rentrée littéraire.
Les potions d’amour de la famille Botero – Sun-young Lee – Hauteville, collection Kibun
L’histoire est assez simple, une famille coréenne concocte des remèdes pour soigner les personnes d’une façon différente de la médecine traditionnelle. J’avoue m’être rapidement perdue dans les personnages et les enjeux personnels de chacun… c’est le versant de la littérature coréenne que j’aime le moins : trop feel-good au point que ça en devient dégoulinant de bons sentiments… J’ai eu la même impression qu’à la lecture de La laverie Marigold chez Nami. J’ai donc abandonné à la moitié du roman.
Cette lecture est donc totalement oubliable et dispensable, même si l’on aime la Corée ou les romans doux…
Les griffes de la forêt – Gabriela Cabezon Camara – Grasset
Je ne suis pas une grande lectrice de littérature Sud-américaine, mais comme la rentrée est plurielle, j’ai voulu réésayer avec ce roman à la couverture esthétique et au résumé alléchant. On y parle d’une femme emblématique de l’histoire hispanique : Catalina de Erauso, le tout de façon romancée qui joue avec le réalisme magique.
Nous sommes en pleine forêt, et l’on suit cette femme qui vient de sauver la vie de deux jeunes Indiennes. Peu à peu, la lumière se fait sur son histoire, ses rêves, son passé mouvementé et des désirs…
Je n’ai pas aimé l’écriture trop dense et fouillée de ce texte. Je crois que c’est d’ailleurs pour cela que j’ai du mal avec la littérature hispanique et sud-américaine, c’est souvent trop digressif, métaphorique, et je n’y entend rien. C’est bien écrit, il y a de belles phrases, mais je n’ai pas réussit à accrocher au texte… J’ai abandonné ma lecture à un tiers du roman, en me disant que ce n’était clairement pas pour moi. Je reste cependant persuadée que ce roman trouvera son public et que ce sont uniquement mes goûts personnels qui m’empêchent de l’apprécier.
La bossue – Saou Ichikawa – Globe
Rarement m’aura autant mise mal à l’aise tout en m’obligeant à le terminer. Les thématiques de ce roman sont pourtant nécessaires et rarement exploitées, il s’agit du handicap et de la sexualité, le tout au Japon. Autant dire que l’on va de tabou en tabou. Pour vous donner un peu de contexte, il est bon de savoir que l’autrice elle-même est lourdement handicapée. Elle a remporté le très prestigieux Prix Akutagawa (équivalent du Goncourt pour la France) avec La bossue en 2023. C’est la première autrice gravement handicapée à remporter ce titre, une preuve que les mentalités évoluent ?
« Il n’existait que des représentations très stéréotypées du handicap, et je voulais dépasser cela. Je voulais montrer que nous sommes des personnes aussi, avec une diversité de personnalités et de désirs ».
Dans ce texte très étrange, on suis une jeune femme nommée Shaka, lourdement handicapée à cause d’une maladie musculaire congénitale, bossue et ayant de très lourds problèmes respiratoires, la forme de sa cage thoracique étant très déformée. Elle vit de petits boulots de rédaction sulfureux et parfois violents et surtout d’un héritage conséquent laissé par ses parents, ce qui lui permet d’être à l’aise financièrement et même de vivre dans le lieu de soin créé par ses parents.
Sa vie sur internet est évidemment très différente de la réalite, mais cet exutoire est vital pour Shaka. Elle peut balancer sur Titter ses pensées les plus provocantes et les plus impures, de même que dans ses textes à la sexualité très explicite, elle qui n’a jamais vécu de relation charnelle.
Mais un jour, un de ses soignants découvre qui est derrière ce compte Twitter provocateur, et là, Shaka se dit qu’il est temps pour elle de réaliser un de ses désirs les plus retors…
Je n’ai pas du tout aimé ce très court roman, presque une novella. Les détails sur la maladie de Shaka sont beaucoup trop nombreux, rien ne nous est épargné, et il n’est pas question de minimiser une maladie, mais ici on est dans le voyeurisme total. Quant au rêve extrême de Shaka, il est malsain au possible… elle qui veut passer de monstresse à femme, pour moi c’est l’inverse. Avant son idée, c’était une femme pour moi, elle souffre de malformations et de difficultés à respirer, ingérer, et tout est laborieux pour elle, mais c’est une femme. Son idée malaisante la rend pour moi monstrueuse… Je n’ose pas en dévoiler plus, mais selon moi, c’est sale et franchement dispensable.
