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Ma rentrée littéraire de 2021 en neuf livres

Avec « seulement » 521 romans de la rentrée littéraire à paraître cette année contre 511 en 2020 et 524 en 2019, la période n’est toujours pas à l’économie du nombre de publications. Et comme toujours, je pense que c’est dommage de sortir autant d’ouvrages sur une période aussi resserrée, les gros éditeurs vont continuer à sortir quantité de titres qui vont parfois noyer la seule ou les rares publications des petits éditeurs.
Malgré ces regrets que j’ai depuis des années concernant la surproduction, je suis toujours ravie de voir l’effervescence que créé la rentrée littéraire. La sorte de course que c’est pour nous libraires de lire le plus de livres possibles avant leur parution. Dénicher la perle rare que l’on arrivera à porter jusqu’aux fêtes de Noël et parfois au-delà… Trouver LE livre qui va pour nous être un plaisir de partager avec les lecteurs…

C’est donc avec le même plaisir et le même enthousiasme que j’ai commencé à déblayer les piles de SP de la librairie (SP : Service de Presse, ouvrages reçus avant leur parution par les journalistes et les libraires pour pouvoir en parler en amont). J’ai fait mon petit choix en sélectionnant une dizaine d’ouvrages. Certains sont déjà des blockbusters annoncés : Amélie Nothomb, Kazuo Ishiguro…. Et d’autres n’attendent qu’une seule chose : être repérés par le libraire qui aura la curiosité de l’ouvrir et qui peut-être l’aimera.

Jewish Cock – Katharina Volckmer – Grasset, collection En lettres d’ancre

Dès que l’on pose les yeux sur cet ouvrage on ne peut être qu’intrigué : couleur d’un rose flashy, un titre accrocheur, une typographie qui ressort à l’extrême et des citations de chroniques dithyrambiques de Ian McEwan et du New York Times. Tout cela conjugué, ça attire forcément, mais alors que vaut Jewish Cock ?
A mon humble avis, pas le tapage espéré par l’éditeur. L’ouvrage se veut subversif, dérangeant et atypique. On peut effectivement lui laisser la troisième caractéristique… Pour les deux précédentes, je ne trouve pas…

Quelle est l’histoire ? Celle d’une femme qui va monologuer pendant presque deux cent pages auprès de son gynécologue. Qu’est-ce que ce dernier est en train de faire pendant tout ce temps auprès de sa patiente ? C’est une partie de la surprise du roman même si cela n’en est pas la chute…

L’ouvrage est au final assez fourre-tout. Il dénonce à la fois le sexisme, les inégalités entre hommes et femmes dans tous les aspects de leur vie, interroge la société dans son ensemble… Bref, il enfonce des portes ouvertes avec maladresse. On découvre au bout de quelques pages que la narratrice a menacé un collègue avec une agraffeuse pour une mystérieuse raison. Elle doit ainsi aller régulièrement chez un psychologue afin d’exorciser ses démons, mais décide plutôt de lui mentir. En effet, elle fait croire à ce dernier qu’elle a des fantasmes érotiques avec Hitler et va même très loin dans ses affabulations…

Pas de problème pour le côté provocateur du roman, mais pour moi il choque pour choquer et à cause de cela même ça ne fonctionne pas.

Vous l’aurez compris, je suis passée totalement à côté de Jewish Cock (et pourquoi avoir traduit le titre en anglais par un autre titre en anglais ? Je n’aime pas quand les éditeurs font cela…). C’est un roman parfaitement marketé et il pourra faire sensation chez certain.es lecteurs et lectrices, mais très peu pour moi…
Le format du roman (le monologue) et le sujet de la judéité en fait quoi qu’il en soit un hommage certain à Portnoy et son complexe de Philip Roth.

Les dents de lait – Helene Bukowski – Gallmeister

Quand on me dit roman traduit de l’allemand, ambiance post-apo en huis-clos dans la forêt et le tout publié par les éditions Gallmeister, j’achète immédiatement. Et pourtant… Les dents de lait est l’un des romans de la rentrée qui m’a le plus déçue. Nous sommes dans une forêt où vivent une femme et sa fille, un jour l’une d’elle découvre une petite fille rousse perdue dans la forêt. Sa découverte signe le début de la fin pour les deux femmes.
En effet, la communauté voit d’un très mauvais oeil l’arrivée de l’enfant rousse. A tel point que dès qu’il y a un malheur qui tombe sur la communauté, elle est immédiatement accusée. C’est ainsi que commence l’ostracisation du trio… Une chose est certaine, on sent que ça va mal finir.

Pour ceux et celles qui aiment et ont lu pas mal de romans post-apo, je pense que Les dents de lait ne vous surprendra ni par son fond, ni par sa forme. En effet, l’ouvrage ne renouvelle pas le genre, n’a pas de style extraordinaire ni d’ambiance particulière qui pourrait le faire sortir du lot. Les chapitres sont courts, c’est bien le seul avantage. Concernant les personnages, il n’y en a pas un seul qui a su me toucher soit par son histoire soit par sa personnalité… Rien n’a réussi à m’atteindre dans ce roman.

Je n’ai pas lu Le mur invisible de Marlen Haushofer (Babel), mais je me demande si Les dents de lait ne s’en inspire par quelque peu ? L’ouvrage est traduit de l’allemand également, il y est question de huis clos dans la forêt et d’une femme seule… avouez que ça ressemble un peu tout de même. Peut-être est-ce un hommage à l’un des premiers romans écoféministes ?

Quoi qu’il en soit, ce roman est l’une de mes plus grosses déceptions de cette rentrée littéraire, d’autant plus que c’est publié chez Gallmeister, un éditeur que j’affectionne. Je suis donc déçue d’être déçue…

Premier Sang – Amélie Nothomb – Albin Michel

Comme tous les ans depuis plus de vingt ans Amélie Nothomb est de retour à la rentrée littéraire. Son nouveau roman chaque année, c’est un peu comme le beaujolais nouveau : est-il bon cette année ? Que vaut-il ?

