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Mini-chroniques #4 : A la découverte de Shanghai et d’une Russie imaginaire, un roman noir soporifique et une terrible aventure en Alaska

Il y a la PAL (ou pile à lire), il y a la wish-list (qui regroupe tous les livres que vous voudriez lire un jour…) et puis il y a la PAC. Et bien oui, la pile à chroniquer ! Et parfois, il arrive que l’inspiration ne vienne pas, qu’elle tarde… ce qui fait que les livres s’accumulent jusqu’à former un nid de livres à chroniquer. Pour certains, la flamme n’est jamais venue, et les années se sont écoulées… Pour d’autres, ils sont récents et ont même été des coups de cœur… mais je ne me voyais pas faire une chronique entière. Et comme se sont tout de même des ouvrages que j’ai lu dans leur intégralité et apprécié, il est impossible pour moi de ne pas en parler !

Shanghai Baby – Weihui – Picquier Poche

Lors de sa parution en 1999 en Chine et en 2001 en France, Shanghai Baby a été immédiatement un phénomène éditorial. Pourquoi ? Car c’est l’un des romans/récits emblématiques de l’après Révolution Culturelle. Il est totalement libéré, parle de sexualité, qui plus est avec un étranger – un Allemand ! – c’est l’un des premiers ouvrages à être transgressif sur tous les plans. Dans le même genre, il y a eu Bonbons Chinois, de Mian Mian, lui aussi très médiatisé à l’époque pour les mêmes raisons…

Dans Shanghai Baby, on suit une femme libre, sans complexes, qui fait ce qu’elle désire réellement de sa vie. Dans ce contexte social fort, on comprend pourquoi l’ouvrage a été un phénomène. Car en ce qui concerne le roman lui-même, il est intéressant et nous fait découvrir un Shanghai nocturne inconnu, mais ne fait pas non plus rêver…

Là est peut-être la limite du livre-phénomène, il n’en est un que parce que le contexte passé le rendait exceptionnel. De nos jours, la lecture d’un Shanghai Baby, qui plus est en occident, n’a plus rien d’exceptionnel ni de transgressif.

C’est donc un ouvrage intéressant à lire si l’on se recontextualise dans la société chinoise des années 90/2000. Mais pour ses qualités intrinsèques de roman, Shanghai Baby est très dispensable…

La Rouille – Eric Richer – éditions de l’Ogre

Si vous cherchez un roman initiatique violent comme il faut, La Rouille sera parfait. Sorti relativement inaperçu à sa sortie lors de la Rentrée Littéraire 2018, l’ouvrage mérite pourtant le détour. Avec une plume qui percute, souvent abrupte, parfois lugubre mais toujours superbe, Eric Richer nous emmène dans un pays qui ressemble beaucoup à une Russie post-apocalyptique. Ou à une Russie d’aujourd’hui désœuvrée qui a besoin de ses traditions éculées pour survivre.

Nous sommes dans la petite ville d’Ilyviesk, que rien ne différencie des autres bleds paumés de la région. Il y a la violence, la pauvreté, la survie et… le Kännöst. Tradition purement masculine et totalement brutale à laquelle le jeune Nói ne pourra pas couper. Jeune, mais déjà terriblement lucide sur sa vie, son « avenir » et ce qu’il ne souhaite pas en faire.

Pour oublier, il se défonce avec ce qu’il trouve, souvent des solvants et détergents qui lui défoncent le cerveau et lui permettent de voir le requin. Forme magnifique qui flotte dans les méandres de sa conscience explosée… et qui l’aide à oublier la perte de son frère, la disparition de sa mère… Il n’y a d’ailleurs pas que sa mère qui a disparu, quasiment toutes les femmes ont déserté, elles sont devenues très rares. On parle même de no woman’s land pour désigner la région tant les traditions pèsent sur elles. Elles ont toutes fuit ou presque. Pour illustrer toute la violence poétique contenue dans ce roman, cette phrase me semble parfaite :

« Le soir venu les libellules copulent, et un pare-chocs les encule…« 

La rouille n’est pas un roman qui conviendra à tout le monde. Mais il est d’une beauté lourde, pesante. On ne peux pas oublier facilement ce genre de lecture. Et je ne le souhaite tout simplement pas.

