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Chronique : L’œil de Chaac

L'oeil de ChaacLes légendes Mayas sont dangereuses et cruelles… et ceux qui y croient encore plus.

Premier roman de l’auteur française Emma Lanero, L’oeil de Chaac est paru en février dernier aux éditions Gulf Stream dans l’excellente (et détonante) collection Électrogène. L’histoire est celle d’une quête autour d’un objet étrange et mystique qui date de l’ère des Mayas sinon plus… Mêlant fantastique, légendes et réalisme âpre, cette lecture est aussi inclassable qu’originale.

Des destins liés malgré eux autour d’un objet aux pouvoirs effrayants

Un jeune irlandais tombé dans la délinquance, une jeune femme tatouée sur l’intégralité de son corps qui possède une aura mystique, un chercheur spécialisé dans le passé des Mayas, un barman qui tien son échoppe modeste en pleine jungle…

Mais qu’ont-ils tous en commun ? Rien à priori, mais pourtant, quelque chose d’étrange et de singulier va les réunir : la sphère. Il semblerait que ce soit Chaac, (le dieu de la pluie chez les Mayas) qui l’ait envoyée sur Terre dans un but bien précis… Il est question de catastrophes naturelles, de notre humanité décadente et de son devenir, et aussi d’un long voyage pour éprouver sa valeur au travers d’épreuves…

Une aventure pleine d’action… et de mysticisme

Dans cette histoire, les personnages ne sont pas nécessairement attachants, mais singuliers. Uniques par leur passé marqué, à nul autre pareil à cause de leurs caractéristiques rares. Ici, vous ne suivrez pas de héros charismatiques, mais juste des hommes et des femmes ayant eu la « chance » d’entrevoir autre chose, de percevoir que tout n’est pas fait de ce que l’on voit…

L’histoire est quant à elle très classique, mais son traitement lui, l’est beaucoup moins. ici, on découvre la misère d’un pays, le symbolisme d’un peuple disparu (que l’on aurait aimé découvrir bien plus au travers de cette histoire). Rien n’est édulcoré, tout est vrai, vif, violent. Les symboliques y sont nombreuses, je suis d’ailleurs persuadées que j’ai dû en louper certaines qui m’auraient aidée à comprendre mieux le parcours de chacun. J’aime l’idée qu’il y ait des messages cachés et une sémiologie dense dans un ouvrage…

L’écriture à beau être facile d’accès, elle est toutefois lente, lourde, à l’image de la chape de plomb qui sévit dans les pays du sud tels que le Guatemala ou le Venezuela, où se déroule l’intrigue. On se sent pris dans une torpeur étrange, une lenteur hypnotique même parfois.

C’est assez paradoxal, surtout quand on constate que l’ouvrage se lit au final assez vite, mais j’ai pris mon temps pour le lire. Je ne pense pas que L’oeil de Chaac fasse partie de ces romans qui se dévorent, mais plutôt de ceux qui se découvrent peu à peu, d’où cette perception de lenteur tirée  de cette expérience de lecture.

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C’est un ouvrage à conseiller à ceux qui veulent découvrir une autre littérature (ado ou non). Une lecture moins facile qu’à l’accoutumée, plus creusée et qui n’est pas là pour nécessairement plaire au lecteur, mais pour lui faire vivre une expérience de lecture différente.

L’oeil de Chaac est ainsi une lecture totalement inclassable, très instructive (on apprend une foule de choses, mais on aurait aimé en apprendre encore bien plus !) aux personnages forts et à l’action vibrante. Parfait pour le dépaysement et la découverte totale. Une chose est certaine, ça ne plaira pas à tout le monde, mais ça vaut la peine de tenter l’expérience. Dès 15 ans minimum.

Chronique : Cleer, une fantasy corporate

Cleer (une fantasy corporate)Un roman d’une nébuleuse clarté

Cleer est un roman qui avait fait parler de lui dans le petit monde de la science-fiction française à sa sortie en 2010. A la fois fascinant et étrange, urbain et fantastique, ce texte aux multiples facettes est difficile à cerner. Paru chez Lunes d’Encre en grand format, l’édition de poche est quant à elle sortie chez Folio SF en mars dernier, comme les autres titres de l’écrivain.

Son auteur, Laurent Kloetzer et sa femme Laure ont notamment écrit ensemble l’Anamnèse de Lady Star (Lunes d’Encre) qui vient de paraître en avril dernier. Docteur en psychologie et consultant, Lautent Kloetzer noue à la fois sa passion pour l’anticipation et ses connaissances professionnelles pour nous offrir le portrait d’une entreprise qui engloutit tout sur son passage.

L’image corporate avant l’humain

Cleer est une superpuissance économique, elle touche à tous les domaines, tous les secteurs d’activité et englobe même des marchés dont on ignore tout. Cleer est immense, omniprésente et donne l’image d’une entreprise tentaculaire et inébranlable. Et c’est le cas. Mais si il y a bien une chose à laquelle on peut s’attaquer, c’est son image et la façon dont le monde la perçoit.

Ainsi, pour protéger ses intérêts et son image, Cleer possède un service bien spécial où travaillent la jeune et prometteuse Charlotte ainsi que l’ambitieux Vinh. Ce duo peu probable mais complémentaire va devoir affronter des problématiques bien différentes, mettant toutes d’une façon ou d’une autre le doigt sur un disfonctionnement de l’entreprise. A eux de résoudre les problèmes sous peine de remettre en question leur carrière au sein du groupe… mais est-ce seulement cela qui est en jeu ?

Suicides en chaîne dans un centre d’appels, mutations génétiques dans des champs, ou encore trafics dans une usine… les missions seront nombreuses.

CleerUn roman complexe et exigeant

Autant l’annoncer d’emblée, Cleer est un texte à l’écriture assurée et fluide, mais pas aisément accessible. Trop de non-dits, de symboliques à élucider pour prendre un réel plaisir à la lecture. Les différentes enquêtes que traitent Vinh et Charlotte sont de plus en plus étranges et mènent le lecteur à un point de non-retour où il devient difficile de suivre l’auteur dans son cheminement.

La première moitié du roman est très plaisante, on apprend à découvrir l’univers froid et cruel du monde en entreprise et ses pressions. La relation ambigüe qu’entretiennent nos deux protagoniste, entre attirance et aversion est également fort bien nourrie par leur dialogues, leur comportements.

Mais la seconde moitié du roman nous amène au cœur de ce qu’est réellement Cleer : quelque chose de plus grand encore que ce que l’on croyait. Une entreprise qui mène ai cieux ou tout droit en enfer…

On arrive alors à des scènes nébuleuses, peu compréhensibles qui dissipent le plaisir premier de la première partie, même si cela reste volontaire de la part de l’auteur. En effet, les voies de Cleer sont impénétrables….

cleer-barelogoEn conclusion, Cleer est un roman qui tranche définitivement avec l’idée que l’on pourrait se faire de la science-fiction. A la fois roman psychologique teinté d’un côté aseptisé propres aux grandes institutions déshumanisées, on en sort changé et déstabilisé.

Une chose est certaine, il s’agit là d’un texte de qualité, mais difficile d’accès par son manque de précision et d’explications (voulues par l’auteur), à réserver à ceux qui n’ont pas peur de se perdre dans les méandres de la superpuissance qu’est Cleer (logo de l’entreprise ci-dessous)…

Cet article a été chroniqué pour le site ActuSF.

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