Archives du mot-clé prostitution

Chronique : Kabukicho

Découvrez un Tokyo sombre et sulfureux à travers un roman noir finement écrit… coup de cœur à l’horizon !

Peut-être connaissez-vous déjà l’auteure française Dominique Sylvain ? Personnellement, au travers de la lecture de Kabukicho, c’était une première… Mais une chose est certaine, je vais y revenir car j’ai adoré !

Dominique Sylvain, auteure française, spécialisée dans les polars, s’est taillé un nom dans son domaine. Parmi les titres issus de sa plume on peut citer : L’archange du chaos, Passage du désir, Baka !, La fille du samouraï… et une quantité d’autres. En ce qui concerne Kabukicho, l’ouvrage est paru en octobre 2016 aux éditions Viviane Hamy, et c’est une franche réussite. Explications.

Bienvenue dans le quartier chaud de Tokyo

Kabukicho : LE quartier des plaisirs au sein de la capitale nippone. C’est également le lieu de travail de Kate, hôtesse dans un bar, et de son amie Marie. Mais dans ce bar à hôtesse, point de tractations d’ordre sexuel, les hôtesses sont là pour discuter uniquement. Permettre à des hommes de se détendre et d’exister au travers de conversations, voilà leur unique but.

Mais lorsque Kate disparaît en laissant un étrange sms, on est en droit de se poser la question : n’est-ce pas lié à son travail ? Elle qui œuvrait dans le quartier le plus chaud de Tokyo, s’était-elle fait des ennemis ? Ou est-ce autre chose ?

Un polar mené tambour battant qui nous fait plonger dans les mœurs étranges du Japon

Au travers de la lecture de Kabukicho, c’est non seulement un roman génial que vous découvrirez, mais également une auteure de talent.

En effet, la disparition de Kate a beau être l’élément central de l’intrigue, il y a une foule d’autres éléments qui gravitent autour. On découvre un autre pan de la culture japonaise, une partie que même en étant fasciné par ce pays, on ne connaît pas nécessairement. Tout est codifié au Japon, et le quartier des plaisirs qu’est Kabukicho n’y échappe pas.

Vous découvrirez comment fonctionnent ces fameux bars à hôtesses, mais également l’importance que les yakuzas ont dans ce genre de quartier. Ce secteur empli de sexe sous toutes ses formes à travers les néons fluorescents est aussi un lieu pour tromper la solitude pour beaucoup de japonais… C’est d’une triste poésie.

C’est ainsi que l’on découvre le Club Gaïa, où officie Marie, amoureuse du Japon depuis de nombreuses années. Son amie, et colocataire Kate y travaille également… c’est ainsi que leur amitié s’est développée. Alors quand Kate disparaît et ne se présente pas au travail, l’inquiétude monte.

L’enquête débute ainsi. Au travers du regard de Marie sa colocataire, du policier japonais qui mène l’investigation, et du meilleur ami masculin de Kate (un japonais également) qui travaille comme hôte également, dans un autre bar.

La psychologie des personnages est finement menée. On les suit chacun avec intérêt, car ils ont tous leurs petits secrets inavouables et leurs problèmes (pour certains très lourds). Dans Kabukicho, il n’y a aucun temps mort. Chaque personnage apporte sa pierre à l’édifice qu’est l’intrigue surprenante de ce roman. On est captivé, fasciné, et jamais blasé. Tout s’enchaîne efficacement, et au fil des pages, une idée germe, un malaise s’installe… mais chut !

……

Je ne vous gâcherais pas l’intrigue, mais faites-moi confiance, Kabukicho est un excellent roman. On y découvre un Japon sombre, méconnu et hypnotique. Les personnages sont peu nombreux mais tous bien campés, très réalistes. Et surtout, l’intrigue est magnifiquement menée, même après le fameux point de bascule où on entrevoit les possibilités qui s’ouvrent à nous. C’est délectable et un peu inquiétant. Juste parfait en somme. A découvrir sans modération !

