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Chronique YA : D.R.U.G.S.

Quand l’addiction médicamenteuse détruit des vies et des familles entières. Un roman YA à charge qui dénonce un tabou américain au travers d’un prisme original… Et si l’Oxycodone, la Ritaline, le Sibutral et tant d’autres substances médicamenteuses addictives étaient en réalité des sortes de dieux dont le but est de vous entraîner dans les bas-fonds ?

On ne présente plus Neal Shusterman, l’auteur d’une de mes sagas YA favorites (La Faucheuse) et auteur d’une œuvre atypique et inclassable autant qu’elle est sombre. Son dernier roman en date D.R.U.G.S., coécrit avec son fils Jarrod n’y échappe pas. Encore une fois c’est malin, et ça dénonce au passage un des plus grands scandales sanitaires des U.S.A. qui a toujours cours actuellement… l’abus de médicaments qui conduit à de terribles addictions.

David Joy, autre auteur américain en a fait l’un des sujets principaux de son livre Nos vies en flammes ainsi qu’un article journalistique dans la revue America. Nombreuses sont les personnalité publiques à dénoncer ce fait de société qui reste à l’heure d’aujourd’hui grandement impuni pour les coupables qui se frottent les mains…

Mais je digresse, D.R.U.G.S. est donc un roman pour ados, oui, il dénonce un drame de société typiquement américain, mais d’une façon si originale que l’on ne peux qu’être captivé par l’histoire d’Isaac et de sa sœur Ivy.

Deux vies vie au destin encore incertain, mais sous de bons auspices

Isaac est un jeune homme plein d’ambition. Il est bon élève à l’école, mais il est clairement dépendant de ses performances sportives s’il veut pouvoir intégrer l’université de ses rêves. Sa soeur Ivy quant à elle serait bonne élève si elle n’avait pas de troubles de l’attention qui la font constamment papillonner. Elle a bien des médicaments, mais ne les prends jamais. Elle préfère trainer avec ses amis peu recommandables qui fument et qui boivent à longueur de temps…

Mais un jour, leur destin va basculer. Isaac a un accident lors d’un match et se voit contraint de prendre des antidouleurs puissants pour supporter les séquelles de sa blessure. Quant à Ivy, elle décide de reprendre sa vie en main et de tout faire pour réussir ses études. Elle reprend donc son médicament contre les troubles de l’attention… Et peu à peu, chacun va s’enfoncer dans la douce moiteur de l’engourdissement médicamenteux. La dose normal ne va plus leur suffire, et l’addiction se profile… Vont-ils s’en rendre compte avant qu’il ne soit trop tard ? Ou leur entourage ?

Un roman brillant à dévorer comme un polar

Évidemment, la première chose que l’on a envie de savoir, c’est si Ivy et Isaac vont s’en sortir. Mais il y a encore plus important, c’est comment ? Par quels moyens ? C’est là qu’entre en jeu le génie des Shusterman : les médicaments et drogues de notre monde ne sont pas que des substances, ce sont des dieux qui n’ont qu’un seul but, qu’on les déifie jusqu’à la mort. Qu’on les honore en les (sur)consommant. Qu’on aime qu’eux pour toujours et à jamais, même si on doit tout y laisser.

Ainsi, vous n’aurez pas seulement les narrations du point de vue d’Isaac et Ivy, mais également celles de ROXY (comprendre Oxycodone) et d’Addison (ici Adderall). Et à partir de là, rien ne va plus. Impossible de prédir ce qu’il va pouvoir se passer pour l’un ou l’autre, d’autant que Roxy est un personnage très versatile et passionnant, elle n’a pas l’air si dangereuse, juste perdue.

J’ai adoré ce roman du début à la fin. Pour son sujet si délicat, pour ses personnages criants de vérités, pour son originalité dans la façon de dénoncé un système gangrené qui lasse ce genre de choses arriver quotidiennement.

J’ai adoré aussi les messages cachés à chaque début de chapitre. Il y a à chaque fois des lettres en gras, elle disent autre chose que ce qu’annonce le chapitre. C’est très malin, et peu à peu, ce double-sens va prendre une ampleur à faire froid dans le dos. Bravo pour ce coup de génie.

Ainsi, oui, D.R.U.G.S. est un véritable coup de cœur, une belle claque littéraire. Le sujet n’est pas aussi accrocheur que dans la Faucheuse, et pourtant, on touche encore une fois aux mêmes thématiques : la vie, la mort, le pouvoir… des thématiques si chères à Neal Shusterman. C’est pour moi une réussite totale que ce roman, que je vous conseille de découvrir (et de faire découvrir) dès l’âge de 15 ans.

