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Chronique Jeunesse : Journal d’une sorcière

Un ouvrage de fonds à découvrir absolument ! Entre roman historique et récit d’aventure, découvrez le cheminement risqué d’une jeune fille au 17ème siècle qui tente de s’émanciper alors que tout ce qui est différent est apparenté au diable.

Celia Rees est une autrice anglaise qui a connu un succès incroyable avec son roman Journal d’une sorcière, paru en 2002 en France. Cet ouvrage est d’ailleurs le seul d’elle qui soit encore disponible et commandable en librairie (nous sommes en juillet 2023 lorsque j’écris ces lignes). Elle a par ailleurs écrit d’autres romans historiques : La balade de Sovay, Vies de sorcières ou encore Illyria (tous parus au Seuil Jeunesse).

Fuir à tout prix un destin funeste

La jeune Mary vient de voir sa grand-mère exécutée presque sous ses yeux pour sorcellerie. Bien qu’elle ne soit pas en danger immédiats, il est clair que la vindicte populaire s’en prendra certainement à elle avec le temps… C’est ainsi que Mary, aidée d’amies de sa défunte grand-mère va trouver place à bord d’un bateau en partance pour le Nouveau-Monde. Mais là où l’on pourrait croire que tous les possibles s’ouvrent à Mary en quittant l’Angleterre puritaine, il n’en est rien. Dès qu’elle pose un pied à bord du navire, elle sait qu’elle devra rester méfiante durant toute la traversée… et au-delà.

Un magnifique portrait de jeune fille combative et libre

Malgré un titre très « magique », il n’est pas réellement question de sorcières et de formules étranges. Non, Journal d’une sorcière est un texte qui dénonce la bien-pensance religieuse ainsi que la persécution subie par de nombreuses femmes au 17ème siècle (mais pas seulement). En effet, toute femme qui était un peu trop libre, qui se baladait en forêt, ou encore qui n’avait pas de mari devait forcément folâtrer avec le Diable en personne. C’est ainsi que Mary, en ne se faisant pas les bonnes relations ou en montrant simplement son désaccord par moments risque sa vie. Cela peut sembler totalement disproportionné, mais c’est pourtant vrai, et d’autant plus à l’époque où évolue la jeune fille.

Ce roman est d’une intelligence rare, il décrit avec subtilité les conditions très coercitives dans lesquelles vivent les femmes jugées trop libres. Mais il dénonce également comment les Anglais qui arrivent dans le Nouveau Monde se sont peu à peu approprié les terres des natifs, les indiens. Refoulés de leurs propres terres, mis à la marge et jugés durement puis tués, voilà le destin de ceux qui ont aidés les colons à s’installer.

Tout cela, Celia Rees le décrit à la perfection dans son roman aux allures de journal intime. Le ton n’est jamais accusateur, Mary n’étant pas non plus dans une posture victimaire. La jeune fille tente de trouver sa voie au travers de tous les écueils que l’on dresse sur son chemin. Même si cela n’est jamais dit, c’est le statut de femme libre qui fait peur aux hommes, se servant de la religion comme prétexte pour les ostraciser et/ou les éliminer.

Journal d’une sorcière est si bien fait que l’on croirait réellement tenir entre les mains le témoignage d’une jeune fille tentant de survivre de ce monde pieux. Pour ajouter à la confusion, l’autrice a eu l’idée géniale de mentionner que ce journal a été trouvé, caché dans une couverture en patchwork datant de l’époque coloniale. Et à la fin de l’ouvrage, elle ajoute le doute en enjoignant les lecteurs à la contacter s’ils ont plus d’information sur la narratrice de ces feuillets : Mary Newburn. Il y a même une adresse mél !

Après lecture, je comprends pourquoi Journal d’une sorcière est devenu un livre de fonds en librairie (bien qu’oublié de nos jours). Il a toutes les qualités d’un grand classique : ingénieux, poussant à la réflexion ceux qui le lirons, et documenté, le tout avec une narration captivante !
A découvrir dès l’âge de 13 ans environ. Parfait pour celles et ceux qui aiment les romans historiques plus vrais que nature.

