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Chronique essai : Tokyo Crush

Un témoignage passionnant sur le Japon vu par une française au travers des applis de rencontre !

Vanessa Montalbano est partie au Japon avec un visa vacances/travail. Quand elle a débarqué là-bas, elle ne parlait pas un mot de japonais ! Mais peu à peu, elle a appris la langue, la culture, les myriades de nuances dans la façon de s’exprimer, les goûts étranges de certains japonais et tant d’autres choses passionnantes. Tokyo Crush est à la fois un essai sur la société nippone au travers de ses amours, mais également un témoignage passionnant d’une expatriée curieuse.

Le Japon comme on ne l’a jamais lu

Je ne vais pas vous faire une chronique traditionnelle avec un tel livre. Je vais plutôt vous parler des passages qui m’ont le plus intéressée ou plu.

Par exemple, saviez vous qu’au Japon (et dans d’autres pays d’Asie), il n’est pas rare que dans les premières questions, celle du groupe sanguin soit demandée ? En effet, le groupe sanguin d’une personne est très importante pour nombre de japonais, il permet de connaître le caractère d’une personne (un peu comme les signes astrologiques chez nous). L’information du groupe sanguin est même publique quand il s’agit de personnalité politique ou de personnages publics.

Autre fait incroyable, les fantasmes de certains sont très spécifiques. Je savais déjà que l’on pouvait acheter des petites culottes portée par des femmes (ou même se les faire voler sur son balcon), mais je ne savais pas qu’il y avait un nom pour certains fétichismes bien précis !


Par exemple, connaissez-vous le zettai ryōiki ? Il s’agit de la partie des cuisses nue entre une jupe et des bas. Ou encore le paislash ? Il s’agit d’avoir la poitrine divisée par la lanière d’un sac en bandoulière.
Il faut également savoir qu’il est tout à fait légal au Japon (et facile de les trouver) de lire des mangas pornographiques mettant en scène des enfants. Ahurissant n’est-ce pas ?

Comme de nombreux romans nippons le prouvent, le Japon est une société profondément sexiste. C’est ainsi que j’ai appris qu’il y avait eu un scandale des écoles de médecine là-bas. Les résultats avaient été truqués durant des années pour favoriser les hommes au concours d’entrée en médecine. La raison ? Les femmes arrêteraient de pratiquer la médecine au bout de quelque temps ou travailleraient moins une fois qu’elles seraient mariées et mères…

Bon, je viens de vous mentionner les pires choses incroyables que j’ai lues dans cet ouvrage sur le Japon. Mais Vanessa Montalbana raconte des expériences très diverses et passionnantes. Par exemple, fait amusant, beaucoup de japonais avec qui elle a eu une aventure d’un soir s’excusaient de la taille de leur pénis… Ils en étaient extrêmement complexés.

Elle nous explique aussi à quel point la culture japonaise est codifiée. On le sait, dans une moindre mesure, mais elle l’a expérimenté en étant notamment serveuse : servir les personnes les plus importantes du groupe en premier, poser le plat dans le bon sens (oui, il y a un sens !, etc.). Il y a une quantité de petites bévues à ne pas faire, de non-dits lourds de sens qui peuvent mettre mal à l’aise la personne en face si l’on a pas les codes… Ce qui est arrivé de nombreuses fois à l’autrice.

Autre fait surprenant et vraiment chouette pour le coup, les baignoires japonaises ont une option pour conserver chaude l’eau du bain ou la réchauffer pour se baigner à nouveau le lendemain. Je trouve ça génial !

Toutes ces petites choses et quantité d’autres encore, font que le Japon est un pays fascinant, étrange et même impressionnant pour qui n’en possède par les nuances. Vanessa Montalbano a mis des années à les apprécier, les comprendre, et nous offre dans cet ouvrage un aperçu des nombreuses épreuves qu’elle a surmonté pour en embrasser toute la complexité. Un ouvrage indispensable à tous les amoureux de Japon qui veulent en savoir encore et toujours plus sur cet incroyable pays aux paradoxes toujours plus surprenants.

Chronique essai : Dernières nouvelles de la science

Connaissez vous « Les éditos carrés » sur France Inter ? Il s’agit de l’émission scientifique animée par Mathieu Vidard. Et, si comme moi vous n’écoutez pas beaucoup la radio, il se propose avec ce livre de nous faire (re)découvrir en version papier ses émissions, mises à jour et retravaillées pour l’occasion. Au programme, des découvertes à faire dans tous les domaines possibles et imaginables… Seul problème ? On a envie de creuser tous les sujets que Mathieu Vidard évoque et de se renseigner à fond sur chacun d’entre eux !

