Archives de l’auteur : Laura

Chronique jeunesse : La fille qui parlait ours

Un magnifique roman aux allures de conte initiatique aux accents slaves. Et si le bonheur était au bout de notre nez plutôt qu’au fin fond de la forêt ?

Paru en début d’année 2022, ce roman initiatique est le second de l’autrice anglaise Sophie Anderson à paraître en France. Le premier, La maison qui parcourait le monde s’inspirait déjà des mythes et légendes slaves pour servir son intrigue. Ici encore, on retrouve un mélange de contes et traditions des pays de l’Est, de même qu’une magie étrange et belle tout à la fois…

Comment vivre avec des pattes d’ours ?

La jeune Yanka s’est toujours questionnée sur ses origines. Elle n’a ni père ni mère, mais une femme qui a décidé de la recueillir quand elle était encore tout bébé. Mais malgré tout cet amour prodigué au fil des années, Yanka sent comme un trou dans sa poitrine.

Où sont ses parents ? Pourquoi l’ont-ils abandonnée ? D’où vient-elle ? Et où est son véritable foyer ?

Elle s’est toujours sentie à part à cause de son passé inconnu. Même au village, elle a peu d’amis et subit parfois moqueries et remarques sur sa différence. En effet Yanka est grande et forte, c’est d’ailleurs de là qu’elle tient son surnom : Yanka l’ourse.

Mais le jour où elle se réveille avec des pattes d’ours à la place des pieds, elle décide de partir en quête de ses origines véritables. Peu importe la réponse, tout sera mieux que l’ignorance…

Magnifique et onirique

Ce roman fait partie des textes que l’on lit lentement. Non pas parce qu’il est complexe (ce n’est d’ailleurs pas le cas) mais parce que chaque page apporte son lot de messages et de beauté. Tout y est une de à la nature et ses merveilles, au partage, à l’amour… Et quantité d’autres choses qui rendent la vie plus belle. Résumer cet ouvrage est impossible, mais je peux vous parler de la sensation qu’il m’a laissée une fois terminé.

J’ai trouvé qu’une fois cette lecture achevée, j’étais complète. Qu’un message important était passé entre mes mains, mais qu’il me fallait un temps considérable pour l’intégrer. C’est un sentiment diffus mais prégnant, un roman marquant au message fort, mais qui infuse lentement dans celui qui le lit…

Je pense que tout le monde pourrait lire ce roman destiné à la jeunesse et y trouverait son compte. Toutes les épreuves que traverse Yanka peuvent s’adapter à celles de la vie quotidienne. Mais chaque problème ayant sa solution, Yanka trouve la force de lutter contre l’adversité. Et je pense que lire cet ouvrage peut donner quelques clés à ceux qui pourraient se sentir bloqués dans leur vie.

Tout est extrêmement métaphorique dans ce roman, j’y ait souvent perçu différents degrés de compréhension, et c’est ce qui le rend si beau…

Lire ce roman, c’est se plonger dans une aventure onirique d’une poésie infinie. Chaque légende créé par Sophie Anderson apporte son lot de réflexion et d’introspection, mais également d’aventure. On y découvre par ailleurs des personnages joyeux au charisme indéniable… Mention spéciale au furet Moustache et à la maison, deux des personnalités les plus fortes de l’œuvre selon moi. La maison ne parle pas, mais elle a un merveilleux caractère qui la rend extrêmement attachante. Et Moustache… c’est le coup de foudre absolu !

Pour moi, les meilleurs romans sont ceux aux messages ancrés dans la trame de fond, et clairement La fille qui parlait ours en fait partie. Et si en plus il y a une maison à pattes de poule dans l’histoire, c’est le coup de cœur garanti ! Je n’ai pas lu le précédent roman de l’autrice, mais clairement j’ai très envie de m’y plonger.


Alors, si vous avez envie de rêve et d’aventure, de légendes et de regrets mêlés, vous êtes au bon endroit. C’est beau et sublime et ça se découvre dès l’âge de 11 ans. Mais le message de ce roman peu se découvrir à tout âge…

Chronique ado : Ni prince ni charmant

Un roman percutant sur le consentement et comment faire tomber ses biais, même quand cela concerne son meilleur ami…

Nouveauté parue dans la percutante et efficace collection La brève chez Magnard, Ni prince ni charmant est le dernier roman en date de Florence Medina. On y parle sexualité, consentement et réseaux sociaux… Et ce n’est pas joli à voir, forcément quand on mélange tout ça. L’ouvrage est paru en mars 2022 en librairie.

