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Chronique : Les archives des collines chantantes – Tome 1 – L’impératrice du sel et de la fortune

Une superbe novella de fantasy asiatique qui nous conte l’Histoire et le destin d’un royaume au travers de ses objets. Epuré, stratège et surprenant, ce premier opus séduit en quelques pages à peine…

L’ouvrage avait remporté le Prix Hugo du meilleur roman court en 2021, le voici enfin en France sous le beau et mystérieux titre L’impératrice du Sel et de la Fortune. Son autrice, Nghi Vo, est américaine, il s’agit de son premier ouvrage publié en France.
A l’occasion de la parution de cette nouveauté, L’Atalante a mis les petits plats dans les grands en proposant deux versions différentes de l’ouvrage : une normale, et une autre collector avec couverture reliée, texture peau de pêche et signet en tissu inséré dans la reliure. Un écrin tout à fait à la hauteur du contenu.

Le destin d’une impératrice venue d’ailleurs

Au travers d’un dialogue entre deux personnages que rien ne lie, nous découvrons peu à peu la vie et le destin de l’impératrice du Sel et de la Fortune. Chaque chapitre s’ouvre à nous lors de la présentation d’un objet particulier qui apporte son lot d’histoire et de révélations sur qui était l’impératrice et les sacrifices qu’elle a fait pour son peuple. Mais au fil des chapitres, on sent se profiler autre chose que l’histoire officielle…

Tout en subtilité et en beauté

Voilà longtemps que je n’avais pas lu un texte aussi atypique et beau tout à la fois. C’est le genre d’ouvrage que l’on commence sans réellement savoir où il va nous mener, mais qu’une fois fini, on veut relire encore et encore. Sa mythologie semble simple en apparence, mais il n’en est rien, de même pour les très nombreux enjeux et symboles sous-jacents. Chaque mot est pesé, chaque objet choisi avec soin. Tout n’est pas dit, il vous faudra vous approprier cette lecture et mener de vous-même votre propre investigation… Et encore, il ne s’agit que du premier tome. Je gage que les titres suivants seront au moins aussi captivants et oniriques que ce premier opus !

Et que dire des nombreuses scènes marquantes et touchantes de cet ouvrage ? Elles sont nombreuses, et c’est en cela que je trouve cet ouvrage remarquable. Le texte fait à peine plus de cent pages, et pourtant il a réussit à m’entraîner dans des légendes créées de toutes pièces que j’avais envie d’écouter, de découvrir et même de m’y abreuver. Je voulais percer les mystères de cette impératrice maline et secrète qui n’est pas ce qu’elle semble être.

Impossible d’en dire plus car c’est le genre d’ouvrage qui se découvre réellement par la lecture, avec un univers qui s’infuse lentement. Ce premier tome est ainsi une vraie belle découverte et j’ose espérer que les suites arriverons relativement rapidement ! Au total, ce sont cinq tomes qui sont prévus, avec des couvertures tout aussi magnifiques que ce premier opus, toutes signées Alyssa Winans.

AUTEUR :
GENRE : Fantasy, LGBTQIA+
EDITEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Les étincelles invisibles

Un magnifique ouvrage qui nous parle sorcellerie au Moyen-âge et autisme à notre époque, le tout porté par une héroïne atypique et attachante comme rarement.

Magnifique ouvrage d’Elle McNicoll à paraître, voici Les étincelles invisibles. Un roman qui parle de différence, d’autisme et de chasse aux sorcières (au propre comme au figuré).
Elle McNicoll est une autrice écossaise, l’histoire de son roman se réfère à sa propre vie et expérience puisqu’elle est elle-même autiste. Voilà pourquoi elle en parle aussi bien… ! Son roman Les étincelles invisibles à été nominé pour la renommée Médaille Carnegie, et elle a gagné quantité de prix avec cet ouvrage : Waterstones Children’s Book Prize ou encore le Blue Peter Book Award. Une écrivaine de talent est née, c’est certain !

Bienvenue à Juniper, petite ville écossaise pleine de charme… au passé qui l’est moins.

Addie est une jeune autiste qui vit à Juniper, en Ecosse. Depuis qu’elle a appris en cours que des supposées sorcières avaient été tuées par les habitants de Juniper il y a des siècles, elle essaye de faire lever un monument à leur mémoire. Pourquoi ? Tout simplement car ces femmes devaient être différentes, atypiques, et à l’époque on pouvait être accusée de sorcellerie pour un détail, une différence minime.

