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Chronique Jeunesse : Le temps des mitaines – Tome 1 – La chambre morne

Un mélange extraordinairement savoureux de sciences et d’humour dans une ambiance à la Breakfast Club !

Peut-être connaissez-vous déjà la série de bd du même nom Le temps des mitaines ? Si c’est le cas, c’est chouette, mais si vous ne connaissez pas, aucun soucis. Je découvre moi-même Le temps des mitaines avec ce roman, qui se déroule une vingtaine d’années avant les bd originale. Les auteurs sont les mêmes que pour les bande-dessinées, la vraie différence réside dans le fait qu’ici le texte prime et qu’il y a assez peu d’illustrations.

Un huis-clos imposé et inattendu

Ils sont cinq, n’ont rien en commun si ce n’est d’avoir une heure de colle ensemble… ils vont donc devoir cohabiter et se tolérer pendant un temps très court… Sauf qu’il se passe une chose étrange. Ils deviennent prisonniers de la bibliothèque où ils passent leur punition… Impossible pour eux d’en sortir, comme s’ils étaient dans une bulle infranchissable !
C’est ainsi que la cohabitation va se transformer en quelque chose d’autre… mais avant cela, ils vont devoir apprendre à se connaître et à dépasser les à prioris qu’ils ont les uns sur les autres…

Une ode fine à la tolérance et au respect des autres

Comment est-il possible de présenter un roman jeunesse avec un telle phrase d’accroche ? (cf intitulé d’article). Après y avoir réfléchis, c’est pourtant celle-ci qui prime pour moi car le mélange est assez original pour être souligné. Oui, c’est une grosse référence à Breakfast Club, et oui on parle de physique quantique, où est le problème ?

Ce roman jeunesse est magnifique par bien des aspects et fait d’ores et déjà partie de mes romans préférés lus en 2023 pour la tranche d’âge de 9/11 ans. On y traite à la fois de la différence, du mal-être, de problèmes familliaux, de traumas mais également de bonté et d’empathie. Mais plus encore que les thèmes abordés, c’est la façon douce et positive dont ils sont présentés qui fait mouche.

Ainsi, on a Caïus, le chat brutal et antipathique qui cache des blessures aussi bien physiques que psychologiques. La petite oursonne mignonne qui ne pense jamais à mal prénommée Céleste Anternoz (que l’on retrouve apparement 20 ans plus tard dans les bd en tant que maman du héros Arthur (il y a même une petite image en fin d’ouvrage).

Il y a également Nocte (ma préférée !), une chauve-souris qui se tient à l’écart de tous de part sa religion et ses croyances inculquées depuis toujours. Elle fait partie de la communauté Shami, qui prône l’isolement et une vie à l’écart du monde. Vous noterez que Shami est la parfaite anagramme d’Amish au passage, avec qui elle partage certaines valeurs.

On peux aussi parler du très intelligent et docte Angus Goupil, bien que très supérieur en intellect, il ne se croit jamais supérieur à celleux qu’il côtoie. Et enfin, il y a le timide mais courageux souriceau Prosper, à la vie tumultueuse, lui qui fut baladé de famille d’accueil en famille d’accueil et dont la vie n’est pas rose…

Tous les cinq sont spéciaux et attachant à leur manière. Chacun a sa propre personnalité bien campée et la synergie inattendue qui va se développer entre eux est presque… magique ! Ce roman est un pur mélange entre sciences, surnaturel, huis-clos à suspense et humour et ça fonctionne à merveille.

« […] Apprêtez-vous spécifiquement à savourer votre pénitence en cette heure où vous dégustez habituellement votre petit-déjeuner chez vos parents et…
A ce moment précis, Prosper le souriceau leva le doigt pour intervenir sans même attendre la permission :
( M’sieur, m’sieur, je pense que qu’il y a erreur parce que moi, j’en ai plus…

– T’as plus de petit-déj ? persiffla Caïus […]

– Bé non, je veux dire que j’ai plus de parents puisqu’ils sont morts après avoir consommé dix-sept kilos de champignons venimeux pendant un pique-nique, en pensant déguster des pleurotes !


Sortant de son habituelle réserve, voire autant le dire de sa perpétuelle indifférence, Goupil ajouta son grain de sel avant que le directeur n’ait pu reprendre la main :

– Vénéneux, pas « venimeux » !