Des messages d’alerte sur les réseaux

Tout commence par une jeune femme qui en prévient une autre en MP qu’un de ses contact a un « comportement problématique » avec les filles. C’est ainsi que la soeur de Tristan lui apprend que c’est l’un de ses meilleurs amis qui est mis en cause… Le jeune homme refuse cet état des choses, et il demande des preuves.

Mais il n’y a que des ont-dit… du moins au début. Peu à peu Tristan se pose des questions et va interroger son entourage, puis son ami lui-même… Ce qui amène Tristan à se poser également des questions sur ses propres comportements.

Prévenir avant que le pire n’arrive

Ce roman court et ultra percutant a un côté très dérangeant, sciemment, mais c’est flippant. La perception des choses que Tristan a entre le début du roman et sa fin est très bien menée. Comment passe-t-on d’un point de vue passif sur ses propres actes à une réflexion active ? En s’interrogeant sur notre entourage, nos motivations, notre confort…

La démarche de vérité de Tristan est difficile à mener, mais il va réussir à braver de nombreux obstacles, en premier lieu celui de l’image idéalisée qu’il a de son ami. Puis, arrivent les questions.

Je pense que c’est le genre d’ouvrage absolument nécessaire à faire lire aux ados, filles comme garçons. Afin de désamorcer l’idée que quand quelqu’un dit non, c’est juste qu’il faut insister un peu. Non en fait. Non c’est toujours non, quelle que soit la question. A faire découvrir dès 14 ans et même après !

Chronique : Au poil

Un roman ado parfait pour mettre en lumière la pression que subissent les femmes, quel que soit leur âge, pour coller à des critères de beauté imposés par le regard des hommes. Édifiant.

Si vous ne connaissez pas encore la collection La brève, c’est l’occasion de la découvrir ! Des textes très courts – moins de 100 pages – et très actuels à destination des 14 ans et plus. Les sujets vont du harcèlement scolaire à la pilosité des adolescentes en passant par les méfaits d’une mauvaise utilisation des réseaux. 

Avec Au poil, Sophie Adriansen s’empare du sujet des poils, féminins en l’occurrence, et leur perception dans notre société. Encore souvent très mal acceptés, la jeune Omé s’interroge sur ce qu’elle va faire, la pression familiale étant très forte…

Un « problème » qui pousse doucement 

Omé commence à avoir des poils, et surtout, ça commence à se voir, comme le fait si gentiment remarquer sa maman. Ni une, ni deux, elle lui prend illico un rendez-vous chez l’esthéticienne.

Sauf que… Omé ne sait pas encore elle-même ce qu’elle souhaite faire de sa pilosité naissante. Ce dont elle est certaine par contre, c’est que ces poils en devenir semblent être remarqués par tout le monde, et que chacun et chacune a son avis sur la question… 

Un roman efficace qui taille dans le vif du sujet 

J’aime ce genres de romans qui savent parler aux ados avec des personnages réalistes emplis de questionnements. Ils tâtonnent, ne savent pas encore ce qu’ils souhaitent de notre société ou de leur corps. Ils doutent beaucoup, mais peu à peu, ces personnages se forgent leur propre avis ainsi que leur caractère. 

Omé en est d’ailleurs le parfait exemple, elle s’émancipe peu à peu des avis des autres et se créée le sien propre. Ce roman est un bon petit coup de pied dans la fourmillière de nos idées préconçues. Et on va d’ailleurs découvrir qu’en France, on est beaucoup plus obsédés par l’épilation et les peaux lisses qu’en Allemagne par exemple ! 

J’ai donc trouvé ce très court roman intéressant et la façon dont le sujet est abordé parfaite. Et surtout, le personnage d’Omé est tout à fait crédible, aussi bien dans sa répartie et ses questionnements que dans ses réactions. 
Je pense que cet ouvrage pourrait faire partie des indispensables de toute librairie/bibliothèque qui souhaiterai se constituer un fonds féministe. A découvrir dès l’âge de 13 ans environ ! 

Chronique Jeunesse : Le club du Calmar Géant – Tome 1 – L’incroyable équipage du poisson-globe

Découvrez les aventures incroyables d’imagination d’une jeune demi-sirène et de ses amis !