Ce roman contre le validisme et ses normes aurait pu être un véritable cri du coeur à la fois percutant et mémorable. Mais pour moi, ce fut une lecture difficile car très sombre et glauque au possible, je peux comprendre qu’on y perçoive de l’humour noir, mais je n’y suis pas parvenue de mon côté. J’adore lire des texte dérangeants et bizarres, mais avec La bossue j’ai trouvé ma limite.
Je reste cependant curieuse de découvrir d’autres romans de cette autrice qui a annoncé vouloir écrire une salve d’autres romans pour lutter contre les préjugés, et ça c’est toujours une bonne nouvelle. Je salue donc la démarche anti-normes, mais j’ai eu du mal avec le contenu de La Bossue. A noter que le roman est actuellement en lice pour le Booker Prize.
Le garçon venu de la mer – Garrett Carr – Gallmeister
Ce roman avait tout pour me plaire dans les faits : un bébé mystérieusement arrivé sur la côte, un village irlandais où tout le monde se connaît et une atmosphère où nature et quotidien s’entremêlent. Les éditions Gallmeister sont par ailleurs pour moi (et beaucoup d’autres lecteurices) gage de qualité et d’évasion. Cette lecture était un peu comme une promesse de lecture plaisante…
Et pourtant, malgré tous ces ingrédients réunis qui font habituellement recette auprès de moi, je n’ai pas réussi à m’imprégner des personnages et de leur quotidien âpre de pêcheurs. Il m’a manqué un je ne sais quoi pour transformer ce roman sympathique en quelque chose de plus puissant. Le mystère du bébé abandonné ne m’a pas plus captivée que cela malgré un début de roman réussi, et j’ai trouvé que les personnages n’étaient pas tous assez développés, ce qui créait une confusion par moment à la lecture.
Ce n’était pas une lecture désagréable, mais je sais déjà que je vais rapidement oublier ce texte…
Jours de révolte – Gigi Leung Lee-chi – Fayard
Un texte qui parle de la bascule qu’a subit Hong Kong en 2019 ? Evidemment, je fonce. Et ce roman très politique vaut le détour pour qui s’intéresse à l’histoire récente et révoltante de cette ville assiégée par la République Populaire de Chine. Le peuple Hongkongais est depuis quelques années pris en otage, la presse publique muselée et tout chant discordant tué dans l’œuf. Jours de révolte raconte ce qu’il se passe de l’intérieur, dans le quotidien normal des hongkongais qui veulent relever la tête, mais dont la vie et les libertés sont menacées à chaque manifestation. C’est ce climat de peur et de révolte mêlés qui nous sont ici contés au travers de plusieurs grands chapitres, chacun s’attardant sur une tranche de vie particulière avec les craintes et aspirations de chacun…
J’ai apprécié ce texte pour ce qu’il nous apprend de l’atmosphère de Hong Kong et de ses enjeux, mais je pense que si l’on est pas un peu intéressé par le sujet, Jours de révolte peut sembler rébarbatif car très centré sur le quotidien. Mais pourtant, sous ses vies qui couvent et qui veulent s’épanouir, un cri de révolte gronde… Mais la Chine veut tout faire pour reprendre la main sur ce territoire qui a bien trop pris goût à la liberté pour elle… Quitte à faire changer le contenu des manuels scolaires et effacer les événements gênants de l’histoire très récente du pays tels que le Mouvement des parapluies ou encore l’Eté de la révolte…
Pour aller plus loin et mieux appréhender ce texte, vous pouvez regarder le documentaire Hong Kong, l’agonie d’une démocratie sur Arte. Il résume à merveille les conséquences de cette prise du pouvoir la « loi » et la force… Où donner un paquet de chewing-gum à la mauvaise personne peut vous coûter 18 mois de prison…
Éclaircie – Carys Davies – Quai Voltaire
Si vous avez envie de dépaysement et de landes écossaises, ce roman est pour vous. L’intrigue est menée de main de maitre, mais c’est surtout son atmosphère que je vous recommande. L’histoire ? Un homme doit déloger un autre. Le problème ? C’est que cet homme à expulser est le seul habitant de l’île, et qu’il est le dernier à parler sa langue… Se faire comprendre va s’évérer difficile… D’autant plus quand l’homme mandaté pour l’expulsion a un accident et se retrouve recueilli par celui même qu’il doit emmener u loin par bateau… L’histoire semble indémêlable, mais le talent de Carys Davies va nous transporter dans un ailleurs inattendu et réussit.