Un petit recueil de découvertes majeures et infos scientifiques

Clairement, cet ouvrage n’est pas fait pour être lu de façon linéaire, je pense qu’il faut plus le parcourir, le feuilleter. Son format est agréable à découvrir ainsi chaque sujet est traité très brièvement (entre une et trois pages) mais efficacement. Charge à vous ensuite de vous renseigner plus amplement sur un sujet précis !

Ainsi, vous pourrez découvrir pêle-mèle des sujets tels que :

  • D’où proviennent les bruits des os de nos mains que l’on fait craquer ? Spoiler, ce ne sont réellement les os qui craquent.
  • La greffe fécale n’est pas sexy mais elle existe et a commencer à sauver des microbiotes de souris… alors ce sera peut-être le tour de l’homme bientôt ?
  • Notre peau est reliée directement à nos émotions et la science le prouve
  • Les éponges étaient de vraies éponges avant d’être des éponges (vous suivez ?)
  • La sexualité des canard est terrible, pire qu’un champ de bataille
  • Notre cerveau a la capacité de se régénérer, y compris passé l’adolescence (dans une certaine mesure)
  • Vous pouvez parrainez un coucou pour les sauver de l’extinction et les suivre en direct grâce à une balise GPS

Comme vous pouvez le constater, ils sont extrêmement variés, et surtout passionnants. Il est clair qu’il y a quantité de sujets que je n’aurais jamais songé à découvrir ou creuser si je n’avais pas lu cet ouvrage. Et maintenant, j’ai mis tellement d’onglets dans l’ouvrage que je ne sais pas comment je vais trouver le temps de tout explorer ! Mais c’est justement ça les sciences, des sujets intarissables, une passion inépuisable et quand on a fini de se renseigner sur l’un, on a en trouvé dix autres…

Dernières nouvelles de la science est ainsi un parfait petit ouvrage (de presque 400 pages tout de même !) pour emmagasiner quantité de connaissances. Certaines très sérieuses, d’autres qui pourront vous servir à briller lors d’un repas (pourquoi pas après tout ?), toutes ont en commun le sérieux avec lequel Mathieu Vidard a investigué avant d’en parler. Alors, belle découverte !

GENRE : Sciences
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Méduse par Jessie Burton

Une réécriture féministe et passionnante du mythe de Persée et Méduse… bien différent du conte d’origine et qui fait réfléchir à nos souvenirs collectifs !

Jessie Burton est une autrice anglaise que j’affectionne depuis presque une dizaine d’années maintenant. La lecture de Miniaturiste a été pour moi une véritable révélation littéraire. Avec Méduse, elle s’essaye à un autre type de roman : la réécriture mythologique à destination des jeunes adultes.

Une fille isolée sur une île austère…

Méduse est une jeune fille dont la vie et celle de ses sœurs a basculé à cause des dieux et de leurs caprices. De leurs désirs et de leurs chantages pour obtenir d’elle ce qu’ils souhaitaient. Loin de la légende que l’on connait tous partiellement, Méduse n’est pas une abomination dont il faut trancher la tête. Non, c’est une fille qui a eu le malheur de se faire remarquer par sa beauté et qui en a payé le prix fort… de nombreuses fois.

Mais ici, Jessie Burton décide de donner la parole à cette presque femme qui fut onnie, oprimée et violentée. Que décidera de faire Méduse quand le beau Persée arrivera sur son île ?

Oser repenser les mythes

A l’image de l’essai De grandes dents de Lucile Novat qui se proposait de comprendre autrement le conte du Petit Chaperon Rouge, ici Jessie Burton essaie de déconstruire notre imaginaire. Dans notre culture collective, Méduse est une femme à la chevelure en têtes de serpents, elle est bestiale et dangereuse… La tuer serait un bienfait pour tous. Mais… et si Méduse n’était que la victime de la violence des hommes ? (encore une, oui). Et si elle n’était que le produit du pouvoir des hommes exercé sur les femmes ? C’est une injustice que tente de réparer Jessie Burton en remettant en lumière certains faits mythologiques et en réécrivant d’autres, pour enfin donner une voix à Méduse.

« Eh bien, je pense qu’il est moins difficile de s’entendre répéter qu’on est beau quand on est un garçon que quand on est une fille. Lorsque la beauté t’est atrribuée en tant que fille, elle devient d’une certaine façon l’essence de ton être. Elle évince tout ce que tu peux être d’autre. Alors que chez les garçons, elle ne prend jamais le pas sur ce que tu pourrais être par ailleurs« .