Premier tome d’une nouvelle série pour la jeunesse, L’incroyable équipage du poisson-globe nous fait découvrir les secrets et les aventures du Club du Calmar Géant ! Nous avions découvert il y a quelques années celles du Club de l’ours polaire dans le grand nord, place maintenant aux fonds marins…

Alex Bell est une autrice pour la jeunesse à l’œuvre encore ténue, mais déjà bien reconnue par les lecteurs. Elle écrit également des romans horrifiques pour les adultes, dans un autre style.

Un peuple et son continent qui disparaissent sans laisser de traces

Il se passe des choses étranges et inquiétantes depuis quelque temps, des continents entiers, des villes dans leur totalité disparaissent. Ils ne sont pas rayés de la carte mais plutôt comme évaporés. On sait qui est derrière tout cela, mais personne n’a la possibilité de lutter contre… Mais quand la mystérieuse organisation décide de s’en prendre au Club du Calmar Géant, la jeune apprentie mécanicienne Ursula décide de faire ses preuves.

Mais les choses n’évoluent que très lentement au sein des Clubs, et Ursula étant une jeune femme, elle ne peut pas s’inscrire en tant qu’exploratrice, son rêve de toujours… C’est donc sans l’aval du Club qu’elle va tenter de sauver ce qu peut l’être d’un péril immense !

De l’aventure puissance mille et une imagination frétillante !

Alex Bell est une autrice au talent incroyable. En très peu de pages, elle nous transporte dans son univers à l’imagination débordante dans lequel on se plonge avec délices. C’est redoutable d’éfficacité, très rapide à lire, et surtout original. Les quelques sublimes illustrations détaillées de Tomislav Tomic concourrent d’ailleurs à cette sensation de renouveau. Quand on lit beaucoup d’imaginaire, il n’est pas toujours facile de trouver de nouvelles séries captivantes à l’univers atypique. Ici, c’est une russité totale !

Encore une fois, Alex Bell prouve qu’elle a un talent monstre pour tout ce qui est de créer un univers qui lui est propre. Et cette fois, c’est dans les profondeurs maritimes que l’on découvre ses dernières idées originales : glaces pour respirer sous l’eau, ville perdue sous la mer, hôtel de luxe pour créatures de la mer, esprit de kraken… Ce ne sont pas les idées géniales qui manquent.

Et pour celleux qui n’auraient pas lu le cycle précédent avec Le Club de l’ours polaire, pas d’inquiétude, même si ce nouveau cycle est en la suite, il n’est pas indispensable de l’avoir lu !

Ainsi, encore une fois, c’est une réussite totale. Mais là où j’avais passé un bon moment avec le premier tome du Club de l’ours polaire, j’ai passé ici un merveilleux moment ! Peut-être que l’univers de la mer et de ses mystères englontis me séduit plus ? Ou peut-être est-ce le pouvoir charmeur des sirènes ? Quoi qu’il en soit, c’est un véritable coup de coeur à découvrir dès l’âge de 10 ans.

Chronique ado : L’aube est bleue sur Mars

Un roman beau et sensible, épique et majestueux… un voyage intersidéral et intérieur qui reste en mémoire !

Florence Hinckel est une autrice française à l’œuvre fort prolifique. Elle a écrit notamment la série de deux romans Renversante (L’école des Loisirs), ou encore le roman Quatre filles, quatre garçons (Talents Hauts) et quantité d’autres ouvrages. L’aube est bleue sur Mars est son dernier ouvrage en date, il est paru en août 2022 aux éditions Nathan

Un destin tout tracé ?

Esther a 22 ans et l’avenir devant elle : brillante étudiante en astrophysique, elle tente une candidature pour devenir astronaute pour la NASA. Elle sait que les chances sont extrêmement réduite, mais y croire et rêver un peu n’a jamais fait de mal… En parallèle, elle découvre l’amour et les plaisirs de la vie, elle qui n’avait consacré que peu de temps au plaisir à cause de ses études. Elle ne le sait pas encore, mais elle va vivre une aventure incroyable qui va l’obliger à se dépasser encore plus, et qui surtout est beaucoup plus grande qu’elle.
Car oui, Esther va bien recevoir une lettre de la NASA, mais ce n’est que le début d’une magnifique histoire…

Un roman aux mille facettes

Il y a de tout dans ce roman, et c’est pour ça qu’il fut pour moi l’un des plus gros coups de coeur de cette année 2022. On y trouve de l’anticipation, de la science-fiction, de la technologie un peu plus avancée que la nôtre mais crédible, quantité d’informations scientifiques passionnantes qui servent l’intrigue, une belle romance, une enquête, et quantité d’autres choses.

