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Chronique ado : Comme un oiseau dans les nuages

Un sublime roman sur la recherche des origines et des secrets au sein d’une famille… Et comment les non-dits peuvent tout faire exploser du jour au lendemain.

Sandrine Kao est une autrice française, ses romans sont publiés chez Syros. Elle est d’origine taïwanaise et a grandit en Seine-Saint-Denis. Elle est à la foois autrice et illustratrice pour la jeunesse. Comme un oiseau dans les nuages est sont dernier roman en date (2022).

Une jeune fille qui cherche d’où vient son mal-être intérieur

Serait-ce le confinement ? Sa rupture avec son petit ami ? La pression qu’elle s’impose pour réussir les concours de piano ? Autre chose ? Anna-Mei a seize ans et semble aller bien en apparence jusqu’à ce qu’elle craque à un moment décisif pour elle, lors d’une prestation déterminante. Elle s’effondre et son entourage ne comprend absolument pas pourquoi, elle qui avait l’air si bien… Mais sa grand-mère sait ce qui ne va pas et compte prendre les choses en main. Elle va lui conter l’histoire plurielle des femmes de sa famille. Les épreuves qu’elles ont traversées et pourquoi Anna-Mei par transparence vit un tel mal-être…

Un roman poignant et passionnant sur la quête des origines

A un moment de notre vie, on a tous envie d’en savoir plus sur notre famille. Nos origines, notre histoire, les traumas et épreuves que nos ancêtres ont pu vivre… L’histoire d’Anna-Mei nous conte quelque chose de déterminant que beaucoup de familles issues de l’immigration ont dû vivre : le trauma inter-générationnel. Il n’est jamais mentionné comme cela dans l’ouvrage, mais pour moi il est clairement question de cela.

Comment dans notre vie à nous, au présent, on revit sans le savoir les traumas de nos ancêtres qui ont connus la faim, la guerre, les déplacements migratoires… Ces épreuves sont si lourdes qu’elles se transmettent sans qu’on le sache consciement au fond de nous et de ce que nous sommes. Je ne connaissais pas du tout ce terme ni le concept et je l’ai découvert quelques mois après celle lecture en discutant avec la personne qui tient le compte Instagram « Être une femme asiatique ». Elle m’a parlé de traumas qui peuvent se transmettre et j’y ai vu une explication claire à ce roman, mais aussi à mon vécu personnel.

Comme un oiseau dans les nuages, c’est avant tout le portrait de femmes fortes qui ont tout supporté et tout vécu. Elles s’en sont sorties par la force de leurs bras, leurs épaules, leur abnégation et leur courage. C’est un beau roman sur tous les silences que certaines familles s’imposent, où l’on ne dit pas tout (j’en sais malheureusement quelque chose). Jusqu’à ce que quelqu’un franchisse le pas et nomme les dysfonctionnements muets qui grippent les rouages.

C’est un roman important qui n’en a peut-être pas l’air au premier abord, mais il est fin et bien construit. C’est ainsi que l’on découvre avec passion plusieurs générations de femmes à travers la Chine de Mao et son « Grand Bond en avant » qui a eu pour conséquence la Grande Famine. L’histoire de Taiwan nous est également expliquée par bribes terrifiantes : l’occupation nippone, le massacre de milliers de Taïwanais, le changement de colonisateur pour un autre… Cela n’est qu’un aperçu de l’histoire de la Chine et de Taïwan. Charge ensuite aux lecteur.ices que nous sommes de faire ensuite des recherche, de creuser, s’intéresser.

J’ai beau me passionner pour l’Asie, je ne connaissais rien du tout de cette partie du continent à cette époque. Et on comprend aisément pourquoi la famille d’Anna-Mei, à l’image de quantité d’autres, a des traumas qui ne s’oublierons pas de sitôt.

Ainsi, Comme un oiseau dans les nuages est un beau texte, mais c’est avant-tout un prétexte pour découvrir et s’intéresser à l’Histoire de l’Asie, tout particulièrement la Chine et Taïwan, dont l’autrice est originaire. C’est passionnant et nous pousse à en apprendre davantage sur notre histoire commune qui n’est pas si lointaine… C’est aussi un très bon livre sur le traumatisme intergénérationnel à destination des adolescents.
Avec la même démarche et une aussi bonne qualité narrative, je vous suggère de découvrir Le trésor de Sunthy (éditions Lucca) qui se déroule au Cambodge. Là aussi, c’est édifiant, passionnant et terrible. Il serait bon que l’on oublie pas trop vite l’histoire proche de ces pays lointains…

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Chronique jeunesse : Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte

Un roman jeunesse touchant et malin qui décortique avec malice les mécanismes de l’écriture…

Annet Huizing est une autrice néerlandaise, Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte fut un succès dans son pays d’origine. L’ouvrage est paru chez Syros en 2016.