Addie étant elle-même différente (ou neuroatypique), elle se met parfaitement à la place de ces femmes injustement ostracisées, et tuées. Pour elle, ce combat est une évidence et va lui permettre de faire entendre sa voix, mais si cela n’est pas toujours compatible avec l’autisme : prise de parole en public, aller à la rencontre des gens, subir une pression monumentale, aller contre sa nature parfois renfermée…

Cet ouvrage est une ode à la différence et au courage qui permet d’aller au-delà de ses limites.

Le portrait d’une jeune fille immédiatement attachante

Dire que j’ai aimé cet ouvrage n’est pas assez fort. Je l’ai vécu et adoré en très peu de pages. Je me suis mise à la place d’Addie avec passion, au point de ressentir les injustices avec la même force qu’elle.

Les étincelles invisibles est un roman merveilleux. Oui, il parle d’autisme, mais c’est à la fois le sujet central sans l’être. Le thème est surtout celui de la différence aux autres. Le fait de se sentir en marge ou légèrement à côté du monde dans lequel on évolue. C’est le cas d’Addie et de sa grande sœur toutes deux autistes. C’est le cas de ces femmes injustement tuées pour sorcelleries qui devaient être différentes à leur manière…

J’ai rarement lu d’ouvrage sur l’autisme aussi bien traité. Il y a bien entendu Le bizarre incident du chien pendant la nuit, devenu un classique sur le sujet. Il y a également l’ouvrage La disparition de mon cousin Salim qui était fort réussit dans cette thématique. Mais avec Les étincelles invisibles, je n’ai pas été simple spectatrice, j’ai vécu avec Addie les différentes épreuves qu’elle va traverser. Je ne saurais vous expliquer pourquoi, mais j’ai trouvé cette lecture immersive et captivante.

Si vous êtes à la recherche d’un livre touchant et original, Les étincelles invisibles devrait vous combler. L’autrice étant elle-même autiste, cela explique le réalisme criant de l’ouvrage. Quand on voit les épreuves que la jeune Addie traverse au quotidien, on ne peux qu’être admiratif. Ce qui semble normal pour nous, neurotypiques, est une véritable épreuves pour les personnes différentes.
Par exemple, Addie adore les requins, à tel point qu’elle veut tout savoir sur eux, mais dès qu’elle essaye de partager sa passion on la regarde bizarrement. De même en classe, elle est mise à l’écart par certains de ses camarades car jugée trop différente. Même sa professeure censée la protéger participe à sa mise à l’écart par des remarques désagréables et l’accuse de recopier sur ses voisins lors des contrôles…

Alors quand Addie prend son courage à deux mains pour faire entendre l’injustice qui a sévit à Juniper il y a plusieurs siècles, c’est aller contre son naturel, et c’est beau.

Lire Les étincelles invisibles c’est donc s’ouvrir à la différence. Découvrir qu’il n’y a pas de normalité unique mais bien des quantité de façon d’être soi. Je ne saurais donc que trop vous conseiller ce roman et j’espère que L’école des Loisirs sortira les autres ouvrages de l’autrice !

Chronique : Pachinko

Un roman-fleuve qui nous conte l’histoire de coréens forcés de quitter leur patrie pour le Japon dans les années années 20. Un pan fascinant et totalement méconnu de l’histoire.

Premier roman de l’autrice coréano-américaine Min Jen Lee à paraître en France, Pachinko est publié par Charleston en début d’année 2021.
L’ouvrage a connu un très beau succès et a même été finaliste du National Book Award en 2017. Pachinko est traduit dans 25 langues et est en cours d’adaptation pour le cinéma.

Bienvenue dans un petit village de Corée…

La vie est difficile pour beaucoup de gens en Corée dans les années 20. La jeune Sunja et sa famille ne font pas exception, et tous les membres de sa famille redoublent d’ardeur pour s’en sortir au mieux.
Tout est à l’économie, à l’examen de la moindre dépense qui pourrait faire basculer dans le cercle de l’endettement le ménage modeste. Mais tout va basculer pour Sunja le jour où elle va s’éprendre d’un riche japonais faisant des escales régulières en Corée. Elle découvre quelque temps plus tard qu’elle est enceinte… Et comme dans toute culture à cette époque, être enceinte et sans mari est plus que mal vu, c’est jeter l’oprobe tout entière sur sa famille.

C’est ainsi que la vie de Sunja et de toute sa descendance jusqu’à la fin des années 80 va nous être contée.

Un pavé passionnant

Ouvrir Pachinko, c’est découvrir tant de choses que je ne pourrais pas toutes vous les mentionner. Mais une chose est certaine, ça se dévore. Le cheminement personnel et familial de Sunja et de tous ses descendants est passionnant. Et en filigrane, l’histoire de la Corée et du Japon, deux pays aux relations très complexes.