Avec Premier Sang, l’autrice nous offre un roman qui nous conte l’histoire de son père ambassadeur au tout début de sa carrière. Tout commence au Congo lors d’une prise d’otages, nous sommes en 1964. Puis au chapitre suivant nous basculons dans l’enfance de Patrick Nothomb, comment son cheminement de vie l’a conduit à cette prise d’otage au Congo. L’histoire de la famille Nothom et tout particulièrement de son père (il a écrit un témoignage sur son vécu durant la prise d’otages) et de son grand-père (homme de lettres) nous est ainsi contée.

J’ai trouvé intéressant d’en savoir plus sur cette famille puissamment liée à la littérature depuis des générations, cependant cela n’a pas suffit à me passionner. Cela fait des années que je lis les romans d’Amélie Nothomb et je n’ai pas eu de coup de cœur depuis bien longtemps… Je suis restée attachée à ses premiers ouvrages : Antéchrista, Stupeur et tremblements ou encore Les combustibles. Depuis, j’avoue ne pas accrocher chaque année à son nouveau roman, mais je persiste tout de même.

Premier sang est donc un roman qui nous fait découvrir un pan de l’histoire du Congo intéressant bien que très brièvement traité. L’autre intérêt de l’ouvrage réside dans la découverte de la famille Nothomb, mais sans réel coup de cœur.

Son empire – Claire Castillon – Gallimard

Ce roman aurait pu s’intituler Son emprise au lieu de Son empire, c’est en tout cas ce que je lis à chaque fois que mes yeux se posent sur la couverture.
Voici l’histoire terriblement angoissante d’une manipulation, ou plutôt comme le dit la jeune narratrice de sept ans : d’un kidnapping.
Au fil des semaines puis des mois et des années l’enfant nous conte comment sa mère est à la merci d’un homme manipulateur. Il n’est même pas beau parleur, mais il a sur elle un effet dévastateur. A peine souri-t-il que c’est toute la maisonnée qui plonge dans la bonheur… Mais quand il s’agit d’un de ses mauvais jours, gare au retour de bâton et aux remarques acerbes, désagréables. Et ça va être de pire en pire… La mère de la jeune fille n’arrive pas à se détacher de cet homme, même quand il lui fait les pires crasses possibles.
Cette histoire a des accents de vérité terrible. Je ne sais si l’autrice a été concernée de près ou de loin par une personne toxique sans son entourage, mais elle explique avec talent tous les mécanismes mis en place par le manipulateur. Le regard de cette jeune fille plus lucide que sa maman sur la situation est aussi conscient que désabusé. Elle voit sa mère tenter de sortir la tête de l’eau, mais elle est constamment tirée vers le fond par cet homme…

J’ai apprécié cette lecture sans en faire toutefois un coup de cœur. Ca se lit extrêmement vite, c’est intéressant, mais peut-être pas point de mettre presque 17 euros dans ce roman. Je suis partisane d’une littérature plus abordable sur le plan financier. Il aurait pu totalement être dans un format semi-poche par exemple. Par contre, si vous voulez découvrir un autre roman sur le phénomène terrible de l’emprise, la même autrice en a fait un autre absolument excellent et terrible : Les Longueurs, nécessaire, indispensable et qui pourrait fort bien sortir en Folio à destination des adultes.

Seule en sa demeure – Cécile Coulon – L’iconoclaste

C’est le premier roman de Cécile Coulon que je lis, et même si j’ai passé un agréable moment de lecture, je m’attendais à mieux. J’ai trouvé l’ambiance assez réussie mais le style lourd. J’ai eu l’impression que l’autrice c’était avant tout focalisée sur son écriture plus que sur son histoire. Ce qui à mes yeux a donné des phrases assez pesantes, ampoulées et parfois stéréotypées. Malgré tout cela, on a envie de connaître les secrets du domaine Marchère. La jeune Aimée vient d’épouser le riche propriétaire terrien du domaine et découvre la vie maritale, ses devoirs, ses obligations et le manque de liberté l’oppressent peu à peu. Et elle sent que tout n’est pas dit dans cette demeure lourde de secrets qui a abrité quelque temps la première épouse de son mari actuel…
Peu à peu, les secrets s’éventent, mais ils ne sont pas assez surprenants pour accaparer le lecteur. C’est dommage car Cécile Coulon a su instiller une ambiance assez réussie malgré quelques passages un peu longs.

L’autrice avait remporté le prestigieux prix littéraire du Monde pour son roman Une bête au paradis et je pense que je vais persévérer dans la découverte de son oeuvre. Je pense simplement que Seule en sa demeure n’est peut-être pas son meilleur ouvrage pour la découvrir…

Quand s’illumine le prunier sauvage – Shokoofeh Azar – Charleston

Si vous avez envie de découvrir un beau texte empli de métaphores oniriques et de légendes, cet ouvrage est pour vous. On ne peut s’empêcher de penser aux Contes des Mille et Une Nuits en découvrant les innombrables histoires dans l’histoire… C’est à la fois la grande qualité (magnifique, poétique, sublime) et le défaut de ce roman. J’aime que ça fourmille, mais ici, il y a trop d’histoires imbriquées et on s’y perd trop facilement.

Cependant, l’écriture et l’univers du roman m’ont beaucoup plus malgré un manque de fluidité selon moi. Je pense donc que c’est un beau texte qui dénonce les horreurs de la révolution islamique au travers de magnifiques métaphores. Charge au lecteur d’apprivoiser ses codes et nombreuses histoires gigognes…

Le Chien – Akiz – Flammarion

Le Chien est à la cuisine ce que Jean-Baptiste Grenouille est au monde de la parfumerie… Et même si cette nouveauté ne surpassera pas ce classique contemporain allemand, on est facilement pris par l’histoire.
L’histoire est celle d’un homme et de son ascension fulgurante dans l’élite mondiale de la gastronomie. Lui qui n’y connaît rien, absolument rien aux années de labeur nécessaires pour parvenir au meilleur de la gastronomie va grimper les échelons en quelques coups de génie.

J’ai passé un excellent moment de lecture à découvrir ce personnage atypique, à la limite du sauvage. Socialement, le Chien totalement inadapté. Mais dès qu’on touche à la cuisine, il devient un dieu. Il ne connaît même pas le nom ou l’usage des ingrédients mais il s’en fiche, car il réussit à les magnifier avec simplicité et c’est tout ce qui compte.