– De quoi parles-tu ? s’étonna Céleste.

-Sachez, incultes, que les eucaryotes pluricellulaires et unicellulaires ne sécrètent pas de venin par des glandes dérivées du système digestif. Leur toxicité est donc passive et non inoculée de façon active comme chez les scorpions ou les serpents ! Ainsi on peut dire qu’ils sont vénéneux, pas… […]. »

Je m’arrête ici pour l’extrait, qui est déjà long, mais cela vous donne un excellent aperçu du mélange d’humour, de drame et d’érudition mélangés.
J’ai par ailleurs oublié de préciser que l’ensemble du roman fait usage d’un langage assez soutenu, chose aussi rare qu’appréciable, surtout en littérature de jeunesse. Ainsi, il y aura certainement des mots qui poserons question aux jeunes lecteurs, et c’est tout de même bien mieux que quand cela tombe tout cuit dans le bec, n’est-ce pas ?

Ainsi, ce premier tome (il y a deux tomes disponibles chez Little Urban) est un régal de lecture. Un parfait texte bien maîtrisé et qui rend heureux et mélancolique tout à la fois. Un roman parfait en somme !

Chronique documentaire : Explorons les éléments

Une merveille pour découvrir les « briques » auxquelles on doit absolument TOUT ce qui nous entoure… Ludique et passionnant.

La fin d’année apporte toujours avec elle son lot de beaux-livres… et parmi eux, il y a Explorons les éléments, aux éditions Phaidon. Un ouvrage sublime pour mieux comprendre le monde qui nous entoure dans ses fondements même : les atomes. Très graphique, ultra ludique, apprendre devient un réel plaisir avec des ouvrages de cet ordre… Le texte est de Isabel Thomas, quant aux illustrations épurées et esthétiques elles sont signées Sara Gillingham.

Un ouvrage à destination de la jeunesse… officiellement

Comment seulement 92 éléments, ou 92 briques peuvent-elles suffire à construire le monde qui nous entoure dans sa totalité ? Car quand on y pense, c’est bien peu d’éléments quand on voit la diversité infinie qui nous entoure…

C’est pourtant bien la réalité, les autrices nous enjoignant à imaginer les éléments comme des Lego. Et cette métaphore est parfaite pour mieux comprendre les atomes, leur agencement et leurs nombreux « pouvoirs ».

Alors, oui, l’ouvrage est destiné à la jeunesse, mais je mets au défi n’importe quel adulte d’en savoir ne serait-ce que le quart de ce que contient ce livre.

Passionnant, il se feuillette plus qu’il ne se lit de façon suivie. Pour chaque double page, vous aurez une explication détaillée de l’élément en question : l’intérieur de l’atome (avec le nombre de protons, d’électrons et de neutrons), son origine, si on en trouve dans le corps humain (par exemple, 10% de notre corps contient de l’hydrogène), ses différentes formes et utilisations (certaines sont extrêmement communes, d’autres excessivement rares car l’élément est très peu répandu) enfin une partie graphique aide à repérer très rapidement les spécificités de chacun.

C’est ainsi que l’on découvre que l’élément n°87 se nomme le Francium car c’est une française qui l’a découvert (Marguerite Perey) et qu’elle a décidé de le baptiser en référence à la France. Et ce type d’anecdotes passionnantes, l’ouvrage en est rempli !

C’est donc un véritable coup de foudre pour cet ouvrage que je vous recommande chaudement. Pour ce qui est de l’âge, je pense qu’il sera adapté dès l’âge de 10 ans environ si l’enfant est lui-même demandeur. Si ce n’est pas le cas je pencherais plus sur du 12/13 ans.

Quoi qu’il en soit c’est la parfaite alliance entre la connaissance et l’esthétisme. Et il n’est clairement pas destiné uniquement à la jeunesse, je suis persuadée que tous les adultes curieux et passionnés de sciences pourrons trouver leur bonheur et étancher leur soif de connaissances grâce à cet ouvrage !

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Chronique : Le Prix

L’histoire romancée du Prix Nobel de Chimie de 1944, Otto Hahn, père de la découverte sur la fission nucléaire… mais était-il seul à faire cette avancée majeure ?