Chronique : Love & Pop

Love & PopQuand les adolescentes japonaises sont prêtes à tout pour obtenir des produits de luxe…

Love and Pop, c’est avant tout le roman d’un phénomène malheureux et particulier au Japon : Enjo kōsai. Il s’agit de rendez-vous que les jeunes japonaises (lycéennes en général) acceptent avec des hommes beaucoup plus âgés qu’elles contre rémunération. Cela peut aller du rendez-vous simple à… de la prostitution pure. Le but final de ces entrevues est pour les jeunes filles de se procurer des produits de luxe : Chanel, Vuiton, Prada…

L’auteur de Love and Pop est Ryū Murakami ; il est également réalisateur et scénariste. Ses ouvrages les plus connus sont Bleu presque transparent, Les Bébés de la consigne automatique ou encore Miso Soup.

Une bague si belle qu’on est prête à tout pour l’obtenir…

Le quotidien d’Hiromi est composé de son petit ami, des ses amies et de shopping. Mais le jour où elle découvre dans une bijouterie une magnifique bague en topaze, Hiromi sait qu’il la lui faut. Vite. Dès que possible avant de voir l’envie s’estomper.

Alors que ses amies sont de grandes habituées des rendez-vous arrangés, Hiromi décide d’en accepter quelques-uns afin de se procurer au plus vite la fameuse bague… Mais il semblerait qu’elle soit prête à bien plus que ce que ses amies on l’habitude de faire. Là où elles acceptent des cafés ou des karaokés avec des inconnus, Hiromi semble prête a accepter à peu près n’importe quoi et n’importe où…

Un phénomène de société à l’échelle d’une génération

Le personnage d’Hiromi et de ses amies font partie de ce que l’on appelle communément au Japon la génération perdue (rosu gene). Cette tranche d’âge de la société nippone a été nommée ainsi pour les années 1990-2000 environ et correspond à une réelle perte de repères pour certains futurs adultes : fugues, prostitution…

Ainsi découvrons-nous une sorte de Japon caché aux yeux des occidentaux, mais également inconnu pour les japonais qui ne trempent pas directement dans ces tractations louches avec de jeunes lycéennes. Ryû Murakami, l’auteur, a d’ailleurs rencontré certaines de ces jeunes filles pour être le plus réaliste possible dans son roman. Il a pu écouter des messages laissés par des lycéennes sur des téléphones-club (ou telekura) et a parcouru des love-hôtels pour être au plus près de la réalité.

L’écriture de ce roman peut paraître très déstabilisante au premier abord, Ryû Murakami ayant pris le parti d’en faire un texte très bruyant. Je m’explique, tous les bruits qui entourent ses personnages, que ce soit des publicités, quelques dialogues, des parles de chansons, tout est imbriqué dans le texte. Il n’y a pas de distinction en italique ou de saut de ligne. C’est mis tel quel, et c’est assez déstabilisant au départ. Mais l’ambiance ainsi créée est à nulle autre pareille : nous sommes dans un Tokyo bruyant et fourmillant et lumineux.

 …..

Ainsi, Love and Pop est un récit qui pourra paraître étrange et perturbant pour certains, surtout au début. Mais ce type de narration sert très bien le texte. C’est avec curiosité et crainte que l’on suit le parcours d’Hiromi, cette jeune lycéenne qui souhaite pouvoir s’acheter ce qu’elle veut, quel qu’en soit le prix.

Un portrait en demi-teinte d’un Japon pas aussi parfait que ce que l’on peut croire en occident. Le pays du Soleil Levant a lui aussi ses problèmes de sociétés… et ils sont inquiétants. Une lecture aussi déroutante que fascinante !

Chronique : Bienvenue

BienvenueL’un des meilleurs romans coréens que j’ai lu. Poignant et terrible, triste et empli de persévérance…

Bienvenue est un roman de Kim Yi-seol, une jeune auteure coréenne dont c’est le premier ouvrage à paraître en France. Son métier d’écrivain a pu débuter grâce à l’obtention en 2006 du prix Sinchunmunye pour sa nouvelle nommée Treize ans. En Corée, une voie toute tracée vous est destinée dès lors que vous avez publié une nouvelle et qu’elle est primée, c’est ce qui est ainsi advenu pour Kim Yi-seol.