L’insomnie – Tahar Ben Jelloun – Gallimard

J’ai rarement lu un livre aussi ennuyeux… pourtant l’argumentaire était extrêmement tentant. Un homme qui a besoin de tuer quelqu’un pour trouver le sommeil… Il commence par sa mère, et se rend compte qu’il peut à nouveau dormir paisiblement pendant plus d’un an… Avant que l’insomnie de reprenne le dessus. Il va donc devoir tuer à nouveau si il veut retrouver un sommeil paisible. Et c’est là que ça dérape. Pour dormir, il va donc devoir abattre beaucoup de gens et de travail si il veut retrouver des nuits paisibles… Il va d’ailleurs tellement en tuer pour dormir (plus il tue, moins il récupère de temps de sommeil) qu’il va commencer à créer une sorte de système de points. Il appelle cela des « crédits sommeil », chaque personne en fonction de son passé lui fournissant un montant différent quand il les tue…

Mais comment une telle histoire peut-elle se terminer ? Et bien de façon totalement hasardeuse et ratée… Bref, passez votre chemin, j’ai perdu mon temps pour ne pas que vous perdiez le votre.

Sukkwan island – David Vann – Gallmeister ou Folio

Je vais être concise sur cet excellent roman : un père divorcé décide d’emmener son fils sur un île sauvage en Alaska pour renouer avec lui. Le but est simple, ils emmènent du matériel de pêche, le strict minimum pour survivre là-bas et devront ensuite se débrouiller par eux-mêmes. Sauf que bien entendu, rien ne va se dérouler comme prévu…

Je ne peux RIEN vous dire d’autre sur ce roman hormis qu’il faut le lire pour en découvrir toute la teneur, l’atmosphère. Si vous aimez les intrigues se déroulant en milieu sauvage et faisant appel à une psychologie des personnages fouillée, ce roman est fait pour vous. Si vous aimez être surpris/scotché par un livre, il est fait pour vous. Si vous voulez une histoire mémorable, ce livre est fait pour vous.

On oublie pas Sukkwan island. Jamais.

Chronique : Coeur de loup

Un roman aux élans de liberté et d’aventure à savourer !

Katherine Rundell est une auteure Anglaise, elle a eu la chance de grandir au Zimbabwe, à Bruxelles, et à Londres. Elle a également été nommée pour la Médaille Carnegie. En France, nous la connaissons pour deux romans : Le ciel nous appartient (Les Grandes Personnes/Folio Junior) et tout récemment, Cœur de loup chez Gallimard Jeunesse.

Avec ce nouveau roman, Katherine Rundell nous offre une aventure naviguant entre Histoire et merveilleux avec pour toile de fond la Russie des tsars… et son âpreté.

Un univers glacé et merveilleux

Le monde quotidien de Féodora est bien loin de celui des autres enfants et adolescents. Là où certains jouent dans la neige, s’amusent, ou aident leurs parents, Féodora elle, ensauvage des loups avec sa mère, maître-loup de métier.

En Russie, posséder des loups est considéré comme un marqueur de noblesse. Mais comme il s’agit d’animaux sauvages, il arrive régulièrement que certains mordent ou se rebellent contre leur domestication forcée. Ils sont alors abandonnés aux soins de la mère de Féodora, qui s’occupe d’ensauvager les loups, dans un coin isolé de Russie. Car on ne tue jamais un loup, cela apporte un immense malheur… Mais le travail si particulier de Féodora et de sa mère est mis en danger par l’armée du tsar et la folie de son chef.

C’est le début d’une magnifique quête pour Féodora : rébellion, courage, férocité et persévérance, Féo va devoir se surpasser et se découvrir pour libérer sa mère du joug de l’armée du Tsar…

Une belle histoire comme on les aime

Avec Cœur de loup, vous retrouverez tout ce qui fait qu’un ouvrage jeunesse peut être mémorable aux yeux d’un jeune lecteur. Des héros charismatiques, une histoire originale aux élans mystérieux et dangereux, une intrigue efficace et bien menée, et des sentiments poignants qui accaparent le lecteur.

Et surtout, la Russie dépeinte comme elle l’est par Katherine Rundell est une ode à la beauté glacée des forêts de Sibérie, à la liberté, et à l’amour.