Chronique : La Faucheuse – Tome 1

Ce roman destiné aux adolescents n’est ni plus ni moins qu’une révélation. Neal Shusterman nous avait déjà habitué à d’excellents romans, mais avec La Faucheuse il atteint son paroxysme. Tout est mythique dans ce livre : l’intrigue, le système imaginé, les personnages, les répliques… UN GRAND MOMENT DE LA LITTÉRATURE DE L’IMAGINAIRE (ados, ou non).

Neal Shusterman est un auteur que j’adore depuis de très nombreuses années. Sa saga Les fragmentés avait été pour moi une révélation. C’était beau, fort, marquant… Je ne pensais pas que cet auteur réussirait à réitérer l’exploit, et c’est pourtant ce qu’il a fait avec La Faucheuse

Le glanage, une nouvelle façon de mourir pour remplacer la mort naturelle

L’homme a défié la nature. Il ne peut plus mourir, se rajeunissant régulièrement. Les grands-parents ont à nouveau des enfants, parfois en même temps que les leurs, devenus grands. La technologie a supplanté tous les problèmes liés à la mortalité. Le suicide n’existe plus, les accidents mortels non plus… l’homme a éradiqué la mort.

Mais ce bénéfice incroyable pour l’humanité a ses travers : la population mondiale est bien trop importante du point de vue des ressources. La planète à ses limites, et malgré la gestion parfaite de l’IA surpuissante qu’est le Thunderhead, il est nécessaire de limiter la population humaine. Le concept de mort n’existant plus, il y a désormais le glanage.

Seuls les Faucheurs sont habilités à glaner. Pour se faire, ils doivent respecter de nombreux quotas, être totalement impartiaux, ne jamais pencher vers quelque idéal que ce soit…

Un exercice difficile, c’est pour cela que le recrutement des faucheurs est extrêmement pointu. Comme vous allez le voir pour Citra et Rowen, deux adolescents qui n’ont rien demandé et qui n’ont absolument pas souhaité être apprenti-Faucheurs : ça tombe bien, c’est le premier critère pour en devenir un. Mais il n’y a qu’une seule place de Faucheur à prendre… Et si ils prenaient goût à leur apprentissage ?

Une TUERIE

C’est le premier mot qui me vient à l’esprit pour décrire La Faucheuse. Ce roman est d’une telle densité, d’une telle intelligence, que les superlatifs manquent. C’est fin, malin, les dialogues sont d’une justesse inouïe…

Et dès le début, on est pris par la scène d’ouverture. Elle est d’une sobriété et d’une violence extrêmement percutante. C’est paradoxal, mais c’est l’image exacte que m’ont donnée les premières pages de ce roman totalement inclassable.

Les deux apprentis-faucheurs, Citra et Rowan sont géniaux. Extrêmement attachants, terriblement influençables et pourtant si déterminés, ils sont un concentré de fragilité et de force.  Chacune de leurs réflexions, buts, sont terriblement humains, même dans les pires situations. Mais il y a encore mieux qu’eux : Maître Faraday. Sa droiture et son dévouement pour son travail en fait un modèle pour ses pairs. Il manie les armes tout comme sa langue avec dextérité… C’est l’un de mes personnages préférés.

Tout au long de ce roman de plus de 500 pages (que l’on ne voit pas défiler), nous découvrons les différent « types » de Faucheurs, et comment donner la mort peut devenir un art… Certains y excellent, d’autres n’y voient qu’un moyen d’assouvir des travers malsain. Car les Faucheurs ont un code d’honneur, et il est très intéressant. Vous aurez tout le roman pour découvrir les différents « courants de pensées » des Faucheurs.

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Mélangeant philosophie, réflexion, action, suspense, La Faucheuse est un roman qui détonne à tous les niveaux. Parfait pour ceux qui souhaitent s’attacher comme jamais à des personnages charismatiques que l’on a envie de suivre jusqu’à la mort…

Chronique : Les Fragmentés – Tome 1

Les fragmentés 01Écrite par l’écrivain américain Neal Shusterman, la série les Fragmentés rencontre un incroyable succès aux Etats-Unis sous le titre original Unwind. En France, c’est la collection MSK (collection ado des éditions du Masque) qui publie ce texte, les droits ont étés achetés avant même que la collection existe, tant il a marqué la directrice de la collection, Maÿlis de Lajugie.

