Un roman coréen étrange, mystique et particulier à la frontière des genres.
Han Kang est une auteur sud coréenne. Très peu connue en France, elle a cependant quatre romans déjà parus chez nous : Celui qui revient (au Serpent à plumes), Pars, le vent se lève (chez DeCrescenzo).
Il y a quelques moi de cela, Han Kang a remporté le Man Booker Prize 2016 pour La Végétarienne. Il s’agit d’un des prix littéraire les plus prestigieux au niveau international, il récompense un roman et non pas un œuvre dans son ensemble.
Une étrange lubie se transformant en obsession puis en… autre chose
Yǒnghye est une femme étrange. En pleine nuit, elle se réveillera et videra son réfrigérateur de toute la viande qu’il contient. Plus jamais la jeune femme ne mangera de viande, mais plus encore, son obsession pour le végétal va mettre en péril son mariage, le bien-être de sa famille et même son intégrité. Jusqu’où Yǒnghye est-elle prête à aller pour atteindre son besoin d’absolu et de végétal ?
Un roman en trois parties très différentes et pourtant très complémentaires
La Végétarienne se découpe en trois chapitres que l’on peut assimiler à de longues nouvelles. Chacune des trois parties peut presque se lire indépendamment. Chacune a un thème un sens particulier, plus ou moins évident, c’est selon.
La plus belle de ces trois parties est selon moi la seconde. Elle est d’une telle poésie, d’un tel onirisme qu’elle en devient hypnotique, fascinante, belle… Elle a un goût d’interdit très profond. Totalement subversive et unique, c’est aussi la plus poignante partie du roman.
Voir cette femme accepter les demandes de plus en plus étranges de son beau-frère car il lui permet d’atteindre une beauté éphémère organique est incroyable. On monte en étrangeté, en bizarreries, mais également en splendeur…
Cette seconde partie est tout simplement percutante. Elle ne mettra pas nécessairement à l’aise le lecteur, et pourtant… On comprend presque le besoin vital qu’a Yǒnghye de faire ce qu’elle fait. De même, peu à peu, les motivations malsaines de son beau-frère sont si bien exprimées par Han Kang que l’on épouse sans mal son étrange point de vue.
La troisième partie est quant à elle la plus difficile, et cela sur plusieurs niveaux : que ce soit la compréhension du texte, mais aussi sa dureté, l’immersion est très difficile… On se retrouve dans un asile de fous en assistant à la lente déchéance de l’un des personnages. C’est très dur, et la fin nous laisse un sentiment d’inachevé et de déchéance terrible.
J’avoue ne pas avoir vraiment compris le but final de Han Kang au travers de La Végétarienne, mais cela ne m’a pas empêchée de l’apprécier. On retrouve dans ce roman quelques éléments typiques de la littérature coréenne : une poésie mâtinée de sordide, une beauté cachée où on l’attend le moins. …..
Etrange et beau à la fois, La Végétarienne est un roman dur, impossible à nier. Mais c’est également un texte magique qui fait l’ode de la beauté et de l’étrange… Le tout magnifiquement écrit, et traduit par Jeong Eun-Jin et Jacques Batilliot. A lire pour découvrir un autre genre de littérature. Pour ceux qui ont aimé par exemple La vie rêvée des plantes, c’est le roman parfait à lire après. D’om vient cet amour des auteurs coréens pour la condition végétale ? Aucune idée, mais c’est sublime…