On comprend donc aisément pourquoi le comparatif avec Suskind est fait d’autant que Akiz est Allemand tout comme Suskind, et même si il n’est pas usurpé, Le Parfum restera au top de mes romans dans mon cœur (il m’a marqué pour la vie). Le Chien est quoi qu’il en soit un roman qui sait captiver ses lecteurs de bout en bout ! Il fait partie de mes romans favoris de la rentrée littéraire.

Le temps de l’indulgence – Vijay Madhuri – Faubourg-Marigny

Si vous ne connaissez pas encore les toutes jeunes éditions Faubourg Marigny, Le temps de l’indulgence sera l’occasion de les découvrir. Leur catalogue est encore petit et se développe à un rythme à échelle humaine… et ça fait du bien !
Ici, nous allons découvrir le portrait d’une jeune indienne de Bengalore qui suite au décès de sa mère va faire un long voyage qui va la mener dans la région sensible du Cachemire. A la fois récit familial, quête de soi et portrait d’une Inde à géopolitique complexe, Le temps de l’indulgence est un beau roman.
Ses personnages y sont peu nombreux mais creusés avec un tel soin qu’ils sont réels et prennent vie en quelques pages. C’est le cas de l’héroïne et narratrice, mais également de sa mère, dont on découvre les nombreuses facettes au fil des chapitres. On alterne entre passé et présent, ce qui nous permet peu à peu de découvrir les nombreuses parts d’ombre de cette famille.

Mais ce roman est avant tout une fuite en avant, l’histoire d’une émancipation, d’un passage à l’âge adulte. Et cela ne va pas sans de nombreuses erreurs…. Il n’y a pas de grandes révélation ou un suspense incroyable dans cet ouvrage. Le temps de l’indulgence, c’est avant tout une ambiance, une galerie de portraits plus vrais que nature et des personnalités très travaillées. C’est donc un beau moment de lecture qui peu à peu révèle ses secrets. L’écriture y est lente, mais jamais on ne s’ennuie, et c’est peut-être là que réside l’âme de ce roman spécial et empli d’humanité.

L’ouvrage a été nommé « Meilleur livre de l’année » par The Washington Post.

Le rapport chinois – Pierre Darkanian – Anne Carrière

Si vous avez envie d’un roman détonnant qui saura vous surprendre tout du long, Le rapport chinois est pour vous. Il s’agit d’un premier roman, mais il est la preuve que le roman français peut sortir de ses problématiques nombrilistes. Comparé par l’éditeur à La conjuration des imbéciles, l’ouvrage de Pierre Darkanian est aussi génial qu’inclassable.

J’en ai fait une chronique complète dans le lien ci-joint, je vous propose de la découvrir. Le rapport chinois est un de mes romans préférés de cette rentrée ! Il a d’ailleurs déjà remporté le Prix Transfuge du Premier Roman.

Chronique YA : Ma réputation

Gaël Aymon est un auteur français qui écrit majoritairement pour la jeunesse et les ados. On lui doit l’un de mes romans favoris : Et ta vie m’appartiendra (Nathan) qui est une réécriture contemporaine de La peau de chagrin de Balzac. Il également écrit Grim, fils du marais (Nathan), Contes d’un autre genre (Talents Hauts) et plus récemment Ma réputation (Actes Sud Junior, puis Pôle Fiction).

Dans Ma réputation, on parle amitié, confiance et… forcément réseaux sociaux, pour le meilleur, mais aussi et surtout le pire…

Laura, 15 ans, s’entend mieux avec les mecs qu’avec les filles

Pour Laura, ça a toujours été une évidence, ce n’est pas qu’elle se sente supérieure aux autres, mais elle n’aime pas la compagnie des autres filles, trop d’histoires. Celle des garçons est simple, ils ne se prennent pas la tête, ont les mêmes délires et il n’y a jamais eu d’ambiguïté. Enfin, jamais jusqu’à ce Sofiane, l’un de ses potes de toujours tente de l’embrasser. Laura le repousse, Sofiane fait la tronche, et leur groupe d’amis va en être bouleverser.
Avoir repoussé les avances de Sofiane l’exclu, ils ne veulent plus avoir à faire à elle, Laura est seule. Elle qui n’a toujours eu que ce groupe de garçons comme amis se retrouve du jour au lendemain sans personne à qui parler. C’est dur, la chute est brutale, et surtout, elle ne fait que commencer… Elle ne penser pas que repousser les avances d’un ami l’exposerait à autant de violence dans la vie et sur les réseaux.

Un roman en forme de leçon

J’ai dévoré ce roman, fébrile à l’idée de savoir ce qui allait arriver à Laura, que j’ai trouvé très courageuse pour affronter tous les problèmes qui lui tombent dessus peu à peu. Mais, le petit repproche que je pourrais faire à ce roman, c’est qu’il est un peu trop moralisateur. Je m’explique.
Ce roman ressemble un peu à un cas de figure type du harcèlement en ligne et au lycée, avec les « bonnes pratiques » à adopter et « les mauvaises praitques » à éviter. Ce n’est pas dit comme cela dans l’ouvrage bien entendu, mais ça donne une impression didactique trop forte. J’avais parfois plus l’impression de lire un ouvrage commandé par l’éductation Nationale qu’un roman. Il manque une flamme vive à cet ouvrage pour qu’il soit vraiment bien.

J’ai trouvé toutefois le développement de l’histoire passionnant car très réaliste. L’auteur sait entrer dans la tête des jeunes, connaît leurs fonctionnements et les dynamiques de groupe amitié/mésamour etc. En cela, c’est extrêmement réussit. C’est surtout quand on passe à la phase des « résolutions de problèmes » que j’ai trouvé l’ouvrage un peu donneur de leçon. Bien sur, il est important de montrer les différentes portes de sorties qui permettent de quitter le cercle vicieux du harcèlement, mais la façon de les montrer n’était selon moi pas la bonne.