L’ouvrage fait six-cent pages, et pourtant on ne les voit pas défiler. Ainsi, ce sont plus de soixante ans d’histoire qui nous sont offert au travers de tranches de vies.

Certains membres de la famille de Sunja sont plus charismatiques que d’autres, je pense notamment aux enfants de cette dernière : Noa et Mozasu. Leur parcours de vie va être incroyable et vous captivera comme rarement. Entre Noa qui adore les livres et qui ne pourrait vivre que de lecture et d’eau fraîche et son frère Mozasu qui ne sait pas pour quoi il est fait mais use parfois trop de ses muscles, ce n’est pas évident.
Tous deux sont extrêmement attachants à leur façon… je les ai vraiment aimé. J’ai été heureuse et triste avec eux dans toutes les phases importantes de leur vie, et plus encore !

Découvrir cette vie d’une famille coréenne installée au Japon, c’est également ouvrir les yeux sur l’énorme tension qui réside au Japon entre les deux peuples. Les coréens installés au pays du soleil levant doivent montrer patte blanche de quantité de façons différentes.
Et même si un enfant est né au Japon de parents coréens, il n’est pas reconnu par l’État et reste apatride.
Ni coréen car n’ayant jamais vu ni connu son pays d’origine, ni japonais alors qu’il parle la langue comme n’importe autre enfant, le cas de Noa et Mozasu concerne des milliers d’enfants. Perdus entre deux cultures, se considérant comme japonais mais non reconnus comme tels par le pays qui les a vu naître. Cette fracture va créer de nombreuses blessures visibles encore des décennies plus tard…

Et ce sujet des enfants ballotés entre deux cultures n’est pas le seul objet de ce roman, il y a quantité d’autres bouts d’Histoire et phénomènes de sociétés qui sont recensés dans Pachinko. D’ailleurs, pourquoi un tel titre pour ce livre ? Le pachinko est un type de machine à sous très prisé au Japon. Travailler dans un pachinko est mal vu au Japon (en tout cas à l’époque où se déroule le roman entre les années 60/80) et ce sont au final souvent des coréens qui travaillent dans ce milieu.
Et là encore il y a beaucoup à dire sur l’image qu’à le Japon de ses enfants nés d’expatriés sur son propre sol…

Vous l’aurez compris, ce roman fut pour moi une belle et poignante découverte. Ses personnages sont empreints d’un réalisme tel qu’ils existent au travers des pages…

Empli d’émotion et terriblement passionnant, Pachinko est un bout d’Histoire à découvrir avec curiosité et exaltation !

Chronique : Scott est mort

Une glaciologue et son équipe sont en Antarctique, planchant sur le travail de toute une vie, mais une tempête approche et les empêche de forer… l’occasion de repenser au passé, de se souvenirs de ce que l’on a mal fait, même si il est trop tard pour réparer car… Scott est mort. 

D’origine allemande, Anne von Canal est une autrice peu connue en France. Avec Scott est mort, il s’agit de son second ouvrage. Auparavant, elle avait sorti le roman Ni terre ni mer, également aux éditions Slatkine & Cie.

Une tempête se prépare…

Hanna, glaciologue de son état, est avec une équipe très réduite pour réaliser la consécration d’un travail de toute une vie pour elle et ses collègues. La tension est palpable, et chacun a tout intérêt à ne pas faire de vagues… car 24h/24 avec des collègues est un exercice difficile. Surtout quand les conditions climatiques sont extrêmes…

C’est dans ce climat glacial et ce lieu hostile à l’homme qu’Hanna apprend une terrible nouvelle : Scott est mort. Qui était Scott ? Un amour perdu ? Non. Une amie très chère à Hanna… Sa mort va faire ressurgir en elle de nombreux souvenirs d’enfance et d’adolescence avec en fil rouge leur but commun : explorer ensemble l’Antarctique comme Roald Amundsen et Robert Falcon Scott en leur temps…

Une ode à l’enfance et l’innocence perdue

Bien que déstabilisant par moments, Scott est mort est un texte qui a su me plaire, sinon me toucher. En effet, Hanna est une femme de caractère, qui s’est battue des décennies entières pour en arriver à cette mission de forage… mais elle n’a pas réussit à atteindre son rêve avec sa meilleure amie Fido, surnommée Scott. Ce nom de Scott lui a été donné suite à leurs jeux où elles se refaisaient encore et encore les plus grands moment de la conquête de l’Antarctique par l’homme. Hanna faisait Amundsen, et Fido, Scott. Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire de ces grands explorateurs du début du XXème siècle, je vous propose de vous reporter sur wikipédia (nombreux liens en fin d’article). Mais pour faire bref, dans la course au Pôle Sud, Amundsen a gagné… mais Scott est mort sur le chemin du retour avec toute son équipe. Ainsi, apprendre pour Hanna cette mort prématurée d’une amie a quelque chose de particulier quand on connaît son surnom et tout le sens qu’il y a derrière…

C’est ainsi que l’on vogue entre les différents forages de la calotte glaciaire et les très nombreux souvenirs d’enfance d’Hanna. Parfois, c’est un peu brouillon et on mélange les différentes époques des souvenirs, mais rien d’insurmontable.