L’aube est bleue sur Mars n’est pas simplement le parcours de la combattante d’une jeune astronaute en devenir pour aller sur Mars, c’est bien plus que cela. C’est une réflexion sur l’humanité et son avenir, sur ce que nous laissons faire passivement à notre planète, sur les histoires d’amour longue distance…

Mais c’est aussi un roman rare sur la difficulté du métier d’astronaute : loin des paillettes et des images spatiales qui font rêver, l’entraînement pour y arriver est extrême. Mais une fois toutes ces étapes franchies, c’est encore plus difficile. Psychologiquement, nerveusement, physiquement, moralement… les astronautes sont tout le temps sollicités.
J’ai trouvé cela appréciable que l’autrice nous montre l’envers du métier, bien loin de l’image que peu nous donner Thomas Pesquet et ses confrères de l’ISS. Certes, il faut faire rêver, mais il ne faut pas occulter toutes les difficultés inhérentes à ce métier unique. Florence Hinckel y va à fond, et explore ainsi tous les écueils d’un voyage dans l’espace en huis-clos avec toutes ses difficultés.

L’intrigue ne tourne cependant pas seulement autour du métier d’astronaute et de ses difficultés cachées. En réalité, l’ouvrage traite de tant de sujets liés entre eux que je préfère ne pas trop développer. Tout est interdépendant, rendant l’intrigue très réussie jusqu’à la dernière page. Exprimer tous ces thèmes serait trop long, mais faites moi confiance : c’est captivant.
Esther est peut-être un peu trop lisse par moments, mais vous verrez qu’il n’en est rien au final, c’est seulement que ses brèches ne sont pas immédiatement visibles.

C’est donc un ouvrage hybride et fascinant que nous avons là. Il est un peu à la croisée de la saga de romans Phobos de Victor Dixen et du film Mission To Mars (pas de martiens dans ce roman, c’est pour autre chose que j’y fait référence). L’ambiance y est captivante en très peu de pages, et ensuite c’est fichu, impossible de le lâcher… Et les presque 500 pages se dévorent avec une facilité déconcertante. Dès 14 ans.

Chronique : Les héritiers de Brisaine Tome 1 & 2

Une incursion parfaite pour faire découvrir de la bonne fantasy francophone !

David Bry est un auteur français dont le crédo est l’imaginaire. Il écrit aussi bien pour la jeunesse que pour les adultes. Il fit une entrée remarquée en littérature avec son roman Que passe l’hiver aux éditions de L’homme sans nom en 2017 mais il écrit depuis plus d’une quinzaine d’années.

Depuis, il a écrit d’autres romans, tous concourant à asseoir son statut d’étoile montante de l’imaginaire : La princesse au visage de nuit (Pocket), Le garçon et la ville (Lynks), Le chant des géants (L’homme sans nom), la série jeunesse Les héritiers de Brisaine (trois tomes déjà parus chez Nathan).

Un royaume qui a perdu sa magie et ses créatures fantastiques….

Bienvenue dans le monde de Fabula, plus précisément dans la contrée de Trois-Dragons. C’est royaume relativement paisible, mais dont le passé récent est assez houleux. Guerre de pouvoir, vol d’un artéfact extrêmement puissant et disparition de la magie, voici les éléments clés de l’Histoire proche de Trois-Dragon et du royaume de Fabula.

C’est dans cette ville que vivent trois enfants qui ignorent encore leur destin : Aliénor, Grégoire et Enguerrand. Pour eux ainsi que pour tous les habitants du village, la magie est morte. Mais Brisaine, une vieille amie du trio va leur expliquer qu’il n’en est rien. Et que la brume qui s’échappe du Bois d’Ombres est liée à cette fameuse magie ténue qui subsiste.

Une nouvelle série jeunesse pour découvrir le genre fantasy

Si vous avez dans votre entourage des lecteurs entre 9 et 10 ans, cette série sera idéale pour eux. Il y a dans Les héritiers de Brisaine tous les codes de la fantasy avec des ressorts efficaces et bien utilisés. Mais David Bry réussit tout de même a créer quelques surprises dans cet univers créé de toutes pièces. Ses jeunes héros subissent des épreuves, mais ce sont surtout celles du quotidien qui les malmènent, en particulier le jeune Grégoire orphelin et serviteur au Château du seigneur Josserand.
L’aventure est quant à elle une véritable bouffée d’air frais et d’adrénaline pour le trio dont le quotidien n’est pas facile. Ils prennent des risques, mais savent que ce qu’ils font sert Brisaine et sa juste cause.