Chronique : Dieu roule pour moi

Un roman destiné aux ados qui ne réussit par à convaincre car traitant de tout… et de rien.

Paru en octobre 2015 aux éditions de L’école des Loisirs, Dieu roule pour moi est un roman de Dominique Souton. Elle a une foule de livres à son actif, et cela pour tous les âges (y compris les adultes) : Quand on raconte des histoires horribles, il arrive des histoires horribles, J’aime mon meilleur ami qui aime ma meilleure amie, Zélia change de look, Je hais le théâtre

Dieu roule pour moi nous permet de suivre la correspondance de Chrissie Jones, résidant aux Etats-Unis avec une jeune française de son âge.

La vie d’une fille de pasteur

Bienvenue à Sioux Falls, une ville du Dakota du Sud. Plus précisément, nous voici au sein de la famille de Chrissie Jones. Fille de pasteur, pas franchement intégrée dans le collège qu’elle fréquente, ni géniale ni impopulaire. Chrissie ne fait pas de vagues, mais le hasard de la vie va parfois dans son sens, comme en ce qui concerne certains événements décisifs dans sa vie.

Vous voici ainsi dans la correspondance de Christie qui envoie mails sur mails à une correspondante française. Mais que peut-elle bien lui raconter ?

Une correspondance à sens unique

Dieu roule pour moi est intéressant pour une chose en particulier : il nous fait découvrir certains éléments emblématiques de la culture évangélique américaine. En effet, notre jeune narratrice vit dans une famille dont la religion est le centre névralgique.

On découvre les enjeux et l’importance du métier de pasteur qu’exerce son père. Mais ce n’est pas tout : de nombreuses questions que se posent Chrissie nous sont également présentées, notamment celles traitant du bal de pureté. Ce phénomène du bal de pureté est très répandu dans les communautés chrétiennes évangélistes américaines (mais pas seulement).

Le seul problème, c’est que les questionnements de Chrissie n’en sont pas vraiment, elle ne semble pas avoir d’avis franc et laisse le hasard et le destin décider pour elle. On aurait aimé découvrir une narratrice plus curieuse et/ou plus engagée dans ses opinions. Ici, on ne fait qu’effleurer de nombreux thèmes : la religion, la virginité, les premiers amours et émois, la notion de bien et de mal, la famille…

L’auteure ne va pas assez loin dans ses explications au travers de sa narratrice. Pour des lecteurs qui n’y connaissent rien ou peu de choses sur ces questionnements, Dieu roule pour moi les laissera très interrogateurs. D’autant que les lecteurs de ce roman sont des français, et ces problématiques très américaines ne leur parleront pas nécessairement.

De plus, chose assez paradoxale, l’histoire ne nous raconte guère de choses. Il n’y a pas de réelle intrigue, ni d’enjeux, à peine quelques réflexions, mais c’est tout. Par exemple, Chrissie est en disgrâce au sein de son école pendant une bonne partie du roman, puis sans raisons, elle devient presque populaire en quelques chapitres ! C’est à n’y rien comprendre…

De ce roman épistolaire (uniquement par mail), vous ne lirez que les écrits de Chrissie. On comprend toutefois aisément ce que dit sa correspondante française car les mails de l’ado américaine sont rédigés avec la question d’origine.

….

Pas assez explicatif, trop nébuleux, Dieu roule pour moi est un roman qui nous fait toutefois découvrir une autre Amérique : profonde, religieuse et ancrée dans de nombreuses traditions. Mais cela ne suffit pas à créer un récit passionnant, et il est facile de passer à côté… Dommage, l’idée de base était très intéressante. Pour les curieux, c’est à découvrir dès l’âge de 14 ans.

Pour aller plus loin sur le phénomène des bals de pureté :

http://www.barbieturix.com/2014/04/10/papa-protege-ma-virginite-lessor-inquietant-des-bals-de-purete-aux-etats-unis/

http://www.aufeminin.com/news-societe/bal-de-purete-le-phenomene-intriguant-de-ces-fillettes-qui-font-v-u-de-chastete-s385077.html

http://www.konbini.com/fr/tendances-2/images-etrange-phenomene-bals-de-purete/

Chronique : La vie secrète et remarquable de Tink Puddah

La vie secrète et remarquable de Tink Puddah

Un magnifique roman à la frontière des genres… où un extraterrestre débarque au Far West.