Le seul point un peu noir de ce roman, c’est qu’il laisse un vrai goût d’inachevé, à l’image de la relation étrange qu’on eue Hanna et Fido. Cela est très certainement voulu de la part de l’autrice, nous n’avons pas toutes les réponses sur Fido et pourquoi elle a coupé les ponts aussi abruptement avec Hanna. Mais j’aurais aimé en savoir un peu plus, avoir au moins un début d’explication.

Plus que pour son intrigue, c’est avant tout pour son ambiance qu’il faut lire Scott est mort. J’aurais d’ailleurs apprécié qu’il y ait plus de développement sur le travail d’Hanna et de son équipe. On voit très bien que le décor est posé, on s’imagine tout de suite là-bas, mais on apprend très peu sur leur travail et les enjeux qui vont avec.

Voici donc un roman agréable à lire bien que parfois nébuleux. Vous aurez une histoire simple (un peu trop ?), fluide, qui a le mérite de se dérouler dans un cadre original. Sympathique même si peu mémorable…

Pour aller plus loin :

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Chronique jeunesse – Le gardien des tempêtes – Tome 1

Une magie celtique, des bougies aux pouvoirs insoupçonnés et de nombreux secrets de famille… le tout concentré en un seul endroit : l’île d’Arranmore.

Premier roman de Catherine Doyle à paraître en France; Le gardien des tempêtes est également le premier tome d’une série. Pour le moment, la série compte deux tomes dans sa langue originale. L’ouvrage est paru aux éditions Bayard en octobre 2019.

Un exil forcé sur une petite île irlandaise

Fionn et sa soeur Tara sont obligés par leur mère à aller vivre pour quelque temps chez leur grand-père, sur l’île d’Arranomre. Dès leur arrivée, des choses étranges se passent, et à chaque fois que Fionn essaye d’en savoir plus, il se fait méchamment rebuter par sa grande sœur. Elle semble savoir des choses, mais ne lui dévoile rien… Quand son grand-père commence à lui parler des légendes liées à l’île, Fionn comprend à peu que de nombreux enjeux entourent l’île et ses habitants…

Tout pour fonctionner, mais rien pour captiver…

C’est dommage, mais c’est mon ressenti général sur ce roman. L’histoire a beau être intéressante et assez originale (de la magie avec des souvenirs insérés dans des bougies, une très bonne idée !), ça n’a pas pris. Pourquoi ? Je ne saurais le dire, mais j’ai trouvé l’alchimie entre les personnages peu réussie. Ils sont tous facilement identifiables cependant, ce n’est pas de la faute de l’autrice, qui a très bien dépeint chacun d’entre eux.

Non, cela réside peut-être dans la façon de dérouler son intrigue, mais j’ai trouvé tout cela assez ennuyeux… Dès quelques chapitres, on comprend qui va être un danger pour Fionn et sa famille, qui va lui révéler des choses sur son passé, etc.

Évidemment, quand on est dans le lectorat cible de ce genre de roman (environ 10 ans), on ne verras pas les choses ainsi, et c’est tout à fait normal. Cependant, je n’ai pas trouvé que l’ouvrage assez loin dans son intrigue et son univers.

J’aurais aimé découvrir plus de spécificités quant à la culture irlandaise (bon, ils boivent beaucoup de thé dans le roman, mais c’est tout !), de même sur les légendes celtes…

Ainsi, la seule originalité plaisante réside dans ce système magique qui use des bougies qu’on allume pour revivre des souvenirs. Ainsi, le grand-père de Fionn possède-t-il des centaines de bougies correspondant à tout autant d’époques, de rencontres, de personnes…

En somme Le gardiens des tempêtes n’est pas un mauvais roman, mais il en existe tant d’autres dans le même style qu’il ne laisse aucun souvenir après sa lecture. Et c’est peut-être pire que de ne pas avoir aimé un ouvrage : l’oublier aussitôt qu’il est terminé.

Cette chronique a été rédigée initalement pour le website ActuSF.

La couverture du second tome de Gardiens des Tempêtes, pas encore paru en France : The Lost Tide warriors.

Chronique : Les étoiles s’éteignent à l’aube

Un magnifique roman qui vous fera voyager en pleine nature et découvrir l’histoire d’une relation père/fils touchante et unique.