Une première édition du tome un a vu le jour en 2008, puis l’ouvrage est paru au format poche en mai 2013. Mais à l’occasion de la sortie du second tome en France, l’éditeur a vu les choses en grand en rééditant le premier tome sous un grand-format très esthétique pour faire un bel effet collection.

Enfin, pour en finir avec les bonnes nouvelles, sachez que la série est déjà prévue pour être portée à l’écran ! Alors pour savoir ce que raconte cette série d’anticipation captivante, c’est par ici…

Le futur, à une époque indéterminée, mais pas si loitaine…

 L’avenir : suite à une lutte acharnée entre les Pro-vie et les Pro-choix est née la fragmentation, une étape permettant d’amener un être à un état divisé, tout en le laissant techniquement en vie à travers plusieurs personnes. En effet, la fragmentation permet d’utiliser 100% de l’être humain sans le tuer et a supprimé les pénuries d’organes.

Mais où trouve-t-on ces fameux organes ? Qui sont les donneurs ? Il s’agit d’adolescents âgés entre treize et dix-huit ans, dont les parents ont décidé pour diverses raisons de signer un ordre de fragmentation. Une fois l’ordre signé, impossible de faire marche arrière : l’adolescent est voué à la fragmentation… Mais les Pro-vie sont ravis du compromis, car il est impossible d’attenter à la vie d’un enfant de sa conception jusqu’à ses treize ans, à lui donc de faire ses « preuves ».

Mais il arrive que certains s’en sortent et deviennent des déserteurs, c’est le cas d’un des héros de ce roman, Connor, qui va tout faire pour rester en vie, et cela dans un état non divisé !

Cependant, cette lutte pour la survie ne va pas aller sans heurts, et surtout, le parcours de Connor va devenir quelque chose de bien plus grand que lui. Et c’est sans compter sur ceux qu’il entraine dans son sillage… notamment Risa et Lev eux aussi voués à être fragmentés.

Les fragmentés 01 UnwindExtraordinairement dense et documenté

L’univers futuriste et cruel que Neal Shusterman met en place est d’une implacable efficacité dès les premières lignes. Haletant, captivant, le récit est d’une cohérence extrême, ne laissant pas de doutes ou de questions planer. Et bien que l’on ne connaisse pas tout le passif des camps Pro-vie et Pro-choix qui a amené à cette terrible ère, on en comprend malgré tout les terribles enjeux.

Chaque chapitre est centré sur un personnage en particulier : Connor, Risa ou encore Lev dont l’histoire et les motivations sont bien différentes. Le personnage de Lev en particulier, que l’on pourrait croire plat au début du récit devient au final l’un des plus intéressant. En effet, le jeune homme est destiné à la fragmentation depuis sa naissance pour des raisons religieuses : on appelle cela la décimation. Mais son cheminement vers Dieu va vite se transformer en un tout autre pèlerinage…

Outre des personnages absolument mémorables et charismatiques, on se retrouve dans un récit empli d’adrénaline, où chaque instant et détails comptent, y compris dans l’urgence.

La plus belle réussite de ce roman est certainement l’émotion que réussit à nous communiquer Neal Shusterman, créant des situations aussi tragiques que magnifiques à travers ses personnages. Je pense notamment aux quelques chapitres où nous rencontrons le personnage mystérieux de CyFy. L’émotion qui transparaît dans la dernière scène où il fait son apparition est d’une ampleur rarement lue dans un texte.

De même, la fragmentation, cette fameuse étape dont personne ne sait vraiment en quoi elle consiste, nous allons pouvoir y assister, et là aussi difficile de ne pas se sentir concerné par les souffrances des personnages.

Les fragmentés 01 Unwind2Vif, instinctif, parfois violent, les Fragmentés est un roman à part dans tous les récits young-adult qui fleurissent dans le paysage éditorial. Un ouvrage à lire avec délectation, fougue, et surtout éxaltation. Un chef-d’œuvre pour redécouvrir le genre de l’anticipation dans toute sa force, et cela à tout âge.

Si vous voulez découvrir un imaginaire aussi riche que percutant, laissez-vous tenter par les Fragmentés, personnellement, je suis conquise ! En route directement vers le second tome !

PS : Ne devant être qu’une trilogie à l’origine, la série comptera au final quatre volumes aux Etats-Unis. L’éditeur américain trouvant le troisième tome beaucoup trop gros et ayant préféré le diviser en deux. Le troisième tome vient d’ailleurs de sortir le 15 octobre dernier, le quatrième est prévu pour courant 2014.