Cette mise en évidence de nombreuses injustices fait froid dans le dos et donne envie de relire attentivement nos contes et mythes, et pas la version expurgée s’il vous plaît. Non, il va nous falloir aller à la source des mythes fondateurs pour comprendre que ce que l’on sait est parfois erroné ou déformé.

Bien plus qu’une simple réécriture, ce texte de Jessie Burton est résolument féministe et incitera les plus curieux.ses à se plonger à la source de ces écrits qui font au quotidien notre culture. Pour moi ce roman est à mettre pile entre De grande dents et Résister à la culpabilisation de Mona Chollet. Le travail est immense, mais à force de curiosité et de partages, nous arriverons tracer une route différente…

« Ecoute Persée, crois-en quelqu’un qui sait de quoi il parle : parfois il ne suffit pas de se recroqueviller pour devenir la forme la plus petite, la plus minuscule qui soit. Alors, autant garder la taille que l’on est censé avoir.« 

Ainsi oui, c’est un coup de cœur, mais pas au sens littéraire de la chose. La lecture était très plaisante, mais c’est surtout son fond de soft power féministe qui m’a convaincue. A lire et faire lire dès l’âge de 14 ans environ.

Chronique Jeunesse : L’enfant des ombres

Un roman sombre, très sombre, qui se déroule dans un internat quelques semaines avant la Toussaint… ambiance angoissante et mystérieuse à souhait.

En ce moment, j’essaye de lire autre chose que des nouveauté, d’alterner entre ce que l’on appelle le fonds (ouvrages de plus de deux ans) et l’office (les nouveauté pures). Et parfois, quand on est libraire, on en a marre de ne lire QUE des nouveautés. On a bien envie de faire une petite pause dans toutes ces parutions pléthoriques et de se poser devant un bon vieux livre.

C’est ainsi que je redécouvre le fonds de l’Ecole des Loisirs, une maison d’édition qui justement base le ciment et même les fondations de son catalogue dans le fonds, et ils ont bien raison. D’autant qu’ils ont un magnifique catalogue dans lequel il y a de quoi faire sur toutes les thématiques et pour tous les âges. C’est ainsi que je tombe un peu par hasard sur L’enfant des ombres, l’ancienne édition de 1994, quand les couvertures ne donnaient pas franchement envie de s’y mettre, à la lecture. Heureusement, ils ont changé la maquette depuis, comme vous pouvez le constater en fin d’article, plus esthétique mais aussi plus flippante il faut l’avouer.

Moka est un auteur emblématique du catalogue de l’Ecole des Loisirs, mais on connaît aussi d’autres de ses ouvrages, plus actuels, comme les Kinra Girls ! Mais avec L’enfant des ombres, autant vous dire qu’on ne va pas rire une seule seconde, certains vont même certainement flipper.

Un pensionnat comme tant d’autres, les mystères en plus

Tout commence avec Morgane, une élève qui a peu d’amis, discrète, pas super bien dans sa peau. Depuis quelque temps, elle voit des ombres. Seul problème, personne d’autre qu’elle ne les voit, alors un peu dur de la croire… Mais peu à peu, les fameuses ombres prennent en consistance autour de Morgane, qui tait ses inquiétudes à tous sauf à son amie la plus proche (également la seule). Des ampoules se cassent de plus en plus dans l’établissement, donnant encore plus de place aux ombres pour s’étaler, bientôt Morgane se sent acculée… Jusqu’à ce qu’elle décide de prendre le problème autrement, au détriment de tous les autres élèves du pensionnat…

Ambiance sombre et bizarre à souhait

Dire que j’ai adoré l’ambiance de ce roman est un véritable euphémisme. C’est simple, la prégnance de ces ombres, leur pouvoir qui s’accroit, tout concourre à nous offrir une atmosphère incroyablement sombre. Il y a des passages qui ont même réussit à me surprendre car je ne m’attendais pas à lire ça dans un roman destiné aux 13 ans et plus (un meurtre à coup de fourchettes dans la gorge, promis ce n’est pas gâcher l’intrigue que de vous le dire).

Petit à petit, les ombres resserrent leur emprise sur Morgane et sur l’établissement tout entier, à tel point qu’un groupe se forme pour mener l’enquête en secret. Nous sommes dans un pensionnat à l’ancienne où les filles et les garçons ne se mélangent pas, alors ils décident de se retrouver le soir clandestinement. Cette ambiance de club secret scolaire, ça aussi j’adore.