Plus qu’un récit d’aventure, c’est un chant de rébellion qui souffle dans ce roman. Ne vous laissez jamais faire, et battez-vous pour vos convictions, voilà l’un des messages de ce récit. Le second grand message étant certainement d’être aussi bon que possible avec ceux qui nous entourent, qu’ils soient humains ou animaux…

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Si vous recherchez une belle histoire pour les jeunes lecteurs entre 10 et 13 ans environ, Cœur de loup est un très bon ouvrage. Son histoire est originale, les illustrations dont est parsemé le récit sont superbes, merci à Emmanuelle Ghez pour cela.

Mention spéciale également pour l’illustration de couverture, le touché pelliculé et doux de l’ouvrage, et le titre argenté. Ce livre est un bijou, à tous points de vue.

GENRE : Non classé
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Sovok

SovokUne sf inattendue en pleine Russie rétrofuturiste : bluffant

Peut-être connaissez-vous déjà le brillant auteur Cédric Ferrand qui doucement, se fait un nom dans le monde de l’imaginaire français. Sovok est son second ouvrage paru, mais il avait déjà marqué les lecteurs avec son très réussi roman de fantasy Watsburg. Dans Sovok, place à la sf rétrofuturiste, dans une Russie où la modernité se dispute au rafistolage et à la débrouillardise dans toutes les strates de la société… preuve permanente de sa lente déliquescence.

Colmater et réparer plus que soigner…

Dans l’entreprise Blijni, on a du mal à survivre. Toutes les économies sont bonnes à faire, on nettoie un outil médical à usage unique pour qu’il dure le plus longtemps possible, on prie pour que la jigouli (ambulance volante) que l’on conduit tienne encore une nuit de plus… Bref, on est constamment sur le fil, comme les patients dont on s’occupe.

Alors quand Méhoudar, le petit nouveau débarque chez Blijni, on lui promet de ne pas lui payer ses premiers jours de « stage ». Tout est bon pour faire des économies. Le petit jeune doit ainsi apprendre les ficelles du métier avec le duo que forme Manya pour les soins et Vinkenti au volant. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ces quelques jours auprès d’eux vont être très instructifs…

La Russie va mal, et ça ne va pas en s’arrangeant… Magouilles et arrangements à tous les étages pour sauver son patient, tractation étranges, tout est bon pour arriver à ses fins qu’elles soient nobles (ce qui est rare) ou dans un but plus personnel.

Décadence programmée d’une Russie qui n’a pas su s’adapter

Dans la capitale Russe du futur de Cédric Ferrand, la technologie est bien présente, mais ne rivalise pas deux secondes avec celles des occidentaux. Ici, on est nostalgique d’antan, et on veut fermer les yeux le plus longtemps possible sur les avancées, qu’on se le dise, c’était bien mieux avant.

Les Russes perdent ainsi sur leur propre terrain des clients dans le domaine de la santé. En effet, peu à peu, l’entreprise occidentale Second Chance vole les clients de Blijni : jigoulis rutilantes, technologie de pointe, argent qui semble couler à flot, la concurrence déloyale faite par Second Chance tue à petit feu l’entreprise Russe. Les magouilles semblent ne plus vraiment suffire à sauver un client et à arrondir les fins de mois.

Soyons clairs, ce n’est pas le sens de la déontologie qui étouffe nos protagonistes, du moins les deux anciens de Blijni Méhoudar, lui, est encore assez innocent pour voir de l’espoir dans les choses et les êtres qu’il croise. Mais si quelques bouteilles d’alcool peuvent aider à faciliter une intervention ou éviter d’appeler la milice, on ne dit pas non.

Cette plongée dans l’univers médical de cette Russie imaginée nous rend les spectateurs privilégiés de sa lente agonie. Il n’y a pas mieux placée qu’une équipe médicale pour observer toutes les carences d’une société. Les ambulanciers côtoient quotidiennement la misère, et la saleté, et eux-mêmes ne roulent pas sur l’or et sont prêt à quelques petites entorses pour se faciliter un peu la vie. Mais jusqu’à quand un système aussi défaillant et basé sur une telle pauvreté peut-il durer ? Surtout quand on sait que les politiques sont des as de la magouille à leur propre échelle… Un début de réponse est dans la fin des pages de Sovok

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Cet ouvrage assez inattendu et inclassable fut un véritable plaisir de lecture. On aurait aimé rester beaucoup plus longtemps avec Méhoudar et ses deux acolytes bardés de défauts, mais très attachants. L’ouvrage aurait pu notamment explorer beaucoup plus la veine socioéconomique de ce pays en passe de mourir de ses vices. On aurait aimé avoir une vision plus large de cet univers si magnifiquement dépeint, avec ce qu’il revêt de noirceur et d’insalubrité. Alors, à quand une nouvelle incursion dans ce Moscou en pleine faillite ?