Pourquoi disais-je que cette série jeunesse est une parfaite introduction à la fantasy ? Tout simplement parce qu’on y retrouve une grande quête, des créatures fantastiques, de la magie et un destin incroyable semé d’embûches. Dans les deux premiers tomes, on découvre ainsi trolls, loups bicéphales, phénix, ondines et autres créatures fantastiques.
Lesdites créatures sont d’ailleurs toutes répertoriées dans le fabuleux grimoire que rempli peu à peu le jeune Grégoire, passionné de légendes et de lecture. Chacune a droit à son dessin et à un descriptif rapide en en fin d’ouvrage.

Et je ne vous ai pas encore parlé des très jolies illustrations de Noémie Chevalier, elles sont parfaites et habillent à merveille l’histoire de David Bry. Il n’y en a pas beaucoup, mais juste assez pour rassurer les enfants lecteurs qui ne veulent pas lire de trop gros livres le tout avec encore quelques images.

Ainsi, les deux premiers tomes de cette série de fantasy sont parfaits pour initier les jeunes lecteur.ices au genre. L’auteur use des codes habituels pour nous offrir une intrigue efficace et non dénuée d’intérêt. Ce n’est pas un coup de cœur, mais c’est la parfaite porte d’entrée pour faire découvrir d’autres choses par la suite… !

La saga Les héritiers de Brisaine n’est pas terminée, un troisième tome est paru et un quatrième est à paraître pour le mois de septembre 2022.

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Chronique : Nos corps jugés

Catherine Cuenca est une autrice pour la jeunesse très prolifique. Elle a écrit nombre d’ouvrages devenus depuis des références pour les libraires ou l’Éducation Nationale. La marraine de guerre (Le livre de poche jeunesse), Celle qui voulait conduire le tram (Talents Hauts), La Reine Margot : Du mariage au massacre (Oskar)… et tant d’autres !

L’un de ses derniers ouvrages, Nos corps jugés, nous montre l’énorme avancée qu’a réalisée Gisèle Halimi d’un point de vue juridique pour toutes les victimes de viols.

Une avancée juridique énorme pour les femmes

Voici l’histoire de Myriam, une adolescente heureuse et insouciante qui croque la vie à pleines dents. Elle est à fond dans ses études pour avoir la mention au bac, ses parents étant très stricts. Mais cela ne l’empêche pas de rêver à des sorties ou des soirées. Ainsi, un soir elle fait croire à ses parents qu’elle est chez une amie et va à une fête, c’est là qu’elle fait la rencontre de Frank. Il est gentil, attentionné et semble très intéressé par Myriam. Ils décident de se revoir, mais les choses vont très mal tourner après qu’il l’invite à boire un café chez lui…

La jeune femme garde ce lourd secret, mais impossible pour elle de faire comme avant. Ses notes sont en baisse, elle évite ses amis et ses parents et joue constamment le rôle de la jeune fille heureuse qu’elle n’est plus. Myriam a été violée, mais ce même mot ne lui vient pas à l’esprit. Elle est formatée par une éducation où la notion de consentement n’existe pas et où la femme est forcément fautive quelque part.

Avant le retentissement du Procès d’Aix, le viol n’était traité que comme un délit… Choquant n’est-ce pas ? C’est grâce aux avancées de l’avocate Gisèle Halimi que les femmes vont peu à peu réussir à faire entendre leur voix. C’est ainsi que l’histoire de Myriam au premier plan rencontre celle de cette énorme avancée juridique pour les femmes. Une époque pas si lointaine puisque le viol est un crime seulement depuis le 23 décembre 1980.

Un ouvrage coup de poing nécessaire plus que jamais

Il est bon de découvrir des ouvrages comme celui de Catherine Cuenca à l’heure où l’obscurantisme et le patriarcat tentent encore et toujours de nous arracher les droits que l’on a durement acquis. Le féminisme se bat au quotidien contre cela, et l’ouvrage de Catherine Cuenca est là pour nous rappeler que ces acquis sont toujours fragiles. Et surtout Nos corps jugés illustre à quel point la libération de la parole est une épreuve, mais qu’il est toujours possible de se faire aider malgré les obstacles.