Je n’en dirait pas plus sur l’intrigue, mais ce roman vaut le détour pour ce qu’il transmet comme sensation de lecture. On navigue entre l’étrange, le bizarre, puis le carrément très flippant par moments. J’ai été à tel point séduite par l’histoire et l’ambiance que j’ai été un peu surprise de la fin abrupte du roman.
J’ai trouvé qu’il manquait un chapitre ou deux pour bien terminer « proprement » l’histoire. Ici, en quelques pages, c’est terminé, sans guère de développements. J’insiste sur le fait que ce n’est pas des réponses qui manquent, j’aime l’idée qu’on se fasse sa propre idée de la fin. Non, ce qui m’a manqué, c’est une conclusion un peu plus diluée et non pas deux ou trois pages qui clôturent presque deux-cent pages de suspesne angoissant. C’est juste cet aspect là qui m’a un peu déçue.

Cependant, si vous cherchez un roman flippant qui se déroule en huis-clos, L’enfant des ombres sera parfait pour vous faire passer une bonne mauvaise soirée ! Dès 13 ans, et pas pour ceux qui ont peur de leur ombre.

Chronique ado : La faucheuse tomes 2 & 3

PLAIDOYER POUR LA FAUCHEUSE. POURQUOI LIRE CETTE TRILOGIE ?

Je vous ai déjà fait l’article du premier tome de La Faucheuse de Neal Shusterman il y a quelques années. Depuis, les tomes 2 et 3 sont parus, cela ait même un bon moment. J’ai tellement aimé le premier tome, mais également les deux suivants que je ne voyais pas l’intérêt de me répéter en disant que c’était génial dans deux autres grosses chroniques.

Je préfère simplement vous dire que la trilogie La Faucheuse fut pour moi une énorme claque. Littéraire, mais également philosophique car cette saga nous interroge sur quantité de choses de l’existence. Elle n’est pas qu’un enchaînement très réussi d’actions et de révélations. C’est aussi une série de livres que pousse ses lecteurs à réfléchir, parfois très loin, sur le bien le mal, le bénéfice et les pertes qu’engendrent l’IA pour l’humanité… Nous n’avons pas de Thunderhead ni de Faucheurs, mais Neal Shusterman a déjà pensé à tout. Est-ce que vous voudriez de ce monde ?

Véritable trilogie à la portée philosophique, La Faucheuse est et restera pour moi l’une de mes lectures favorites de tous temps. J’ai rarement dévoré à ce point des romans ni été subjuguée avec une telle force.

Lisez La Faucheuse si vous cherchez une lecture avec du corps et une réflexion profonde, c’est ici que ça se passe.

Et en bonus, un autre opus qui retourne dans l’univers tant aimé de La Faucheuse, avec de nouvelles histoires au format court.

Chronique ado : Sable bleu

Yves Grevet est un auteur français pour la jeunesse et les adolescents. Avant d’être écrivain à temps plein, il était enseignant. Il a écrit des romans devenus emblématiques dans le paysage de la littérature jeunesse : Méto (trois tomes, Syros, PKJ), U4 Koridwen (Syros, Nathan, PKJ) ou encore Nox (Syros, PKJ).
Sable bleu est paru en août 2021 chez Syros et nous propose une version étonnement optimiste de ce que pourrait être notre futur… et pourquoi pas ?

D’étranges phénomènes inexpliqués

Depuis quelques temps, il se passe des choses étranges sur notre planète. Une étrange bactérie rend le pétrole inexploitable, les pharmacies se font voler quantité de médicaments tels que les antidépresseurs, les placards des cuisines des citoyens sont vidés de quantité de nourriture… Rien ne semble lier ces différents phénomène si ce n’est leur temporalité : tout arrive en même temps. Mais rien ne permet d’envisager le début d’une explication crédible.

C’est dans ce monde – notre monde – que vit l’adolescente Tess. Elle se bat en tant qu’activiste pour l’association Planet Reboot. Ses actions de défense pour la planète l’on déjà menée à être fichée par la police, elle se doit donc d’être prudente… Depuis que ces phénomènes invisibles ont lieu sur terre, Tess ressent d’étranges vertiges et odeurs. Elle semble être la seule à ressentir ça et n’ose en parler à personne. Quel est le lien entre la jeune fille et les bouleversements positifs que rencontre notre planète ?

De la SF positiviste, c’est possible ?

Une planète qui respire un peu mieux, tout ce qui empoisonne notre quotidien qui disparaît peu à peu… Ce que nous propose Yves Grevet semble impossible. Sable Bleu est osé, il nous propose un roman de science-fiction positiviste. Alors que les dystopies et romans post-apocalyptiques ont le vent en poupe depuis des années, Sable bleu détonne.
Il pousse à la réflexion au même titre que quantité de romans de sf, mais en nous faisant prendre un chemin totalement différent. Et il faut avouer que c’est plaisant.