Cette chronique a été rédigée pour le site ActuSF.

Chronique : La couleur de l’eau

La couleur de l'eau ss bandeauTiraillée entre bonheur et tragique, voici une histoire d’amour que vous n’oublierez pas de sitôt

Kerry Hudson est une auteur d’origine Écossaise. En France nous ne la connaissons encore que pas assez, mais elle fait peu à peu son chemin dans le fourmillement des nouveautés littéraires. Son premier roman avait déjà fait très bonne impression auprès de la presse, son titre : Tony Hogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman (il est disponible en poche chez 10/18).

La couleur de l’eau quant à lui vient de paraître aux éditions Philippe Rey en août 2015, l’ouvrage a par ailleurs remporté le très prestigieux Prix Femina étranger 2015.

Un rêve qui se délite pour la belle Alena

L’amie de sa mère lui a promis un doux rêve à travers la ville de Londres : du shopping, des virées entre filles, de nouvelles rencontres et amitiés… mais Alena n’a trouvé que le désespoir dans la capitale anglaise. Jusqu’à ce que son chemin croise celui de Dave, vigile dans un très luxueux magasin de Londres… Commence alors une histoire d’amour et de ressentis mêlés aussi improbable que merveilleuse…

Beau et féroce à la fois… mais surtout incontournable

A peine le roman commencé, on s’attache aux moindres détails que relève Dave grâce à son expérience de vigile. L’air sûr d’Alena, sa vulnérabilité aussi. Ses vêtements et la façon qu’elle a de regarder ces magnifiques chaussures qu’elle convoite tant… tout commence ainsi, avec un larcin.

Ainsi commence l’histoire incroyable d’Alena et Dave, que rien ne réunit, et qui pourtant va peu à peu tisser des liens solides entre eux… sauf si le passé obscur d’Alena les rattrape, ou bien celui de Dave.

Ici, ce sont des personnages brisés par la vie malgré leur jeune âge que nous découvrons. Ils sont terriblement attachants, si justes et si humains dans leurs réactions que l’on ne peut que les aimer sans bornes. Ils sont beaux dans leurs nombreuses souffrances et leurs petits bonheurs.

Ici, vous découvrirez le côté sombre de Londres : ses réseaux de prostitutions qui transforment en esclaves des jeunes femmes étrangères. Ses prix exorbitants qui rendent précaires mêmes les gens les plus travailleurs, la détresse sociale qui se dégage de nombre de gens de cette ville si élitiste et dure au quotidien.

La couleur de l'eau VO ThirstIci, vous découvrirez un bijou de tendresse et d’amour. Un récit créé par une auteur de talent qui mérite qu’on le découvre tant il est d’une beauté glaciale et fascinante. Une histoire d’amour peu commune, loin des affectations et de la facilité… Vous y trouverez également des scènes épouvantables et difficiles à lire tant elles sont réalistes en ce qui concerne Alena. Pour Dave, il s’agit plus d’une détresse continuelle due à son passé, et le sentiment d’avoir été piégé très tôt par l’amour inconditionnel qu’il voue à sa mère…

Ces deux personnages complexes et leur parcours si atypique nous rendent très vite soucieux de leur avenir, on ne peut que les suivre les yeux fermés tant on les aime dès les premières pages…

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Mais alors, est-ce une histoire d’amour qui se termine bien ? La réponse n’est pas si simple : c’est un magnifique champ des possibles qui s’ouvre à nous et à ses personnages si uniques et attirants… Entre Londres et la Russie profonde, à travers les accents chantants d’Alena et son amour pour ce qui brille, elle qui a vu ce qu’il y a de plus sale en l’homme, découvrez une histoire à nulle autre pareille.