Avoir une célèbre romancière pour voisine… et amie

Nous voici dans le quotidien d’une jeune fille prénomée Katinka. Elle vient d’avoir 13 ans, et depuis quelque temps, une idée la taraude… elle aimerait écrire un roman. Mais elle ne sait pas comment s’y prendre n’y même si elle a quelque chose d’assez intéressant à raconter. C’est ainsi que grâce à son amitié avec Lidwine, une célèbre autrice qui vit près de chez elle, la jeune fille va découvrir les ficelles du métier. Car oui, pour être écrivain, il faut certes du talent, mais également beaucoup de travail…

Une ode au partage et à l’entraide

Ce roman est un super moment de lecture à découvrir, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la narratrice, Katinka, va découvrir comme nous lecteur, les ficelles de ce qui fait un roman. Par exemple, avez-vous déjà entendu parler de la phrase « Show, don’t tell » ? Elle résume à elle seule une caractéristique très importante dans un roman : ne pas dire qu’un personnage est triste ou déprimé, mais le montrer par un air abattu ou une voix éteinte par exemple. Laisser une liberté d’interprétation et de ressenti au lecteur sera beaucoup plus fort que si on lui écrit directement : ce personnage est triste.

C’est ainsi que par quantité de petites et grandes astuces, Katinka va se découvrir l’âme d’une écrivaine. Et au final, on va se rendre compte qu’elle a énormément de choses à raconter et à dire… Car au premier abord, malgré la perte de sa maman très jeune, on pourrait croire qu’elle est un personnage assez lisse. Mais elle nous surprend peu à peu par ses réflexions et sa profondeur. Comment accepter une autre femme dans le foyer même si on l’aime ? Pourquoi est-ce si difficile de dire ce que l’on ressent ? Comment ne pas blesser les autres tout en restant honnête avec soi-même ?

Je trouve que ce roman est parfait pour celles et ceux qui ont entre 12 et 15 ans et qui aimeraient écrire. Ce roman regorge de très nombreuses astuces d’écrivain, tout cela mis au service d’une histoire belle, simple et touchante. On comprend aisément pourquoi ce roman a séduit les lecteurs.ices hollandais, il contient tous les ingrédients d’une bonne histoire !

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Chronique Jeunesse : L’enfaon

Une nouvelle de science-fiction destinée à la jeunesse absolument belle et touchante qui ravira les lecteurs par sa justesse et sa beauté…

Dans la série des Humanimaux, je demande… L’enfaon ! L’ouvrage a été écrit par Eric Simard en 2010. Mais depuis cette année où L’enfaon est né, d’autres Humanimaux ont vu le jour : L’emperroquet, L’engourou, L’enbeille, L’encygne, L’enlouve… et d’autres encore !

Mais outre la série des Humanimaux, Eric Simard a écrit nombre de romans pour la jeunesse : La femme qui refusa de se soumettre (Oskar), Roby ne pleure jamais (Syros), Le cycle des destins (Syros), Le souffle de la pierre d’Irlande (Magnard Jeunesse)…

Un enfant pas comme les autres…

L’enfaon vient du CHGM, le Centre des Humains Génétiquement Modifiés. Quand il n’était encore qu’un embryon, l’enfaon s’est vu détectée une maladie très rare. Pour le sauver, ses gènes ont été entremêlés à ceux d’un cerf car la maladie ne les atteint pas. Ainsi est-il devenu avant même de naître un enfaon.

Il a des yeux un peu plus grand que ceux des autres enfants et répond « absent », la tête vers la forêt visible à travers la fenêtre de l’école quand on fait l’appel. Et peu à peu, Leïla, une de ses camarades de classe se sent happée par le charme de l’enfaon…

Une histoire d’amitié et d’amour d’enfance

Lire L’enfaon, c’est découvrir une prose exceptionnelle de douceur. Eric Simard a écrit de très nombreux textes, mais celui-ci a une résonance particulière. Il parle de tant de sujets différents en si peu de pages (et cela avec adresse), qu’on comprend pourquoi il est souvent conseillé ou prescrit par les professeurs. On y parle de la différence, de l’intégration, du harcèlement, de l’amitié, des barrières qui sont parfois posées par les autres à notre place…

L’enfaon a beau être une histoire typée science-fiction, son contenu est absolument universel. L’histoire nous est contée du point de vue de Leïla, qui découvre l’enfaon avec ses yeux d’enfant amoureuse… et cela jusqu’à son âge adulte. Et la conclusion du roman est d’une beauté, d’une poésie, infinie !

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En conclusion, L’enfaon est un véritable petit chef-d’œuvre dans son genre. En seulement quarante-deux pages, on découvre une vie, un univers totalement nouveau, à la fois très normal et très différent du notre. Les manipulations y on cours, mais le monde de l’école ressemble à celui que nous avons connu dans notre enfance… Un beau mélange entre anticipation et normalité pour nous aider à réfléchir sur de très nombreux thèmes qui font notre quotidien.