Notre planète change, et en parallèle, c’est le personnage de Tess dans sa psychologie qui évolue. L’adolescente se cherche à tous points de vue.
Elle mène le combat pour faire gagner l’écologie par des moyens parfois radicaux mais réfléchis. Elle se cherche également sur le plan sexuel ne sachant si elle est ne serait-ce qu’attirée par qui que se soit… Et enfin, elle se pose des questions sur ses origines, elle qui a été adoptée et qui l’a toujours su éprouve enfin le désir de savoir d’où elle vient.

L’aspect disparitions inexpliquées m’a fait pensé au roman ado Vorace de Guillaume Guéraud (Le Rouergue, collection Epik) mais la direction prise par Yves Grevet et très différente !
L’auteur nous propose de nous ouvrir à un récit de science-fiction résolument optimiste et totalement à contre-courant de ce qu’il se fait. Et pourquoi pas après tout ?
Mais plus que la partie sf, j’ai avant tout aimé la recherche de Tess pour savoir qui elle est vraiment. Il y a un aspect romance très important dans l’ouvrage qui est magnifiquement retranscrit. Les questionnements, les interrogations quant à la sexualité – ou non d’ailleurs – les premières attirances… L’auteur a su créer une adolescente réaliste avec ses défauts, son amour vibrant et sa vitalité que rien n’arrête. Et rien que pour cela, ça vaut le coup.

En ce qui concerne l’intrigue en elle-même, elle est originale et bien développée. J’ai malgré tout préféré – et de loin – la première partie du roman, quand on ne sait encore rien de ce qu’il se passe. Une fois que l’on comprend peu à peu les enjeux de Sable Bleu, j’ai trouvé ça un peu trop « déroulé ». Tout est expliqué, tout a été pensé, mais j’avoue avoir trouvé la conclusion un peu rapide comparé au développement assez long des enjeux.

Quoi qu’il en soit, Sable Bleu est un roman ado qui détonne. Comme ce sable à la couleur improbable, l’ouvrage est déstabilisant, étrange. On prend peu à peu nos marques et on découvre un auteur qui a su condenser toutes les préoccupations actuelles de l’humanité et surtout de la nouvelle génération : écologie, politique, droit et devoirs vis à vis de la planète, consumérisme, recherche de liberté, féminisme et sororité… dans un roman, et surtout une belle héroïne. Tess est charismatique, elle est belle et elle existe quelque part, en vrai car elle est très réaliste dans sa façon d’être.
En somme, Sable Bleu est un roman étonnant, étrange et résolument positif. Et ça fait du bien pour une fois de ne pas lire quelque chose d’anxiogène. Il y a du mystère, des tensions, mais c’est avant tout lumineux. A découvrir dès l’âge de 14 ans.

Chronique ado : Une pour toutes

A la découverte de Julie Maupin, une femme au courage sans bornes et à la volonté de fer !

Jean-Laurent Del Socorro est un auteur français à la plume incroyable. En quelques lignes, vous découvrirez un véritable style, une poésie latente… Et c’est le cas dans toute son œuvre. Il a déjà été chroniqué sur le blog avec l’ouvrage Boudicca qui reprenait l’histoire de la vie de la reine du peuple Icène. Boudicca avait réussi à bouter César et sa soif de conquête, rien que cela.
Car oui, Jean-Laurent Del Socorro aime les destins et les histoires hors du commun. Et il aime l’imaginaire également. Ce qui donne très souvent de magnifiques biographies historiques très documentées, écrites avec panache et un soupçon de fantastique…

C’est le cas ici avec Une pour toutes, qui nous fait découvrir le personnage incroyable et magnifique de Julie Maupin. Une femme qui a été grâciée deux fois par le roi, qui manie la rapière avec excellence et qui a assumé sa bisexualité sans que la question même soit soulevée. Elle aimait la vie, et elle en a profité comme peu l’ont fait, surtout à cette époque !

Une rencontre avec le Diable…

Tout commence quand Julie Maupin fait la rencontre fortuite du Diable. Se dernier est séduit immédiatement par l’allure et la verve incroyable de la jeune fille. Elle sait très bien ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas, et non, le diable ne la tente pas plus que cela. Elle préfère jouter à l’épée avec lui que de partager sa couche…
Et voilà le début d’une amitié aussi improbable que magnifique. C’est la seule partie fantastique de l’ouvrage et Julie Maupin n’a absolument pas besoin du diable pour céder à ses envies, elle le fait très bien toute seule !

Mais le génie de cette narration réside dans l’idée d’insérer un personnage fantastique dans une histoire totalement vraie. Alors si vous avez envie de découvrir l’histoire de cette femme incroyable qui même mariée a réussit à s’émanciper d’une égide patriarcale, ce livre est pour vous !