En très peu de pages, on est absorbés par l’histoire de Myriam, sa détresse, les nombreuses épreuves qu’elle va traverser, parfois à des endroits inattendus. C’est poignant, très réaliste, on ne peux que se mettre à la place de cette jeune fille en détresse qui fait tout pour donner le change. C’est le genre d’ouvrage qui se dévore car on a tellement envie d’en connaître la fin que plus rien ne compte. On veut savoir comment l’adversité peut être vaincue, où se situent les pièges que la société nous tend…

C’est un ouvrage passionnant que j’ai donc dévoré. Tant par le sujet que par les personnages criants de réalisme, Nos corps jugés est un roman nécessaire. Il est à découvrir dès l’âge de 14 ans environ mais aussi pour toutes celles et ceux qui veulent en connaître plus sur notre histoire judiciaire, le MLF et quantité d’autres choses encore.

Chronique : Le royaume assassiné

Une réécriture du conte de la Petite sirène version fantasy, ça vous tente ?

Premier roman d’Alexandra Christo, Le royaume assassiné a connu un grand succès à sa parution aux États-Unis. Il est paru en France aux éditions De Saxus en novembre 2020. L’éditeur a fait un premier tirage tout particulier pour ce roman, faisant la surprise d’un ouvrage en couverture rigide uniquement pour la première impression (il avait cependant le même ISBN que le souple). Une jolie façon de remercier les lecteurs !


Le Royaume assassiné se propose de vous faire découvrir une version de La petite sirène assez différente du conte d’Andersen…

La Tueuse de princes en quête de sa plus belle cible…

Elle se prénomme Lira, et elle est la plus redoutable des sirènes. Fille de la reine, elle se réserve le droit d’arracher le cœur d’un prince à chacun de ses anniversaires. Elle est crainte dans tous les royaumes, tous les océans par-delà le monde. Mais sa mère la reine la perçois de plus en plus comme une menace et la punit pour lui avoir désobéi : elle ainsi transformée en une fragile humaine.
Lorsque sa route va croiser celle d’un prince amoureux de l’océan, elle est loin de se douter que sa vie va basculer… et peut-être pas uniquement la sienne…

Une réécriture de conte de fées intéressante

Le royaume assassiné est le roman parfait pour une incursion dans l’univers de la fantasy maritime. C’est un genre qui se développe de plus en plus en France par le biais de traductions (mais pas seulement) : Le trône des sept îles de Adalyn Grace (De Saxus), De sang, d’écume et de glace d’Alexiane de Lys (Michel Lafon), La carte des confins de Marie Reppelin (PKJ) pour ne citer qu’eux. On peux dire que ça a le vent en poupe. Ou en poulpe ?

C’est la première fois que je m’essaie à ce sous-genre de la fantasy et je dois avouer avoir trouvé cela plaisant. D’autant plus qu’il s’agissait d’une réécriture de conte de fées. Le style d’Alexandra Christo est très fluide, les chapitres s’enchainent avec une aisance confondante, c’est un bon page-turner. Cependant, malgré son efficacité, ce n’est pas un coup de cœur, loin de là. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’intrigue est trop linéaire… il y a certes des côtés sombres à cette histoire, mais elle reste très classique et cousue de fil blanc.

Le royaume assassiné est vendu comme une fantasy aux accents très sombres, mais ce n’est pas parce que Lira arrache des cœurs à des princes que ça suffit pour classer l’ouvrage comme tel. L’autrice aurait dû aller beaucoup plus loin dans la noirceur si elle voulait que l’on considère son ouvrage comme de la dark fantasy. Pour moi, c’est un bon ouvrage de fantasy maritime sur fond de romance, mais on oublie très vite le côté sombre tant il est ténu.
Une fois qu’on accepte ça, on passe un très bon moment de lecture !

Ainsi, comme réécriture de conte, ce roman est une réussite, mais pas au point de l’ériger au rang de coup de cœur. A réserver à celleux qui n’ont pas l’habitude des poncifs de la fantasy, car l’intrigue est extrêmement classique. C’est one-shot, ce qui a le mérite d’être très appréciable quand on en a assez des séries de fantasy à rallonge… A découvrir dès l’âge de 14 ans.

Pour aller plus loin : L’édition française bénéficie de cinq illustrations inédites magnifiques réalisées par différents artistes mais toutes parfaites pour l’univers.