Éclaircie est un roman historique (nous sommes à la fin du 19ème) qui nous fait découvrir de façon détournée la Great Disruption, schisme au sein de l’église presbytérienne d’Ecosse où près de 500 de ses pasteurs se rebellèrent. Ce sujet n’est pas central, il se voit par petites touches au fil de l’histoire. Cette dernière pourrait presque intemporelle tant l’isolement est extrême dans ce roman où la langue et ses obstacles sont source de fascination.
En somme, Éclaircie est un bon roman qui possède une histoire intrigante et qui surtout nous fait voyager à peu de frais dans une Écosse isolée de tout sauf du mauvais temps et de la cruauté de la nature. Une belle expérience de lecture à faire.
Le suicide exalté de Charles Dickens – Philippe Delerm – Seuil
S’attaquer à la vie de ce monument de la littérature mondiale qu’est Dickens était risqué, mais Philippe Delerm réussit à nous entraîner dans la vie de cet homme du peuple avec talent. On a qu’une seule envie après avoir refermé ce livre : ouvrir ceux de Dickens, et pas nécessairement les plus connus.
Ce texte est à classer entre l’essai littéraire et la biographie romancée. Rien qu’avec le titre, vous vous doutez que l’on va surtout traiter la seconde moitié de sa vie. Mais saviez-vous qu’il donnait très régulièrement des lectures publiques de ses œuvres ? Qu’il était autant avide de succès que d’argent ? Qu’il aimait marcher comme un forcené, à tel point que même lourdement malade il continuait à se balader par monts et par vaux ?
Cet ouvrage est clairement un hommage réussit à l’écrivain, on sent toute l’admiration qu’a eu Delerm pour cet homme à l’oeuvre si connue qui gagnerait à être lue et relue…
En finir avec les jours noirs– Effie Black – Gospel
Clairement le roman le plus inclassable et étrange que j’ai lu de la rentrée. La thématique principale de cet OLNI ? Le suicide et ses mécanismes, pas seulement chez les humains mais également chez la money spider entre autres choses. C’est à la fois passionnant et incroyable. On suis une jeune femme, chercheuse en psychobiologie de métier, qui tente de prendre du recul sur ses différentes expériences personnelles vis-à-vis du suicide et plus largement des traumas de sa vie. Car son parcours personnel est jalonné de personnes ayant tenté et parfois réussi à se suicider.
Ce roman queer est magnifique par bien des aspects, mais le principal reste avant tout son soin incroyable quant aux détails du quotidien ainsi qu’au travail fait sur les personnages. Ils sont vivants, ont du relief… ils sont superbes avec toutes leurs failles et leurs travers. A réserver à des lecteurs qui ont envie d’être surpris par une littérature à la fois underground et superbe. C’est un roman aussi beau que terrible qui possède une sensibilité rare avec de la lumière malgré tout ce qu’y s’y passe…
Strange Houses– Tome 1 – Uketsu – Seuil
L’auteur de Strange Pictures revient avec un autre concept complètement dingue pour nous angoisser ! Cette fois-ci, pas de dessins, mais des plans d’architecte. Des plans, oui. Et encore une fois je me suis fait avoir et j’ai eu super peur… L’idée est simple mais diabolique, à partir d’un simple plan, le narrateur va découvrir les secrets cachés d’une maison et d’une famille qui y habitait… jusqu’à la révélation finale terrible !