Même si nous la découvrons pour la première fois en France, Bienvenue est le premier roman de cette auteur, il est paru en 2013 aux éditions Philippe Picquier.

Une vie ingrate, un quotidien de labeur, mais quelques perspectives d’avenir, un jour… peut-être

Bienvenue… dans le quotidien de Yunyeong, une jeune femme à la persévérance sans limites, à la motivation sans failles. Elle est prête à tout pour décrocher une vie meilleure, et si cela passe par le pire, elle est prête.

Elle trime plus de douze heures par jour dans un restaurant nommé Le Jardin des Jujubiers pour un salaire de misère… Mais son but n’est pas de travailler pour toujours dans ce restaurant qui ne sert pas que des plats. Il est nécessaire et impératif que ses serveuses donnent de leur personne… et puis, ça leur permet d’arrondir les fins de mois.

Non, le but de Yunyeong, c’est de permettre à son compagnon de poursuivre ses études en toute quiétude. Si elle s’échine autant à ramener de l’argent à la maison, c’est pour leur avenir. Il lui faut juste réussir son concours, et s’occuper depuis peu de leur fille, pour qui elle est prête à tous les sacrifices. Après, leur avenir sera forcément meilleur…

Une vie emplie de beaucoup de tristesse et de petites joies

Le quotidien de Yunyeong est aussi saisissant que terrible. Elle travaille tant, qu’elle ne voit jamais sa fille et son compagnon pour qui elle s’échine. Mais ça, c’est presque la partie positive de l’histoire… En effet, sa famille semble continuellement la tirer vers le fond, en particulier sa sœur qui lui « emprunte » sans cesse de l’argent… et si il n’y avait que cela…

L’éditeur nous présente ce roman comme la réalité quotidienne de toute une strate sociale de la Corée. La brutalité que subissent continuellement là-bas certaines femmes est très difficile à lire, et pourtant… on se laisse happer par ce roman extrêmement réaliste et terrible.

Le restaurant/maison de passe, les horaires de travail qui vous achèvent de fatigue, les hommes qui se fichent qu’une femme vient d’avorter et veulent juste avoir leur prestation avec la serveuse qu’ils ont choisie. Les brimades, la concurrence entre les serveuses/prostituées, le chemin pour rentrer de ce terrible travail… Voici un petit aperçu du quotidien de la jeune Yunyeong. En lisant ses lignes, on l’admire, on la plaint, on craint pour son avenir…

« Dans le pavillon, les choses s’étaient mal passées avec mon client. J’avais voulu manger un peu de soupe de poulet en lui expliquant que je n’avais pas encore déjeuné. J’avais trop faim pour écarter les cuisses, lui avais-je dit. Ce qui l’avait mit en colère. Il avait exigé d’être remboursé. Il avait au moins cinq ou six ans de moins que moi ».

Malgré la dureté continuelle du récit et ses nombreuses scènes crues et dénuées de morale, il est impossible de détourner le regard. On veut savoir ce qui arrive à Yunyeong, quel sera son avenir qu’elle forge à la sueur de son front, mais également de ses cuisses…

 ….

Ce roman n’est pas à réserver aux âmes sensibles, mais je le trouve nécessaire pour comprendre un peu mieux ce pays si mystérieux qu’est la Corée pour nous, occidentaux. Il est captivant par de nombreux aspects. Yunyeong est pour moi une héroïne qui s’ignore, mais également un magnifique portrait de femme qui lutte, envers et contre tout.

Ce livre est une pépite, il se dévore et on y repense parfois en espérant que ce roman n’est que cela, et non pas un portrait d’une partie de la société coréenne, et pourtant… A lire absolument.

Espérons ainsi que d’autres romans de Kim Yi-seol verrons le jour en France !