En dehors de cela, Ma réputation est un ouvrage qui se dévore. L’auteur comprend les jeunes et leurs nombreuses problématiques (bien plus nombreuses à l’ère des réseaux qu’il y a quinze ans où c’était encore les balbutiements), sait les décrire et créer des personnages crédibles. Il n’y a que la fin qui est un peu trop « scolaire » dans sa façon d’être exposée dirons nous.
Si vous cherchez un livre au sujet du harcèlement en ligne ou sur les groupes d’amis qui se font et se défont au détriment de certains ados, c’est l’ouvrage parfait. Il illustre avec justesse ce que vivent des milliers de jeunes : le mal-être, le stress d’avoir une mauvaise réputation, le moindre bégayement ou la moindre hésitation moquée immédiatement, le fait d’être constamment scruté en attente de la prochaine « erreur »…
Un ouvrage qui pourrait servir d’outil de prévention. A découvrir dès l’âge de 14/15 ans.

Chronique YA : Vortex – Tome 1 – Le jour où le monde s’est déchiré

Il est paru lors de la rentrée littéraire ado, en août 2022, et gageons qu’il reste longtemps dans les rayonnages des librairies. Voici le premier roman d’Anna Benning à paraître en France. Lors de sa sortie allemande, l’ouvrage s’est vendu à plus 100 000 exemplaires en quelques semaines. Certes, les ventes ne sont pas gage de qualité, mais c’est tout de même révélateur d’un intérêt certain de la part des lecteurs.ices ! Et ce succès est-il mérité ? La suite dans cet article !

De multiples déchirures dans le monde

Le monde tel qu’on le connaît n’existe plus depuis des décennies, plus précisément depuis le Grand Amalgame et la survenue des Vortex. Ces portails apparus mystérieusement permettent de voyager à travers le monde instantanément. Mais se placer à travers les vortex n’est pas donné à tout le monde et ceux qui s’y risquent ont eu une formation très spéciale. Et même parmi les plus entrainés, il y a des disparitions, des blessés et des morts. Les voyages en vortex sont donc très risqués et nécessitent une maîtrise de tous les instants.
C’est dans ce monde que vit Elaine, 14 ans et bientôt participante à la grande Course de Vortex. Son classement déterminera son avenir dans cette société très hiérarchisée et qui fait la chasse aux Amalgamés (aussi nommés Splits). Qui sont-ils ? Des êtres humains dangereux qui lors du Grand Amalgame ont fusionné avec la nature : la Terre, l’Eau ou encore le Feu. Les Vortex sont la seule façon de les poursuivre efficacement. Il faut donc qu’Elaine soit dans les premiers si elle veut devenir une coureuse de vortex et venger la mort de sa mère, tuée par des Splits.

Addictif en peu de pages

En quelques courts chapitres, on plonge dans l’intrigue originale et maline de l’autrice. Au premier abord, on peut la trouver assez classique (ce qui est le cas), mais très vite il n’est plus seulement question de vortex qui déplacent d’un point A à un point B, et ça devient autrement plus captivant, pour ne pas dire renversant par moments.

Dès lors que l’on voyage en quatre dimensions, c’est une lecture assez exaltante qui sait surprendre son lectoat même si certains éceuils ne sont pas évités. Ce n’est pas gênant en soi car l’autrice a su créer son propre style et univers. Parmi ses nombreuses bonnes idées, je retiens surtout celle de la ville de Sanctum. Magnifique de beauté et sylvestre dans chaque aspect de son existence. C’est beau, et les images qu’on se fait à cette lecture sont tout simplement magiques.

Il y a quelques bonnes révélations bien efficaces qui sont savament disséminées et bien dosée, ce qui rend l’intrigue de plus en plus dingue au fil des chapitres. Mais à aucun moment on a un sentiment de précipitation comme dans certains romans dits haletants où tout est balancé en fin d’ouvrages. Ici, Anna Benning pose quelques petites « bombes » qui rendent l’intrigue à la fois surprenante et surtout durable. On ne sait pas toujours quand ça va nous tomber dessus, et rien que pour cela c’est agréable.

La notion de bien est de mal semble par ailleurs très claire dans Vortex, qui est écrit entièrement du point de vue d’Elaine. Mais peu à peu, les questionnements vont affluer, aussi bien pour elle que pour nous lecteurs, qui avons une vision très partiale de son univers. Quoi qu’il en soit, ça fonctionne à merveille !

A découvrir dès l’âge de 14 ans, pour ceux qui aiment les dystopies à la façon de Divergente et La Faucheuse ! On y retrouve le côté addictif de ces deux séries emblématiques du genre. A confirmer avec le second tome, mais le premier est pour le moins très prometteur.

Chronique ado : L’affaire Jennifer Jones

Grand classique contemporain de la littérature ado, ce roman a de quoi intriguer, voir choquer. Son histoire ? Celle d’un groupe de petites filles parties s’amuser au bord d’un lac, mais à leur retour, il y en avait une en moins…


L’affaire Jennifer Jones est paru aux éditions Milan dans la percutante collection Macadam en 2006. Dès sa parution, il est devenu un indispensable de tout rayon ado.

Comment de (ré)adapter à un monde dont on ignore tout ?

Jennifer Jones est une jeune femme qui découvre le monde extérieur avec curiosité et appréhension. Elle a purgé sa peine pour meurtre, car oui, c’est elle qui a tué sa camarade alors qu’elle avait à peine une dizaine d’années. Une enfant qui a tué une autre enfant, ça paraît incroyable, et pourtant c’est arrivé.


Mais même les pires crimes méritent d’être lavés si la peine a été purgée. C’est le cas de Jennifer Jones qui découvre la vie en société. Sa remise en liberté va défrayer la chronique et les journalistes vont tout faire pour la retrouver et avoir l’exclusivité… Mais Jennifer Jones n’existe plus, car avec sa peine, la jeune femme a droit à une nouvelle vie, une nouvelle identité et un nouveau départ. Mais y a-t-elle vraiment droit ? L’opinion publique va-t-elle juger bon de laisser Jennifer vivre sa vie, elle qui a brusquement stoppé celle d’une fillette de son âge ?

Un roman social noir et passionnant

L’ouvrage a beau être référencé en littérature ado, il peut se lire parfaitement par des adultes. C’est un très bon thriller psychologique qui nous raconte la vie d’une meurtrière après qu’elle ait purgé sa peine. On y parle réinsertion, seconde chance (et l’idée d’une seconde chance existe-elle aux yeux du tribunal de la bien-pensance ?), fuite en avant et droit au bonheur.