Encore une fois, je me suis laissée embarquer avec une facilité déconcertante dans l’univers glauque et génial d’Uketsu. Je ne saurais dire si j’ai préféré Strange Pictures (dont le début était d’une force rare qui m’a marquée) ou Strange Houses (qui a également un début incroyable). Une chose est sûre, c’est un auteur anonyme sur lequel il faudra désormais compter ! Si vous aimez le Japon, les légendes et les croyances familliales, vous êtes au bon endroit.
La bonne nouvelle, c’est qu’il y aura une suite à Strange Houses, car le second tome est déjà paru au Japon !
Nous n’avons rien à envier au reste du monde – Nicolas Gaudemet – L’observatoire
Inconnu du grand public, Nicolas Gaudemet en est pourtant à son second roman. Le premier, La fin des idoles aux éditions Tohu-bohu n’ayant pas fait grand bruit (j’ai osé faire ce jeu de mots, oui) malgré une qualité indéniable.
L’auteur revient donc sur les tables des libraires avec ce titre intriguant : Nous n’avons rien à envier au reste du monde, titre qui vient des paroles d’une chanson chantée en Corée du Nord pour motiver son peuple harassé. Le bandeau du livre ne nous permet pas de nous méprendre : Roméo et Juliette en Corée du Nord. Et bien, oui, c’est exactement cela et plus encore !
Pour coller au plus près de ce qu’est la réalité dans la dictature la plus fermée au monde, l’auteur s’est même rendu sur place. Et son roman n’en est que plus passionnant. Pour avoir lu beaucoup de livres sur la Corée (Nord & Sud) et même des romans venus de Corée du Nord, l’auteur a su parfaiement adhérer à l’esprit véhément et combatif de son peuple. J’ai même appris des choses incroyables sur les croyances inculquées par le gouvernement aux Nord-coréens : ces derniers sont persuadés que les hauts membres du parti lisent dans les pensées. On comprend mieux pourquoi notre héros se corrige lui-même de ses mauvaises pensées !
On découvre également à quel point l’image entâchée d’une seule personne de notre entourage peut déteindre sur nous pour toute la vie. Certains n’aurons jamais de poste intéressant ou correct, tout simplement car ils sont de la même famille qu’un voleur ou d’une personne qui possède des copies piratées de films américains. La peine de mort est courante là-bas, de même que des camps de redressement où il est très rare de ressortir autrement que les pieds devant…
Pour ce qui est de l’histoire, elle est passionnante. On a beau savoir comment tout cela va se terminer, il est impossible de s’arrêter. Cette histoire d’amour belle et naissante est si douce à lire qu’on continue à avoir de l’espoir… envers et contre tout.
Ce roman français qui parle de la Corée du Nord et un peu de la Chine frontalière m’a énormément plu. C’est efficace, bien écrit, captivant et on apprend plein de choses… même quand on aime déjà le sujet ! Un de mes gros coups de coeur de la rentrée littéraire !
La nuit au cœur – Nathacha Appanah
Pour le moment, c’est mon coup au cœur de la rentrée littéraire. Un roman journalistique et autobiographique qui m’a transportée, effrayée et révoltée tout à la fois. Je n’aurais pas assez de mots pour rendre justice à ce texte. Tout ce que je puis dire, c’est que l’autrice parle d’un sujet toujours tristement actuel : les violences faites aux femmes et plus particulièrement les féminicides.
Elle s’empare du sujet avec talent, c’est une autrice minutieuse, qui dissèque son passé et celui des autres pour nous en faire un rendu absolu des événements. Entre le journalisme, l’autofiction et le roman, ce portrait brossé de trois femmes (elle comprise) dont le point commun est d’être en danger mortel à cause de leurs conjoints est brillant de noirceur. Elle se fait un devoir d’être la passeuse de cette expérience, car c’est la seule des trois à avoir survécu à son « amour ».
Le sujet du féminicide est extrêmement délicat et difficile à aborder, mais Nathacha Appanah possède deux choses qui lui permettent d’en parler de façon juste et saisissante : l’expérience et le talent narratif.