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Chronique jeunesse : Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte

Un roman jeunesse touchant et malin qui décortique avec malice les mécanismes de l’écriture…

Annet Huizing est une autrice néerlandaise, Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte fut un succès dans son pays d’origine. L’ouvrage est paru chez Syros en 2016.

Avoir une célèbre romancière pour voisine… et amie

Nous voici dans le quotidien d’une jeune fille prénomée Katinka. Elle vient d’avoir 13 ans, et depuis quelque temps, une idée la taraude… elle aimerait écrire un roman. Mais elle ne sait pas comment s’y prendre n’y même si elle a quelque chose d’assez intéressant à raconter. C’est ainsi que grâce à son amitié avec Lidwine, une célèbre autrice qui vit près de chez elle, la jeune fille va découvrir les ficelles du métier. Car oui, pour être écrivain, il faut certes du talent, mais également beaucoup de travail…

Une ode au partage et à l’entraide

Ce roman est un super moment de lecture à découvrir, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la narratrice, Katinka, va découvrir comme nous lecteur, les ficelles de ce qui fait un roman. Par exemple, avez-vous déjà entendu parler de la phrase « Show, don’t tell » ? Elle résume à elle seule une caractéristique très importante dans un roman : ne pas dire qu’un personnage est triste ou déprimé, mais le montrer par un air abattu ou une voix éteinte par exemple. Laisser une liberté d’interprétation et de ressenti au lecteur sera beaucoup plus fort que si on lui écrit directement : ce personnage est triste.

C’est ainsi que par quantité de petites et grandes astuces, Katinka va se découvrir l’âme d’une écrivaine. Et au final, on va se rendre compte qu’elle a énormément de choses à raconter et à dire… Car au premier abord, malgré la perte de sa maman très jeune, on pourrait croire qu’elle est un personnage assez lisse. Mais elle nous surprend peu à peu par ses réflexions et sa profondeur. Comment accepter une autre femme dans le foyer même si on l’aime ? Pourquoi est-ce si difficile de dire ce que l’on ressent ? Comment ne pas blesser les autres tout en restant honnête avec soi-même ?

Je trouve que ce roman est parfait pour celles et ceux qui ont entre 12 et 15 ans et qui aimeraient écrire. Ce roman regorge de très nombreuses astuces d’écrivain, tout cela mis au service d’une histoire belle, simple et touchante. On comprend aisément pourquoi ce roman a séduit les lecteurs.ices hollandais, il contient tous les ingrédients d’une bonne histoire !

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Chronique : Renversante

Un livre qui devrait être lu par le plus grand nombre, et cela quel que soit l’âge ! Renversante frise le génie par sa façon d’amener les choses tout en subtilité…

Roman de Florence Hinckel paru en 2019, Renversante est à découvrir absolument par les jeunes lecteurs. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il bouscule les codes usuels de notre société. Imaginez un monde matriarcal où l’inégalité des chances entre filles et garçons est flagrante… C’est le monde de Renversante, c’est magnifiquement mené, tout en subtilité et bonnes idées, et il n’y a pas d’âge pour découvrir ce roman indispensable.

Rose ou bleu ?

Bienvenue dans le monde de Renversante où les hommes s’occupent des enfants depuis des temps immémoriaux, où le féminin l’emporte sur le masculin en conjugaisons et où les postes à responsabilité sont presque exclusivement occupés par des femmes. Vous l’aurez compris, l’univers de Renversante, c’est notre société en miroir : les hommes sont le sexe faibles et les femmes dominent le monde depuis toujours sur tous les plans de pouvoirs…

C’est dans ce monde déstabilisant mais très instructif que vivent Léa et Tom, ils sont sœur et frère et vont peut à peu remettre en question leur société et ses injustices (parfois criantes).

Un roman jeunesse d’une profondeur et d’une subtilité rares

Il ne paie pas de mine, il n’est pas bien épais, mais il vous surprendra je vous en fait la promesse. Renversante est un roman accessible dès l’âge de 9 ans environ mais pourrait bien être lu par tous et toutes.
C’est vraiment notre société en miroir que Florence Hinckel nous montre. Et le fait d’inverser les rôles accentue profondément le sentiments d’injustice.

C’est terrible à dire, mais ce que l’on considère comme « normal » ou du moins « habituel » pour nous les femmes devient terriblement choquant et injuste en voyant les rôles inversés. On est si peu habitué à voir un garçon molesté par ce qu’il est un garçon que ça choque, alors que quand c’est une fille…
C’est en cela que Florence Hinckel réussit un beau tour de force :

– Eh bien, quand on est un garçon, on doit être conscient de ce qu’on suscite chez les femmes. Je déplore que votre père ne vous ait pas expliqué cela. Si vous portez une tenue aussi indécente dans la rue, il ne faudra pas vous étonner s’il vous arrive des bricoles, mon petit. Mais ici, dans mon établissement, il est de mon devoir de vous protéger, alors je vous demande de retourner chez vous pour vous rhabiller.

– Parce que sinon il pourrait m’arriver des « bricoles », comme vous dites, dans votre établissement ?

– Seulement si…

– Cela veut dire qu’il y a ici, dans notre école, des filles ou des femmes qui pourraient m’agresser ? Cela veut dire qu’il y a ici des monstresses qui ne savent pas maîtriser leurs pulsions, et que vous ne garantissez pas ma sécurité dans ma propre école ?

– Si bien sûr que si ! C’est juste que…

– Ah, je suis rassuré. Alors je peux m’habiller comme je veux !

J’ai trouvé ce dialogue magnifique, à utiliser comme arme dans bien des situations où l’on peut avoir des remarques déplacées/désagréables. Et cet extrait n’est qu’un seul exemple de quantité de bonnes idées que l’autrice à trouvé pour illustrer son propos. Elle défend la cause égalitaire avec brio : sans rancœur, ni rage, uniquement de l’intellect et de la logique.

On appréciera également les débuts de chapitres tous illustrés par Clothilde Delacroix. Ils montrent de façon succincte les nombreux dysfonctionnements de cette société matriarcale (en somme la notre). De même, les grands personnages de la littérature ont été féminisés pour l’occasion avec : Astéria & Obéline, Indira Jones ou encore Jamie Bond.

Je vous suggère donc fortement de vous plonger dans ce court roman qui pourra fortement faire réfléchir les jeunes lecteurs ET lectrices. On y parle dictature sexiste chez les Schtroumpfs ou encore test de Bechdel et rien que pour ça, c’est génial. Et surtout, c’est parfait pour ouvrir une discussion sur le sujet du sexisme et des inégalités avec les enfants dès neuf ans !