Jennifer Jones et son lourd passif sont passionnants. Vous aurez également le droit aux explications de ce qu’il s’est passé autour du fameux lac. Mais plus qu’un bon roman noir à suspense, L’affaire Jennifer Jones est un fabuleux roman social. Par de nombreux aspects, il m’a fait penser à l’oeuvre réaliste et documentée de Kerry Hudson. La pauvreté, le fait de devoir survivre aux échecs répétés de ses parents, la mère toxique, manipulatrice, qui traine son enfant dans de nouvelles « maisons » à chaque nouveau petit copain…

J’ai trouvé qu’il y avait un réel écho entre le roman d’Anne Cassidy et le travail de Kerry Hudson. Avant même que ce roman soit un thriller ou un polar, c’est avant tout un terrible portrait de l’Angleterre et de ses laissés pour compte. Pour Kerry Hudson, c’était plus précisément dans l’Ecosse des années 80. On y retrouve les même luttes, les mêmes thématiques et des personnages ballotés et malmenés par la vie. A plus d’un titre, Jennifer Jones est en fait tout autant bourreau que victime…

Mais je m’égare, et il est temps pour moi de laisser se terminer cette chronique. Il n’y a que deux choses à retenir : c’est un roman marquant et fulgurant. Et c’est bien plus qu’un « simple » polar, ce roman est une véritable analyse de la société et de ses dysfonctionnements.


A quand une sortie poche chez les adultes pour ce titre ? Je suis certaine qu’il trouverait son public et irait parfaitement à côté des romans sociétaux de Kerry Hudson par exemple.

Chronique Fantasy : La Guerre du pavot – Tome 1

Rebecca F. Kuang est une autrice américaine d’origine chinoise. Elle a fait ses études à Cambridge, et elle a par ailleurs fait sa thèse sur la littérature de propagande en Chine durant la seconde guerre sino-japonaise. Et justement, on a beau être dans un univers de fantasy, l’autrice s’inspire énormément de l’histoire de la Chine et du Japon au travers d’un prisme guerrier. Accrochez-vous, c’est le genre de roman qui marque et qui réussit à surprendre ses lecteurs.ices.

Une héroïne d’une force mentale rare

Rin est une jeune femme qui en a bavé depuis sa plus tendre enfance. Elle vit avec son oncle et sa tante depuis presque toujours, maltraitée, parfois affamée par ces derniers. Son rêve : intégrer la prestigieuse école de guerre du pays, Sinegard. Mais pour cela il faut beaucoup d’argent ou alors des compétences et un savoir exceptionnel. Savoir qui justement ne peux s’obtenir qu’en ayant les plus coûteux précepteurs… et donc il faut de l’argent.
Comment Rin va-t-elle pouvoir amasser autant de connaissance en travaillant jour et nuit pour son oncle qui l’exploite ? Tout cela sans parler du fait qu’elle est sans le sou…

C’est ainsi que l’on découvre une héroïne qui part de rien et qui va tout dévaster sur son passage… pour notre plus grand plaisir.

Un roman flamboyant et incroyable

Dès les premières pages, on sent que l’on trempe dans un roman à la fois sombre et cru. L’écriture de R.F. Kuang (et l’excellente traduction de Yannis Urano) ne nous épargne aucun détail sale de la guerre ni tous les sacrifices que va consentir Rin (bienvenue dans la grimdark fantasy). Rien que la scène d’ouverture vous donnera un bon aperçu de la teneur du roman : brutal, magnifique et incroyable.

Si vous avez envie d’épique, de batailles et de magie (latente, étrange et incontrôlable) c’est le roman parfait. Bien que l’ouvrage s’intitule La guerre du Pavot, cette dernière n’a lieu qu’à partir de la seconde moitié de l’ouvrage. Les trois cent premières pages étant dédiées à la formation de Rin ainsi qu’à celle de ses camarades.

L’autrice a fait preuve d’une incroyable créativité dans son histoire, ce qui réussit à la rendre vraiment unique. Dans la première partie de l’ouvrage, vous avez toute la cession « formation » des élèves. Les entrainements, l’intégration (ou non) de Rin parmi les autres, l’apprentissage difficile et injuste qui mène à l’art de la guerre… Et seulement ensuite, vient la fameuse guerre du pavot.

J’ai adoré les deux parties du roman, même si j’ai toujours eu une préférence pour les phases d’apprentissage et de transmission (que ce soit dans les romans ou dans les films). Mais ici, même la partie martiale du roman m’a plu. On y parle stratégie, manipulation, coups de génie, horreurs de la guerre…
L’autrice s’étant directement inspiré de l’histoire de la Chine et du Japon pour son roman. Nous sommes cependant bien dans un monde créé de toute pièce, le royaume de Rin étant le Nikara et le pays de l’ennemi se nommant Mugen (il s’agit d’une petite île face aux grandes terres du Nikara).

L’ouvrage fait presque six cent pages, mais il se dévore à une vitesse ahurissante. D’ailleurs, c’était une si bonne lecture que j’ai vraiment tout fait pour en ralentir le rythme… je ne voulais pas quitter Rin et ses coups de folie bravaches, ni même sa verve et son panache. J’ai vraiment tout aimé dans ce premier tome très complet et magnifique…

Je ne puis que vous conseiller de lire ce premier tome de la trilogie de la Guerre du Pavot. L’ouvrage a paru en 2020 en grand format, et est depuis disponible en poche chez Babel, la collection de poches d’Actes Sud. Cependant, une ombre plane sur ce magnifique roman… l’éditeur n’a toujours pas annoncé la publication de la suite. Alors, Actes Sud Exofictions a-t-il toujours les droits pour sortir la suite de la saga ? Rien n’est moins sûr… (MAJ les livres ne sont plus dispos chez Actes Sud, qui a perdu les droits d’exploitation. Réédition du premier tome en mai 2025 chez De Saxus)
Une chose est certaine cependant, c’est que l’ouvrage n’a pas nécessairement rencontré un public aussi large qu’il aurait dû. Cette couverture n’est pas inesthétique, mais elle ne donne pas non plus envie de se précipiter sur le roman. Je la trouve trop sombre, pas assez épique comparé au contenu de l’ouvrage. Actes Sud n’est clairement pas un éditeur pour ce type d’ouvrage, ou alors ils auraient dû « casser » cette image élitiste qu’on associe immédiatement à la maison d’édition…

