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Chronique : C’est comme ça que je disparais

Une bande-dessinée très touchante et réussie sur le sujet de la dépression et du mal-être.

Mirion Malle est une autrice et bédéiste française installée au Canada. Cela se voit dans son travail puisqu’elle utilise les termes et habitudes québécois dans les dialogues entre ses personnages.
C’est comme ça que je disparais est une bande-dessinée parue en 2020, son titre est tiré d’une chanson du groupe My Chemical Romance : This Is How I Disapear.

Un passage à vide qui dure, est-ce encore un passage à vide

Clara est une jeune femme québécoise qui a une vie tout à fait normale bien qu’un peu fade. En réalité si on souhaite être honnête ce n’est pas sa vie qui est fade, mais ce qu’elle ressent. Clara n’arrive pas à aller bien, même quand elle est entourée d’amis et de gens qu’elle aime. Ce sentiment de mal-être la poursuit tout le temps, à chaque minute, chaque instant de sa vie qu’elle juge insignifiante. Et si elle disparaissait ? Manquerai-t-elle vraiment à quelqu’un ?
Dans ces moments de dépression intenses, rien ne semble pouvoir sauver Clara à moins qu’elle réussisse à surmonter son mal-être pour le partager avec ses proches…

Un ouvrage touchant et perturbant car criant de vérité

« Un mauvais rêve.
Pour celui qui se trouve sous la cloche de verre,
vide et figé comme un bébé mort,
le monde lui-même n’est qu’un mauvais rêve.
Un mauvais rêve.
Je me souvenais de tout. »

Cet extrait de La cloche de détresse de Sylvia Plath, une poétesse connue en partie pour s’être suicidée en mettant sa tête dans le four de sa gazinière, donne immédiatement le ton.

Si vous n’allez pas bien en ce moment, cette bd peut à la fois vous montrer le pire de ce qu’on vit lors d’une dépression, mais également quelques pistes pour s’en sortir. Clairement, cette bd n’est pas très positive, et son héroïne Clara traverse tout au long de l’ouvrage des moments difficiles. Ce sont de véritables montagnes russes émotionnelles que cette lecture, alors accrochez-vous car il faut vraiment être en empathie avec Clara.
Celleux qui ont déjà traversé une dépression reconnaîtrons nombre de mécanismes : perte d’énergie, de motivation, batterie sociale à plat, goût de rien… Je trouve que cette bd peut alerter ou faire office de prévention pour mieux comprendre comment fonctionne ce mal-être si particulier. C’est dur, mais nécessaire.

Ainsi, cette bd est touchante bien qu’assez difficile à lire car forte en émotions, surtout si l’on a traversé une dépression ou si l’on est en plein dedans. Mais c’est aussi très parlant et réaliste et donc tout à fait à propos, y compris si l’on est dans l’entourage d’une personne dépressive.

Sans être un ouvrage de prévention, cette bd pourra être utile de bien des manières à celles et ceux qui la lirons. Dans le même genre, je vous conseille également le roman graphique Ça va aller paru chez Hachette. Plus explicatif et didactique, non dénué d’humour et tout aussi efficace sur le sujet pour aider à rebondir et comprendre.

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Chronique : Sérotonine

Le nouveau Houellebecq est arrivé ! Pour les fans, c’est l’occasion de s’extasier sur son écriture et son style provocateur… pour d’autres, c’est un peu le désenchantement.

On ne présente plus Michel Houellebecq, auteur français qui a chaque nouveau livre créé l’événement dans les médias et l’affolement (merci à lui) dans les librairies. On se souvient tous de la sortie de Soumission et l’énorme polémique qui a suivi, car paru quasiment en même temps que le drame de Charlie Hebdo.

Houellebecq est effectivement un auteur qui provoque, mais qui questionne aussi. En tout cas, une chose est certaine, il ne laisse personne indifférent.

Un antihéros dépressif pour narrateur  

Si vous respirez la joie de vivre, Sérotonine devrait vous calmer pour un moment. On y suit un homme âgé d’environ une cinquantaine d’années, ingénieur agronome de son état, il fait le point sur sa vie. Il a toujours vécu dans l’opulence, gagnait un salaire confortable, vivait dans un très grand appartement tout près de la Motte Picquet Grenelle et donc de la Tour Eiffel. Il a vécu pendant des années avec une femme d’origine japonaise, Yuzu. Ils se sont quittés depuis peu, c’est ainsi que le narrateur fait le point sur sa vie, ses amours ratés, ses nombreuses conquêtes.

Il décide de refaire un dernier tour de ses femmes qui ont croisé son chemin, et pour certaines, la route de son cœur… Et pour aller mieux (ou moins bien, c’est selon), il prend un antidépresseur : le Captorix.

Et comme notre narrateur est en grande dépression, le tout respire à fond la joie de vivre.