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Chronique YA : La nuit des reines

Il vient tout juste de paraître dans la collection ado des éditions Bayard, voici un roman d’Alex Bell (l’autrice de la géniale série du Club de l’Ours Polaire !). Elle revient ici avec un texte assez sombre destiné aux 14 ans et plus dans une Nouvelle-Orléans emplie de sombre magie… Pour une fois, c’est un one-shot, ce qui est rare.

Baton Noir, la ville-miroir de Baton Rouge, la magie obscure en plus…

Bienvenue dans la ville de Bâton Noir où la musique et la magie sont intimement mêlées, et où règne en maîtresse la reine Ivory Monette. Seule ombre au tableau, elle vient d’être sauvagement assassinée et son esprit compte bien assouvir sa vengeance sur le ou la responsable…


Mais comment la vie de Jude, jeune musicienne sans le sous peut-elle basculer à cause de ce meurtre dont il ignore toutes les intrigues souterraines ?

Une ambiance « typique », peut-être même un peu trop

Quand on pense à la Nouvelle-Orléans, il est vrai qu’on associe immédiatement certaines images-type dans notre esprit : la musique, le jazz, le vaudou, les cimetières hantés… Certes, c’est l’image que l’on s’en fait car connait peu, voir pas du tout la région/la culture… ce qui est mon cas. Mais malgré ma méconnaissance totale de la région dont s’inspire l’autrice ainsi que de ses croyances, j’ai trouvé l’ensemble du roman très stéréotypé. De plus, je m’attendais à quelque chose de sombre voir très sombre, or on se retrouve juste avec un roman à destination des ados avec de la magie dite noire, mais qui dans les faits ne l’est pas tant que cela.

L’autrice parle dans son roman de « legbas », des divinités qui jouent le rôle d’intermédiaire entre le monde des humains et celui des dieux, après quelques recherches j’ai découvert qu’il y a un Papa Legba dans la religion Vaudou. Il a la fonction d’intermédiaire également et équivaut à Saint-Pierre dans la religion catholique. Elle s’inspire donc directement de ce dernier, mais l’a remanié à sa façon pour créer sa propre mythologie.
Elle a également créé (du moins je n’ai pas trouvé d’équivalent direct) le Fossoyeur ou encore le baron Lukah (équivalent du Baron Samedi ? on peut le supposer).

Autre forme de magie intéressante : l’idée des talismans est très maline, dommage pour moi qu’elle n’ait pas été plus exploitée. Dans La nuit des reines, on découvre qu’il existe quantité de talismans, plus ou moins cher selon leur puissance, leur utilité. Par exemple, si vous possédez un talisman de beauté très puissant vous serez considérée comme l’une des femmes les plus belles de la création. Dès que vous l’enlevez d’un des plis de vos vêtements ou utilisé comme bijou, vous retrouvez votre physique naturel.

Les artifices sont nombreux à Bâton Noir, et l’autrice a su s’approprier et créer tout à la fois un univers intéressant. C’est pour cela que je trouve dommage qu’il ne soit pas davantage développé et expliqué. A cause de cela, on reste avant tout dans une suite d’actions qui s’enchainent sans jamais vraiment nous pousser à découvrir toute la mythologie pensée derrière. On reste sur une façade attirante, mais très friable car peu développée… dommage. Et encore plus dommage, l’intrigue est assez prévisible malgré une ambiance assez sombre.

En somme, ce roman d’Alex Bell est totalement dispensable… Il s’appuie sur de nombreux stéréotypes pour nous proposer un univers qui aurait pu être intéressant s’il avait été mieux développé. Quant à l’intrigue, elle est malheureusement assez commune malgré un écrin qui se veut original. Dès 14 ans pour celleux que ça intéresse malgré tout.

Chronique YA : La trilogie Le chaos en marche

Paru en France en 2009, le premier tome de La Voix du couteau a lancé une série qui fut rapidement érigée au rang de classique contemporain. Patrick Ness est un auteur d’origine anglo-américaine qui a déjà quantité d’ouvrages à son actif. Il a notamment écrit Quelques minutes après minuit (basé sur les écrits préparatoires de Siobhan Dowd) qui fut adapté au cinéma. Il a également écrit Libération (2018) ou encore Burn en 2020 (PKJ).