Ainsi donc, la suite possible en France de La guerre du pavot reste pour le moment en suspend… Peut-être pourrait on espérer qu’une autre maison d’édition se penche sur le sujet ? Après tout, R.F. Kuang va bientôt être publiée chez De Saxus pour son roman Babel. On peux toujours rêver d’une reprise et d’un redémarrage de sa trilogie chez eux (MAJ bis, cette chronique écrite en mai 2024 était prémonitoire). Clairement, cette saga mérite d’avoir une seconde chance en France, elle est trop exceptionnelle pour être abandonnée !

La magnifique couverture de la réédition du premier tome de La Guerre du Pavot prévue pour mai 2025 chez De Saxus. Cette publication va être épique : en plus de la quantité limitée, le papier sera de qualité supérieure et la couverture a été choisie par l’autrice elle-même comme étant sa favorite parmi toutes les publications qu’a connu ce titre.
AUTEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique SF : Rama tome 1 & 2 – Rendez-vous avec Rama et Rama II

On peut résumer Rama à une question essentielle : la curiosité est-elle un vilain défaut quand on sait qu’elle est inhérente à l’espèce humaine ?

Qui n’a jamais lu ce grand classique de la sf ? Moi, mais peu à peu je me rattrape et découvre des pépites. Est-ce que Rama est à lire ? Je dirais oui pour le premier tome, dont la conclusion vertigineuse (et un peu frustrante ?) se suffit à elle-même. Se plonger dans Rama, c’est découvrir un auteur, mais aussi un univers où la science explique tout. Arthur C. Clarke a écrit plusieurs œuvres absolument fondatrices dans la SF. Le premier tome de Rama en fait partie. De même que 2001 L’odyssée de l’espace ou encore Les enfants d’Icare.
Rama fut ainsi pour moi une double découverte : celle d’un classique de la hard-sf et celle d’un auteur.

Un objet spatial non identifié

Rama, pour faire très simple, c’est l’histoire d’un vaisseau qui traverse notre système solaire à une vitesse folle et qui apparaît dans les radars du jour au lendemain. La Terre entière est en émoi, tout particulièrement la communauté scientifique qui voit là enfin le moyen de répondre à quantité de questions que se pose l’être humain depuis la nuit des temps. La première a en tout cas trouvé un réponse : sommes nous seuls dans l’univers ? Il semblerait que non.

Mais ce mystérieux vaisseau va soulever beaucoup plus de questions que de réponses quand une équipe d’expédition est dépêchée le plus vite possible à un point précis du système solaire pour l' »intercepter ».

J’ai beaucoup aimé l’atmosphère de ce premier tome. Le rythme est très lent, mais tout ce mystère, cette touffeur étrange n’est pas rassurante. Ce n’est pas non plus à proprement parler angoissant, mais une chose est sûre, Rama met mal à l’aise ceux qui l’explorent. Il y a peu de personnages et c’est ce qui fait la force narrative de la petite équipée improvisée pour l’exploration. les dynamiques entre les personnages sont assez basiques, mais ça fonctionne très bien. Soyons clair, le plus intéressant c’est de savoir ce qu’il y a DANS le vaisseau, le reste passe au second plan.
Et comme les curiosités et les mystères s’accumulent au fil des pages, c’est assez hypnotique. A chaque fois que l’on pense avoir enfin une réponse claire, il en vient une bizarre, tordue, et qui n’aide pas du tout à y voir mieux. Imaginez la frustration du lecteur !

Ce premier tome de Rama se suffit pour moi parfaitement à lui-même. L’ouvrage est simple, factuel, il ne s’y passe guère de choses, et en même temps j’ai tellement aimé le final que pour moi il n’y a pas besoin de plus. Pourquoi vouloir à tout prix des réponses ?
Si j’avais su que la suite était très différente du premier opus, je ne me serais pas lancé dans sa lecture…

Rama II

Cette fois-ci, Arthur C.Clarke n’est pas tout seul et écrit à quatre mains avec Gentry Lee, ingénieur de métier. Et franchement, en peu de pages, on s’y perd. On navigue de pays en pays, de personnages en personnages, les intrigues politiques et autres manœuvres sont nombreuses pour savoir qui va pouvoir aller dans ce nouveau vaisseau nommé Rama II. Il y a tellement de personnages avec chacun sa problématique que l’on s’y perd… Si bien que le vaisseau en partance pour croiser la route de Rama II ne décolle pas avant plus d’une centaines de pages et que cela n’apporte rien à l’histoire. Dialogues creux, beaucoup moins factuel et efficace que le premier tome, c’est très fouillis et assez indigeste…

J’ai cependant aimé une chose : l’idée que dans le futur, c’est l’homme qui assume la charge de la contraception. Pour le coup c’est aussi novateur que très intéressant (et même logique, quand on sait que l’homme est fertile 100% du temps alors qu’une femme ne l’est que quelques jours par mois).

Ainsi, j’ai persévéré jusqu’à la moitié de l’ouvrage avant de lâchement abandonner. Je n’ai pas réussi à surmonter le surnombre de personnages, leurs problématiques et interactions. Il y avait trop de scènes courtes qui naviguent d’un lieu à un autre, on a plus l’impression de lire un film qu’autre chose… Ce qui rend le tout extrêmement illisible.

Ceci est mon point de vue tout personnel sur Rama, que j’ai donc décidé d’abandonner à la moitié du second tome sur les quatre que compte la série au total. Pour les curieux, tentez le premier tome, vraiment bien et très largement suffisant. Mais encore vous faudra-t-il aimer une sf où il ne se passe guère de choses et qui est assez philosophique.

Pour information : L’intégrale 1 contient Rendez-vous avec Rama et Rama 2 et L’intégrale 2 contient Les jardins de Rama et Rama révélé.