Un roman certes, très bien écrit, mais dont le contenu est aussi déprimant que dérangeant

Quand on est un lecteur passionné, on est curieux. J’ai donc voulu tenter de lire pour la première fois un roman de Houellebecq. J’avais eu tellement d’échos différents depuis de nombreuses années qu’il était pour moi important de tester, de me forger ma propre opinion.

Ainsi, je trouve que Michel Houellebecq est un auteur intéressant, mais qu’il n’est pas fait pour moi. Son écriture est en effet faite de fulgurances intéressantes, il écrit bien, certes. Mais ça ne suffit pas, pour moi l’écriture ne doit pas remplacer l’histoire. Et d’histoire ici, il n’y en a guère. On passe d’amantes en amours perdus du narrateur (qui ressemble beaucoup à Houellebecq dans sa vision du monde, entre auteur et narrateur la ligne est très finie !).

Ce qui m’a vraiment déplu, ce n’est pas cette introspection et cette quête de soi, que j’ai trouvée intéressante, mais certaines, pour le moins choquante. Pêle-mêle, vous trouverez : de la zoophilie, des partouzes, de la pédophilie très suggérée, et les mots bite et chattes qui reviennent beaucoup trop souvent. Alors si le génie de l’écriture c’est ça, je passe mon chemin…

Seule chose réellement intéressante et touchante, Houellebecq a extrêmement bien parlé d’une chose : le malaise de nos agriculteurs.rices français.es. Leurs difficultés croissantes pour s’en sortir, leur envie d’en finir pour ne plus avoir à payer les traites, les taxes, les impôts. La pression des grands distributeurs pour brader leurs produits, bradant au passage leur qualité de vie ou leur vie tout court pour les cas les plus difficiles.

Il a su pressentir le mouvement qu’allait être celui des Gillets Jaunes. Cette scène où les agriculteurs commencent à bloquer des routes et des pompes à essence pour manifester leur raz le bol général face aux coups durs. Pour cela en effet, il est doué. Il sait capter l’essence de notre société pour anticiper certaines de ses réactions, et ça ce n’est pas donné à tout le monde.

Pour ceux qui s’interrogent sur ce qu’est la sérotonine, il s’agit d’un neurotransmetteur. Il semblerait qu’elle soit un facteur qui entre en jeu dans la dépression. Tout dépend de la quantité présente, mais elle influe directement sur notre état d’esprit, tout comme la dopamine.

Ainsi, Sérotonine est un roman intéressant, mais trop provocateur à mon goût. On appréciera toutefois l’analyse de l’auteur sur notre société française, notamment sur sa force agricole. Notre agriculture est une force… et nous sommes en train de la tuer à petit feu. Dommage qu’il y ait trop de digressions amoureuses, de déprime ambiante, et de scènes malsaines. En tout cas, l’expérience n’était pas inintéressante.

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Chronique : Hell

Hell« En digne héritière de générations de femmes du monde, je passe plus de temps à me laquer les ongles, à me dorer la pilule au Comptoir du soleil, à rester le cul sur un fauteuil et la tête dans les mains d’Alexandre Zouari, à lécher les vitrines de la rue Faubourg-Saint-Honoré, que vous à travailler pour subvenir à vos petits besoins. »

Lolita Pille est une auteur française à la plume totalement désabusée. Elle n’a écrit que trois romans en 10 ans, le dernier – Crépuscule ville – datant de 2010, mais chacune de ses sorties est un petit événement dans la sphère littéraire. Avec Hell, son premier roman, Lolita Pille a mis un grand pavé dans la mare en décrivant la jeunesse dorée parisienne dans sa plus complète perdition… zoom sur une œuvre dérangeante qui fascine énormément.

Violence désabusée d’une fille des beaux quartiers

Hell (ou plutôt Ella) possède tout. Tout ce qui lui plait. Où elle veut et quand elle veut. Elle a d’ailleurs tellement, qu’elle n’a pas la notion d’argent, sauf pour nous dire à nous lecteurs que nous n’arriverons jamais au niveau du dessous de ses chaussures griffées.

A peine 17 printemps, elle connaît déjà tout de la vie et de sa laideur, peut-être même plus que nous, gens du commun. Est-ce pour cela qu’elle a une attitude si désinvolte en ce qui concerne sa santé et son bien-être ? Pour elle, rien ne vaut vraiment la peine que l’on s’y attarde : antipathique, hautaine, détestable… Hell réunit les pires adjectifs possibles.

Alors quand Hell rencontre Andrea, un adolescent aussi malade de la vie qu’elle, c’est le parfait coup de foudre. Mais vivre dans le bonheur n’est pas pour eux : ils ne savent pas faire simple, et vont donc se pourrir mutuellement la vie, et l’âme car ils ne connaissent que ça.