Une idée originale jamais lue auparavant

Imaginez un monde où toutes les pensées qui vous traversent l’esprit volent dans les airs et parviennent jusqu’à vos voisins, vos amis, les passants… tout le monde. On appelle cela le Bruit. C’est dans ce monde déstabilisant que vit le jeune Todd Hewitt. Il a treize ans et il est le dernier « enfant » du village de Prentissville, toutes les femmes et les enfants ayant disparus il y a longtemps. Il ne le sait pas encore, mais son destin va basculer : dans cette bourgade où vivent exclusivement des hommes qui entendent toutes les pensées des uns et des autres, difficile de garder un secret. C’est pourtant ce que Todd va devoir faire si il tient à préserver les apparences…

Une dystopie passionnante

Le premier tome du Chaos en marche est terriblement original : un monde au fonctionnement unique causé par le Bruit. Un jeune héros dépassé par ses découvertes et qui grandit malgré lui à force d’enchainer les erreurs de jugement. On retrouve dans La voix du couteau tous les éléments de la dystopie young-adult : un héros/narrateur jeune, un monde hostile aux subtilités nombreuses que l’on découvre peu à peu de façon glaçante et une quête de vérité, de justice.

Todd est un héros intéressant, mais ce n’est au final par le plus passionnant des personnages de cette trilogie pour moi. Je ne vous en dis pas plus par risque de vous gâcher une bonne partie de l’intrigue. Cependant, pour moi Todd n’est pas le plus original des héros dans ses actions ou sa façon de penser les choses. Il est courageux, certes, mais est un peu trop centré sur sa petite personne, même dans des moments terribles. Mais Patrick Ness sait faire évoluer ce héros ordinaire pour le rendre plus crédible et moins « pur ».

Non, le plus intéressant dans cette trilogie, c’est la façon qu’a Patrick Ness de manipuler les actes de certains personnages pour les rendre ambigus. Il arrive à complexifier ce qui paraît aux abords simple. Ici, rien n’est manichéen même si ça y ressemble au début. Plus on avance dans la trilogie plus les frontières entre bien et mal se mélangent jusqu’à se dissoudre… Et je pense que c’est justement cela le message de Patrick Ness : jusqu’à quel point peut-on faire du mal en ayant des buts louables ? Une guerre est-elle bonne juste parce qu’elle est censée sauver plus de vies que de morts causées ?

Il y a énormément de réflexions sur la justice, l’égalité et la liberté. Le second tome fut pour moi le meilleur, car on voit peu à peu ce que de belles paroles peuvent faire comme tort. Comment avance doucement la perte des libertés sans même qu’on s’en rende compte tant c’est pernicieux. C’est malheureusement d’actualité dans certains pays actuellement (ça fait écho à ce qui se déroule en Afghanistan par certains aspects, ça fait froid dans le dos).

A partir du second tome, on change de style de narration, basculant entre plusieurs narrateurs. Le changement à lieu à chaque nouveau chapitre et nous permet d’en apprendre beaucoup plus sur certains aspect de la vie à Nouveau Monde (nom de la planète).

Pour ce qui est du troisième opus, il est pour moi moins passionnant car je n’y ait pas retrouvé l’originalité des deux précédents ouvrages. La narration change de voix à chaque chapitre comme dans le second tome, mais ce n’est pas suffisant pour tenir le lecteur. L’histoire devient beaucoup plus classique avec un fond guerrier qui va persister tout au long du roman. C’est dommage d’avoir perdu cette flamme originale et de basculer dans un final beaucoup plus classique… Cela m’a quelque peu laissée sur ma faim car j’attendais quelque chose de bouleversant. A tel point que je n’ai pas su être franchement touchée par certaines scènes car trop prévisibles…


Il fallait bien évidemment que Patrick Ness trouve une conclusion à cette trilogie. Tout ce que je sais, c’est que les deux premiers tomes ne sont que successions d’action de révélations fracassantes. Le troisième tome sert à boucler le tout de façon réussie mais un peu trop convenue et précipitée à mon goût.

Ainsi la trilogie du Chaos en marche est une réussite malgré quelques inégalités de qualité au fil des tomes. Il faut la lire pour découvrir un univers d’une originalité redoutable, une dystopie sombre et cruelle jamais faite auparavant. La série est lisible dès l’âge de 14/15 ans environ et sera tout à fait lisible par des adultes férus de sf et de suspense. D’ailleurs, Gallimard a sorti la trilogie à la fois chez Gallimard Jeunesse/Pôle Fiction et FolioSF, preuve en est que le public pour cette œuvre est large. Belle découverte à vous.