 Sorti en en mars dernier aux éditions Folio SF, La vie secrète et remarquable de Tink Puddah est le premier roman de Nick DiChario, il était tout d’abord paru aux éditions Télémaque. Il est également l’auteur de très nombreuses nouvelles (plus d’une quarantaine). Deux de ses romans ont étés finalistes du John W. Campbell Award.

Un personnage atypique et immédiatement attachant

Tink Puddah n’est pas américain, en fait, il n’est même pas humain. Issu de l’Eauspace, ses parents sont venus sur Terre pour découvrir cette planète si fascinante… et dangereuse.

A peine arrivés, ces derniers sont attaqués sauvagement par des chiens de chasse, le petit Tink encore dans le ventre de sa mère. Ses deux parents sont tués, Tink est quand à lui sauvé in extremis par l’homme aux chiens… ainsi commence son incroyable histoire.

Recueilli par des humains, Tink Puddah n’en aura pas moins de mal à s’intégrer, comme nous le montre le récit de ses nombreuses (més)aventures. Avec une peau bleue et une apparence difforme, les aprioris et les rumeurs font plus de mal que de nombreux coups en cette fin de XIXème siècle…

Quand le récit commence, Tink Puddah est mort, mais les circonstances de cette tragédie vont bouleverser la petite communauté dans laquelle il avait fini par s’intégrer au prix de très nombreux efforts et sacrifices. Ainsi ce qui commençait par une oraison funèbre va-t-il dériver en enquête pour déterminer ce qui est réellement arrivé au pauvre Tink Puddah.

Un récit original et accrocheur aux allures de retour aux sources

Le récit de la vie de Tink Puddah recèle une force d’une simplicité poignante. Ce texte aurait d’ailleurs pu prétendre à un classement en littérature, s’il n’était question des origines et de la couleur de peau de Tink.

Le texte se découpe en chapitres alternant de point de vue, une partie est dédiée à Tink Puddah et à sa vie, l’autre partie est consacrée aux habitants de la ville et centrée en particulier sur le personnage du pasteur.

Le récit de la vie de Tink Puddah est à la fois merveilleux et fascinant, cet « homme » a réussi à apporter du bonheur dans des vies là où tout avait échoué avant, grâce à son oreille attentive et ses paroles peu nombreuses mais judicieuses. Il semblerait qu’il ait mieux compris l’âme humaine que personne d’autre auparavant, ainsi ce dernier sèmera-t-il de petits miracles derrière lui, l’obligeant à disparaître rapidement afin de ne pas attirer l’attention sur lui.

C’est là que réside l’art de Nick DiChario : créer un personnage extraterrestre à l’humanité surpassant tous les habitants de la Terre.

S’il est une leçon que Tink mettra longtemps à apprendre, c’est que la différence est apparemment un critère suffisant sur cette planète pour être lynché et poursuivit. En effet, on ne peut s’empêcher de se dire que si Tink Puddah avait été noir de peau, son histoire aurait été certainement très semblable à celle que l’on lit.

Un univers au réalisme totalement immersif

L’un des gros points forts de ce roman est sans aucun doute le développement des personnages. Réalistes, bien décrit, aisément identifiables, c’est une vraie réussite.

Le traitement de ces derniers est d’ailleurs si soigné qu’au fil des chapitres on sent se nouer différentes connexions assez inattendues.

Enfin, dernier point ajoutant à cet univers si particulier et poétique, la description de la nature terrestre vue par Tink Puddah est absolument sublime. Bien que la Terre soit son pays d’adoption Tink semble avoir une relation privilégiée avec la vie qui l’entoure… sous toutes ses formes.

Vous l’aurez aisément compris, La vie secrète et remarquable de Tink Puddah est un ouvrage que l’on ne peut pas se permettre de louper. De par son originalité et sa plume, Nick DiChario nous emmène dans l’Amérique profonde avec son lot de superstitions et de préjugés. Un incontournable à faire trôner rapidement dans sa bibliothèque !

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TRANCHE d´ÂGE :