Chronique : Grisha – Tome 1 – Les enfants du Royaume

Grisha 01Une belle fantasy aux inspirations slaves

Paru en 2013 aux éditions Castelmore, le premier tome de la trilogie Grisha nous dépeint une fantasy où de nombreux archétypes de la Russie sont présents. Les Orphelins du Royaume est ainsi le tome d’ouverture de la saga qui malheureusement ne sera pas poursuivie en France pour des raisons de ventes insuffisantes.

L’auteur,  est née en Israël mais a grandi aux États-Unis, à Los Angeles. L’univers de sa série Grisha est pour le moment le seul qu’elle est créé.

Un royaume en guerre et une poignée de magiciens pour le sauver…

Depuis des millénaires, le royaume de la Ravka est en danger : la Nappe de brouillard noire a envahi une partie des terres, et même si elle ne s’étend pas pour le moment, elle reste un danger qui plane. En effet, la Nappe cache des volcras, empêchant quiconque de la franchir au risque de mourir dans d’atroces souffrances. Personne ne sait au juste comment traverser cette Nappe, et régulièrement, de nouvelles tentatives se font…

C’est dans ce contexte que nous faisons la connaissance d’Alina, une jeune fille soldat tout ce qu’il y a de plus normal, voir terne et maigrichonne. Son meilleur ami, Mal, est également du voyage. Ils font tous deux partie de ces soldats en mission pour une nouvelle traversée de la Nappe. Ils ne savent pas ce qui les attend, mais rien ne les aurait préparé à ce qui va suivre… Alina est bien loin de l’image qu’elle donne depuis des années, et la l’entrée dans la Nappe va la révéler au royaume entier…

Grisha 01 VOUn univers sombre et inspiré

Une fois n’est pas coutume, Grisha a beau être une saga destinée à la base aux adolescents, son univers est plus ténébreux que nombre d’autres titres du même genre, mais également plus complexe. De plus, les influences soviétiques qui parsèment continuellement l’ouvrage ne sont pas pour déplaire : architecture, vocabulaire…

L’histoire est celle d’Alina, qui possède un pouvoir absolument exceptionnel. Sa destinée et celle du royaume tout entier vont en être bouleversées. Ce tournant dans sa simple vie de soldate la tourne vers les hautes sphères de la Ravka.

Ce que l’on pourrait assimiler à une énième histoire de prophétie et de magicienne surdouée est en fait tout le contraire. Leigh Bardugo se joue des codes du genre en nous menant (et Alina également) vers de nombreuses désillusions.

Les personnages ont tous une personnalité fouillée et à la fois imprévisible. Du roi libidineux aux désirs sans rapport avec l’état de son pays au Darkling (son bras droit) à la droiture sans faille, on découvre toute une palette d’individus que l’on aimerait voir encore plus détaillés. La dame de compagnie qui s’occupera de l’initiation d’Alina dans le monde de l’aristocratie a également de d’intéressantes parts d’ombres.

En termes d’écriture, il ne faut pas oublier tous les efforts de l’auteur pour nous dépeindre avec crédibilité le monde qu’elle s’est créé : keftas, caporalki… autant de vocabulaire qui ajoute du réalisme du récit. Enfin, dernier fait qui a son importance, l’auteur sait rendre certaines de ses scènes mythiques. Je pense notamment à l’une d’elle, en fin de roman, qui fait beaucoup penser à un passage du Princesse Mononoké. Un bel instant suspendu qui reste en mémoire longtemps après la lecture…

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Pour conclure, ce premier tome de la série Grisha est excellent. Roman initiatique aux nombreux retournements, il est bien plus fouillé que nombre de récits similaires, on se fait happer jusqu’à l’ultime page.

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Chronique : Esprit d’hiver

Esprit d'hiverUn huis-clos étouffant à la période soi-disant magique de Noël…

Dernier ouvrage en date de Laura Kasischke, Esprit d’hiver est paru au format poche en octobre 2014. Véritable roman à suspense dans une ambiance des plus étranges, on découvre ici un conte de Noël contemporain aux allures de thriller… Ce roman a reçu le Grand Prix des Lectrices Elle.

Laura Kasischke est une auteur américaine à l’œuvre désormais connue. On lui doit notamment A suspicious river, Les revenants, Un oiseau blanc dans le blizzard ou encore A moi pour toujours. Certains de ses romans ont également étés adapté au cinéma.