Une plume qui se dévore avec une aisance confondante

Pour moi, ce roman n’a que des qualités, peut-être que je manque d’objectivité, mais c’est mon ressenti suite à cette lecture. Une pour toutes est à la fois atypique et très classique. Atypique pour la partie fantastique insérée dans l’Histoire, la vraie. Très classique, car c’est une biographie romancée qui se déroule avec naturel. Il faut dire que la vie de Julie Maupin est parfaite pour faire un roman incroyable ! Elle n’est que suite de péripéties, aventures, coups de tête et de foudre…

Jean-Laurent Del Soccorro a le don de toujours trouver un personnage de l’histoire qui va nous intéresser. Souvent oublié par les manuels ou la culture populaire, il trouve toujours une porte par laquelle entrer afin de nous faire partager une époque, un personnage, un événement. Tout cela au travers du prisme (léger) du fantastique. Une pour toutes est ainsi un mélange de tout cela, et c’est diablement réussi.

Vous le verrez à la lecture, l’auteur a pris le parti de faire une partie de ses dialogues en vers, et ça rend extrêmement bien :

Libre à vous, joli cœur, de rêver de ma bouche
Moi je joue, je me bat et remporte la touche.

Je ne peux pas vous en dire plus sur la vie de cette femme incroyable qui a su très tôt ce qu’elle voulait et surtout ce qu’elle ne voulait pas pour elle. Je ne peux que vous enjoindre à découvrir son histoire, ses réussites, ses échecs et ses coups de folie. Julie Maupin a eu une vie extraordinaire, et Jean-Laurent Del Socorro signe ici un magnifique hommage à cette femme oubliée de l’Histoire…

Comme il l’avait fait auparavant avec Boudicca. C’est une réussite à découvrir dès l’âge de 14 ans environ, mais cet ouvrage peut tout à fait être lu par des adultes ! Personnellement je verrais bien une double publication en adulte et en ado à sa sortie en poche…

Chronique : La servante écarlate (The handmaid’s tale)

Une société où les femmes sont traitées en esclaves et n’ont que pour unique but que de satisfaire les pulsions des hommes ? C’est le futur effrayant imaginé par Margaret Atwood en 1985. Une véritable piqûre de rappel pour ne pas oublier les droits que les femmes ont acquis, mais qu’elles pourraient encore à tout moment perdre au prétexte d’un conflit, d’une crise… ou d’une élection.

Roman devenu culte dans son pays d’origine, mais également dans le monde entier, La servante écarlate est un texte de la canadienne Margaret Atwood. Elle a écrit quantité de romans, que je ne pourrais tous vous citer, mais en voici quelques-un qui me tentent : Le dernier homme, C’est le coeur qui lâche en dernier, Le tueur aveugle ou encore Captive. Et bien sûr, la suite de La servante écarlate : Les Testaments.
La servante écarlate était déjà un classique Outre-Atlantique bien avant son adaptation en série par HBO, mais cette dernière l’a révélée au monde entier. Avant cela, le texte était avant tout connu des fans d’anticipations et de dystopies. Maintenant, il est un véritable symbole, la tenue des fameuses « servantes » étant souvent réutilisée lors de manifestations pro-choix aux Etats-Unis. Preuve s’il en est que cette oeuvre a durablement marqué les esprits.

Plus terrifiant que le passé : le futur

Les femmes n’ont pas été gâtées par l’Histoire, mais ce que le futur de La servante écarlate leur réserve est bien pire… Fini la mise à l’écart, le « doux » machisme, les métiers de pouvoirs réservés aux hommes et arrachés par certaines femmes… Non, cette fois-ci la société américaine va prendre un virage terrible pour les femmes, les catégorisant par utilité : épouses, gestatrices, servantes… rien de plus. Tout à commencé avec les licenciement des femmes dans toutes les entreprises, puis peu à peu le totalitarisme s’est installé. Et désormais, dans chaque riche foyer, il y a une « servante », une femme qui sert de ventre pour la gestation d’un couple aisé. Mais la femme dudit couple n’est pas bien mieux lotie que la servante, à peine moins pire.

C’est dans cette version horrible et futuriste des Etats-Unis que vit Defred, servante dans une maisonnée respectable. Son but est d’enfanter pour le couple. Pour ce faire, elle est violée régulièrement par le mari pendant que la femme lui tient le haut du corps… Et c’est ce qu’il se passe dans toutes les maisons.

Le seul but de Defred est de fuir cette « république » et de retrouver sa famille éclatée. Mais peut-on fuir un régime totalitaire où le moindre de nos pas est surveillé ? Et où chaque femme est considéré comme une propriété ?