 Initialement paru aux éditions Zoé en 2016, Les étoiles s’éteignent à l’aube est un roman qui avait bénéficié d’un beau bouche-à-oreille. Fort de ce succès, l’ouvrage est ensuite paru il y a quelques mois aux éditions 10/18.

Depuis, un autre ouvrage de Richard Wagamese est paru chez Zoé : Jeu blanc. Richard Wagamese était l’un des écrivains primo-canadiens les plus connus, il est mort en 2017 à l’âge de 61 ans.

Un père absent qui demande une ultime faveur à un fils qu’il n’a presque pas connu

Un matin, Franklin Starlight est appelé au chevet de son père : il n’est pas encore mort, mais à une ultime volonté, et seul son fils peut l’accomplir. Lui qui a eu une vie décousue, remplie de boisson, de mauvaises décisions et d’actes manqués… il désire malgré tout mourir honorablement.

Et pour se faire, il demande à son fils de l’emmener dans les montagnes, où il veut que sa dépouille repose. C’est ainsi qu’un ultime voyage commence pour le père et le fis, un périple qui va leur permettre d’enfin faire connaissance et de peut-être commencer à s’aimer… avant la fin.

Un roman lent, mais lourd de sens

Si vous cherchez un roman où l’action est le maître mot, passez votre chemin. Cependant, si vous souhaitez tout simplement lire une belle histoire (quel que soit son rythme et sa dynamique), vous avez l’ouvrage parfait.

Entre nature writing, et roman sur l’amour filial et ses difficultés à l’exprimer, Les étoiles s’éteignent à l’aube est un roman très touchant car il sonne terriblement juste. Plus on avance dans l’histoire, et plus on s’y plonge avec facilité.

Chaque étape du voyage du père et de son fils nous apporte une nouvelle histoire/confession du père, qui a beaucoup à se pardonner. Ses problèmes récurrents avec l’alcool notamment, mais pas seulement…

Le personnage du fils, quasiment mutique, ne manque pourtant pas de grandeur. Il est d’un charisme fort, on sent que cet homme en devenir (ce n’est encore qu’un adolescent) sera quelqu’un sur qui compter, et il le prouve.

Personnellement, c’est l’ultime histoire du père qui m’a beaucoup touchée. Quand enfin son fils ose s’ouvrir un peu à lui, c’est un flot de confessions qui nous arrive… Dont une en particulier. C’est aussi beau que triste, mais impossible de rester indifférent face à ce relationnel si particulier qui s’installe.

J’ai beaucoup aimé la traduction du titre livre, même si elle diffère de l’original. En V.O, le livre s’intitule Medicine Walk. En français, le titre est plus long, mais d’une grande poésie – et symbolique. Car il ne faut pas oublier le nom des deux protagonistes principaux : Starlight (soit lumière des étoiles).

Autre étrangeté bienvenue, la façon qu’à Richard Wagamese de présenter ses personnages. Il n’invoque que rarement leurs prénoms, mais plutôt leur statut : « le fils », « le vieil homme »… ce qui les rend encore plus prégnants, vivants.

…..

C’est donc un roman émouvant et unique qui vous est ici offert. Si vous cherchez à être touché par une belle histoire, si un retour aux sources ne vous fait pas peur et si le besoin de grands espaces est vital pour vous, ce roman sera idéal. Marquant.

Pour la fin d’année 2018, les éditions 10/18 ont créé une édition spéciale du roman Les étoiles s’éteignent à l’aube. Elle brille à certains endroits et le reste est réalisé avec un papier mat et plus rigide qu’à l’accoutumée.

 

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Chronique Jeunesse : Mémé Dusa

Mémé DusaSi votre famille vous cache votre grand-mère depuis de nombreuses années, c’est qu’il y a anguille sous roche… ou plutôt serpent !

Anne Schmauch, auteur jeunesse de son état, arrive dans la collection Pépix de Sarbacane avec Mémé Dusa ! Et pour illustrer le tout, l’illustratrice Katherine Ferrier est là également (c’est elle qui dessine les bd Hôtel étrange !).

Mémé Dusa, c’est l’histoire d’Hélène et de son grand frère Hector qui vont ENFIN rencontrer leur grand-mère durant les vacances… Mais il semblerait qu’elle ne soit pas très commode… et c’est le moins que l’on puisse dire !

Famille et mythologie ne font pas bon ménage

Quand ils prennent le train pour aller voir leurs grands-parents pendant les vacances, Hector et Hélène ne se doutent pas une seule seconde de tout ce qu’ils vont vivre. Personne à part eux ne pourra prétendre avoir passé pareilles vacances… Et pour cause, c’est en pleine Grèce Antique que nos deux héros vont débarquer ! Épopée mythique et folle garantie !

