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Chronique : Hikikomori

Un roman américain beau et triste à la fois, sur un phénomène typiquement japonais : Hikikomori. Ce terme désigne des individus ayant décidé de s’isoler du monde pendant des mois, voir des années.

Jeff Backhauss est un auteur d’origine américaine. Avant d’écrire, il a été directeur artistique et pilote professionnel. Il a également vécu et travaillé en Corée. Hikikomori est sont tout premier roman. Il est paru en poche chez Milady en septembre 2016.

Un homme isolé volontairement depuis trois ans…

Suite à un drame, Thomas Tessler s’est isolé quelques heures dans une pièce, puis les heures se sont transformées en jours, en mois, puis en années… Sa femme ne l’a plus vu depuis 3 ans, une simple porte les sépare, et pourtant, impossible d’en franchir le seuil. Thomas est un hikikomori, un individu qui s’est volontairement coupé du monde. Ce phénomène est typiquement japonais et concerne un million de personne là-bas.

Mais Thomas est américain, et personne ici ne semble savoir comment le faire sortir de sa terrible léthargie… alors, peut-être qu’une personne japonaise saurait, elle ? C’est ce que se dit Silke, sa femme, qui voit en Megumi le dernier recours pour sauver Thomas et leur couple… D’autant que la jeune japonaise a un passé qui pourrait l’aider à « guérir » Thomas, car elle a déjà l’expérience des hikikomori…

Un roman touchant, beau et extrêmement original

De par son thème et la façon dont il est traité, Hikikomori est un roman social difficile à classer, mais délectable à découvrir ! Pour les curieux qui souhaitent approfondir leurs connaissances de la culture nippone, pour ceux également qui aiment les belles histoires au goût doux-amer, c’est un roman parfait.

Je ne saurais dire exactement pourquoi, mais Hikikomori est un roman qui a réussit à me toucher. L’histoire de cet homme qui s’est isolé à l’extrême pour s’éloigner de la douleur,  quitte à mettre en péril son couple a su me parler. Le fait également que chaque page est un écho au Japon et à ses codes a également aidé à m’attacher encore plus à cette histoire.

Le relationnel qui se créée entre Thomas et Megumi dans les silences, entre cette porte close, tout est magnifiquement retranscrit. Ce rapport si étrange et difficile à expliquer qui pourrait paraître malsain en toute autre situation passe ici à cause de cette situation exceptionnelle. Ce paradoxe entre culture nippone et culture américaine également est fascinant, l’auteur a su traiter cela avec art, le tout restant intimiste et captivant.

Ainsi, le thème principal de ce roman a beau être la perte de l’être cher, le deuil, on a un sentiment qui devient de plus en plus lumineux et positif au fil des pages. On arrive tout comme Thomas à s’extraire de ce sentiment d’enfermement… Mais la route est longue, et nous n’assistons qu’aux prémisses d’un changement qui sera assez long au final.

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Mais quelle beauté, pour ce roman ! Lisez Hikikomori si vous rechercher une histoire autre, différente. Délicat, beau, fragile et mémorable, voici les adjectifs à retenir pour cet ouvrage si particulier. Et un nom également est à retenir, celui de Jeff Backhaus, dont c’est pour le moment le seul ouvrage paru en France, mais qu’il faudra surveiller de près…

Chronique : [Kokoro]

kokoroUn livre différent à lire, à appréhender et à apprécier qui nous conte l’histoire d’une famille à travers des mots simples du quotidien… au Japon.

Delphine Roux est une auteur française dont l’univers est fortement lié au pays du Soleil Levant, comme le montrent ses ouvrages : Les petits sentiers d’Obaasan ou encore Bonne nuit, Tsuki san !. [Kokoro] est son tout premier roman.

[kemuri, fumée]

Voici l’histoire courte mais touchante d’un frère et d’une sœur : Koichi et Seki. Traumatisés par la disparition de leurs parents lors d’un incendie, chacun a depuis fait sa vie avec plus ou moins de réussite. Mais cela n’efface en rien la blessure qu’ils portent au fond d’eux… Cela peut-il changer ? Et si oui, comment s’émanciper de cette douleur continuelle qui donne l’impression de subir sa vie plutôt que de la vivre ?

[monogatari, histoire]

Triste, belle et étrange, [Kokoro] est une histoire qui prend son sens après l’avoir entièrement terminé, et en y repensant par la suite. Chaque chapitre (qui fait moins d’une page à chaque fois) est présenté par un mot japonais, accompagné de sa traduction. Ces mots sont ancrés dans le quotidien, nous montrent les choses simples de la vie et leur possible complexité pour les protagistes terrassés par la douleur.

Koichi n’a jamais vraiment fait son deuil, tandis que Seki, elle, semble vivre vite sa vie pour oublier son passé…

L’extrême brièveté des chapitres aide à s’imprégner de chaque mot présenté. Comme si on se devait de penser à son importance quotidienne. Qu’il s’agisse du vent (kaze), d’une fenêtre (mado), de maquillage (kesyou), tout est pensé, réfléchi.

Au début de la lecture, on pense découvrir un ensemble décousu de définitions, mais peu à peu, le tout se relie pour former une mélancolique et belle histoire.

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A conseiller à ceux qui aiment déjà le Japon, ses effluves, et son esprit. Ce court roman étant loin d’être conventionnel, certains resterons sur leur faim, mais ceux qui sont habitué à cet « esprit japonais » sauront que la fin d’une histoire au Japon n’en est pas vraiment une…

Quoi qu’il en soit, si vous êtes à la recherche d’un beau et doux récit, [Kokoro] pourrait bien faire flancher votre cœur à sa lecture. Petit conseil : ne le lisez pas d’une traite. Savourez plutôt quelques pages par jour, pas plus, sous peine de ne pas saisir toute sa poésie, et sa douce magnificence…

Seule petite remarque, je trouve l’ouvrage un peu cher pour ses 115 pages : il est à 12,50€.

AUTEUR :
TRANCHE d´ÂGE :