Noël n’est pas nécessairement une journée festive…

Tout commence lors du matin de Noël : Holly a dormi plus que de raison et s’est mise en retard pour le repas de Noël. Sa fille Tatiana dort encore, son mari est parti chercher les invités à l’aéroport, d’autres sont en route vers la maison… mais c’est sans compter sur le puissant blizzard qui se lève.

Ce qui devait s’annoncer comme une journée de célébration et de cadeaux en famille va se transformer peu à peu en un huis clos glaçant mélangeant souvenirs lointains et présent. En effet, Holly et sa fille adoptive Tatiana ont une foule de choses à se dire, et les vieilles rancœurs ressurgissent.

Rancœur et désillusions, le duel psychologie mère-fille ne fait que commencer

Que l’on soit adoptée ou non, la relation entre une mère et sa fille est toujours complexe, c’est ici ce que nous dépeint Laura Kasischke avec une grande justesse. Illogisme, jalousies, reproches, cette journée de Noël est un véritable enfer glacé pour Holly.

Mais cette journée de Noël n’est pas la seule qui nous est contée ; nous découvrons également toutes les embûches qu’Holly et son mari ont du affronter avant d’avoir le droit d’amener Tatiana. Ils se sont rendus jusqu’en Russie, par deux fois il y a quinze ans avant d’avoir l’autorisation nécessaire pour emmener leur fille adoptive aux États-Unis.

On découvre également le parcours du combattant des autres familles américaines qui tentent leur chance à l’orphelinat Pokrovka n°2. Certaines scènes sont d’une tristesse qui prend à la gorge.

L’écriture de ce récit atypique est juste parfaite et nous plonge dans une atmosphère des plus singulières. On frise la paranoïa avec des phrases de plus en plus étranges concernant cette journée qui vire doucement au cauchemar. Et vous n’aurez pas de répit : aucun chapitre ne découpe le texte qui se trouve être un bloc compact dont le but est de vous oppresser (ainsi qu’Holly par la même occasion).

Alors quel est le but de Laura Kasischke à travers ce conte de Noël qui n’a rien de magique ? Vous le ressentirez plus que vous ne le saurez, au fil de votre lecture. C’est insidieux, de plus en plus malsain et les hypothèses se multiplient au fil des mystères et incohérences de la narration (coups de fils étranges, mémoire défaillante, culpabilité démesurée concernant des futilités…). Mais c’est pour mieux nous perdre, jusqu’à l’ultime vérité où tout nous est dévoilé abruptement.

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En somme, Esprit d’hiver est un roman court à ne rater sous aucun prétexte. Les dialogues, les descriptions, l’ambiance… tout y est fort, efficace. Ce récit qui se déroule sur une seule journée est lugubre au possible, et ça n’est pas pour déplaire. Si vous aimez les histoires où le lecteur est balloté en tout sens et où la psychologie y a une part importante, n’hésitez plus.

TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Nina Volkovitch – tome 1 – La lignée

Nina Volkovitch 01Le souffle froid et vivifiant de la Russie souffle sur la littérature pour ados !

La lignée est le premier tome de la trilogie Nina Volkovitch, paru aux éditions Gulf Stream en septembre dernier. On y découvre la Russie du milieu de XXème  siècle (du temps de Staline) à travers une héroïne à l’histoire difficile et au caractère fort : Nina Volkovitch.

Pour poser le décor, l’auteure, Carole Trébor est la mieux placée, en effet, historienne de métier, elle a réalisé sa thèse de doctorat autour des échanges artistiques entre la France et l’URSS (1945-1985), dont son roman est très fortement inspiré. Mais en plus d’une forte influence historique et artistique, la série voit peu à peu le fantastique s’insinuer dans l’intrigue…

Une chose est certaine, la Russie est un pays peu exploité dans la littérature jeunesse et ado, et c’est avec émerveillement et délice que l’on découvre une nouvelle culture…Nina nous voilà !

Moscou, 1948

Les deux parents sont des ennemis de la Patrie : d’oabord son père, qui a disparu depuis de nombreuses années vers la France mais dont elle n’a plus de nouvelles ; puis sa mère, accusée de propagande antisoviétique pour avoir défendu des artistes occidentaux.