Paru lors de la Rentrée d’hiver 2019, Le Prix de Cyril Gely est aux éditions Albin Michel. Ecrit sous forme de dialogue en huis-clos qui dure quelques heures à peine, on découvre l’histoire qui se cache derrière la grande…

A quelques heures de la remise du plus prestigieux des prix…

Otto Hahn est au Grand Hôtel de Stockholm, il attend avec fébrilité d’aller chercher le Prix qui couronnera sa carrière. Celui pour lequel il a fait tous les sacrifices, où il ne comptait pas son temps… Et où la montée d’Hitler au pouvoir a eu une influence majeure sur sa façon de travailler avec sa collaboratrice pendant plus de trente ans, Lise Meitner.

Mais à quelques heures de la remise du Prix, Lise s’invite pour le confronter à la vérité des faits… La lumière va se faire sur le contexte dans lequel Otto Hahn a découvert la fission nucléaire…

Un huis-clos fascinant !

J’ai appris tellement de choses dans ce roman qu’il m’est impossible d’être exhaustive, mais sachez que Le Prix est hautement instructif. On y apprend l’Histoire et son influence sur les avancées scientifiques dans les années 1940 en Allemagne notamment.

On découvre comment Lise Meitner a été totalement occultée de l’Histoire… et après quelques recherches, j’ai découvert que cet effet avait un nom : L’effet Matilda (définition : désigne le déni ou la minimisation récurrente sinon systémique de la contribution des femmes scientifiques à la recherche dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins – lien ici).

Évidemment, on en apprend énormément sur la relation fusionnelle – jamais charnelle -qu’avaient Lise Meitner et Otto Hahn et qui laissait très peu de place aux autres… y compris à la femme de se dernier, qui a su rester en retrait à son détriment. Et comment Lise Meitner a dû quitter précipitamment l’Allemagne à cause de ses origines juives, son statut de chercheuse ne la protégeant pas.

Ils ont collaboré pendant trente ans ensemble, mais c’est uniquement Otto Hahn qui a reçu le Nobel de Chimie, pire, il ne l’a jamais citée dans son discours selon le roman de Cyril Gely (je n’ai pas réussit à vérifier si cette partie est romancée ou réelle…).

Et vous voulez une dernière blague ? J’ai découvert que Lise Meitner avait eu le Prix Otto Hahn en 1955… c’est vraiment indécent.

La seule bonne nouvelle, c’est qu’elle a eu un hommage sous la forme de l’élément chimique n°109, nommé en son honneur : le Meitnérium.

En somme, Le Prix est un roman atypique et fascinant. Il nous parle d’une avancée majeure qui a changé nos vies à tous, encore aujourd’hui, et de ses nombreux secrets… C’est un roman à découvrir d’urgence que l’on aime l’Histoire ou non, il transcende les genres et les styles !

Chronique : Le Cycle des Xeelees – Tome 1 – Gravité

Le cycle des Xeelees 01Et si les lois de la gravité étaient différentes dans un autre système solaire, à quoi ressemblerai-t-il ?

Stephen Baxter, grand maître de la science-fiction internationale a écrit un de ses cycles les plus ambitieux avec le Cycle des Xeelees. Paru en France plus de 17 ans après sa parution originale, les éditions Pocket reprennent le flambeau en format poche (le Bélial ayant assuré la publication en grand format).

Le Cycle des Xeelees compte quatre tomes, mais si vous ajoutez Le cycle des Enfants de la destinée (trois tomes chez Pocket) où l’on retrouve les Xeelees mais aussi certains personnages dans les deux séries, cela fait une saga de sept tomes au total.

Parmi les ouvrages majeurs de Baxter, puisqu’on ne peut pas tous les citer, vous trouverez : Evolution (2 tomes), Les Univers Multiples (3 tomes) ou encore Les vaisseaux du temps. Dans ses dernières actualités, on peu citer notamment sa dernière parution coécrite avec Terry Pratchett aux éditions l’Atalante : La Longue Terre.

Un monde aux lois physiques déstabilisantes

Creuser le cœur d’une étoile ? Rien de plus normal pour Rees, un jeune homme vivant sur la Ceinture, un agglomérat de métaux et autres matériaux récupérés. Le travail sur l’étoile est extrêmement difficile et physique ; gravité de plus de 4g oblige.