Mémé Dusa insideInattendu et fun !

A peine commencée, l’aventure nous prend pour nous emmener loin dans l’imagination d’Anne Schmauch et ne nous lâche plus. Vous croiserez pêle-mêle : Cerbère, Ulysse, un cyclope, Charon, Hadès… et autres personnages emblématiques de la mythologie grecque.

Tout cela sans oublier la fameuse grand-mère de nos deux héros : Mémé Dusa. Avouons que l’on peut décerner une mention spéciale pour la trouvaille du titre dont le jeu de mots est parfait (la couverture colle également à merveille).

En lisant ce nouveau Pépix, vous découvrirez la mythologie sous un jour inédit… et c’est ainsi que l’on découvre qu’Ulysse est un superbe lâche/menteur/manipulateur ! Et évidemment, Mémé Dusa est également un personnage de choix aux goûts pour le moins particuliers : outre l’art de la sculpture, elle adore les pizzas quatre fromages !

L’ambiance générale de l’ouvrage est top : on se sent tout de suite happé par l’histoire. Les dialogues sont amenés naturellement, de même que les très nombreuses vannes mutuelles entre Hélène et Hector.

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En somme, Mémé Dusa est un bon petit Pépix comme on les aime. Il recèle tous les éléments d’un bon roman jeunesse, et le tout fonctionne très bien. On pourrait se prendre à rêver d’un Pépix similaire avec la mythologie égyptienne… ce serait génial ! En tout cas, l’idée est là, et on la verrait bien déclinée dans le futur à d’autres mythes et légendes…

On espère donc revoir le duo Anne Schmauch/Katherine Ferrier pour de nouvelles aventures… épiques !

Chronique Jeunesse : Un Noël d’enfant au Pays de Galles

Un noël d'enfant au Pays de GallesUn ouvrage qui rend nostalgique des Noëls d’antan… que vous les ayez connus ou non !

Si vous ne connaissez pas l’auteur et poète Dylan Thomas, vous risquez de tomber sous le charme de sa prose accessible et douce. Les éditions Gallimard publient pour la toute première fois l’un de ses écrits en jeunesse : Un Noël d’enfant au Pays de Galles. L’ouvrage est au Royaume-Unis un véritable classique aussi connu et incontournable qu’Un chant de Noël de Dickens.

Dylan Thomas n’est pas connu dans le monde de la jeunesse, mais chez les adultes, il a fait de nombreux ouvrages : Portrait de l’artiste en jeune chien, Au bois lacté

Du côté de l’illustration, nous retrouvons le talentueux Peter Bailey (il a notamment illustré des romans de Michael Morpurgo). Tout l’esprit british est là, entre ses coups de crayon, c’est un véritable plaisir des yeux…

Un noël d'enfant au Pays de Galles inside 2De la neige, du temps, des amis et de la famille

Bienvenue dans l’Angleterre de Dylan Thomas ; traditionnelle, douce et recelant mille trésors. Les maisons et les murets sont en brique, le tout est recouvert d’une magnifique neige immaculée. Des enfants jouent à lancer des boules de neige sur les chats, le facteur passe, une mère appelle ses enfants pour le repas…

Ce sont des scènes de la vie quotidienne de l’Angleterre traditionnelle que nous dépeint ici Dylan Thomas. Ce sont les bonheurs simples de l’enfance et de tout ce qui rend Noël si beau et si particulier. Ses chants, les oncles et les tantes invités que l’on ne voit quasiment jamais… et ce sont aussi les cigarettes… en chocolat !

Un noël d'enfant au Pays de Galles insideUne Angleterre rêvée

Lire la prose de Dylan Thomas, c’est s’autoriser à rêver à ces Noëls que l’on lit dans les romans victoriens, que l’on voit dans certains films nostalgiques également. Attention, il s’agit bien ici de poésie et non pas d’un roman. Il n’y a certes pas de rimes, mais le format rencontré ici est bien celui de poèmes.

Un Noël ressemblait tant à l’autre,

ces années-là du côté de la ville maritime,

tellement silencieux hormis le son distant

des voix que j’entends encore parfois avant

le sommeil, que je ne me rappelle jamais s’il a

neigé pendant six jours et six nuits lorsque j’avais

douze ans ou s’il a neigé pendant douze jour

et douze nuits lorsque j’en avais six

Mais le texte du Dylan Thomas ne serait pas si réussi et efficace si il n’y avait pas les sublimes illustrations de Peter Bailey. Elles sont justes parfaites pour cet ouvrage ; entre douceur et malice, sans oublier de belles couleurs vives et gaies pleines de détails !