C’est ainsi que Nina est envoyée dans un orphelinat avec d’autres enfants dans le même cas qu’elle, issus d’ennemis du Parti. Elle va y apprendre à apprécier son pays à sa juste valeur et à porter les convictions du Parti… on du moins faire semblant.

En effet, peu avant son envoi dans l’orphelinat, la mère de Nina lui a laissé certains indices la poussant à se rebeller discrètement contre ce que l’on lui inculque de force : la bravoure de Staline, surnommé le Petit père peuples, des pans d’histoire entiers effacés car ils ne conviennent pas au Parti, etc.…

Le but de Nina devient vite clair : s’échapper au plus vite de l’orphelinat pour retrouver la trace de sa famille éparpillée, et enfin découvrir ses mystérieuses origines la rendant si particulière…

Une histoire rapidement captivante à l’univers culturel riche

L’histoire de Nina Volkovitch, commence de façon assez « traditionnelle », avec un orphelinat, une héroïne quelque peu rebelle cherchant à retrouver la trace de ses parents, etc. Mais le roman possède deux points forts : premièrement le lieu où il se déroule et son époque : la culture que l’on découvre ici est extrêmement peu traitée pour le lectorat jeunesse et adolescent. Ainsi découvrons-nous des traditions, mais surtout la politique terriblement oppressive du pays : une partie de l’Histoire qui mérite que l’on s’y attarde.

Second point fort, l’ambiance qui imprègne l’orphelinat, oppressante pour Nina (qui a quinze ans, mais qui parait toujours cinq de moins) qui a un grand mal à s’intégrer, le fait pour elle de toujours avoir sa poupée à son âge n’aidant en rien…

Le jeu de piste qui se dessine au fil des chapitres dans la première partie du livre est tout simplement très bien écrite et surtout prenante, donnant envie de sauter d’indices en clins d’œil (la plupart faisant référence à des œuvres, décryptées par l’auteure).

Mais quelle place au fantastique dans tout ça ? Vous ne le rencontrerez qu’à la seconde partie du roman, et cela de façon très ténue, mais suffisante pour un roman introductif.

En effet, il se passe tant de choses dans ce premier tome qu’il aurait été dommage d’y incorporer du fantastique en masse dès le début. Son installation est donc lente mais bien présente et nous amène vers le second tome, que l’on pressent initiatique, et beaucoup plus imprégné d’imaginaire.

En conclusion, Nina Volkovitch est une très belle découverte littéraire, à conseiller dès 14 ans. Bien écrit, sans fioritures, Carole Trébor mène son lecteur de main de maître. A découvrir pour s’émerveiller et découvrir un nouvel univers : celui de la Russie ainsi que la passion de la peinture le tout avec un soupçon de magie…

La suite des aventures de Nina vient d’ailleurs de paraître le 10 janvier dernier sous le titre : Le Souffle. Le troisième tome est quand à lui prévu pour mai 2013.

Nina intégrale trilogie

Actualité éditoriale : Les nouveautés très attendues de cette rentrée 2012 (Partie 3)

Suite et fin pour cette petite liste d’ouvrage très attendus, vous ne le savez peut-être pas encore, mais certains vous tentent déjà…

Une place à prendre Une place à prendre – J. K. Rowling – Editions Grasset

Le nouveau roman de Rowling n’appartient pas au registre de l’imaginaire, mais cette auteure est si intimement liée au genre qu’il serait dommage de ne pas présenter sa nouvelle publication. Une place à prendre se passe dans un petit village anglais sans prétention, l’humain y a ici toute sa place, et cela sous ses aspects les plus terribles et les plus divers.
A la fois huis-clos et roman à suspense teinté d’humour, ce nouveau roman est attendu de pied ferme par un très grand nombre de fans. Ils ne retrouveront évidemment pas le jeune sorcier, mais très certainement la plume simple et efficace de Rowling qui nous transporte avec aisance où elle le souhaite.