Terrifiant, passionnant, révoltant

Si ce roman a autant marché, c’est bien parce qu’il fait écho à quelque chose. Une crainte, un souffle qui éveille les consciences. Le monde dépeint par Margaret Atwood paraît lointain et irréel, mais je pense justement qu’il ne faut pas le voir de cette façon.
Cette lecture, que j’ai prise de plein fouet, me fait penser qu’il ne faut pas rester sur nos maigres acquis, cela d’autant plus quand on voit que les Etats-Unis ont révoqué l’arrêt Roe versus Wade pour laisser chaque état décider ou non de la légalité de l’avortement. Et ils sont très peu nombreux à vouloir encore l’autoriser… Ce contrôle du corps des femmes, c’est une partie de ce que dénonce Margaret Atwood dans ce terrible texte.

Et quand on voit l’actualité, il semble très visionnaire.

Lire La servante écarlate est important selon moi car il permet d’éveiller les consciences. Il montre le mécanisme incroyable qui se met à l’œuvre pour retourner les esprits, y compris les plus innocents. Car si cette république fonctionne, c’est grâce au bon vouloir de chacun et chacune… comment en est-on arrivé là ? C’est expliqué succinctement, par bribes grâce au travail d’un historien du futur. Nous n’avons pas toutes les réponses, mais c’est encore une fois passionnant.

Alors, oui, c’est une dystopie mais La servante écarlate est avant-tout un ouvrage politique qui met en garde. Il illustre à quel point la soumission à l’autorité peut lentement glisser vers une forme de dictature. Alors, lisez La servante écarlate au moins pour son côté sf/anticipation réussit, mais aussi et surtout pour ce qu’il dénonce. Ce n’est pas arrivé, mais ça pourrait… L’actualité internationale nous le rappelle chaque jour (Trump vient d’être réélu au moment où paraît cet article, et quand je l’ai rédigé il y a plus d’un an, je ne pensais jamais écrire ces lignes…).

Chronique : Belladonna – Tome 1

Chronique d’un roman fantastique qui avait tout pour me plaire mais qui fut une déception…

Adalyn Grace est une autrice américaine qui a connu le succès avec deux séries : la duologie All the stars and teeth et la trilogie Belladonna. Tous ses romans sont publiés chez De Saxus, l’éditeur au jolis livres reliés.
Mais même si l’écrin de Belladonna est magnifique, qu’en est-il du texte ?

Un pouvoir unique, tel une malédiction

Signa, orpheline seulement après quelques mois de vie, a maintenant 19 ans. Elle a été ballottée dans nombre familles d’accueil… et cela à cause d’une chose toute simple : elle tue (malgré elle) ceux qui ont sa garde. Et sa dernière mère adoptive acariâtre et atroce ne fera pas exception, elle qui l’a surtout gardée pour sa fortune à gérer plus que par amour sincère… Mais chose inattendue, alors qu’elle subit un déclassement systématique depuis qu’elle est adoptée, la nouvelle famille lointaine qui la prend sous son aile est richissime. Peut-être Sygna va-t-elle enfin trouver un endroit où elle sera aimée pour elle-même ?
Cette fois-ci, Signa va devoir faire très attention à ne tuer personne, y compris sa cousine à la santé très fragile qui est déjà aux portes de la mort… mais comment maîtriser un pouvoir dont on ignore le fonctionnement depuis presque deux décennies ?

Gothique et sombre à souhait

L’atout principal de Belladonna, avant tout autre chose, c’est son atmosphère. A la fois feutrée et très obscure, c’est un régal de lecture. On se croirait juste à côté de Signa, en trait de savourer une ambiance délétère et sublime.

Cependant, malgré une idée originale quant à la conception des pouvoirs obscurs et empoisonnés de Signa, l’intrigue se tient assez mal. Trop longue, trainant en longueur, dotée de personnages tous plus énigmatiques les uns que les autres (mais pas passionnant malgré leurs nombreux secrets), l’histoire flétrit au fil des chapitres.

Le premier tiers du roman se lit fort bien, mais après, c’est assez emmêlé, le rythme déjà assez lent devient encore plus étiré… Passée la seconde moitié, la lecture devient encore plus laborieuse alors que l’on voit déjà se profiler beaucoup d’éléments décisifs de l’intrigue.
De plus, les personnages ont beau être peu nombreux (une dizaine), ils sont très faciles à confondre. J’ai eu beaucoup de mal à chaque fois à déterminer qui était qui et quels étaient les enjeux de chacun… Pour ce qui concerne Signa, notre héroïne, elle m’a laissée totalement indifférente. Je n’ai eu que très peu d’affect pour sa personne, de même que pour sa quête de rédemption face au mal qu’elle sème.