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Je suis vraiment tombée amoureuse de cet ouvrage aussi bien pour son texte que pour ses illustrations qui ont une importance égale à mes yeux. C’est à la fois drôle et doux, sans oublier une petite pointe de taquinerie, notamment quand les gamins font croire aux adultes qu’ils fument (alors qu’il s’agit de cigarettes en chocolat !).

Saluons également le bel effort qui a été réalisé en termes de finitions par les éditions Gallimard Jeunesse. Le livre possède une belle couverture cartonnée avec un verni sélectif. En bref, c’est un bel objet à offrir ou à s’offrir et il fera très bien dans une bibliothèque ou au pied du sapin…

Un noël d'enfant au Pays de Galles inside 3

Chronique : Le Passeur

Le passeurVingt ans avant même que le terme « dystopie » n’existe, le passeur était déjà écrit. Un récit initiatique empreint de valeurs et de bon sens à un point extrême.

Si on ne devait citer Lois Lowry que pour un seul de ses romans, ce serait certainement Le Passeur que l’on évoquerait en premier lieu. Paru aux Etats-Unis en 1993 sous le titre The Giver, ce roman destiné à la jeunesse n’a pas pris une seule ride : tous les objets qui y sont évoqués sont intemporels, sans aucun marqueur de temps dans le récit. Le passeur possède cette incroyable force d’être aussi actuel maintenant que dans 20 ans encore…

Le succès de ce récit ne s’est pas démenti en vingt ans d’existence : toujours régulièrement prescrit dans les écoles (américaines, anglaises mais aussi françaises), grand Lauréat de la Newbery Medal… c’est maintenant au cinéma que l’œuvre vient d’être adaptée (sortie le 29 octobre prochain en salles).

Enfin, sachez que Le Passeur n’est qu’un seul titre sur les quatre du cycle Le Quatuor. En France, le tout dernier sort en octobre sous le titre : Le Fils. Il est la suite directe du Passeur et dire qu’il est attendu est un doux euphémisme. Les deux autres volumes du cycle sont totalement indépendants en termes de chronologie et de personnages mais ils se déroulent dans le même univers, il s’agit de Messager et de L’élue.

Le passeur gf tie inUn monde parfait où la vie et ses saveurs sont aseptisés

 Dans le monde de Jonas, tout est pareil : les maisons, la nourriture, l’enfance…. Tout le monde vit dans l’égalité la plus totale. Ce monde ne laisse pas place à la spontanéité, qui est synonyme de danger. Dès la plus tendre enfance, chacun apprend à être précis dans les mots qu’il emploie afin de ne blesser personne, d’être le plus compréhensible possible. Il est interdit de poser des questions personnelles, de même que se vanter est répréhensible.

Tous sont surveillés, sous le regard bienveillant des Sages. Ce sont eux qui passent des messages audio dans la ville quand un vélo est mal garé dans la rue ou si quelqu’un ne respecte pas les règles de courtoisie élémentaires. Les personnes qui sont trop âgées ou les nouveau-nés inadaptés à cette société parfaite sont « élargis ». Enfin, le mensonge est prohibé, de même que les sentiments dans leur ensemble…

L’heure des affectations à sonné

Quand débute le récit, nous suivons les pas de Jonas, un onze-ans comme les autres. Il est très excité à l’idée qu’il saura dans quelques jours quel métier lui a été attribué. En effet, devenir un douze-ans implique de commencer à être formé pour son futur métier.

Le travail de chacun est déterminé par les Sages, qui observent les enfants dès leur plus jeune âge afin de déterminer dans quel domaine ils s’épanouiront le mieux.  Mais ce que Jonas ignore encore, c’est que son profil le destine à un métier unique au sein de sa communauté…

Le passeur vo the giverUne dystopie avant l’heure

A l’heure où les récits d’anticipation sont la grande mode littéraire, Lois Lowry avait au moins vingt ans d’avance sur son temps. En effet, à la lecture du Passeur, on retrouve tous ces ingrédients qui font les sociétés totalitaires du futur : prohibition des sentiments, avenir imposé, mariage sous réserve de compatibilité, l’uniformisation de la société pour le bien collectif…

A la lecture de récits tels que Promise, Divergent, La Cité de l’ombre, Le Tourneur de page ou encore Birth Marked pour ne citer qu’eux, il apparaît clairement que Le Passeur a largement contribué à créer les bases du genre.

Des idées fortes de leur simplicité, c’est ce que propose Lois Lowry avec succès. Impossible de ne pas se sentir happé par l’intrigue et le fonctionnement de cette étrange communauté. Tout n’est que détails, tous importants par la suite.