Quatrième de couverture : Bienvenue à Pagford, petite bourgade anglaise paisible et charmante : ses maisons cossues, son ancienne abbaye, sa place de marché pittoresque… et son lourd fardeau de secrets. Car derrière cette façade idyllique, Pagford est en proie aux tourmentes les plus violentes, et les conflits font rage sur tous les fronts, à la faveur de la mort soudaine de son plus éminent notable. Entre nantis et pauvres, enfants et parents, maris et femmes, ce sont des années de rancunes, de rancœurs, de haines et de mensonges, jusqu’alors soigneusement dissimulés, qui vont éclater au grand jour et, à l’occasion d’une élection municipale en apparence anodine, faire basculer Pagford dans la tragédie. Attendue de tous, J.K. Rowling revient là où on ne l’attendait pas et signe, avec ce premier roman destiné à un public adulte, une fresque féroce et audacieuse, teintée d’humour noir et mettant en scène les grandes questions de notre temps.

L'équipée VolageL’équipée Volage – Rolland Auda – Collection Exprim’/Sarbacane

Prévu pour janvier prochain, l’Equipée Volage fait déjà parler de lui. Ecrit par Rolland Auda, l’auteur du Dévasteur dans la même collection, ce nouveau roman détonne complètement avec les publications traditionnelles d’Exprim’ qui se met petit à petit à l’imaginaire.
Avec sa couverture assez explicite, on comprend vite que l’Equipée Volage va nous emmener loin, très loin avec pour genre une uchronie steampunk.

Quatrième de couverture : Rêvons un peu : en 1492, Christophe Colomb n’a jamais découvert l’Amérique. Et aujourd’hui, en 1905, l’empire Incaztèque domine le monde tandis que l’Europe est une myriade anarchique de cités recouvertes par les eaux. Les mers sont peuplées de monstres mutants et de flibustiers.
Au milieu de tout cela, deux piratesses, Barbe-Marie et Rejji, tentent de découvrir une île mythique : Isocélie. Pour y parvenir, elles devront semer le cruel Phinéas Moog dans les méandres de Massilia, la Cité Flottante. Aider Conan Doyle à retrouver Sherlock Holmes. Et enfin, traverser l’Atlantique pour découvrir la solution à l’énigme du Dôme Atlante… Mais que cache vraiment Isocélie ?

Nina Volkovitch 01Nina Volkovitch – Tome 1 – La lignée – Carole Trébor

A paraître aux éditions Gulf Stream le six septembre prochain, Nina Volkovitch est le roman inattendu de cette rentrée de par sa thématique et son originalité. Premier tome d’une trilogie destinée à des lecteurs dès l’âge de 13 ans environ, cette nouvelle série nous emmène en Russie, à la découverte d’une culture peu exploitée pour ce lectorat. Nouant historique et fantastique, une chose est certaine, Nina Volkovitch ne vous laissera pas indifférent !

Quatrième de couverture : Envoyée à l’orphelinat de Karakievo parce que ses parents sont considérés comme des « ennemis du peuple », Nina Volkovitch a fait le serment de s’enfuir et de retrouver sa mère, emprisonnée dans un goulag de Sibérie. Mais comment s’enfuir d’un tel lieu quand on a quinze ans, et qu’on en paraît douze ? Ce qu’elle ne sait pas, c’est que sa mère a pris soin de dissimuler de précieux indices pour l’aider à s’échapper, mais aussi pour lui révéler les dons particuliers qu’elle possède sans le savoir. Car Nina est la descendante des Volkovitch, une illustre famille qui détient des pouvoirs aussi prodigieux que terrifiants. Et c’est elle, Nina, qui représente le dernier espoir face à un ennemi plus puissant que la dictature soviétique…

Chronique Jeunesse : Contes Russes – Les Fileuses d’Or

contesrusses1.jpgUn super recueil de 5 contes Russes choisi pour nous, ils sont une invitation à entrer dans leur folklore, et à  découvrir leur large panthéon. Ainsi, vous découvrirez Baba-yaga, la sorcière des bois, qui bien que cruelle, peux aussi se montrer généreuse quand il s’agit de son intérêt…mais pas toujours. Vous découvrirez aussi le Liéchi, un esprit des bois vivant dans les forêts Slaves. Mon  compte préféré était celui de la Pomme sucrée sur un plat doré, que j’ai trouvé très belle, bien que très cruelle au début.

Enfin, je trouve qu’il n’y a que des bonnes raisons de lire ce livre, s’ouvrir au monde et à ses contes et légendes est vraiment une initiative à predre, je pense. De plus, les illustrations qui accompagnes chaque début de conte sont tout simplement magnifiques… enfin j’adore !