Autre point négatif, je n’aime pas quand les auteurs.ices mettent un cliffangher pour relancer leur roman aux deux dernières pages du livre. Et c’est bel et bien ce qui se passe dans Belladonna. Là où l’histoire s’essoufle durant le dernier tiers, l’autrice nous relance dans le vif de l’intrigue avec un nouveau personnage. Oui, on sait que ça va devenir intéressant, mais je trouve ce genre de schéma narratif assez malhonnête. Car clairement, le roman aurais pu être plus court. Peut-être même qu’il n’était pas nécessaire d’en faire une trilogie ?

Ce premier tome était donc une déception, et j’en suis la première déçue… Belladonna reprend les codes du roman gothico-fantastique sans parvenir à tenir son intrigue par la même occasion. Dommage que le déséquilibre soit si net…

AUTEUR :
EDITEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique Jeunesse : La malédiction de la famille Numéro 4

Un roman de sf jeunesse intelligent, génial et hyper efficace, une parfaite porte d’entrée dans l’imaginaire sur une planète-colonie qui a du mal à s’adapter à la faune locale…

Premier roman d’Emilie Le Garben, La malédiction de la famille numéro 4 a toutes les qualités d’un excellent roman de science-fiction pour initier la jeunesse au genre. Ce beau roman ambitieux et malin est illustré par Sophie Leullier.

L’ouvrage a paru chez Poulpe Fiction, la maison d’édition qui depuis quelques années se développe à une vitesse fulgurante avec des choix éditoriaux intéressants qui savent parfois sortir des sentiers battus.

Nous sommes en 2494, bienvenue sur Euphoria 2 !

Petite planète nichée aux confins de la galaxie, Euphoria 2 abrite depuis plusieurs décennies la vie humaine. En effet, l’homme a décidé de s’installer ici pour des raisons stratégique d’approvisionnement. Masi d’ici à ce que la planète soit habitable de façon décente pour les hommes, la vie y est très difficile.
Mais pour certains, comme la jeune Clara, la vie est encore plus dure. A cause d’un accident de vaisseau causé par son grand-père, sa famille doit rembourser tous les mois les immenses dettes du drame. En effet, un vaisseau spatial coûte extrêmement cher, et ce sont plusieurs générations de la famille numéro 4 qui doivent ainsi se priver pour rembourser peu à peu les dégâts. Et peu importe que le grand-père de Clara ait lui-même péri dans l’incident…

Mais Clara en a assez de payer injustement les dettes d’un accident qui les fait passer pour des parias dans toute la colonie. Assez des brimades, assez qu’on l’évite car elle porte soi-disant malheur… Elle ne le sait pas encore, mais elle va rebattre les cartes de façon assez significative pour elle, et toute sa famille.

Une intrigue qui ne se contente pas d’efficace mais qui développe tout un univers

Le grand atout de ce roman, c’est avant tout son histoire, certes, mais surtout la façon dont elle est construite. On se doute qu’il y a des secrets, des surprises narratives et autres plaisirs de lecture. Mais, c’est fait de telle façon qu’on est pris dedans en quelques chapitres, tout fonctionne à merveille.

Mais le grand plus ici, c’est qu’on rétabli ce que peut être la science-fiction : ici, point de batailles de vaisseaux spatiaux épiques mais une terraformation qui prend des décennies. Rien que cela, c’est malin. On change totalement la vision que peuvent avoir les enfants de la science-fiction (et aussi les adultes). Car non, la sf ne se résume pas à des scènes grandioses et fortes en émotions, et ce roman est la preuve qu’on peut faire de la très bonne sf auprès d’un jeune lectorat (entre 10 et 13 ans ici).

Pour ce qui est de la partie personnages, tout fonctionne également à merveille. Ils ont tous leur importance, même les plus détestables, et surtout ont l’air plus vrais que nature. Ils sont tout à fait crédibles dans leur façon d’être et d’agir, c’est pour cela que toute cette histoire sur Euphoria-2 fonctionne si bien.

Ainsi, sur tous les aspects du roman, on peut attester que c’est une réussite. J’ai adoré voyager avec Clara, la suivre dans sa dangereuse quête de justice et découvrir la dangereuse faune locale. Seul petit bémol car je l’ai vécu plusieurs fois en tant que libraire, le titra fait penser aux clients que le roman est le tome quatre d’une série, alors qu’il s’agit d’un one-shot. Pour l’instant en tout cas… alors à quand la suite ?