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Le passeur vo the giver gift editionLes tenants et aboutissants sont au final simples et terriblement efficaces, mais impossible de développer plus l’intrigue sans en dévoiler trop. Je vous laisse donc ici, au tout début de l’histoire, quand Jonas ne sait pas encore ce qui l’attend.

Sachez simplement que le passé est le plus grand trésor de notre culture, et qu’il faut en prendre soin… Les sentiments ne sont pas une honte, ils sont là pour nous rappeler que nous sommes vivants. Et les couleurs… elles sont belles et on ne se rend pas compte à quel point elles sont précieuses. Jonas, lui, le sait.

Chronique : Les Autodafeurs – Tome 1 – Mon frère est un gardien

Les Autodafeurs 01Quand l’information devient l’arme la plus puissante qui existe… gare aux sociétés secrètes !

Tout premier roman de Marine Carteron, le premier roman des Autodafeurs vient de sortir en librairie en mai dernier aux éditions du Rouergue dans la collection Doado. Société secrètes, aventure à deux cent à l’heure et révélations sont au rendez-vous pour un premier tome explosif et drôle !

Tout commence mal

Quand débute le roman, nous assistons impuissants à la mort du père de nos deux jeunes héros, qui était archiviste. Sa mort, déguisée en accident n’est connue que de nous lecteurs, la police à quant à elle conclu à un accident. Mais Césarine, 7ans, sait que ça n’a rien d’un simple accident… d’autant qu’un faux policier est venu à la maison voler des plans dans le bureau de leur père ! Personne ne l’a écoutée pourtant… et ce n’est pas son « idiot » de frère qui va l’aider, du moins le pense-t-elle.

Le grand frère de Césarine s’appelle Auguste, il a 14 ans et est parfois un peu trop sûr de lui. Insouciant, parfois un peu futile mais terriblement drôle, le jeune homme reçoit la nouvelle de la mort de son père comme un coup de massue. Mais rapidement, Auguste doit reprendre ses esprits et suggère une idée pour requinquer sa mère et sa sœur : retourner à la Commanderie (il s’agit de leur lieu de vacances) et y vivre de façon permanente avec leurs grands-parents.

L’idée a le mérite de remonter ne serait-ce qu’un peu le moral de la famille qui a besoin de se serrer les coudes en ces temps difficiles. Mais le déménagement à la Commanderie implique de s’intégrer dans un nouvel établissement pour Césarine et Auguste. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les événements s’acharnent sur Auguste à un tel point qu’on est en droit de se demander si il n’y a pas un complot qui se trame derrière tout cela…

Les Autodafeurs CésarineDes personnages atypiques et une narration qui l’est tout autant

Auguste et Césarine sont les deux personnages qui nous narrent leurs aventures. Auguste prend plus souvent la parole que sa petite sœur, mais c’est elle qui a la plume la plus intéressante. Et oui… il y a une chose que j’ai oublié de vous dire, Césarine est autiste : elle a une mémoire photographique, dit toujours ce qu’elle pense et a une peur-panique des inconnus, seuls les chiffres la rassure. Elle est méthodique, observatrice et extrêmement logique, trop pour le commun des mortels, ce qui rend sa narration d’une précision diabolique. Auguste la compare d’ailleurs au célèbre personnage du film Rainman.

Pour ce qui est de l’écriture d’Auguste, elle est décontractée et fait référence à une foule d’éléments culturels biens de notre époque. Ainsi arrive-t-il à faire une analogie entre l’émission Koh-Lanta et le regard de sa mère… je vous laisse voir comment ! Mais comme sa mère est professeur d’histoire, il arrive également que ses références ne soient compréhensibles que de lui seul…

Quand action rime avec machination

Cette nouvelle série est aussi détonante que surprenante : entre le roman d’action et le récit à suspense il est impossible de ne pas accrocher à l’écriture et à l’intrigue que nous a concocté Marine Carteron ! Ce roman sera parfait pour les lecteurs et lectrices dès l’âge de 12 ans. Vous aimez les complots ? Les histoires mêlant les templiers ? Vous serez servis en ce qui concerne coups tordus, antiques secrets et autres joyeusetés ! Le mélange entre sujets extrêmement sérieux et scènes emplies d’humour est savamment pesé.

Ainsi, les dialogues savoureux et l’écriture de nos deux héros achèveront de vous convaincre de la qualité de ce tout premier roman…

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Les autodafeurs 02En conclusion, ce premier tome est plus qu’efficace, il décoiffe et se dévore ! On a hâte d’en savoir plus sur ces fameux Autodafeurs (référence aux autodafés), car pour le moment nous n’avons effleuré que la surface du complot.

Chroniques annexes :