TRANCHE d´ÂGE :

Chronique ado : Ma part de l’ours

Un roman survivaliste aux allures de retour à l’état sauvage…

Second roman de Marine Veith, Ma part de l’ours est paru chez Sarbacane en novembre 2022. Son précédent ouvrage était également paru chez Sarbacane, dans la collection Exprim’. Il s’agissait d’un ouvrage sur la migration : Ceux qui traversent la mer reviennent toujours à pied, paru en 2020.

Réunion familiale au sommet

Nous sommes sur une route escarpée, dans les Pyrénées. Nous découvrons Tim, 13 ans et Aurore, 20 ans. Ils sont sur la route pour rejoindre leur mère. Elle ne vit pas avec eux car elle est internée depuis la disparition de leur père. Ainsi, c’est Aurore qui gère tous les aspects de leur vie au quotidien, la charge mentale, les difficultés financières, la crise d’adolescence de son petit frère… Aurore gère tout et plus encore.
Mais lorsque leur voiture se retrouve prise au piège en pleine montagne sans aucune possibilité de faire demi-tour, la vie d’Aurore et Tim va basculer. Ils vont faire une première rencontre stimulante, puis une autre, encore plus incroyable qui va leur donner confiance en l’avenir… Mais qu’elle est cette rencontre ?

Un roman aux allures de récit initiatique

L’idée d’un roman formateur qui va forger deux antihéros un peu perdus me plaisait beaucoup. Alors, quand en plus il est question de nature et de liberté, j’ai été encore plus emballée par l’histoire. Malheureusement, j’ai attendu tout au long de l’histoire un événement qui n’est jamais vraiment arrivé. Je ne sais pourquoi, mais j’attendais un point de bascule. Pas nécessairement une révélation fracassante, mais quelque chose qui bouleverse à jamais nos héros. En un sens, c’est effectivement le cas, mais cela à manqué d’envergure pour moi.

Cependant, la révolution pour les personnages est bien là, bien que trop lattente à mon goût. Je ne puis bien évidemment pas vous en dire plus, mais il est clairement ici question de révolution silencieuse. D’ailleurs, il y a toute une partie anti-système et hors des conventions qui m’a séduite, même si je trouvais que l’on allait au final pas assez loin.
Ce qui m’a déplu en réalité c’est que l’on se retrouve dans un entre deux jamais clairement défini. Certes il y a du changement dans la psychologie des personnages, ainsi que dans leur façon de voir le monde, mais ce ne fut pas suffisant à mon goût.

En somme, Ma part de l’ours fut pour moi une lecture décevante. Ce n’est pas à cause du texte selon moi, mais plus à cause des attentes que j’avais. J’avais une image plus « thriller » de ce roman, ce qui n’est absolument pas le cas. Si vous êtes cependant à la recherche d’un roman proche de la nature et qui questionne sur notre place dans la société, vous êtes au bon endroit. Dès 14 ans.

Chronique YA : Sombres citrouilles

Un roman noir et très sombre qui dénonce les secrets de famille qui pourrissent durant des décennies…

Dans le monde de la littérature jeunesse, Malika Ferdjoukh est une figure incontournable. Elle écrit aussi bien pour les primaires que pour les adolescents (ses romans ados se lisent aussi avec plaisir quand on est grand !).
C’est une autrice que j’ai découvert sur le tard, mais dont je dévore gentiment l’oeuvre petit à petit. Ici, avec Sombres citrouilles, je ne savais pas à quoi m’attendre, ce roman a de quoi surprendre à tous points de vue.

Si vous ne connaissez pas encore ou très peu les romans de Malika Ferdjoukh, laissez vous tenter par Le club de la pluie ou encore Les quatre soeurs pour commencer doucettement. Une fois que vous êtes ferré, Sombres citrouilles sera tout indiqué.

Un anniversaire à ne pas louper

Aujourd’hui, c’est la l’anniversaire du grand-père, figure emblématique et patriarcale de la famille Coudrier. Impossible et interdit de manquer l’événnement sous peine de représailles, notamment de la part de Mamigrand. C’est ainsi que peu à peu, tous les membres de la famille Coudrier arrivent sur le domaine, les enfants, les petits-enfants… tous forment une famille éclectique et étrange, déjà fortement marquée par le deuil. Plus encore qu’il n’y paraît.
Alors quand un corps est retrouvé parmi les cirtrouilles du jardin par les marmots, c’est le début d’un mystère qui va aller en s’épaississant…

Sombre à souhait, noir comme rarement

J’ai adoré ce roman polyphonique et happant mettant en scène des enfants issus d’une famille bourgeoise rurale. On y découvre l’ambiance si particulière et délétère des secrets de famille, des choses inavouables, des petits arrangements… et quantité d’autre choses.
Au travers du rages d’Hermès, Madeleine, d’Annette, Colin-Six ans, et quantité d’autres personnages qui gravitent, vous allez découvrir la véritable histoire. Celle que la famille Coudrier ne voudrait pas que vous connaissiez. Celle que les petits-enfants eux-mêmes ignorent, mais que vous lecteurs vous allez découvrir.

C’est extrêmement sombre, j’insiste sur ce point car au travers de ce polar intimiste et famillial, Malika Ferdjoukh dénonce. Elle dénonce la bien-pensance, l’amour sacrifié sur l’autel du qu’en diras-t-on, le racisme de ces bonnes familles rurales blanches et qui entendent bien le rester. C’est terrible de cruauté tout en étant pour moi extrêmement réaliste.

L’autrice a su dépeindre avec talent les portraits de ces deux grand-parents taiseux aux nombreux secrets. Et l’image de la grand-mère affectueuse va vite se fissurer, de même que celle du grand-père gentil et discret…

Lire Sombres citrouilles, c’est être à l’image de ces enfants et voir nos certitudes voler en éclats.

Ainsi, pour ceux et celles qui aiment les romans noirs, les mystère insolubles en apparence et les personnages incroyables de réalisme, vous êtes à la bonne porte. Entrez donc dans le cercle restreint des Coudrier, en tentez de vous y faire accepter, pour le meilleur et pour le pire… Dès 14/15 ans.