Mais à quoi bon creuser une étoile ? Pour subvenir aux besoins primaires de la Ceinture, qui échange le précieux métal extrait contre de la nourriture avec le Radeau, cité spatiale supérieure en de nombreux points. C’est au Radeau que les scientifiques travaillent, c’est au Radeau que la nourriture est abondante, et c’est encore au Radeau que les grandes décisions se prennent… les habitants de la Ceinture n’ont pas leur mot à dire dans ces choix…

Dans ce monde inégalitaire et sans réel but, Rees se pose de nombreuses questions. Son destin est-il de creuser jusqu’à l’épuisement cette étoile ? Pourquoi personne ne se rebelle contre le système injuste établi par le Radeau ?

A l’image d’une quête initiatique aux milles et une découvertes, Gravité est un merveilleux voyage qui nous ouvre les portes d’un monde aux lois physiques dont les effets nous sont inconnus.

Une sf accessible et curieuse

Le fait d’avoir choisi un héros adolescent peut rassurer ceux qui s’essaieraient au genre pour l’une des premières fois : au programme, pas d’explications alambiquées ou de théorèmes inconnus.

C’est un monde aux lois inédites mais facilement assimilables qui nous est ici offert. En effet, Stephen Baxter a beau être un auteur dit de hard-sf, son style est si épuré qu’il est loin d’être indigeste, bien au contraire…

Un héros adolescent que l’on suit avec plaisir et curiosité

C’est avec plaisir que l’on suit les pérégrinations de Rees, notre jeune héros. Grâce à lui, c’est toute la mythologie du système solaire créée par Baxter que l’on découvre : les baleines volantes, les Osseux, les vaisseaux-arbres, le Radeau…

Ce personnage adolescent, plein d’innocence qu’est Rees est fortement attachant. On s’émerveille avec lui des découvertes qu’il fait, jusqu’à être contaminé par sa curiosité maladive, son besoin de connaissances.

Le fait que le héros de l’histoire soit un adolescent a également un avantage de taille : ce roman peut très bien être lu par des lecteurs d’environ 15-16 ans.

Pour conclure, Gravité est un très bon tome introductif. On a hâte de découvrir la suite de ce fameux Cycle des Xeelees, qui ne sont que cités une fois en fin de livre. Quelle est cette mystérieuse espèce intelligente ? Quelles interactions pourront bien avoir les être humains avec eux ? A suivre avec le second opus à sortir chez Pocket prochainement : Singularité.

Chronique réalisée pour le site ActuSF.

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Chronique Jeunesse : Les illuminations d’Albert Einstein

Les illuminations d'Albert EinsteinVoici un petit nouveau aux éditions Petits Platons ; après être passé par la philosophie avec Kant et Socrate, nous partons à la découverte de la science avec Albert Einstein. L’auteur, Frédéric Morlot, a fait ses études à l’école Polytechnique, quand à l’illustratrice, Anne-Margot Ramstein, elle a fait les Arts Décoratifs de Strasbourg.

Une initiation aux principes fondamentaux mis en scène de façon originale

Tout commence à la foire de Munich où Albert Einstein et sa soeur Maja ont pour mission d’illuminer à 10h00 pile la baraque Schottenhamel ; un immense chalet en bois de plus de trois cent mille kilomètres de long. Mais Albert et Maja se sont confrontés à un problème de taille… les ampoules ne s’éclairent pas toutes à 10h00 pile, celles du fond ne s’allument qu’à 10h00 et une seconde, ce qui est intolérable pour le propriétaire qui leur demande de recommencer à 11h00. Albert et Maja vont donc tenter de comprendre par le biais d’expériences concrètes le pourquoi du comment.

La physique pour les plus jeunes

La collection des Petits Platon s’adresse en général aux enfants dès l’âge de 9 ans, mais pour ce titre il vaut mieux attendre 11-12 ans. Le principe de la vitesse constante de la lumière ou encore la célèbre formule e = mc2 qui explique la relation entre énergie et masse sont difficiles à appréhender avant cet âge. Mais la mise en scène des expériences est bien pensée et assez simple.
Quand à l’illustration de l’ouvrage, elle est superbe, épurée et fine, un vrai plaisir des yeux.

La collection des Petits Platon confirme donc son statut de maison d’édition de qualité et nous signe ici un très bel ouvrage à mettre entre toutes les mains dès douze ans, pour s’initier aux principes qui ont fait la physique d’aujourd’hui et pour les plus grands afin de se replonger avec fascination dans le monde des sciences.