

Un roman à l’idée détonante et originale : et si les personnes qui n’avaient plus envie de vivre en contaminaient d’autres ?
Les fragiles est un roman français paru lors de la Rentrée d’hiver 2021 aux éditions du Masque. Il nous propose une version futuriste et dérangeante de notre société.
Soyez heureux, c’est un ordre
Depuis que les Fragiles ont été repérés par notre société, ils sont devenus dangereux aux yeux de tous. Ces personnes sont tout à fait normales, comme vous et moi sauf que… les idées noires, le ressassement du malheur sont leur quotidien. Certains passent à l’acte et se libèrent de leur maux par le suicide. D’autres, des milliers, sont en balotage : ni vivants, ni morts, ils souffrent d’être en vie mais ne réussissent pas non plus à disparaître de ce monde. Mais ils font très peur à la société : il semblerait en effet que les Fragiles soient contagieux.
C’est le cas de Jérémiade (oui, c’est bien son prénom), c’est une Fragile mais elle fait au mieux pour le cacher à tout le monde. Difficile de sourire tout le temps quand on a une épée de Damoclès sur le dos, mais elle donne le change. Elle sait que si elle est repérée, elle finira dans une des centaines maisons pour Fragiles du pays… Et une fois entrée dans ce genre d’institut on en ressort jamais. Alors il faut pour Jérémiade afficher son bonheur présumé coûte que coûte.
Une idée originale mais pas suffisante pour nous transporter
J’avoue avoir trouvé l’idée de base du roman extrêmement intéressante. Rendre les idées suicidaires et la dépréssion contagieuses à l’échelle d’un pays, c’est très malin. Mais malheureusement, passée le premier tiers du roman, le texte s’enlise…
Jérémiade est un personnage extrêmement difficile à cerner et à aimer. Normal, c’est une Fragile et elle est dans un cercle de souffrance permanent. Mais je n’ai pas réussi à avoir le moindre affect pour elle ou pour ses nombreux déboires. De même, les autres personnages qui gravitent autour d’elle : ils sont soit égoistes, soit détestables, soit communs. Rien qui ne bousculera le lecteur.
C’est tellement dommage d’avoir une si brillante idée mais de ne pas transformer l’essai avec une intrigue digne de ce nom ! J’ai cependant beaucoup aimé ce que l’autrice a fait à l’échelle de la société qu’elle a créé. L’invective au bonheur est si forte, qu’il devient dangereux d’être juste normal. Il faut sourire, forcer sur les traits, éxagérer le moindre petit événnement pour le transformer en source de bonheur. Clairement, c’est flippant.
Mais on reste pour moi trop sur la petite échelle avec la vie fantomatique de Jérémiade et ses mornes malheurs. Je n’ai pas réussi à m’inquiéter pour elle dans son malheur. Et surtout, j’ai été quelque peu perdue avec cette fin (je ne développe pas plus, à vous de vous faire votre propre avis) lointaine qui n’aide en rien à l’intrigue. Pourquoi avoir fait cela ?
Peut-être suis-je passée à côté de ce texte, en tout cas il ne m’a pas émue ni touchée. Et pourtant, ça partait si bien… dommage.