Chronique roman graphique : La vie rêvée de Willow

Un roman graphique au début engageant mais qui ne réussit pas à transformer l’essai

Paru début 2023 dans la nouvelle collection Hachette Romans Graphiques, La vie renversée de Willow est un one-shot. On y suit le destin de Willow qui va se retrouvé chamboulé par la découverte d’un étrange livre…
Les dessins et le texte sont réalisés par Tara O’connor

Une vie normale chamboulée

Willow Sparks est une adolescente qui n’est pas très à l’aise dans sa peau. Elle ne se sent pas à sa place, a très peu d’amis, et subit des moqueries de la part de certains. Mais un jour, elle découvre à la suite d’un énième harcèlement une pièce secrète dans la bibliothèque où elle travaille… et dedans, un livre qui va bouleverser sa vie.

Une histoire totalement oubliable et dispensable

J’ai lu ce roman graphique il y a moins d’un mois et pourtant, je n’en ai gardé quasiment aucun souvenir. La jeune Willow est un personnage intéressant bien que peu attachant, de même que les autres personnages qui font cette intrigue. Tout est traité en surface, et comme c’est un one-shot, on a peu de temps pour apprendre à les aimer suffisamment avec leurs failles et leur détresse. Pour moi, ce fut en tout cas une lecture sans affect malgré le sujet délicat du harcèlement.

Que dire de plus ? En ce qui concerne la partie fantastique de l’ouvrage, elle est assez commune. Nombreuses sont les intrigues où un personnage se voit offrir la possibilité de changer son existence pour quelque chose de meilleur (en apparence). Mais ici, rien de bien marquant ni de captivant. De plus, les dessins de Tara O’connor ne sont pas non plus à mon goût, ce qui n’aide pas à apprécier cet ouvrage.

La vie renversée de Willow est donc un roman graphique qui m’a beaucoup déçue. Je lis très peu de bd et autres formats illustrés, et j’avoue être très difficile. Alors les ouvrages passables, très peu pour moi. Ne perdez pas non plus votre temps avec cet ouvrage !
Âge du lectorat : dès 14 ans.

Chronique YA : Les royaumes immobiles tome 1 – La princesse sans visage

Vous aimez les ambiances de cours royales et de trahisons ? Vous avez aimé Le prince cruel et ses faes ? Vous aimerez à coup sûr La princesse sans visage et sa compétition mortelle de feys à la Hunger Games !

Premier tome d’une saga de fantasy mettant en scènes des feys (cruelles, cela va sans dire), La princesse sans visage est paru chez Slalom en avril 2022 avec une sublime et intriguante couverture… J’ai immédiatement eu envie de découvrir l’univers et l’histoire de cette jeune femme qui ne doit jamais tomber le masque au sens propre comme au figuré.

Ariel Holzl est un auteur français qui écrit des romans pour la jeunesse et les ados. Son travail a déjà été remarqué et distingué de nombreuses fois, on peut ainsi citer : Peine-ombre (404 édtions), Temps Mort (Slalom éditions), Les soeurs carmines (Les moutons électriques, trilogie) et Bpocalypse à L’école des Loisirs. Et pour chacune de ses parutions, l’auteur sait sortir du lot et se faire remarquer.

Pour moi, il s’agit de ma première lecture de cet auteur, mais je suis intriguée par son œuvre depuis des années. Il était donc temps de rattraper ce manquement !

Une jeune fille cachée aux yeux de tous depuis sa plus tendre enfance…

Ivy est une jeune fey qui ne le sait pas encore, mais qui va concourir au trône vaccant des Royaumes Immobiles. Comment ? Pourquoi ? Elle n’a aucune idée des enjeux ni des épreuves qui l’attendent, mais elle sait que sa vie est menacée… qu’elle perde ou qu’elle gagne. Imaginer une sorte de Hunger Games version feys avec des épreuves pernicieuses et dangereuses à souhait ! Vous aurez une légère idée de ce qui attend la jeune et encore innocente Ivy dans ce monde de pouvoir et de manipulation…

Un premier tome passionnant à l’univers riche

Rien que par la richesse de son univers, ce premier tome est pour moi une réussite. La magie cruelle des feys, l’univers des Royaumes Immobiles, les constantes références au Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, la culture étendue de l’auteur sur les différentes espèces de fées et autres créatures… On sent que l’auteur s’est renseigné du mieux possible pour nous déployer un univers cohérent basé sur de nombreux mythes (peu de gens connaissent les Phooka par exemple !). L’idée du marbre-bois, sorte de matière solide comme la pierre mais qui grandit comme une plante est aussi poétique que merveilleuse… Rien qu’avec cet élément, j’ai été séduite. Et voir ensuite comment a été développé l’univers qui fourmille de détails fut pour moi un réel plaisir.

L’intrigue quant à elle est efficace, on se plonge dedans en quelques pages à peine, l’aventure et le danger tirant la jeune Ivy de son manoir abandonné. La danse des personnages est elle aussi bien menée, on ne sait pas qui pourrait trahir de qui est une véritable alliée pour Ivy. Difficile de s’y retrouver dans ce monde hostile pour la jeune femme… et c’est bien normal !

Je mets toutefois une petite réserve sur le rythme du roman dans ca dernière moitié. En effet, j’ai trouvé le rythme un peu trop lent alors que tout se précipite avec moult surprises coup sur coup à la fin ! Et quelle fin ! C’est dommage, j’aurais aimé que cela soit un peu plus équilibré car j’avoue avoir eu une baisse d’intérêt durant l’épreuve dans la forêt. Je n’ai retrouvé mon élan de lecture que vers les cinquante dernières pages. Ce passage à vide est un peu dommage car l’univers est excellent, l’intrigue bien mené, c’est juste une question de rythme. Mais malgré ce bémol, La princesse sans visage reste pour moi un très bon premier tome.

En conclusion, si vous aimez les ambiance de cours royales, de trahisons, et de compétitions mortelles, La princesse sans visage est fait pour vous ! C’est un fabuleux mélange à classer entre Le prince cruel de Holly Black et Hunger Games de Suzanne Collins ! Et c’est français, s’il était besoin de prouver que nous sommes tout à fait capables d’écrire des romans ambitieux et magiques…