Un récit autodestructeur qui attriste et obsède

Dès les premières lignes, on ne ressent que de la haine pour Hell. Et pourtant, au fil du récit on se rend compte qu’il se peut qu’elle fasse au final preuve de plus d’humanité que bien du monde parmi ceux qui l’entourent. Issue de la jeunesse dorée, elle est libre d’aller où bon lui semble mais ce sent emprisonnée dans son rôle de jeune fille riche. Hell aura tout fait : consommation de drogue, coucheries sans lendemain… mais rien ne la rend heureuse.

Ce récit mérite le détour pour plusieurs raisons : avant tout pour sa narration violente et mémorable. On se sent exclu de cet univers du Tout-Paris mais avons toutefois envie d’en comprendre les arcanes. Ce paradoxe où le lecteur se sent exclu et où pourtant il est initié est intéressant. Une fois la découverte passée, c’est surtout de la tristesse et de la lassitude que nous ressentons pour Hell… allons-nous pouvoir la suivre dans ses nombreux déboires ? Sa romance avec Andrea sera-t-elle une rédemption sur le long terme ?

La seconde raison pour laquelle Hell mérite d’être lu est pour son univers. Lolita Pill a écrit un roman percutant et très autobiographique. Ces lieux dont elle parle (le Queen, le Cabaret et autres boîtes branchées), elle les a connus, cette désillusion aussi. C’est certainement pour cela qu’il y a autant de réalisme et caractère dans ce court récit. …..

….

Alors est-ce un coup de cœur ? Oui. Mais pas parce que l’histoire est prenante ou exerce une fascination morbide. C’est avant tout car Hell est emprunte des paradoxes qui la rendent intéressante. Les chemins tortueux sont ses favoris, et on la suit avec crainte et curiosité. Hell est une fille bien plus cultivée que ce qu’elle laisse croire… à vous d’écarter les nombreux préjugés dont elle s’habille. Pour tous ceux qui aiment les récits coup de poing qui misent sur l’hyperréalisme.

Chronique : Les Morues

Les Morues

Publié au Diable Vauvert pour la rentrée littéraire 2011 et premier roman de l’écrivain Titiou Lecoq, Les Morues nous raconte la vie d’Emma et de sa bande de copines. Réflexions et introspections sont de rigueur pour ces dernières, chacune étant à une étape importante de sa vie.

Un roman incisif qui nous dépeint la société parisienne avec son lot de joies et de déprimes…

Une histoire de vies entrecroisée qui rassure et fait du bien

Lire les Morues, c’est se plonger dans la vie quotidienne des autres (avec un peu de voyeurisme) tout en ressentant les similitudes avec la notre et ce pour le meilleur comme pour le pire.

Tout commence par un suicide, celui de Charlotte, la meilleure amie d’Emma durant leur adolescence. Dans le cercle de proches de la disparue, c’est l’incompréhension et chacun y va de sa théorie.

Heureusement, Emma a un lieu de prédilection où partager ses interrogations : le bar où se réunissent les Morues. Ce groupe d’amies qui se réunit dans un petit bar tenu par l’une d’elles, chacune y va de ses problèmes existentiels. Féministes, parfois très libérées, les Morues forment un club très ouvert et vont même y intégrer… un homme : Fred.

Les réunions des Morues vont devenir à la fois réflexions sur le futur de chacun, enquête dans les strates du pouvoir et réflexions (parfois noires) sur la vie tout court : le suicide de Charlotte va chambouler nombre de vies, y compris celles de personnes qui ne l’ont jamais connue…

Un très bon premier roman 

Titiou Lecoq fait fort avec ce premier roman, même si on peut ne pas être forcément d’accord avec sa façon de penser la psychologie de certains des personnages. Ils ont parfois des façons d’être qui ne sont pas totalement crédibles selon moi.

Hormis ce bémol, le roman est très appréciable. Ça se lit vite et très bien, un peu trop même. L’intrigue démarre au quart de tour, les personnages sont attachants et singuliers, et surtout l’écriture est percutante. On ne peut s’empêcher de savourer de nombreuses répliques cultes tantôt hilarantes tantôt d’une profonde mélancolie.

Le grand intérêt des Morues est qu’il cerne de façon très synthétique les problématiques de la génération qui fait les trentenaires d’aujourd’hui (la fameuse génération X). Et nous pousse nous lecteurs à nous regarder comme les personnages se regardent…

A la fois roman très noir et mélancolique, ce roman n’est pas dénué de vie et d’humour (parfois retord).

Pour conclure, Les Morues est un bon roman comme on les aime, qui se dévore d’une traite ou presque. Idéal pour s’essayer à une forme d’écriture moderne (notre auteur est aussi bloggeuse : http://www.girlsandgeeks.com) et efficace. Attention à ne pas le lire trop vite, car Titiou Lecoq n’a encore qu’un seul ouvrage à son actif… et on attend un prochain ouvrage avec curiosité et impatience.

Et bientôt, les Morues sera adapté au cinéma, ses droits ayant étés vendus à ARP Selection, l’adaptation et la réalisation seront signés Sylvie Testud.

7/10

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